Les Heures claires, 1896/16

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chez l’Éditeur Edm. Deman (p. 37-38).


Je noie en tes deux yeux mon âme toute entière

Et l’élan fou de cette âme éperdue,
Pour que, plongée en leur douceur et leur prière,
Plus claire et mieux trempée, elle me soit rendue.

S’unir pour épurer son être,
Comme deux vitraux d’or en une même abside
Croisent leurs feux différemment lucides

Et se pénètrent !
Je suis parfois si lourd, si las,

D’être celui qui ne sait pas
Être parfait, comme il se veut !
Mon cœur se bat contre ses vœux,
Mon cœur dont les plantes mauvaises,
Entre des rocs d’entêtement,
Dressent, sournoisement,
Leurs fleurs d’encre ou de braise ;
Mon cœur si faux, si vrai, selon les jours,
Mon cœur contradictoire,
Mon cœur exagéré toujours

De joie immense ou de crainte attentatoire.