Les Jeux rustiques et divins/Pour la Porte Mortuaire
POUR LA PORTE MORTUAIRE
Si tu meurs jeune avec l’aurore à ton chevet
Rose et grise et pareille à ce que tu rêvais
D’un destin nuancé de tristesse et de joie,
Sois heureux ! L’enfant blond et le vieillard qui ploie
Te suivront, pas à pas et la main dans la main,
Quand tu viendras dormir par l’éternel chemin
Dans la terre paisible et sous la blanche tombe
Où sur le marbre pur roucoule une colombe ;
Et, sous la porte haute où s’allonge en chantant
Le cortège fleuri qui fête le printemps
De la Mort apparue au seuil de tes années,
Le tiède vent d’avril aux couronnes fanées
Effeuillera les roses blanches, une à une.
Mais, si ta cendre illustre et mûre enfin pour l’urne
Doit reposer dans l’ombre et la paix et la gloire,
Si tu t’en vas tragique et hautain vers l’histoire
Dans l’éclair de ton glaive et l’écho de ton nom,
Vas-y par quelque soir en sang à l’horizon,
Grande Ombre ! et, vers la nuit, par la porte d’ébène,
Passe, et que l’âpre vent d’un souffle rauque éteigne
Au poing nu des porteurs qu’il courbe sous les porches,
La lueur des flambeaux et la flamme des torches.