Les Las d’aimer (Fernand Séverin)

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Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 231-232).


Les Las d’aimer


  
Le soir où, de l’ennui des délices pareilles,
Se fanent les baisers des beaux adolescents,
Ils s’en vont, fatigués de l’espoir et des veilles,
Cherchant un lit d’amour où s’affinent les sens ;

Un pâle lit d’amour, caressant, mais timide
Qui repose sans rêve en les doux rideaux blancs,
Et, pour les recréer de l’étreinte perfide,
Sur leurs fronts dévastés, de longs baisers tremblants !


Ils espèrent des yeux meilleurs qu’un ciel d’automne
En qui sombre à jamais l’amertume des leurs,
Des lèvres au parler suave et monotone,
Capables d’assoupir les anciennes douleurs.

On s’aimerait d’oubli, de nuit et de silence,
Sans que nul évoquât les doux instants passés,
Et l’on consolerait d’une neuve espérance
Le deuil harmonieux des rêves exaucés.

Ni lumière, ni bruit ; mais, dans la chambre heureuse
Dont de pesants rideaux endorment les parois,
Baiser les longues mains de l’étrange amoureuse
Qui sourit, triste et vague, en sa robe aux plis droits !

Ils l’ont vue une fois et l’espèrent leur Dame,
Et l’entendre parler leur révèle les cieux ;
Mais le fardeau d’aimer a tant ployé leur âme
Qu’ils n’oseront jamais l’implorer que des yeux.