Les Jeux rustiques et divins/Allégorie

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Mercure de France (p. 93-94).


ALLÉGORIE


J’ai vu dans mon miroir où s’est connu mon songe,
Face à face et parmi des guirlandes de bronze,
Le sourire qu’avait ma joie ou ma tristesse ;
C’est là que j’ai trouvé cette autre que je cherche
Dans ma voix, dans mon pas sur les feuilles séchées,
Dans ce que ma mémoire a dit à mes pensées,
Dans ce que le silence apprenait à mon ombre ;
Et la voici parmi les guirlandes de bronze
Qui me regarde enfin avec mes propres yeux.
Ô mystère d’être la seule toutes deux,
Moi l’anxieuse, aussi, de cette autre anxieuse !
Ô double solitude où chacune était seule
Et d’où chacune enfin pour se voir est venue
Et pour être plus près encor s’est mise nue ;
Et je sais maintenant, sœur pareille aux fontaines,
Le sourire à jamais de ma face certaine
Autour de qui se crispe un feuillage de bronze
Où la gloire à mon front par un laurier s’annonce,

Et debout devant moi je fais avec mes mains
L’offrande de mes jours à mes graves destins !