Aller au contenu

Les Indes noires/Chapitre 7

La bibliothèque libre.
Hetzel (p. 47-58).

CHAPITRE VII

une expérience de simon ford.


Midi sonnait à la vieille horloge de bois de la salle, lorsque James Starr et ses deux compagnons quittèrent le cottage.

La lumière, pénétrant à travers le puits d’aération, éclairait vaguement la clairière. La lampe d’Harry eût été inutile alors, mais elle ne devait pas tarder à servir, car c’était vers l’extrémité même de la fosse Dochart que le vieil overman allait conduire l’ingénieur.

Après avoir suivi sur un espace de deux milles la galerie principale, les trois explorateurs — on verra qu’il s’agissait d’une exploration, — arrivèrent à l’orifice d’un étroit tunnel. C’était comme une contre-nef dont la voûte reposait sur

À la clarté de sa lampe, Harry examina la paroi. (Page 46.)


un boisage, tapissé d’une mousse blanchâtre. Elle suivait à peu près la ligne que traçait, à quinze cents pieds au-dessus, le haut cours du Forth.

Pour le cas où James Starr eût été moins familiarisé qu’autrefois avec le dédale de la fosse Dochart, Simon Ford lui rappelait les dispositions du plan général, en les comparant au tracé géographique du sol.

James Starr et Simon Ford marchaient donc en causant.

En avant, Harry éclairait la route. Il cherchait, en projetant brusquement de vifs éclats lumineux vers les sombres anfractuosités, à découvrir quelque ombre suspecte.

« Irons-nous loin ainsi, vieux Simon ? demanda l’ingénieur.

Le pénitent, la face masquée, allait en rampant sur le sol. (Page 52.)


— Encore un demi-mille, monsieur James ! Autrefois, nous aurions fait cette route en berline, sur les tramways à traction mécanique ! Mais que ces temps sont loin !

— Nous nous dirigeons donc vers l’extrémité du dernier filon ? demanda James Starr.

— Oui ! Je vois que vous connaissez encore bien la mine.

— Eh ! Simon, répondit l’ingénieur, il serait difficile d’aller plus loin, si je ne me trompe ?

— En effet, monsieur James. C’est là que nos rivelaines ont arraché le dernier morceau de houille du gisement ! Je me le rappelle comme si j’y étais encore ! C’est moi qui ai donné ce dernier coup, et il a retenti dans ma poitrine plus violemment que sur la roche ! Tout n’était plus que grès ou schiste autour de nous, et, quand le wagonnet a roulé vers le puits d’extraction, je l’ai suivi, le cœur ému, comme on suit un convoi de pauvre ! Il me semblait que c’était l’âme de la mine qui s’en allait avec lui ! »

La gravité avec laquelle le vieil overman prononça ces paroles impressionna l’ingénieur, bien près de partager de tels sentiments. Ce sont ceux du marin qui abandonne son navire désemparé, ceux du laird qui voit abattre la maison de ses ancêtres !

James Starr avait serré la main de Simon Ford. Mais, à son tour, celui-ci venait de prendre la main de l’ingénieur, et la pressant fortement :

« Ce jour-là, nous nous étions tous trompés, dit-il. Non ! La vieille houillère n’était pas morte ! Ce n’était pas un cadavre que les mineurs allaient abandonner, et j’oserais affirmer, monsieur James, que son cœur bat encore !

— Parlez donc, Simon ! vous avez découvert un nouveau filon ? s’écria l’ingénieur, qui ne fut pas maître de lui. Je le savais bien ! Votre lettre ne pouvait signifier autre chose ! Une communication à me faire, et cela dans la fosse Dochart ! Et quelle autre découverte que celle d’une couche carbonifère aurait pu m’intéresser ?…

— Monsieur James, répondit Simon Ford, je n’ai pas voulu prévenir un autre que vous…

— Et vous avez bien fait, Simon ! Mais dites-moi comment, par quels sondages, vous vous êtes assuré ?…

— Écoutez-moi, monsieur James, répondit Simon Ford. Ce n’est pas un gisement que j’ai retrouvé…

— Qu’est-ce donc ?

— C’est seulement la preuve matérielle que ce gisement existe.

— Et cette preuve ?

— Pouvez-vous admettre qu’il se dégage du grisou des entrailles du sol, si la houille n’est pas là pour le produire ?

— Non, certes ! répondit l’ingénieur. Pas de charbon, pas de grisou ! Il n’y a pas d’effets sans cause…

— Comme il n’y a pas de fumée sans feu !

— Et vous avez constaté, à nouveau, la présence de l’hydrogène protocarboné ?…

— Un vieux mineur ne s’y laisserait pas prendre, répondit Simon Ford. J’ai reconnu là notre vieil ennemi, le grisou !

— Mais si c’était un autre gaz ! dit James Starr. Le grisou est presque sans odeur, il est sans couleur ! Il ne trahit véritablement sa présence que par l’explosion !…

— Monsieur James, répondit Simon Ford, voulez-vous me permettre de vous raconter ce que j’ai fait… et comment je l’ai fait… à ma façon, en excusant les longueurs ? »

James Starr connaissait le vieil overman, et savait que le mieux était de le laisser aller.

— Monsieur James, reprit Simon Ford, depuis dix ans, il ne s’est pas passé un jour sans qu’Harry et moi, nous ayons songé à rendre à la houillère son ancienne prospérité, — non, pas un jour ! S’il existait encore quelque gisement, nous étions décidés à le découvrir. Quels moyens employer ? Les sondages ? Cela ne nous était pas possible, mais nous avions l’instinct du mineur, et souvent on va plus droit au but par l’instinct que par la raison. — Du moins, c’est mon idée…

— Que je ne contredis pas, répondit l’ingénieur.

— Or, voici ce qu’Harry avait une ou deux fois observé pendant ses excursions dans l’ouest de la houillère. Des feux, qui s’éteignaient soudain, apparaissaient quelquefois à travers le schiste ou le remblai des galeries extrêmes. Par quelle cause ces feux s’allumaient-ils ? Je ne pouvais et je ne puis le dire encore. Mais enfin, ces feux n’étaient évidemment dus qu’à la présence du grisou, et, pour moi, le grisou, c’était le filon de houille.

— Ces feux ne produisaient aucune explosion ? demanda vivement l’ingénieur.

— Si, de petites explosions partielles, répondit Simon Ford, et telles que j’en provoquai moi-même, lorsque je voulus constater la présence de ce grisou. Vous vous souvenez de quelle manière on cherchait autrefois à prévenir les explosions dans les mines, avant que notre bon génie, Humphry Davy, eût inventé sa lampe de sûreté ?

— Oui, répondit James Starr. Vous voulez parler du « pénitent » ? Mais je ne l’ai jamais vu dans l’exercice de ses fonctions.

— En effet, monsieur James, vous êtes trop jeune, malgré vos cinquante-cinq ans, pour avoir vu cela. Mais moi, avec dix ans de plus que vous, j’ai vu fonctionner le dernier pénitent de la houillère. On l’appelait ainsi parce qu’il portait une grande robe de moine. Son nom vrai était le « fireman », l’homme du feu. À cette époque, on n’avait d’autre moyen de détruire le mauvais gaz qu’en le décomposant par de petites explosions, avant que sa légèreté l’eût amassé en trop grandes quantités dans les hauteurs des galeries. C’est pourquoi le pénitent, la face masquée, la tête encapuchonnée dans son épaisse cagoule, tout le corps étroitement serré dans sa robe de bure, allait en rampant sur le sol. Il respirait dans les basses couches, dont l’air était pur, et, de sa main droite, il promenait, en l’élevant au-dessus de sa tête, une torche enflammée. Lorsque le grisou se trouvait répandu dans l’air de manière à former un mélange détonant, l’explosion se produisait sans être funeste, et, en renouvelant souvent cette opération, on parvenait à prévenir les catastrophes. Quelquefois, le pénitent, frappé d’un coup de grisou, mourait à la peine. Un autre le remplaçait. Ce fut ainsi jusqu’au moment où la lampe de Davy fut adoptée dans toutes les houillères. Mais je connaissais le procédé, et c’est en l’employant que j’ai reconnu la présence du grisou, et, par conséquent, celle d’un nouveau gisement carbonifère dans la fosse Dochart. »

Tout ce que le vieil overman avait raconté du pénitent était rigoureusement exact. C’est ainsi que l’on procédait autrefois dans les houillères pour purifier l’air des galeries.

Le grisou, autrement dit l’hydrogène protocarboné ou gaz des marais, incolore, presque inodore, ayant un pouvoir peu éclairant, est absolument impropre à la respiration. Le mineur ne saurait vivre dans un milieu rempli de ce gaz malfaisant, — pas plus qu’on ne pourrait vivre au milieu d’un gazomètre plein de gaz d’éclairage. En outre, de même que celui-ci, qui est de l’hydrogène bicarboné, le grisou forme un mélange détonant, dès que l’air y entre dans une proportion de huit et peut-être même de cinq pour cent. L’inflammation de ce mélange se fait-elle par une cause quelconque, il y a explosion, presque toujours suivie d’épouvantables catastrophes.

C’est à ce danger que pare l’appareil de Davy, en isolant la flamme des lampes dans un tube de toile métallique, qui brûle le gaz à l’intérieur du tube, sans jamais laisser l’inflammation se propager au-dehors. Cette lampe de sûreté a été perfectionnée de vingt façons. Si elle vient à se briser, elle s’éteint. Si, malgré les défenses formelles, le mineur veut l’ouvrir, elle s’éteint encore. Pourquoi donc les explosions se produisent-elles ? C’est que rien ne peut obvier à l’imprudence d’un ouvrier qui veut quand même allumer sa pipe, ni au choc de l’outil qui peut produire une étincelle.

Toutes les houillères ne sont pas infectées par le grisou. Dans celles où il ne s’en produit pas, on autorise l’emploi de la lampe ordinaire. Telle est, entre autres, la fosse Thiers, aux mines d’Anzin. Mais, lorsque la houille du gisement exploité est grasse, elle renferme une certaine quantité de matières volatiles, et le grisou peut s’échapper avec une grande abondance. La lampe de sûreté seule est combinée de manière à empêcher des explosions d’autant plus terribles, que les mineurs qui n’ont pas été directement atteints par le coup de grisou, courent risque d’être instantanément asphyxiés dans les galeries remplies du gaz délétère, formé après l’inflammation, c’est-à-dire d’acide carbonique.

Tout en marchant, Simon Ford apprit à l’ingénieur ce qu’il avait fait pour atteindre son but, comment il s’était assuré que le dégagement du grisou se faisait au fond même de l’extrême galerie de la fosse, dans sa portion occidentale, de quelle façon il avait provoqué à l’affleurement des feuillets de schistes quelques explosions partielles, ou plutôt certaines inflammations, qui ne laissaient aucun doute sur la nature du gaz, dont la fuite s’opérait à petite dose, mais d’une manière permanente.

Une heure après avoir quitté le cottage, James Starr et ses deux compagnons avaient franchi une distance de quatre milles. L’ingénieur, entraîné par le désir et l’espoir, venait de faire ce trajet sans aucunement songer à sa longueur. Il réfléchissait à tout ce que lui disait le vieux mineur. Il pesait, mentalement, les arguments que celui-ci donnait en faveur de sa thèse. Il croyait, avec lui, que cette émission continue d’hydrogène protocarboné indiquait, avec certitude, l’existence d’un nouveau gisement carbonifère. Si ce n’eût été qu’une sorte de poche, pleine de gaz, comme il s’en rencontre quelquefois entre les feuillets, elle se fût promptement vidée, et le phénomène eût cessé de se produire. Mais loin de là. Au dire de Simon Ford, l’hydrogène se dégageait sans cesse, et l’on en pouvait conclure à l’existence de quelque important filon. Conséquemment, les richesses de la fosse Dochart pouvaient n’être pas entièrement épuisées. Toutefois, s’agissait-il d’une couche dont le rendement serait peu considérable, ou d’un gisement occupant un large étage du terrain houiller ? c’était là, véritablement, la grosse question.

Harry, qui précédait son père et l’ingénieur, s’était arrêté.

« Nous voici arrivés ! s’écria le vieux mineur. Enfin, grâce à Dieu, monsieur James, vous êtes là, et nous allons savoir… »

La voix si ferme du vieil overman tremblait légèrement.

« Mon brave Simon, lui dit l’ingénieur, calmez-vous ! Je suis aussi ému que vous l’êtes, mais il ne faut pas perdre de temps ! »

À cet endroit, l’extrême galerie de la fosse formait en s’évasant une sorte de caverne obscure. Aucun puits n’avait été foncé dans cette portion du massif, et la galerie, profondément ouverte dans les entrailles du sol, était sans communication directe avec la surface du comté de Stirling.

James Starr, vivement intéressé, examinait d’un œil grave l’endroit où il se trouvait.

On voyait encore sur la paroi terminale de cette caverne la marque des derniers coups de pic, et même quelques trous de cartouches, qui avaient provoqué l’éclatement de la roche, vers la fin de l’exploitation. Cette matière schisteuse était extrêmement dure, et il n’avait pas été nécessaire de remblayer les assises de ce cul-de-sac, au fond duquel les travaux avaient dû s’arrêter. Là, en effet, venait mourir le filon carbonifère, entre les schistes et les grès du terrain tertiaire. Là, à cette place même, avait été extrait le dernier morceau de combustible de la fosse Dochart.

« C’est ici, monsieur James, dit Simon Ford en soulevant son pic, c’est ici que nous attaquerons la faille[1], car, derrière cette paroi, à une profondeur plus ou moins considérable, se trouve assurément le nouveau filon dont j’affirme l’existence.

— Et c’est à la surface de ces roches, demanda James Starr, que vous avez constaté la présence du grisou ?

— Là même, monsieur James, répondit Simon Ford, et j’ai pu l’allumer rien qu’en approchant ma lampe, à l’affleurement des feuillets. Harry l’a fait comme moi.

— À quelle hauteur ? demanda James Starr.

— À dix pieds au-dessus du sol », répondit Harry.

James Starr s’était assis sur une roche. On eût dit que, après avoir humé l’air de la caverne, il regardait les deux mineurs, comme s’il se fût pris à douter de leurs paroles, si affirmatives cependant.

C’est que, en effet, l’hydrogène protocarboné n’est pas complètement inodore, et l’ingénieur était tout d’abord étonné que son odorat, qu’il avait très fin, ne lui eût pas révélé la présence du gaz explosif. En tout cas, si ce gaz était mêlé à l’air ambiant, ce n’était qu’à bien faible dose. Donc, pas d’explosion à craindre, et l’on pouvait sans danger ouvrir la lampe de sûreté pour tenter l’expérience, ainsi que le vieux mineur l’avait déjà fait.

Ce qui inquiétait James Starr en ce moment, ce n’était donc pas qu’il y eût trop de gaz mélangé à l’air, c’était qu’il n’y en eût pas assez, — et même pas du tout.

« Se seraient-ils trompés ? murmura-t-il. Non ! Ce sont des hommes qui s’y connaissent ! Et pourtant !… »

Il attendait donc, non sans une certaine anxiété, que le phénomène signalé par Simon Ford s’accomplît en sa présence. Mais, à ce moment, il paraît que ce qu’il venait d’observer, c’est-à-dire cette absence de l’odeur caractéristique du grisou, avait été aussi remarquée par Harry, car celui-ci, d’une voix altérée, dit :

« Père, il semble que la fuite du gaz ne se fait plus à travers les feuillets de schiste !

— Ne se fait plus !… » s’écria le vieux mineur.

Et Simon Ford, après avoir hermétiquement serré ses lèvres, aspira fortement du nez, à plusieurs reprises.

Puis, tout d’un coup, et d’un mouvement brusque :

« Donne ta lampe, Harry ! » dit-il.

Simon Ford prit la lampe d’une main qui s’agitait fébrilement. Il dévissa l’enveloppe de toile métallique qui entourait la mèche, et la flamme brûla à l’air libre.

Ainsi qu’on s’y attendait, il ne se produisit aucune explosion ; mais, ce qui était plus grave, il ne se fit pas même ce léger grésillement, qui indique la présence du grisou à faible dose.

Simon Ford prit le bâton que tenait Harry, et, fixant la lampe à son extrémité, il l’éleva dans les couches d’air supérieures, là où le gaz, en raison de sa légèreté spécifique, aurait dû plutôt s’accumuler, en si minime quantité que ce fût.

La flamme de la lampe, droite et blanche, ne décela aucune trace d’hydrogène protocarboné.

« À la paroi ! dit l’ingénieur.

— Oui ! » répondit Simon Ford, en portant la lampe sur cette partie de la paroi à travers laquelle son fils et lui avaient, la veille encore, constaté la fuite du gaz.

Le bras du vieux mineur tremblait, tandis qu’il essayait de promener la lampe à la hauteur des fissures du feuillet de schiste.

« Remplace-moi, Harry », dit-il.

Harry prit le bâton et présenta successivement la lampe aux divers points de la paroi où les feuillets semblaient se dédoubler… mais il secouait la tête, car ce léger craquement, particulier au grisou qui s’échappe, n’arrivait pas à son oreille.

Lampe Davy.


L’inflammation ne se fit pas. Il était donc évident qu’aucune molécule de gaz ne fusait à travers la paroi.

« Rien ! » s’écria Simon Ford, dont le poing se tendit sous une impression de colère plutôt que de désappointement.

Un cri s’échappa alors de la bouche d’Harry.

« Qu’as-tu ? demanda vivement James Starr.

— On a bouché les fissures du schiste !

— Dis-tu vrai ? s’écria le vieux mineur.

— Regardez, père ! »

Harry ne s’était pas trompé. L’obturation des fissures était nettement visible

Il entama la partie de la roche schisteuse…(Page 58.)


à la lumière de la lampe. Un lutage, récemment pratiqué et fait à la chaux, laissait voir sur la paroi une longue trace blanchâtre, mal dissimulée sous une couche de poussière de charbon.

« Lui ! s’écria Harry. Ce ne peut être que lui !

— Lui ! répéta James Starr.

— Oui ! répondit le jeune homme, cet être mystérieux qui hante notre domaine, celui que j’ai cent fois guetté sans pouvoir l’atteindre, l’auteur, dès à présent certain, de cette lettre qui voulait vous empêcher de venir au rendez-vous que vous donnait mon père, monsieur Starr, celui, enfin, qui nous a lancé cette pierre dans la galerie du puits Yarow ! Ah ! aucun doute n’est plus possible ! La main d’un homme est dans tout cela ! »

Harry avait parlé avec une telle énergie, que sa conviction passa instantanément et tout entière dans l’esprit de l’ingénieur. Quant au vieil overman, il n’était plus à convaincre. D’ailleurs, on se trouvait en présence d’un fait indéniable : l’obturation des fissures à travers lesquelles le gaz s’échappait librement la veille.

« Prends ton pic, Harry, s’écria Simon Ford. Monte sur mes épaules, mon garçon ! Je suis assez solide encore pour te porter ! »

Harry avait compris. Son père s’accota à la paroi. Harry s’éleva sur ses épaules, de manière que son pic pût atteindre la trace suffisamment visible du lutage. Puis, à coups redoublés, il entama la partie de roche schisteuse que ce lutage recouvrait.

Aussitôt un léger pétillement se produisit, semblable à celui que fait le vin de Champagne lorsqu’il s’échappe d’une bouteille, — bruit qui, dans les houillères anglaises, est connu sous le nom onomatopique de « puff ».

Harry saisit alors sa lampe, et il l’approcha de la fissure…

Une légère détonation se fit entendre, et une petite flamme rouge, un peu bleuâtre à son contour, voltigea sur la paroi, comme eût fait un follet de feu Saint-Elme.

Harry sauta aussitôt à terre, et le vieil overman, ne pouvant contenir sa joie, saisit les mains de l’ingénieur, en s’écriant :

« Hurrah ! hurrah ! hurrah ! monsieur James ! Le grisou brûle ! Donc, le filon est là ! »

  1. La faille est la portion du massif où manque le filon, et elle se compose ordinairement de grès ou de schiste.