Les Heures claires, 1896/3
Apparence
chez l’Éditeur Edm. Deman, (p. 11-12).
Ce chapiteau barbare, où des monstres se tordent,
Soudés entre eux, à coups de griffes et de dents,
En un tumulte fou de sang, de cris ardents,
De blessures et de gueules qui s’entre-mordent,
C’était moi-même, avant que tu fusses la mienne,
Ô toi la neuve, ô toi l’ancienne !
Qui vins à moi des loins d’éternité,
Je sens en toi les mêmes choses très profondes
Qu’en moi-même dormir
Et notre soif de souvenir
Boire l’écho, où nos passés se correspondent.
Nos yeux ont dû pleurer aux mêmes heures,
Sans le savoir, pendant l’enfance :
Avoir mêmes effrois, mêmes bonheurs,
Mêmes éclairs de confiance :
Car je te suis lié par l’inconnu
Qui me fixait, jadis au fond des avenues
Par où passait ma vie aventurière,
Et, certes, si j’avais regardé mieux,
J’aurais pu voir s’ouvrir tes yeux