Les Jeux rustiques et divins/Aube

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Les Jeux rustiques et divins. Les Roseaux de la flûte
Mercure de France (p. 145-146).


AUBE


Sur le cyprès, le cèdre et sur l’eau noire et verte,
Laisse, avec la clef d’or à la porte entr’ouverte,
Les cygnes endormis, les paons et les colombes ;
Écoute, pleur à pleur, l’heure grave qui tombe
Et qui s’égoutte lente ou s’écoule rapide,
Gendre du sablier, larme de la clepsydre ;
Et marche doucement sans réveiller l’écho ;
Laisse les cygnes blancs dormir doubles sur l’eau
Avec leur col neigeux ployé sous l’aile tiède,
En silence, et les paons sur les branches du cèdre
Et la colombe douce aux pointes des cyprès,
Et pars ! tout est muet encor, mais l’air plus frais
De la nuit, peu à peu, frissonne à l’aube proche ;
Laisse la bêche et le râteau, laisse la pioche
Et prends la faulx qui luit en aile d’acier clair,
Et pousse le verrou de la porte de fer,
Et sors vers l’aube pâle et marche vers l’aurore.

La pierre du chemin fera ton pas sonore
Et, sous ton manteau noir qui le cache à demi,
Emporte, loin de l’âtre et du seuil endormi,
Vers le soleil farouche et vers le jour futur,
Avec sa crête rouge, ergot sec et bec dur,
Qui glousse, se rengorge et qui sommeille encor,
Le grand coq d’émail roux au cri de cuivre et d’or !