Les Horloges (Verhaeren)
les Horloges
La nuit, dans le silence en noir de nos demeures,
Béquilles et bâtons, qui se cognent, là-bas,
Montant et dévalant les escaliers des heures —
Les horloges, avec leurs pas ;
Émaux naïfs derrière un verre, emblèmes
Et fleurs d’antan, chiffres et camaïeux,
Lunes des corridors vides et blêmes —
Les horloges, avec leurs yeux ;
Sons morts, notes de plomb, marteaux et limes,
Boutique en bois de mots sournois
Et le babil des secondes minimes —
Les horloges, avec leurs voix ;
Gaînes de chêne et bornes d’ombre,
Cercueils scellés dans le mur froid,
Vieux os du temps que grignotte le nombre —
Les horloges et leur effroi ;
Les horloges
Volontaires et vigilantes,
Pareilles aux vieilles servantes
Boitant de leurs sabots ou glissant sur leurs bas,
Les horloges que j’interroge
Serrent ma peur en leur compas.