Les Médailles d’argile/L’Accueil

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Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 83-84).
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L’ACCUEIL


Lorsque ton beau pied nu foula, divine Hélène,
Le rivage marin de la terre troyenne
D’où nous tendions les bras à Pâris de retour,
Un long cri de désir, de tendresse et d’amour
Monta dans l’air, du fond de nos rauques poitrines ;
Et chacun ressentit alors la peur divine
Et le grave frisson d’avoir vu la Beauté.
Ô Joie ! Et savions-nous la sombre vérité :
Que le souffle léger de tes lèvres charmantes
Gonflerait sur les mers à leur proue écumantes
La voile belliqueuse et pousserait vers nous
La colère des Rois outragés dans l’Époux ;
Que le noir éperon des nerfs mordrait le sable,
Où coulerait bientôt le sang intarissable ;
Que le clair tintement de l’or de tes colliers,
Hélène, précédait le choc des boucliers
Et que derrière toi grondait, hargneuse et forte,

La Grèce dont le flot bat le mur et la porte
De notre Ville en deuil autour de qui j’entends
Tourner dans la poussière et hennir dans le vent
L’attelage fougueux des étalons farouches
Qui traînent par les pieds et le sang à la bouche
Victime lamentable et sans sépulcre encor,
Le cadavre saignant qui jadis fut Hector !