Les Médailles d’argile/La Hache

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Les Médailles d’argileSociété du Mercure de France (p. 165).

LA HACHE


Écoute. Le vent froid aux cailloux de la route
Aiguise lentement, invisible ouvrier,
Les serpes et les faulx de ses bises d’acier ;
Le pas du Temps résonne au carrefour. Écoute.

Écoute. Au loin déjà les fleurs s’effeuillent ; toute
La prairie alentour frissonne, et tout entier
Le grand arbre frémit au souffle meurtrier ;
Et sa Dryade en lui va saigner goutte à goutte.

Les bûcherons, liant le fagot et l’écorce,
Vont dépecer, hélas ! ta stature et ta force ;
Ton ombre a marqué l’heure à ta chute ; mais sache,

Au soir de quelque Automne orgueilleux de ta mort,
Parmi l’effondrement de ta ramure d’or,
Tomber au moins hautain et grave, sous la hache.