Les Médailles d’argile/La Barque

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Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 67).

LA BARQUE


J’ai rempli jusqu’au bord, de la poupe à la proue,
Des fleurs que tu cueillis en venant vers la rive,
Ma barque, et le blanc lys et la rose pensive
Se regardent fleurir dans l’onde, joue à joue.

Entre. Pose ton pied ; assieds-toi là, dénoue
La sandale du cuir qui blesse ta chair vive
Et, comme un souvenir de la terre furtive
Écoute les graviers que ton talon secoue.

Amour ! tu t’es assis dans ma barque embaumée
Qui, sur les lents remous où rôde l’eau charmée,
Porte en elle, à la fois immobile et mouvante,

L’odeur du double Été qui nous isole en lui,
Sans savoir si la rive où le fleuve serpente
S’étire pour l’aurore ou s’étend pour la nuit.