Les Jeux rustiques et divins/L’Attente

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Mercure de France (p. 105-106).


L’ATTENTE


Le jardin, cet avril, a porté bien des roses
El voici que déjà les rivières sont grosses
Des orages d’hier et des premières pluies ;
La vigne grimpe rouge au balustre où j’appuie
Mon coude sur la mousse et mon front dans ma main,
Et l’ornière se creuse aux glaises des chemins,
Et je t’entends venir, Automne, et ton pied butte ;
Tu chancelles ivre du vin nouveau. La flûte
Pousse avec les roseaux au bord de la fontaine
Dans le doux vent qui la tourmente, verte et vaine !
Anxieuse, elle attend le souffle qu’elle inspire
Et les trous dont on l’ouvre et le doigt et la cire
Qui la façonne et les lèvres qui, bien unies,
Joindront sa chanson claire à tes mélancolies,
Automne ! et, dans le vent venu des vieux étés,
Uniront leur jeunesse à ta maturité
Et les rires d’avril aux larmes de septembre
Et dans l’ombre feront soupirer de l’entendre

Mêler ce qui fut doux à ce qui est morose,
Le doux bruit de la pluie avec l’odeur des roses.