Les Histoires de Jean-Marie Cabidoulin/Chapitre XV

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XV

Dénouement


En quelle partie de la mer arctique le Saint-Enoch avait-il été entraîné depuis le moment où il s’était détaché de l’écueil, c’est-à-dire depuis vingt-quatre heures environ ?…

À la levée du brouillard, M. Bourcart avait observé que son navire se dirigeait vers le nord-nord-ouest. S’il ne s’était point écarté de cette direction à la sortie du détroit de Behring, ses compagnons et lui pourraient peut-être rallier la terre ferme en se portant vers le littoral de la Sibérie ou les îles avoisinantes. Le rapatriement s’effectuerait alors moins péniblement qu’à travers les interminables espaces de l’Alaska américaine.

La nuit était arrivée, — une nuit obscure et glaciale, avec un froid de dix degrés centigrades au-dessous de zéro.

La collision avait été assez violente pour que les bas mâts du navire se fussent rompus en même temps que se défonçait sa coque.

Ce fut un miracle si personne ne fut grièvement blessé — quelques contusions seulement. Les hommes, projetés contre les bastingages purent prendre pied sur le champ de glace, où M. Bourcart et les officiers les rejoignirent aussitôt.

Il n’y avait plus qu’à attendre le jour. Toutefois, au lieu de rester au plein air pendant de longues heures, mieux valait remonter à bord. Aussi le capitaine en donna-t-il l’ordre. S’il n’était possible de faire du feu ni dans le carré ni dans le poste presque entièrement démolis, du moins l’équipage y trouverait abri contre les rafales de neige qui se déchaînaient avec fureur.

Dès l’aube, M. Bourcart aviserait aux mesures qu’il conviendrait d’adopter.

Le Saint-Enoch s’était redressé en heurtant la base de la banquise. Mais quelles avaries irréparables !… Coque ouverte en plusieurs endroits au-dessous de la ligne de flottaison, pont défoncé ou disjoint, cloisons disloquées. Cependant, les officiers purent s’installer à l’intérieur de la dunette tant bien que mal, les matelots dans la cale et dans le poste.

Tel avait été le dénouement de cette situation, en ce qui concernait du moins le phénomène provoqué par un irrésistible mouvement du seuil océanique entre le cinquantième et le soixante dixième parallèle.

Maintenant, qu’allaient devenir les naufragés du Saint-Enoch et du Repton.

M. Bourcart et le second avaient pu retrouver leurs cartes au milieu des débris du carré. Éclairés par la lueur d’un fanal, ils cherchaient à établir la position du Saint-Enoch :

« C’est depuis le soir du 22 jusqu’au soir du 23 octobre, dit M. Bourcart, que cette lame l’a emporté vers le nord-ouest de la mer polaire…

— Et avec une vitesse qu’on ne peut pas estimer à moins de quarante lieues à l’heure !… répondit M. Heurtaux.

— Aussi, déclara le capitaine, je ne serais pas surpris que nous eussions atteint les parages de la terre de Wrangel. »

Si M. Bourcart ne faisait point erreur, si la banquise s’appuyait sur cette terre voisine de la côte sibérienne, il n’y aurait qu’à traverser le détroit de Long pour gagner le pays des Tchouktchis, dont la pointe la plus avancée sur l’océan Glacial est le cap Nord. Mais peut-être était-il regrettable que le Saint-Enoch n’eût pas été rejeté plus à l’ouest sur l’archipel de la Nouvelle-Sibérie. À l’embouchure de la Léna, le rapatriement aurait pu s’accomplir dans des conditions meilleures, et les bourgades ne manquent pas en cette région des Yacoutes que traverse le cercle polaire.

À tout prendre, la situation n’était pas désespérée. Les naufragés n’étaient pas sans avoir des chances de salut. Il est vrai, que de fatigues, que de privations, que de misères !… Cheminer pendant des centaines de milles sur ces ice-fields, sans abri, exposés à toutes les rigueurs de ce climat dans la saison hivernale !… Et encore fallait-il que le détroit de Long fût solidifié par le froid dans toute sa largeur pour permettre d’atteindre la côte sibérienne.

« Le plus grand malheur, fit observer M. Heurtaux, est que les avaries du Saint-Enoch ne soient pas réparables !… Il eût été possible de creuser un canal à travers le champ de glaces, et notre navire aurait pu reprendre la mer…

— Et, ajouta M. Bourcart, nous n’avons pas même une seule embarcation !… En construire avec les débris du Saint-Enoch, pouvant contenir une cinquantaine d’hommes, y parviendrons-nous, les vivres ne nous manqueraient-ils pas avant qu’elles eussent été achevées ?… »

Le jour reparut, et c’est à peine si le soleil montra son disque blafard, sans chaleur, presque sans lumière, au-dessus de l’horizon.

L’ice-field se développait à perte de vue vers l’ouest et vers l’est. Au sud s’ouvrait ce détroit de Long, encombré de glaçons, dont l’hiver allait faire une surface ininterrompue jusqu’au littoral asiatique. Il est vrai, tant que ces parages ne seraient pas pris sur toute leur étendue, M. Bourcart et ses compagnons ne pourraient les franchir pour gagner le continent.

Tous quittèrent le bord et le capitaine fit procéder à la visite du Saint-Enoch.

Il n’y eut à se faire aucune illusion. Coque écrasée contre la banquise, varangues fracassées, membrures rompues, bordages largués, quille détachée au talon, gouvernail démonté, étambot faussé, autant d’avaries impossibles à réparer, ainsi que le déclarèrent, après examen, le charpentier Férut et le forgeron Thomas.

Il n’y aurait donc à choisir qu’entre deux partis :

Ou se mettre en route le jour même, en se chargeant de tout ce qui restait de vivres, et remonter à l’ouest, vers cette partie de la mer peut-être prise par les glaces jusqu’au littoral sous l’influence du courant polaire.

Ou établir un campement au pied de la banquise et l’occuper en attendant que le passage du détroit de Long devînt praticable à des piétons.

Le pour et le contre se rencontraient dans ces deux projets. En tous cas, il ne pouvait être question d’hiverner à cette place jusqu’au retour de la saison chaude. En admettant que l’on parvînt à creuser une retraite dans le soubassement de la banquise, ainsi que l’ont fait quelques baleiniers, comment vivre pendant sept à huit mois encore ?… Ne point oublier qu’il s’agissait de nourrir cinquante-six hommes, dont l’alimentation n’était assurée que pendant une quinzaine de jours, — trois semaines au plus, même en se réduisant au strict nécessaire. Compter sur la chasse ou la pêche eût été trop incertain. Puis, comment organiser le chauffage, si ce n’est en brûlant les débris du navire ?… Et après que deviendraient les naufragés ?…

Quant à l’arrivée d’un bâtiment en vue de la banquise, les deux tiers de l’année s’écouleraient avant que ces parages redevinssent navigables !…

Le capitaine Bourcart prit donc la résolution de partir dès que serait achevée la construction de traîneaux, auxquels, à défaut de chiens, s’attelleraient les hommes.

Il convient de dire que ce projet, adopté par l’équipage du Saint-Enoch, le fut également et sans discussion par le personnel du Repton.

Peut-être, cependant, les Anglais eussent-ils préféré se mettre séparément en route. Mais, faute de vivres, ils ne l’auraient pu, et le capitaine Bourcart n’eût jamais consenti à leur en fournir dans ces conditions.

Et, d’ailleurs, les naufragés étaient-ils exactement fixés sur la position de l’ice-field ?… Avaient-ils la certitude de se trouver dans le voisinage de la terre de Wrangel ?… Aussi, lorsque le docteur Filhiol posa cette question au capitaine :

« Je ne puis vous répondre d’une façon positive… déclara M. Bourcart. Avec mes instruments, j’aurais su relever notre position, s’ils n’eussent été brisés… Je pense pourtant que cet ice-field doit être à proximité de la terre de Wrangel, à moins qu’il ne subisse l’action d’un courant qui porterait à l’ouest ou à l’est du détroit de Behring. »

L’hypothèse était plausible. Or, sans points de repère, comment reconnaître si le champ de glace était immobilisé ou s’il dérivait avec la banquise…

En effet, deux forts courants traversent ces parages. L’un vient du nord-ouest en contournant le cap Orient de la presqu’île des Tchouktschis, l’autre vient du nord pour se réunir au premier qui remonte le long de la côte alaskienne jusqu’à la pointe de Barrow.

Quoi qu’il en soit, le départ était décidé. Aussi, sur l’ordre du capitaine, maître Cabidoulin, le charpentier et le forgeron se mirent-ils à la besogne. Il s’agissait de construire trois traîneaux avec les planches et les espars retirés duSaint-Enoch, dont la coque continuerait à servir d’abri. Quant au combustible, dont il faudrait emporter le plus possible, les mâts et les vergues le fourniraient en abondance.

Ce travail devait durer trois jours, à la condition de ne pas perdre son temps. Les Anglais offrirent leurs services, et M. Bourcart comptait surtout y recourir pendant le cheminement. Ce ne serait pas trop de tous les bras pour enlever ces lourds traîneaux au cours d’un si long voyage.

Plusieurs fois, les deux capitaines, les lieutenants et le docteur Filhiol montèrent à la crête de la banquise, dont les pentes étaient assez praticables. De cette hauteur de trois cents pieds, le rayon de visibilité mesurait environ cinquante kilomètres. Aucune terre n’apparut dans le champ des longues-vues. En direction du sud, c’était toujours la mer charriant des glaces et non l’ice-field ininterrompu !… Il était à supposer que quelques semaines s’écouleraient encore avant que le détroit de Long fût pris sur toute son étendue… si c’était bien le détroit de Long qui s’ouvrait de ce côté…

Durant ces trois jours, le campement ne fut point troublé par la visite des ours blancs. Deux ou trois de ces animaux, qui ne laissent pas d’être redoutables, après s’être montrés entre les glaçons, se retirèrent dès qu’on voulut les poursuivre.

Enfin, à la date du 26 octobre, dans la soirée, la construction des traîneaux fut achevée. On les chargea des caisses de conserves, viandes, légumes et biscuits, d’une forte provision de bois, d’un paquet de voiles destinées à l’établissement de tentes, lorsque les tempêtes de neige rendraient le cheminement impossible.

Le lendemain, après une dernière nuit passée dans le poste et le carré, après un dernier repas à bord, M. Bourcart et ses compagnons, le capitaine King et les siens, se mirent en marche.

Ce départ ne se fit pas sans une vive émotion, sans un profond serrement de cœur !… Cette épave, qui avait été le Saint-Enoch, les yeux ne la quittèrent qu’au moment où elle disparut derrière les hauteurs de la banquise !…

Et comme maître Ollive, toujours plein de confiance, disait au tonnelier :

« Eh bien… vieux… on s’en tirera tout de même !… On reverra la jetée du Havre…

— Nous… qui sait ?… mais pas le Saint-Enoch ! », se contenta de répondre Jean-Marie Cabidoulin.

Il n’y a pas lieu de rapporter par le détail les incidents de ce voyage à la surface de l’ice-field. Le plus grand danger était que les vivres et le combustible vinssent à faire défaut si le cheminement venait à se prolonger.

La petite caravane marchait en ordre régulier. Les deux lieutenants tenaient la tête. Ils s’éloignaient parfois d’un ou deux milles afin de reconnaître la route, lorsque les blocs la barraient. Il fallait alors contourner de hauts ice-bergs, ce qui accroissait d’autant les étapes.

Quant à la température, elle oscillait entre vingt et trente degrés au-dessous de zéro, — moyenne ordinaire à cette latitude au début de la période hivernale.

Et les jours se succédaient, et au sud de l’ice-field se développait invariablement la mer, couverte de glaces flottantes. M. Bourcart observait, d’ailleurs, qu’un courant assez rapide entraînait ces glaces dans la direction de l’ouest, c’est-à-dire vers le détroit de Long, dont les traîneaux avaient déjà dû dépasser l’entrée occidentale. Au sud se développait probablement ce large bras de mer que bornent les îles Liakhov et l’archipel de la Nouvelle-Sibérie.

Au sujet des éventualités à prévoir, lorsqu’il en causait avec ses officiers, le capitaine Bourcart exprimait la crainte d’être obligé de remonter jusqu’à ces îles, que plusieurs centaines de milles séparent du continent asiatique. Or, c’est à peine si la caravane pouvait en faire une douzaine par vingt-quatre heures, dont douze étaient réservées au repos de la nuit. Et, même, comme les jours d’octobre sont de courte durée sous cette haute latitude, comme le soleil ne décrit au-dessus de l’horizon qu’une courbe de plus en plus rétrécie, c’était au milieu d’une demi-obscurité que le cheminement s’effectuait au prix de fatigues excessives.

Cependant ces hommes courageux ne se plaignaient pas. Il n’y avait rien à reprocher aux Anglais qui prenaient leur part du traînage. Lorsque M. Bourcart donnait le signal de halte, on formait des tentes au moyen de voiles disposées sur des espars, on distribuait la nourriture, on allumait le fourneau, on préparait quelque boisson chaude, grog ou café, et tous s’endormaient jusqu’au départ.

Mais quelles souffrances, lorsque les rafales se déchaînaient avec une violence inouïe, lorsque le chasse-neige balayait le champ de glace, lorsque la marche s’opérait à contre-vent au milieu d’une épaisse et aveuglante poussière blanche ! On ne se voyait pas à quelques mètres. La direction ne pouvait être relevée qu’à la boussole dont l’aiguille, affolée, ne donnait plus d’indications suffisantes. M. Bourcart, — et il ne l’avouait qu’à M. Heurtaux, — se sentait égaré à travers ces immenses solitudes… Il en était réduit à longer la lisière de l’ice-field que battaient les lames du large, au lieu de piquer droit au sud. Or, la mer s’étendait toujours de ce côté… Faudrait-il donc s’embarquer sur ces glaçons en dérive… s’en remettre au hasard pour atteindre la côte sibérienne ?… Non, à mesure que la température s’abaisserait, ces glaçons, pressés les uns contre les autres, finiraient par ne former qu’un champ solide de la surface du bassin polaire. Mais si des semaines s’écoulaient avant que la mer ne se fût solidifiée, les vivres, malgré toute l’économie qu’on apportait, le bois, dont la consommation se réduisait à la cuisson des aliments, ne manqueraient-ils pas ?…

Déjà plusieurs des novices étaient à bout de forces, et le docteur Filhiol les soignait de son mieux. Ah ! que de fatigues eussent été évitées si les traîneaux avaient eu un de ces attelages de chiens habitués aux plaines sibériennes ou kamtchadales ! Doués d’un merveilleux instinct, ces animaux savent s’orienter au milieu des tourbillons de neige, alors que leurs maîtres sont réduits à l’impuissance…

Enfin, on alla ainsi jusqu’au 19 novembre.

Vingt-quatre jours s’étaient écoulés depuis le départ. Il n’avait pas été possible de descendre vers le sud-ouest, là où M. Bourcart espérait rencontrer les points avancés du continent aux approches des îles Liakhov.

Les vivres étaient presque épuisés et, avant quarante-huit heures les naufragés n’auraient plus qu’à s’arrêter à leur dernier campement, à y attendre la plus horrible des morts !…

« Navire… navire !… »

Enfin ce cri, dans la matinée du 20 novembre, fut poussé par Romain Allotte, et à tous les regards apparut le bâtiment que le lieutenant venait de signaler.

C’était un trois-mâts-barque, un baleinier qui, toutes voiles dehors, par fraîche brise du nord-ouest, se dirigeait vers le détroit de Behring.

M. Bourcart et ses compagnons, abandonnant les traîneaux, retrouvèrent assez de forces pour courir vers la lisière de l’ice-field.

Là des signaux furent faits, des coups de fusil tirés…

Ils avaient été aperçus et entendus… Le bâtiment mit aussitôt en panne, et deux embarcations s’en détachèrent…

Une demi-heure après, les naufragés étaient à bord… sauvés par cette intervention, on peut dire providentielle.

Ce navire, le World de Belfast, capitaine Morris, après avoir terminé tardivement sa campagne de pêche, se rendait en Nouvelle-Zélande.

Inutile de dire que l’accueil réservé à l’équipage du Saint-Enoch comme à celui du Repton fut des plus généreux. Et, lorsque les deux capitaines racontèrent dans quelles extraordinaires circonstances s’étaient perdus leurs navires, il fallut pourtant bien les croire !

À un mois de là, le World débarquait à Dunedin les survivants de ce sinistre maritime.

Et alors, le capitaine King de dire au capitaine Bourcart en prenant congé :

« Vous nous avez recueillis à bord du Saint-Enoch, et je vous ai remercié…

— Comme nous remercions votre compatriote, le capitaine Morris, de nous avoir recueillis à bord du World…, répondit M. Bourcart.

— Aussi sommes-nous quittes… déclara l’Anglais.

— Comme il vous plaira…

— Bonsoir…

— Bonsoir ! »

Et ce fut tout.

Quant au kraken, kalmar, céphalopode, serpent de mer, selon qu’on voudra l’appeler, le World, en dépit des pronostics dont maître Cabidoulin continuait à ne point se montrer avare, fut assez heureux pour ne point le rencontrer pendant sa traversée de la mer polaire à la Nouvelle-Zélande. D’autre part, ni M. Bourcart ni ses compagnons ne l’aperçurent pendant leur traversée de la Nouvelle-Zélande en Europe. Les lieutenants Coquebert et Allotte se rendaient enfin compte que c’était une lame énorme, douée d’une incomparable vitesse, qui avait emporté le Saint-Enoch jusqu’à la banquise.

Quant à Jean-Marie Cabidoulin, avec la majorité de l’équipage il tenait toujours pour son prodigieux monstre marin…

En tout cas, il n’y a pas certitude que les océans renferment de tels animaux. Aussi, en attendant que les ichthyologistes aient constaté leur existence et décidé en quelle famille, quel genre, quelle espèce, il conviendra de les classer, mieux vaut reléguer ce qu’on en rapporte au rang des légendes.

Le capitaine Bourcart et ses compagnons rentrèrent donc au Havre. Cette fois, ce ne fut pas à bord de leur navire !

Cependant, grâce à la vente de la première cargaison à Victoria de Vancouver, la campagne donna des bénéfices, et, quant au Saint-Enoch, la perte en fut couverte par les assureurs. Mais les larmes venaient aux yeux du capitaine, lorsqu’il songeait à son pauvre bâtiment abandonné au pied de la banquise arctique !

En ce qui concerne maître Ollive et maître Cabidoulin, ils s’offrirent réciproquement les bouteilles de tafia et de rhum pariées, gagnées, perdues, au cours du voyage. Et, lorsque le premier dit au second :

« Eh bien… vieux… est-ce que tu y crois toujours ?…

— Si j’y crois… après ce qui nous est arrivé !…

— Ainsi, tu affirmes avoir vu la bête ?…

— Comme je te vois.

— Entends-tu par là que j’en sois une ?…

— Oui… puisque tu ne veux pas y croire !…

— Merci ! »

On le voit, le tonnelier n’a point changé d’opinion. Il persiste à admettre l’existence du monstre, et dans ses sempiternelles histoires revient sans cesse le récit des aventures du Saint-Enoch !…

Mais, qu’on en soit sûr, cette campagne aura été la dernière de Jean-Marie Cabidoulin.


Jules Verne.
FIN