Les Guérêts en fleurs/34

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Éditions Édouard Garand (p. 133-134).

DÉSILLUSION


Longeant d’un ruisseau sinueux
La rive aux multiples méandres,
J’ai vu des fleurs frêles et tendres,
Dont le cœur était tout aveux.

C’étaient des marguerites blanches
Comme tu les aimes, je sais…
Prêt à les cueillir, je pensais
À de lointains et gais dimanches.

Si, leur demandant le secret
De ton amour caché, me dis-je…
Elles répondaient ; quel prodige !
L’espoir détruirait le regret… !

J’en cueillis donc ; une entre toutes
Était si belle que j’osai
— Je m’en souviens, c’était en mai —
L’effeuiller le cœur plein de doutes.


Et quand parvenu jusqu’au bout
À dompter mon attente amère,
La petite fleur éphémère
Dit : « Un peu… beaucoup… pas du tout… ! »

Je sentis au fond de moi-même
Une indescriptible rancœur ;
Hélas ! c’était mon pauvre cœur
Qui, torturé jusqu’à l’extrême,

Agonisait noyé de pleurs.
Depuis, jamais plus je ne cueille
Bonheurs en route, ni n’effeuille
Ingénument de frêles fleurs.

Qu’importe ! ces peines affreuses… !
Peut-être que d’autres amours
Renaîtront pour moi quelques jours ;
Femmes et fleurs sont si trompeuses… !