Les Infiniment petits

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LES INFINIMENT PETITS

La nature a prodigué partout avec une étonnante prodigalité les espèces inférieures de l’animalité. — L’Océan, l’eau des fleuves, des rivières et des étangs, sont peuplés d’une myriade de petits êtres qui seraient à jamais inconnus à l’homme sans le microscope, que l’illustre M. Michelet a si bien appelé un sixième sens. Ces animalcules sont tellement petits qu’une gouttelette d’eau suspendue à la pointe d’une aiguille peut en contenir plusieurs millions. D’après Ehrenberg, le Gange en transporte en une année une quantité si prodigieuse, que la masse réunie de ces animalcules formerait un volume supérieur à celui de la grande pyramide d’Égypte. « Les infusoires, a dit un naturaliste distingué, sont à la fois les animaux les plus petits et les plus nombreux de la nature. Ces êtres microscopiques constituent, aussi bien que l’espèce humaine, un des rouages si compliqués de notre globe. Ils sont à leur rang et à leur échelon : ainsi l’a voulu la Grande Pensée première ! Supprimez ces microscopiques bestioles et le monde sera incomplet ! On l’a dit il y a longtemps, il n’est rien de si petit à la vue qui ne devienne grand par réflexion ! »


Fig. 1. — Monades.

Fig. 3. — Rotifères.

Fig. 2. — Kolpodes.

Fig. 4. — Infusoires divers.

L’étude des infusoires offre un grand charme : tout le monde peut s’en occuper avec le concours d’un bon microscope. Une goutte d’eau prise dans une mare vous révélera des mondes nouveaux, effrayants même par leur bizarrerie, par leur richesse. Laissez séjourner quelques débris végétaux, une feuille, un brin d’herbe dans une soucoupe contenant de l’eau. Après un jour ou deux, l’eau se couvrira d’une pellicule, elle aura perdu sa limpidité. Une goutte de cette eau, placée sous le microscope, apparaîtra remplie d’infusoires divers. On verra des monades (fig. 1) de véritables points, qui sont au microscope ce que les nébuleuses sont au télescope. Ces petits d’entre les petits paraissent être en quelque sorte des molécules agitées, des atomes qui se meuvent. La dimension de leur corps atteint à peine la trois-millième partie d’un millimètre.

Après les monades, les êtres que l’on rencontre le plus généralement dans une infusion préparée comme nous l’avons indiqué précédemment sont les Kolpodes (fig. 2). Ils ont la forme d’un haricot ; leur corps est transparent, et l’on y distingue différents globules arrondis, que les micrographes considèrent comme leurs intestins ou leurs œufs. Les Rotifères (fig. 3) ont une tête garnie de cils vibratiles, que l’on voit s’agiter sans cesse avec une étonnante rapidité ; comme les Kolpodes, ils sont transparents et laissent voir, dans l’intérieur de leur substance, leur masse intestinale. Les rotifères se meuvent aussi dans l’eau avec une grande agilité, et ils ont la faculté de contracter instantanément leur corps, pour se pelotonner en boule. Ces êtres étranges ont la propriété de ressusciter après avoir été desséchés.

La multiplicité des espèces dans le monde des infusoires est extraordinaire ; il en est de toutes les formes ; la figure 4 en montre quelques individus différents, fidèlement dessinés d’après nature. Le mode d’existence et de propagation de ces infiniment petits fournit à l’observateur des faits du plus haut intérêt, remplis d’imprévu et de révélations curieuses ; nous y reviendrons très-prochainement.