Les Jeux rustiques et divins/Pour la Porte sur la Mer

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Les Jeux rustiques et divins. Inscriptions pour les treize portes de la ville
Mercure de France (p. 207-208).


POUR LA PORTE SUR LA MER


Moi, le Barreur de poupe et le Veilleur de proue
Qui connus le soufflet des lames sur ma joue,
Le vent s’échevelant au travers de l’écume,
L’eau claire de l’amphore et la cendre de l’urne,
Et, clarté silencieuse ou flamme vermeille,
La torche qui s’embrase et la lampe qui veille.
Le degré du palais et le seuil du décombre
Et l’accueil aux yeux d’aube et l’exil aux yeux d’ombre
Et l’amour qui sourit et l’amour qui sanglote
Et le manteau sans trous que l’âpre vent fait loque
Et le fruit mûr saignant et la tête coupée
Au geste de la serpe ou au vol de l’épée ;
Va, vagabond des vents, des routes et des flots,
De la course marine ou du choc des galops.
Moi qui garde toujours le bruit et la rumeur
De la corne du pâtre et du chant du rameur,
Me voici, revenu des grands pays lointains
De pierre et d’eau, et toujours seul dans mon destin

Et nu, debout encor à l’avant de la proue
Impétueuse qui dans l’écume s’ébroue ;
Et j’entrerai brûlé de soleil et de joie,
Carène qui se cabre et vergue qui s’éploie,
Avec les grands oiseaux d’or pâle et d’argent clair,
J’entrerai par la Porte ouverte sur la Mer !