Les Inscriptions cunéiformes

La bibliothèque libre.

LES
INSCRIPTIONS CUNÉIFORMES

Plus d’une fois, dans les pages de cette Revue, il sera question du secours prêté au déchiffrement des inscriptions cunéiformes par les trois branches les plus importantes de la science positive des langues, c’est-à-dire par la linguistique indo-européenne, par la linguistique syro-arabe, et enfin, par la linguistique finno-tatare. En revanche, nous aurons à examiner quels services les textes si précieux de l’épigraphie iranienne, assyrienne, ou scytho-médique ont rendu à la linguistique comparative et à la philologie comparée.

Fidèles à notre système d’initiation et de propagande scientifique, nous résumerons rapidement les faits relatifs à l’histoire du déchiffrement des inscriptions cunéiformes, en montrant la place qu’occupe dans cette histoire chacun des ouvrages spéciaux publiés sur cette matière.

Au demeurant, l’intérêt si vif et si général qui s’attache à l’étude de ces monuments naît surtout de leur utilité comme instruments de critique historique. Un contrôle et un complément des annales de la Perse sous les Achéménides, une vérification officielle de quelques récits d’Hérodote, une sorte de contre-partie de l’histoire biblique de Ninive et de Babylone ; voilà ce que nous a donné jusqu’ici la lecture de ces inscriptions. Pour notre époque, c’est-à-dire pour le siècle du renouvellement des études historiques, il y a là de quoi expliquer l’ardeur avec laquelle les savants et le public lettré se sont occupés des faits sur lesquels nous allons jeter un coup d’œil.

Ces inscriptions, dont tous les caractères sont composés de coins (cuneus, cunei) semblables à des fers de flèche, se divisent en trois classes : 1o inscriptions dites de la première espèce ; 2o inscriptions médiques ou de la deuxième espèce ; 3o inscriptions assyriennes ou de la troisième espèce.

C’est, on le sait, par le déchiffrement des inscriptions perses des Achéménides que s’ouvrit la lecture de ces fameux monuments. En 1802, un savant hanovrien, Georges Grotefend, devina le premier ce que devait contenir quelques-unes des inscriptions les plus courtes copiées par le célèbre voyageur danois Niebuhr sur les murs des anciens palais de Persépolis. Cet esprit sagace et ingénieux rechercha et trouva les noms historiques contenus dans les deux monuments qu’il avait choisis pour objet de son étude. Il lut Darheusch (Darius), Khschharscha (Xercès) et Goschtasp (Hystaspès), et, à de légères nuances près, les recherches et les découvertes ultérieures ont justifié ces lectures.

Dès lors, on fut en possession de la valeur d’un tiers environ des lettres composant l’alphabet cunéiforme.

Le déchiffrement de quelques noms propres, tel fut le point de départ de tous les travaux qui ont suivi ceux de Grotefend. Or, parmi ces travaux, il en est qui, dès 1836, revêtirent un caractère scientifique des plus sérieux : j’ai nommé les publications d’Eugène Burnouf et de M. Christian Lassen.

L’étude comparative et raisonnée des langues de l’Inde et de l’Europe venait de créer une branche nouvelle du savoir humain. Sous le titre de Grammaire comparée du sanskrit, du zend, du grec, du latin, etc., Franz Bopp avait donné au monde savant le code des lois physiologiques et pathologiques qui régissent la formation et les transformations des vocables indo-européens. On sut dès lors que la langue de l’ancienne Bactriane, le zend, est une sœur du sanskrit. Le premier, Eugène Burnouf, dans son Commentaire sur le Yaçna (1823), reconstitua scientifiquement, dans ses détails et dans son bel organisme, cet antique idiome de Zoroastre. Il fut tout naturellement conduit par ce travail à interroger les inscriptions cunéiformes du pays dont il avait tant étudié le vieux langage, et, en 1836, il publia son Mémoire sur deux inscriptions cunéiformes trouvées près d’Hamadan (l’ancienne Ecbatane).

Cette même année et presque au même jour, paraissait à Bonn un autre ouvrage sur le même sujet. M. Christian Lassen, que ses Antiquités indiennes (Indische Alterthnemer) ont depuis rendu si célèbre, publiait un travail des plus remarquables sur les Inscriptions persépolitaines cunéiformes en perse ancien : déchiffrement de l’alphabet et explication du texte (die altpersischen Keilinschriften von Persepolis, etc.). Pour l’intelligence même du titre de ce mémoire, il importe de rappeler dès maintenant que, dans les six localités où l’on trouve des inscriptions cunéiformes écrites en trois langues, à Hamadan comme à Persepolis, à Suze comme à Pasargades, à Bisoutoun comme à Vân, ces inscriptions présentent dans le même ordre, à côté du texte perse, deux traductions, l’une en médique ou, comme dit M. Oppert, en scytho-médique, l’autre en assyrien. Ces inscriptions sont autant d’édits des rois de Perse, faites naturellement pour être compris de tous les sujets du royaume, et de là cette rédaction trilingue et ces trois systèmes d’écriture. C’est sur le seul texte perse que s’est exercée la sagacité critique et divinatrice d’Eugène Burnouf et de M. Lassen.

Or, sans qu’ils se fussent le moins du monde entendus, les deux concurrents aboutirent à des lectures et à des traductions presque identiques. Cet accord si remarquable s’explique pourtant. Tous deux, ils partaient des mêmes notions scientifiques sur la constitution des anciens idiomes de la Perse, bien qu’ils différassent sur l’admission de certaines variations dialectiques dans la langue des inscriptions comparées au zend des livres sacrés. Tous deux, par conséquent, mettaient la philologie comparée au service de la paléographie et retrouvaient la valeur des signes graphiques par la connaissance préalable des formes lexiques et grammaticales d’ailleurs si précises du langage que ces signes représentaient aux yeux. Si, dès 1833, cette méthode, avec ce qu’elle doit produire, se trouve indiquée dans le Commentaire sur le Yaçna, il est juste de dire que, sept ans auparavant, Rask l’avait entrevue et fort habilement appliquée dans les limites de sa connaissance de la vieille langue bactrienne qu’il avait étudiée aux Indes. Sachant que le nom de roi est représenté en zend par khshâyathiya, et connaissant, en outre, la terminaison du génitif pluriel des noms aryens et iraniens de la déclinaison générique, l’ingénieux philologue danois déchiffra le titre pompeux de khshâyathiya khshâyathiyânâm, roi des rois, si souvent répété dans les inscriptions des Sassanides.

Oui, dans ces deux mots qui suivent et dont le second reproduit d’abord les sept lettres cunéiformes du premier, c’est-à-dire 1o kh, 2o sh, 3o â, 4o ya, 5o th, 6o i, 7o y (a), — pour y ajouter, en guise de terminaison, quatre nouveaux caractères, Rask vit le même nom 1o au nominatif singulier (khshâyathiya, roi) et 2o au génitif pluriel (khshâyathiyânâm, des rois). Or les deux lettres nouvelles N et M, contenues dans cette terminaison, trouvèrent aussitôt leur application en même temps que leur justification dans le déchiffrement des noms propres Aurâmazdâ (Ormuzd) ; Hakhâmanishiya (Achéménès), etc.

Et, s’il est vrai de dire, à certains égards, que Grotefend engendra Rask, il est certes beaucoup plus exact d’affirmer que Rask engendra Burnouf et M. Christian Lassen.

À ces quatre noms il faut en ajouter un cinquième, si l’on veut résumer dans son ensemble la première époque de l’histoire du déchiffrement des inscriptions cunéiformes : j’ai nommé le major Rawlinson.

Résident britannique en Perse, ce savant officier refit en 1835 le miracle de Grotefend. Il savait que l’ingénieux professeur hanovrien avait déchiffré quelques noms des anciens rois achéménides, mais il ne possédait rien de ses travaux. Dans son isolement, et n’ayant alors que des notions fort incomplètes sur la langue des monuments qu’il voyait et copiait sur place, il interrogea d’abord le texte persique (the persian columns) des deux inscriptions trilingues d’Hamadan, celles-là mêmes dont Burnouf, à Paris, étudiait alors d’autres copies à l’insu de son concurrent. M. Rawlinson explique longuement (Journal of the royal asiatic Society, vol. X, p. 5 et 6) comment, par la longueur et la position relative des groupes de lettres, il parvint à déchiffrer les noms d’Hystaspes, de Darius et de Xercès.

En 1836, il avait déjà copié et déchiffré une partie de la fameuse inscription de Bisoutoun (le savant anglais écrit toujours Behistun), lorsqu’il put comparer son œuvre à celle de Grotefend et s’assurer qu’il était de beaucoup en avance sur le célèbre pionnier du déchiffrement des cunéiformes.

Un an plus tard, en 1837, il envoyait à la Société asiatique de Londres son interprétation du commencement de l’inscription de Bisoutoun, sans se douter le moindrement de l’existence des deux importants mémoires qui avaient paru presque simultanément en France et en Allemagne dans le courant de 1836. Il s’était remis courageusement à son œuvre d’interprète du monument de Bisoutoun, lorsque, dans l’été de 1838, il reçut à Téhéran le Mémoire sur deux inscriptions cunéiformes trouvées près d’Hamadan, par M. Eugène Burnouf. Il vit alors qu’il avait été devancé par le savant français dans la publication de certaines découvertes qu’il avait faites en même temps que lui. Mais ce mémoire de l’illustre indianiste français n’était qu’une application épigraphique de l’analyse savante de la langue zend telle qu’on la trouve dans le Commentaire sur le Yaçna, et cet important ouvrage fut envoyé dans la même année (1838) à M. Rawlinson par M. Mohl. Ce fut à cet « admirable » Commentaire que le savant officier dut en grande partie le succès de ses traductions[1]. Il faut ajouter que cette profonde reconnaissance pour notre physiologiste de la langue du Zend-Avesta ne lui fait oublier en aucune façon les secours précieux, soit de pur contrôle, soit de révélation première qu’il dut aux travaux de M. Lassen, aux essais critiques de Jacquet, aux ingénieuses observations de Westergaard.

En fait, la lecture de l’inscription de Bisoutoun occupe aujourd’hui la première place dans l’histoire du déchiffrement des écritures cunéiformes, et cette lecture, c’est au major Rawlinson que nous en sommes redevables. Si les limites de ce travail le permettaient, nous ferions bien de nous transporter en pensée devant ce rocher dont la taille et le polissage transformèrent tout un flanc en un vaste tableau vertical ; nous arrêterions notre vue sur le bas-relief qui occupe le centre de ce tableau, et là, devant ce roi couronné, debout et terrassant un captif suivi d’une file de neuf princes enchaînés, nous chercherions à retrouver en nous quelque chose de la grande et sainte curiosité qui demanda aux inscriptions dont elle est entourée l’explication de cette scène de triomphe et de vengeance. Cette grande inscription, formant une haute colonne de lignes placée au-dessous du roi Darius (car c’est lui) et de ses deux gardes d’honneur, commence ainsi : Adam Dârayawush khshâyathiya wazarka, khshâyathiya khshâyathiy (ici la finit première ligne), ânâm, khshâyathiya Pârsiya, etc., etc., c’est-à-dire : « Moi Darius, roi grand, roi des rois, roi de Perse, roi des provinces, fils de Vashtâspa (en grec Ustaspès), petit-fils d’Arshâma (en grec Arsamès), de la race de Hakhâmanish (en grec Akhemenès) », etc, etc.

Aux lignes 11 et 12 : « Le roi Darius dit : je suis roi par la grâce d’Auramazd (Oromazd ou Ormuzd) : Auramazd m’a donné l’empire. » Viennent ensuite les noms de toutes les provinces qui font partie de cet empire.

Mais, à gauche de cette première colonne de texte perse, se trouvent, sur le même rocher, trois colonnes de texte écrit en d’autres caractères cunéiformes : c’est la version médo-scythique de notre inscription.

Enfin, au-dessus de ces trois colonnes médiques, se trouve, gravée à l’aide d’une alphabet cunéiforme beaucoup plus riche, l’interprétation assyrienne de ce même texte original dont nous avons cité quelques lignes.

Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler ici que les inscriptions perses, les premières étudiées et traduites, ont reçu le nom d’inscriptions de la première espèce, tandis que les médiques ou médo-scythiques furent appelées de la seconde et les assyriennes de la troisième espèce.

Profitant des travaux de Burnouf et de MM. Lassen et Rawlinson, M. Westergaard fut le premier qui publia un essai sérieux sur l’écriture et la langue des monuments épigraphiques de la seconde espèce. Il compara d’abord, pour se faire un alphabet, les noms propres de la traduction médique (on la supposait être purement iranienne) avec les noms propres du texte original perse ; puis il aborda les formes libres et s’aperçut bientôt que plus de la moitié des mots du texte, et par dessus tout les flexions grammaticales, n’appartenaient point au génie aryaque, mais semblaient se rapprocher du vocabulaire et de la grammaire finno-tatares. Ce dernier aperçu fut singulièrement confirmé par les recherches postérieures du Dr  Hincks (1846 et 1848) et de M. de Saulcy (1850). L’empreinte de la version médo-scythique du monument de Bisoutoun ayant été abandonnée dès 1851 à M. Norris par M. Rawlinson, M. Norris publia quatre ans plus tard (1855), dans le Journal de la Société asiatique de Londres, son commentaire sur cette traduction si riche en noms propres d’hommes et de localités. Il put ainsi augmenter la liste des lettres de la seconde espèce dont la valeur était positivement établie. Il fit plus : il démontra que l’écriture de ces tablettes est toute syllabique ( chaque signe représentant une syllabe), vérité entrevue seulement par ses prédécesseurs. Il alla aussi plus loin que MM. Westergaard et de Saulcy dans sa manière de considérer l’élément tatare ou touranien dans la langue figurée par cette écriture, car, pour lui, cette langue est essentiellement « scythique » (touranienne) et les mots iraniens qu’elle présente n’y sont que des éléments accessoires, j’allais dire des intrus. Cette opinion, parfaitement d’accord d’ailleurs avec l’histoire et les traditions des Ilyâts de nos jours, est aussi celle de M. Jules Oppert.

L’histoire du déchiffrement des inscriptions cunéiformes de la troisième espèce se rattache à la découverte des ruines de Ninive et à la recherche des restes de Babylone. Tout le monde a entendu parler des fameuses fouilles de l’Assyrie exécutées il y a quelque vingt ans sous la direction de M. Botta, consul de France à Mossoul, et qui amenèrent la découverte d’un magnifique palais bâti par le roi Sargoûn et enfoui sous un vaste tumulus du village de Khorsabad. Tout le monde sait aussi qu’un explorateur anglais, M. Layard, après avoir étudié, grâce aux libérales communications de M. Botta, les résultats les plus précieux des excavations de Khorsabad, entreprit des fouilles semblables, d’abord à Kimroûd, sur la rive gauche du Tigre, où il découvrit trois palais, et ensuite à Koîoundjik, sur la même rive, mais en face même de Mossoul, où il déterra le palais de Sennakhérib. Or, dans les explorations de M. Botta (1851) continuées par M. Place, comme dans celles de M. Layard, poursuivies par M. Loftus, ce qui frappe le plus, en dehors de l’aspect grandiose des monuments, ce sont d’innombrables briques couvertes d’empreintes cunéiformes ; seulement, sur ces briques comme dans les inscriptions murales, tout est d’une seule langue et d’une seule écriture.

L’expédition scientifique en Mésopotamie, exécutée par ordre du gouvernement, de 1851 à 1854, par MM. Fulgence Fresnel, F. Thomas et Jules Oppert[2], nous apprend comment furent reprises et poursuivies avec succès les recherches sur les antiquités babyloniennes auxquelles Joseph Beauchamp (1790), James Rich (1811) et Ker Porter (1818) ont attaché leur nom. Là encore, et surtout dans les ruines du temple de Bélus, abondent les briques empreintes d’inscriptions cunéiformes ; mais, comme celles d’Assyrie, ces inscriptions sont unilingues et, pour tous les interprètes, — M. le comte de Gobineau excepté, — l’école de lecture fut faite à l’aide des tablettes trilingues de Bisoutoun, d’Hamadan, de Nakhsh-i-Roustam, etc., où, comme on l’a vu, le texte perse original est toujours accompagné d’une version médo-scythique et d’une version assyrienne. Après l’Essai de M. Lœwenstern (1845), après les articles de M. Adrien de Longpérier dans la Revue archéologique (1847), après les tentatives de classement des signes graphiques assyriens par M. Botta, le Dr  Hincks prouva le premier que l’écriture assyrienne était, elle aussi, toute syllabique et se composait de plusieurs centaines de groupes figurant les combinaisons diverses des voyelles avec les consonnes dans une même émission de voix. Et quand M. de Saulcy aura, le premier en France, établi sur ces vraies bases l’interprétation des cunéiformes assyriens (1848), M. Rawlinson viendra, par les résultats de ses recherches, confirmer les vues du savant français, en parfait accord déjà, bien que sans entente préalable, avec les démonstrations du philologue irlandais, M. le Dr  Hincks. J’insiste sur cette concordance entre des trouvailles scientifiques faites simultanément par trois esprits d’une rare sagacité en Irlande, en France et dans l’Asie occidentale.

La traduction de l’inscription commémorative du roi Nabuchodonosor, trouvée par M. Rawlinson à Borsippa, dans les ruines babyloniennes, fut entreprise non-seulement par celui qui en avait fait la découverte, mais encore par M. Jules Oppert et par M. Fox Talbot. Ici encore, à part quelques légères dissonnances amenées par deux ou trois mots d’une signification douteuse, règne la plus parfaite harmonie entre les procédés des interprètes et les résultats de leurs interprétations.

À cette seconde épreuve, aussi peu concertée et non moins glorieuse que la première pour la science des cunéiformes assyriens, il faut en ajouter une troisième plus décisive encore s’il est possible, mais voulue, cette fois, et préparée par M. Talbot. En 1857, ce savant assyriologue anglais remit sous pli cacheté à la Société asiatique de Londres sa traduction d’une longue inscription trouvée à Kalah-Sherghat et commémorative des exploits d’un Tiglath-Pilésèr, antérieur à celui de la Bible. Il demandait et il obtint du conseil de la Société la comparaison de sa traduction avec celles qui seraient faites du même texte par d’autres assyriologues. Les concurrents furent, en dehors de M. Talbot, MM. Rawlinson , le Dr  Hincks et Jules Oppert. Eh bien ! le xviiie volume du Journal de la Société asiatique de Londres en fait foi, rien de plus frappant que l’accord remarquable qui règne entre les quatre traductions. À part deux ou trois variantes, tous les noms propres, parmi lesquels il faut compter trente-neuf noms géographiques, ont été lus de la même manière.

Si MM. Hincks, Rawlinson et de Saulcy ont fondé la méthode d’interprétation des cunéiformes assyriens, M. Jules Oppert est le premier qui en ait scientifiquement reconstitué la langue. Sœur de la langue hébraïque et des autres langues dites sémitiques (syriaque, chaldaïque, arabe, etc.), l’assyrien « se rapproche, dans ses lois phonétiques, à l’égard des consonnes, de l’hébreu et de l’arabe, et s’écarte des langues araméennes. » Aussi bien tous nos hébraïsants, après avoir lu les parallèles établis par M. Oppert aux pages 5-10 de ses Éléments de la langue assyrienne (1860), voudront-ils continuer l’étude comparative de la vieille langue de Babylone et de Ninive. Ce qui les séduira surtout, c’est une liste de plus de cent formes verbales assyriennes trouvées dans les inscriptions trilingues avec la traduction perse toutes les fois qu’elle se rencontre dans les monuments. On dirait que le savant auteur de la Grammaire assyrienne tient à faire des prosélytes et des disciples ; car, dans son étude sur l’État actuel du déchiffrement des inscriptions cunéiformes (1861), il institue une véritable méthode pratique de lecture. Je recommande instamment les pages 5-7 de cet opuscule à tous ceux qui voudront acquérir la conviction qu’on possède aujourd’hui les principes certains de l’interprétation des textes cunéiformes. Enfin, M. Oppert a publié depuis, non-seulement les Inscriptions assyriennes des Sargonides et les fastes de Ninive, mais encore les Fastes de Sargon, roi d’Assyrie (721 à 703 avant J.-C), traduits et publiés d’après le texte assyrien de la grande inscription des salles du palais de Khorsabad ; ce dernier ouvrage en collaboration avec M. Joachim Ménant, à qui l’on doit d’excellents travaux sur les noms propres assyriens et sur les Inscriptions de Hammourabi, roi de Babylone (xvie siècle avant J.-C).

Tel est, avec l’excellent ouvrage de M. Spiegel sur les inscriptions cunéiformes en ancien perse (Leipzig, 1862), l’ensemble des travaux sur cette intéressante matière. Il importait, ce me semble, de le faire connaître dans son enchaînement historique et comme en bloc, avant d’entrer dans les détails que nécessiteront nos études ultérieures.


H. Chavée.




Le Gérant,
MAISONNEUVE.
  1. The admirable Commentary on the Yaçna… To this work I owe in a great measure the success of my translations. (Ouvrage cité p. 8.)
  2. Publié par J. Oppert. Paris, 2 vol. in-4 et atlas in-fol. Le tome II, publié le premier (1859), contient le déchiffrement des inscriptions cunéiformes.