Les Indiens winnebagos

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GOUVERNEMENT
DES
INDIENS WINNEBAGOS.


(AMÉRIQUE DU NORD.)

Les Winnebagos, appelés aussi Puans, habitent un territoire situé au nord-ouest des États-Unis, entre les 44° et 45° de latitude nord, et arrosé par les rivières de Plein, du Renard et de l’Ouisconsing, et par le lac de Winnebago. Ils sont répartis en sept tribus ou bandes, dont les principales sont celles de la Tortue, du Serpent, du Loup et du Tonnerre, et vivent de la chasse et de la pêche. Leur nombre excède à peine deux mille individus.

Les Winnebagos obéissent à un gouvernement aristocratique, et toute leur société est constituée d’après le même principe. Ils résident dans des villes ou villages, régis chacun par deux chefs civils, et chaque tribu a son siége de gouvernement particulier. Il y a en tout quatorze de ces chefs qui réunis forment le grand conseil de la nation. On parvient au rang de chef de deux manières, par la naissance et par l’élection. Quand l’un d’eux meurt, et qu’il laisse un fils ayant atteint l’âge viril, et possédant les qualités indispensables à un bon chef, c’est-à-dire la bravoure, la sobriété et la prudence, ce dernier est appelé à remplacer son père. S’il n’a point de fils en état de remplir ses hautes fonctions, et qu’il les lègue à un autre, celui-ci lui succède. S’il meurt sans enfans mâles, on choisit de préférence le fils de son frère, et toutes les fois que la succession vient à manquer faute d’héritiers, on y supplée par l’élection. L’on déroge aussi au droit de la naissance quand l’héritier est jugé indigne du rang de son père. Les Winnebagos ont le plus grand respect pour les dernières volontés de leurs chefs. Néanmoins elles sont toujours soumises au conseil suprême de la nation, dont la décision à leur égard est irrévocable.

Un chef peut être dégradé pour inconduite ou mauvaise administration. C’est ce qui arriva, en 1829, à Quasquawma, pour avoir signé, avec les États-Unis, un traité, par lequel il leur abandonnait à trop bas prix des mines appartenant à la tribu des Musquawkies, dont il était chef. Son gendre Tiama fut élu à sa place.

Chaque tribu entretient sur pied un certain nombre de guerriers. La profession des armes est la seule où il y ait de la gloire à acquérir, et l’on n’y admet que des hommes fortement constitués, d’une haute stature et d’un jugement sain. Il faut aussi qu’ils soient adroits, prudens, inaccessibles à la fatigue et à la faim, et toujours prêts à braver un danger quelconque, lorsque le devoir l’exige. Aussi la crainte de la mort est-elle inconnue à ces peuples, et la lâcheté ce qu’ils méprisent le plus au monde. Le jeune homme qui aspire à l’honorable distinction de guerrier, doit posséder au plus haut degré les qualités de soldat, avant d’être reçu dans les rangs de l’armée. Les guerriers portent sur la tête autant de plumes d’aigles chauves qu’ils ont tué d’ennemis, et la grandeur de ces insignes est proportionnée à la stature et à la vaillance de ceux qu’ils ont immolés. Celui qui a égorgé toute une famille, le père, la mère et cinq enfans, par exemple, s’orne la tête de deux grandes plumes et de cinq petites. La plume, destinée à représenter le père, est la plus grande, celle de la mère est un peu moindre, et les cinq, pour les enfans, varient suivant leur âge. Il n’est point de guerrier Winnebago qui n’ait au moins un trophée de ce genre. Quiconque a fait un prisonnier, porte l’empreinte d’une main de dimension naturelle, soit sur la joue ou sur toute autre partie du corps. Il en est qui comptent plusieurs de ces marques de distinction.

Un chef commande l’armée de chaque tribu, et nomme aux grades inférieurs. Quand les chefs se réunissent en conseil, ils n’y appellent les guerriers que pour les consulter, ou pour leur donner des ordres, que ceux-ci doivent exécuter à la lettre. Autrement ces conseils se tiennent à huis-clos. Les membres, assis sur des nattes, autour du wigwam ou cabane, ne se lèvent point pour adresser la parole à l’assemblée. Chacun parle à son tour et à voix basse, et l’orateur, écouté dans le silence le plus profond, n’est jamais interrompu dans son discours. Le conseil des Winnebagos se distingue par la sagesse et la bonne harmonie qui président à ses délibérations. Il s’assemble ordinairement la nuit, lorsque la peuplade est plongée dans le sommeil. Il n’est point rare qu’il passe toute une nuit à délibérer sur un objet important, sans prendre de décision, et que la discussion soit reprise la nuit d’après, et ainsi de suite jusqu’à ce que la majorité ait prononcé. Le peuple n’a presque point d’influence dans ce conseil, dont il est complètement exclu. Il ne participe point à l’élection des chefs, et ne jouit d’aucun droit politique quelconque. Le gouvernement est tout entier dans les mains des chefs civils et des principaux guerriers, qui exercent leur autorité de la manière la plus absolue. La désobéissance à leurs ordres est punie de mort.

Ces Indiens disent que leur nation a été régie de temps immémorial par cette forme de gouvernement, et qu’elle n’est point d’origine européenne, comme on l’a prétendu. Ce gouvernement présente, d’ailleurs, de grands avantages ; l’action en est prompte et tend au bien-être général. Celui qui est né pour gouverner, le sachant dès son enfance, s’y prépare et fait tout ce qui dépend de lui pour s’en rendre digne. On le reconnaît parmi les autres jeunes gens du même âge à sa gravité et à sa réserve ; rien n’égale sa docilité envers ses supérieurs, sa politesse et ses égards pour ses égaux ; mais il est vrai de dire que l’air de supériorité qu’il prend avec la classe du peuple, rappelle la morgue de nos aristocrates d’Europe. Les femmes prennent le même ascendant sur les personnes de leur sexe, que les chefs sur les hommes. La fille d’un chef ne s’allie jamais à un individu d’un rang inférieur au sien. En un mot, l’orgueil de la naissance est aussi profondément enraciné dans les cœurs des nobles Winnebagos qu’il l’est dans les familles des petits princes d’Allemagne.