Les Métamorphoses (Apulée)/Traduction Bastien, 1787/I/Remarques sur le Livre I

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REMARQUES

SUR

LE PREMIER LIVRE.


Les Métamorphoses ou l’Ane d’Or. L’on fut si charmé de cet ouvrage d’Apulée lorsqu’il parut, qu’on le nomma l’Ane d’or par excellence ; épithete que les anciens ont donnée à plusieurs ouvrages qu’ils en croyoient dignes, comme aux vers de Pythagore, qu’on nomme les vers d’or.

(1) Je vais vous conter diverses fables dans ce discours Milésien. Les anciens appeloient fable ou discours Milésien les poëmes ou fables amoureuses, et les ouvrages en prose qui rouloient sur des choses plaisantes et agréables, et qui étoient pleins d’aventures et de folies divertissantes. Les premiers de ces sortes de contes ont été faits par des habitans de la ville de Milet en Ionie, gens qui vivoient dans le luxe, les délices et la galanterie ; et ces premiers contes ont été cause qu’on a appelé dans la suite ces sortes d’ouvrages fables Milésiennes. On nomme aussi Milésies, les onze livres de cette métamorphose d’Apulée, à cause de la galanterie du style. Ovide, au second des tristes, se plaint d’être banni pour ses livres d’amour, plutôt qu’Aristides, poête grec, pour ses Milésies, ouvrage plein d’impudicités et de mollesse.

(2) Un ouvrage écrit, &c. Il y a dans le latin, papyrum Ægyptiam, sur un papier d’Égypte. Papyrus est le nom d’un arbrisseau qui croît dans les marais de ce pays-là. Il est de la grosseur d’un bras, long de dix coudées, grêle par le haut de son écorce ; on en tissoit des habits, des couvertures. On les séparoit en plusieurs feuilles minces, et l’on en faisoit le papier de la manière décrite dans Pline, l. xv de l’histoire naturelle, chap. 11 et 12. On parle ordinairement des Égyptiens, comme de gens mols et débauchés, faisant profession de rire et de composer des chansons lascives. Quintilien taxe les délices d’Alexandre en Égypte, comme les plus molles de toutes. Ce peuple étoit vif, naturellement porté à la plaisanterie. Selon Flavius Vopiscus, c’étoient de grands faiseurs d’épigrammes et de ces sortes de chansons que nous nommons vaudevilles.

(3) Personnes changées. C’est une grande question parmi les savans : savoir, si les hommes peuvent être transformés en d’autres images de loups, d’anes, chevaux, &c.

(4) Hymet est une montagne dans le territoire d’Athênes, renommée pour le marbre et le miel qu’on y recueille. L’orateur Lucius Crassus, eut six colonnes de ce marbre, longue chacune de douze pieds. Le miel d’Hymet (qu’on appelle aussi de l’Attique) surpasse tous les autres en bonté. Pline et Gallien l’approuvèrent dans les médicamens.

(5) Isthme. Les détroits du Péloponèse (ou la Morée), restreint entre les deux mers, l’Égée ou Archipel, et l’Ionienne s’appelle isthme. Au milieu de cet isthme est la ville de Corinthe que Ciceron appelle l’œil de toute la Grèce, et qui se nommoit anciennement Ephyra. Les cinq sortes d’exercices qu’on faisoit aux jeux publics qui se célébroient tous les ans en cet isthme, augmentent sa réputation. Il en est amplement parlé dans la Mithologie françoise, liv. 5, chap. 4.

(6) Tænar. C’est le nom d’un cap de mer et d’une ville, au territoire de Laconie, dont la capitale s’appelle Lacédémone, du nom de son fondateur, fils de Sémélé. On dit qu’il vivoit du temps de Moyse. Depuis, elle a été nommée Sparte, de Spartus, fils, ou Sparta, fille de Pharonée, roi d’Argos ; d’abord c’étoit une ville sans murailles. Le roi Agesilaus interrogé pourquoi Sparte n’étoit point clause ; voila, dit-il, en montrant les habitans armés, les murs de Sparte. Ces peuples ont adopté une brièveté singulière dans leurs écrits et dans leurs discours, qu’on appelle laconisme.

(7) Sans aucun maître. Ainsi Manlius, sénateur romain, se rendit lui-même et sans aucun maître, parfait en beaucoup de sciences. Ainsi saint Augustin se glorifie d’avoir entendu les livres des arts libéraux et les cathégories d’Aristote.

(8) Je vais vous conter l’histoire de ce qui m’est arrivé en Grèce. Le texte dit, fabulam græcam insipimus. Il se peut entendre comme je l’ai expliqué, ou, si l’on veut, comme quelques-uns le prétendent : Je vais vous conter une fable prise d’un auteur grec, parce qu’Apulée en a tiré le sujet de Lucien, ou de Lucius de Patras, auteurs grecs. Ou bien parce qu’il feint que ceci soit arrivé en Thessalie, province grecque.

(9) Ayant l’honneur de descendre du côté maternel du fameux Plutarque. Plutarque étoit cependant de Chéronée, ville de Béotie, et non de Thessalie, dont l’auteur dit qu’il tire son origine du côté maternel ; mais il se peut faire que les ancêtres de Salvia sa mère, étoient venus de Béotie s’établir en Thessalie.

(10) Et du philosophe Sextus, son petit-fils. Ce Sextus fut précepteur de l’empereur Marc-Antonin.

(11) Sédentaire lassitude. Les savans appelent ainsi : arts sédentaires, cellulaires, ceux qui s’exercent par des gens assis oisivement sur des selles. Le roi Numa en a permis la pratique aux esclaves seulement et aux forains, parce qu’ils détruisent la vigueur de l’esprit et du corps.

(12) Je lui frottai soigneusement le front. Aristote, au second des problèmes, dit que les gros animaux suent principalement par le front, parce qu’ils ont la tête humide et large, et que le front est plus proche du cerveau, partie très-grande.

(13) Curiosité. Julius Fermicus, 7, Mathes : dit que ceux qui naissent sous l’étoile de la chevre, sont envieux de toutes choses, et qu’ils recherchent sans cesse à apprendre des nouveautés. La curiosité est toujours signe de babil, elle porte plus de dommage que de profit à ceux qui l’aiment.

(14) Arrête le soleil. Les anciens croyoient que, par enchantement, il étoit possible de suspendre le cours du soleil. Saint Ambroise appelloit cet astre œil du monde, cœur du ciel, plaisir du jour, beauté des cieux, et grace de nature.

(15) Forcer la lune à jetter de l’écume. Les anciens croyoient que les sorciers avoient le pouvoir par des paroles magiques, de forcer la lune à jetter de l’écume sur les herbes, dont elles se servoient ensuite pour leurs enchantemens. Cette prétendue écume se nommoit lunar virus. Les hommes ignorant anciennement les causes naturelles, regardoient les éclipses du soleil et de la lune, comme de mauvais augures, pour détourner ce dont ils croyoient être menacés, ils faisoient bruire et retentir quantité de vaisseaux d’airain et de cuivre.

(16) M’ôtant la respiration. Nous avons deux petits canaux à la gorge par l’un desquels passe dans l’estomach tout ce que nous buvons et tout ce que nous mangeons, qui, pour cet effet, s’appele mangeoire : par l’autre, passe l’esprit de la bouche aux poumons ; et de là, remonte à la bouche et aux narines ; c’est par la même voie que se fait aussi le passage de la voix : on la nomme trachée-artère. Quelquefois les alimens demeurent dans ce canal, et ils bouchent le passage de l’esprit ; c’est ce qui arriva à Apulée. Pour prévenir cet accident, il y a une petite languette passée entre les deux canaux, qui s’appele épiglotte, qui couvre le canal de l’esprit en mangeant et en buvant.

(17) Pœcile. Ce mot signifie peint ou bigaré, à cause de la variété des peintures qu’on y voyoit ; c’étoit la galerie dans laquelle les Stoïciens tenoient leurs écoles.

(18) Vous auriez cru voir ce fameux serpent. Esculape, dieu de la médecine, à qui Homère, et après lui, Ovide, donne pour pere, Apollon, et pour mère, Coronis, fille du roi Phlegyas, laquelle étant grosse d’Esculape, ne laissa pas de s’abandonner à un nommé Ischys, fils d’Elatus ; mais Diane, indignée de l’infidélité que Coronis avoit faite à Appollon son frère, la tua d’un coup de flêche : et comme on étoit prêt de brûler son corps, Mercure ou, selon Pindare, Apollon lui-même, vint tirer l’enfant des entrailles de sa mère. Il fut nommé Esculape, des mots égyptiens esch qui veut dire, chèvre, et cheleph, qui signifie chien, parce qu’il fut nourri par une chèvre, et gardé par un chien. Les Epidauriens furent les premiers qui lui bâtirent un temple, et qui instituèrent des fêtes à son honneur, en quoi ils furent suivis des Athéniens et de plusieurs autres peuples de la Grèce.

Sanchun Iathon prétend que le premier qu’on ait nommé Esculape, est Egyptien, et il le met au rang des Dieux puissans avec Mercure. Ainsi, ce n’est pas sans raison que Pline dit, que les Egyptiens se vantoient d’avoir les premiers inventé la médecine. On ne peut douter qu’il n’y ait eu plusieurs Esculapes, et que le plus ancien n’ait été celui des Égyptiens. Cicéron en donne trois à la Grèce, ce qui fait connoître que le nom d’Esculape ayant une fois été porté de l’Égypte dans la Grèce, on le donna à plusieurs de ceux qui inventèrent quelque nouvelle manière de panser les plaies, et de guérir les maladies.

Le temple d’Esculape à Épidaure étoit le plus fameux de la Grèce. On y voyoit sa statue faite d’or et d’ivoire, assise sur un trône de même matière, tenant d’une main un bâton plein de nœuds, appuyant l’autre sur la tête d’un serpent, avec un chien à ses pieds. Sur les murailles du temple pendoient quantité de tablettes, sur lesquelles étoient écrites les diverses maladies pour lesquelles on avoit eu recours à ce Dieu, et les divers remèdes dont on s’étoit servi pour les guérir. C’est sur ces inscriptions qu’Hippocrate composa, à ce qu’on dit, ses traités de médecine.

On a consacré le serpent, qui est l’emblême de la prudence, au Dieu de la médecine, pour marquer que cette vertu étoit éminemment nécessaire à un médecin, et pour signifier aussi, que par son secours, le malade doit quitter ses maux et ses infirmités, comme le serpent quitte sa vieille peau. Par le bâton d’Esculape, on fait entendre que ceux qui relèvent de maladie, ont besoin de se ménager beaucoup, pour ne point retomber ; ou bien, parce que la médecine est comme le bâton et le soutien de la vie, et les nœuds de ce bâton marquent la difficulté de cet art.

(19) Égine. C’est une isle ainsi nommée du nom d’Égine, mère d’Éaqua, l’un des juges infernaux ; quelques-uns disent d’Égie. C’est une ville dans la Morée, où l’on dit que Jupiter a été nourri par une chèvre, et que, pour ce sujet, on lui donna ce nom ; car aix en grec, signifie chèvre.

(20) Lupus. C’est une allusion pour comparer ce marchand qui avoit tout acheté, à la gloutonnerie et à la voracité de cet animal qui égorgeroit volontiers tout le troupeau dans lequel il s’est jeté.

(21) Je m’en allai le soir même aux bains publics. Le bain étoit fort en usage chez les Grecs et les Romains. Ils le prenoient pour leur santé, pour se tenir le corps propre et net, et souvent pour le seul plaisir, dans de grands bâtiment publics, qui renfermoient un bain pour les hommes, et un autre pour les femmes. Dans les premiers temps de la république de Rome, que le luxe n’avoit point encore corrompu les mœurs, les Romains ne songèrent dans la construction de ces édifices, qu’à l’utilité et la commodité. Mais, dans la suite, les choses vinrent à un tel excès, qu’on ne pouvoit rien imaginer au-delà de la grandeur et de la magnificence de ces superbes bâtimens. Les marbres les plus rares y étoient employés. On y voyoit des colonnes sans nombre, aussi bien que des statues de bronze, d’albâtre et de porphyre. Ces vastes édifices qui, par leur étendue, paroissoient comme autant de villes, renfermoient des portiques, des allées, des bosquets, des canaux, des jeux de longue paume, des salles et une infinité d’appartemens séparés ; les uns, pour se déshabiller, les autres, pour suer, et d’autres, pour se faire dépiler et frotter d’essences parfumées des odeurs les plus exquises.

M. Agrippa fit construire cent soixante-dix bains publics, avec tous les ornemens et la magnificence possible. Sous l’empereur Auguste, on fit des dépenses prodigieuses pour des bains qui avoient des appartemens pour l’été, et d’autres pour l’hiver. Mais ceux qu’Antoninus Caracalla fit bâtir au pied du Mont Aventin, et ceux de Dioclétien surpassoient de beaucoup en grandeur et en beauté tous ceux qu’on avoit vus auparavant. Ils étoient si spacieux, dit Lipse, que, dans ceux d’Antoninus Caracalla, dix-huit cent personnes pouvoient se baigner sans s’incommoder.

(22) Rougeur. Le visage d’un homme vergogneux rougit ordinairement, parce que, comme dit Aristote en ses problèmes, le sang s’épand du cœur par toutes les parties de son corps, et occupe la superficie. Or cette rougeur est un bon signe dans un jeune homme, et comme disoit Diogène le Cynique, c’est la couleur de vertu. Ainsi les savans remarquent que Pompée ne paroissoit jamais en compagnie sans rougir. Quintilien dit que c’est un vice de rougir, mais un vice aimable qui engendre les vertus.

(23) Manger et boire. Ces deux actions chassent les tristesses et passions de l’esprit, et facilitent le repos.

(24) Macédoine. Cette ville a été fort illustrée par ses deux rois, Philippe et Alexandre, et notamment sous ce dernier qui l’a rendue chef de l’Empire. Macédo, petit-fils de Deucalion, lui a donné son nom.

(25) Larisse. Plusieurs villes ont eu ce nom en diverses provinces ; celle dont il est ici question, étoit dans la Thessalie ; elle a été bâtie par les Cyclopes qu’on surnomment Gastrochires, comme qui diroit Ventrimains, parce qu’ils se nourrissent du travail de leurs mains.

(26) Meroé. Ce nom signifie autant que vin pur, comme qui diroit, qui n’a point appris à mettre de l’eau dans son vin. C’est ainsi qu’Ausone parle d’une bonne biberonne à laquelle, pour cet effet, on avoit, donné un semblable nom.

(27) Æthiopiens. Homère, au Ier de l’Odissée fait cette division de l’Æthiopie. Strabon en parle amplement au Ier de sa géographie. Pline, au Ve, regarde comme bien fondée, l’opinion de ceux qui mettent deux Æthiopies au-dessus des déserts d’Afrique, notamment Homère qui partage ces peuples en deux.

(28) Antichthones. Ceux qui habitent sous la Zone Hiemale que la Torride sépare d’avec nous. Ce nom signifie autant que : habitant une terre contraire ou opposée. Antipodes, ceux qui tiennent la plus basse partie de notre Zone : Antipes, ceux qui demeurent en la Zone opposite aux Antichthones.

(29) Les Testicules. Le castor est mis au rang des animaux amphibies. Suivant l’opinion populaire, cet animal croit qu’on ne tâche de le prendre que parce que ses testicules sont fort utiles dans la médecine, et que, pour ce sujet ne pouvant éviter d’être pris, il se sauve par le moyen que porte le texte ; mais il faut plutôt suivre l’opinion d’un savant naturaliste. Le castor ne peut se châtrer lui-même, parce que ses testicules sont petites, fort étroites et adhérentes à son épine, et il est impossible de les lui ôter sans qu’il en meure ; il a bien deux petites follicules qui lui pendent accouplées ensemble, qui ont une grande vertu en médecine. En effet les Médecins appellent castorea les drogues qui guérissent plusieurs maladies, les étourdissemens, les tremblemens, vices de nerfs, maux d’estomach, paralysie, sciatique, maux de col, &c.

(30) Grenouilles nageant dans un tonneau. L’eau est l’élément des grenouilles ; de-là vient le proverbe : verser du vin aux grenouilles qui s’emploie lorsque l’on donne des choses inutiles à ceux qui les reçoivent ; on dit au contraire verser de l’eau aux grenouilles, de ceux qui donnent des choses plaisantes et profitables à ceux qui les reçoivent.

(31) Eléphant. L’éléphant, dit-on, porte dix ans : de là vient ce proverbe : plutôt enfantera l’éléphant. Tirons le mot enfanter de fan, fan d’éléphan, fan de biche, &c. et nous trouverons qu’il peut aussi bien dire des brutes, comme le latin, parere. Aristote dit que l’éléphant ne porte son petit que deux ans.

(32) Médée. Les amours de Jason et de Médée, l’homicide commis par elle en la personne de son propre frère, après sa fuite, pour courir après son amant. Le divorce qu’il fit avec elle pour épouser Glauca ou bien Creüsa, fille de Créon, roi de Corinthe ; ses regrets et l’horrible vengeance qu’elle en tira, sont contenus fort au long avec l’explication physique et morale dans la mythologie, l. 6, ch. 7.

(33) Ayant fait ses enchantemens autour d’une fosse. Les sacrifices se faisoient sur des autels élevés pour les Dieux du ciel, à terre pour les divinités terrestres, et dans une fosse pour les divinités infernales. Nous lisons dans Homère, qu’Ulisse creusa une fosse d’une coudée de profondeur, dans laquelle il versa du vin mêlé de miel, du vin pur, de l’eau et du sang des victimes, pour évoquer les ombres des morts, et particulièrement l’ombre de Tiresias.

Silius, au 13e. des puniques, à son imitation, dit que Scipion en fit de même une fois. Cette sorte de sacrifice magique est assez fréquente dans les auteurs latins.

(34) Esprits. Tout démon est aîlé, comme dit Tertulien dans son apologie ; en un moment ils parcourent tout, ils apprennent tout ce qui se passe, et ils le rapportent de même.

(35) Enfin je m’assoupis environ sur le minuit. Il y a dans le texte : environ à la troisième veille de la nuit. Les anciens partageoient la nuit en quatre veilles, et chaque veille comprenoit trois heures. La première veille de la nuit étoit depuis six heures jusqu’à neuf, et ainsi des autres.

La discipline militaire fit faire cette division, parce que les soldats ne pouvoient se tenir aux écoutes toute la nuit. Les historiens nomment souvent les premières 2, 3 et 4 veilles de la nuit.

(36) Affections. Les philosophes appellent affections les mouvemens de nos esprits, comme la crainte, le couroux, l’amour, la haine. Aristote, au 2 des éthiques, dit que les affections ne sont ni vertus ni vices ; pour ce sujet, elles ne méritent ni louanges ni blâme. Il y en a deux espèces, selon Quintilien, au liv. 6. Les unes sont brusques, les autres posées ; les unes conviennent à la tragédie, les autres à la comédie.

(37) Me voyant d’Aristomènes changé en tortue. Parce qu’il étoit sous son lit, comme une tortue sous la coquille.

(38) Endymions. Quelques-uns disent Hedyosmion, qui vaut autant à dire comme doucet, nom fort convenable aux amoureux. Apulée semble faire plusieurs allusions à ce fameux Endymion. Le sujet de cette fable est venu de ce que Endymion ayant observé le premier la multiforme-nature de la lune, le bruit courut, à cause du temps qu’il employoit à l’observation de son cours, qu’elle s’étoit amouraché de lui.

(39) Catamite. Comme qui diroit mon cœur, mon mignon, mes amours. Les anciens appeloient Ganymèdes, concubin et les délices de Jupiter, généralement ces garçons qui tiroient un grand profit de la prostitution de leur corps.

(40) Abandonné comme Calipso par la fourberie de cet Ulisse. Ulisse, après le siège de Troye, s’en retournant en son royaume d’Ithaque, fut jetté par la tempête sur les bords de l’isle d’Ogygie, où régnoit Calipso, fille de Thetis. Cette nymphe devint éperdument amoureuse de lui, et le retint auprès d’elle pendant sept ans par le charme des plaisirs. Ulisse enfin, par l’ordre de Jupiter, se remit en mer, et la quitta malgré ses regrets et ses larmes, pour rejoindre sa femme Penelopé.

(41) Que ne commençons-nous donc, ma sœur, par mettre celui-ci en pièces à la manière des Bacchantes. Les Bacchantes étoient les compagnes et les prêtresses du Dieu Bacchus. Ces femmes vêtues de peaux de tigre et de panthères, entroient en fureur lorsqu’elles célébroient ses mystères. Elles couroient par les montagnes toutes échevelées, avec un thyrſe à la main, qui étoit un bâton entouré de lierre, criant de toute leur force, et répétant souvent evohe Bacche. Elles mirent Panthée en pièces sur le mont Citheron, parce qu’il s’étoit mocqué des fêtes de Bacchus, les voulant faire passer pour des folies et des extravagances. Elles déchirèrent aussi Orphée pour une autre raison. Bacchantes, Bacchos, Bacchanales viennent de Bacchein, comme qui diroit enrager. Voyez l’histoire de Bacchus en la mythologie, liv. 5, chap. 13.

(42) Afin qu’il couvre d’un peu de terre le corps de ce misérable. C’est un reste de pitié de Méroé pour l’ame du pauvre Socrates, qui, suivant l’opinion des payens, auroit été errante sur les bords du Cocyte, sans pouvoir le passer, si son corps n’avoit pas été inhumé.

(43) Ne voulant même, comme je crois, oublier aucune des cérémonies qui s’observent aux sacrifices, &c. Les prêtres, après avoir égorgé la victime, ne manquoient pas de l’ouvrir et d’en tirer les entrailles, par l’inspection desquels ils prétendoient connoître si le sacrifice avoit été agréable à la Divinité, et souvent même l’Haruspice par cet examen prédisoit à ceux qui avoient offert la Victime, les choses à venir sur lesquelles ils l’interrogeoient.

(44) Résister à une femme. Aristote, dans ses problèmes, dit que c’est chose plus criminelle de tuer une femme qu’un homme, parce qu’elle est plus foible.

(45) Citrouille. Manière de parler pour faire entendre que la tête de l’homme ne se reproduit pas de graines comme les citrouilles.

(46) Cerbère. Les Mythologiens disent que Cerbère est le gardien des enfers, et qu’Hercules l’emmena hors des enfers. Liv. 3, chap. 5 de la mythologie, on trouve l’explication de cette fable.

(47) Sorcières ou Lamies. Ce sont des esprits qui vont de nuit, espèces de loups garoux qui dévorent les enfans, elles sont fort portées à l’amour, et très-lascives. Elles aiment notamment les beaux hommes. Leur nom vient de Laimos, gloutonnerie.

(48) Etoile du jour. Cette étoile se nomme Lucifer porte jour ; ainsi qu’un autre soleil, elle devance le jour au matin. Elle est si claire que ses rayons sont suffisans pour dissiper les plus grosses ténèbres, le soleil ensuite par sa venue éclaire le monde. Elle se prend aussi pour le soleil même à qui proprement appartient cet effet.

(49) (Boire). Caton, au 2 liv. de l’agriculture, dit, si vous desirez bien boire dans un banquet, et bien souper, mangez devant votre repas d’un chou crud au vinaigre, et quelques feuilles après le repas, elles vous rendent au même état que si vous n’eussiez ni bu ni mangé, et vous laissent boire autant que bon vous semble.

(50) Etranges choses. Socrates, en la police de Platon, dit que la partie de l’esprit qui participe d’entendement et de raison, languit, assoupie chez ceux qui dorment, mais que celle qui tient du naturel bestial, étant étourdie par un immodéré boire et manger, s’éveille et tourmente horriblement par les visions nocturnes. C’est pourquoi Platon commande que le corps soit si bien disposé, quand l’on va se coucher, que rien ne puisse apporter ou frayeur ou trouble dans l’esprit. Pythagore défendoit à ses disciples de manger des fèves, d’autant que cette nourriture engendre ordinairement des songes grossiers.

(51) On m’égorgeoit. Socrates pense avoir vu en songe ce qu’il avoit enduré par illusion ; c’est ainsi que l’art magique abuse les hommes par certains prestiges. S. Augustin, dans son 18e. de la cité de Dieu, dit : que la fantaisie de l’homme est capable de diverses formes ; il raconte l’histoire d’un homme auquel il étoit arrivé par force magique de rester dans son lit comme dormant sans se pouvoir réveiller que quelques jours après. Cet homme raconte ensuite ce qui lui est arrivé : qu’il étoit devenu cheval, et qu’il avoit porté des provisions de guerre parmi les autres vivandiers. Un autre homme soutint que de nuit il avoit vu venir un philosophe qui lui avoit expliqué quelques points de la philosophie platonique qu’il avoit refusé déja d’entendre. Ce philosophe lui demandoit pour quelle raison il faisoit maintenant ce qu’il n’avoit pas voulu faire en étant requis ; je ne l’ai pas fait, ce dit-il, mais bien ai-je songé l’avoir fait.

(53) Les Destins. Séneque dit au livre du gouvernement du monde, les destins nous conduisent, et jadis il fut ordonné que l’on riroit de quoi l’on pleureroit. La doctrine payenne enseignoit que toutes choses qui naissent animaux, plantes, villes, n’avoient pas seulement leur genre particulier qui les gouvernoit perpétuellement, mais aussi qu’elles étoient soumises à la puissance des parques et du destin ; de façon que, quand quelque chose venoit à naître, elle devoit mourir au bout de certain terme, selon l’ordre des destinées, ou par l’épée, ou par le feu, ou d’ennui, ou par quelque autre désastre et constellation inévitable non-seulement aux hommes, mais aux Dieux mêmes, comme ils le représentoient par la statue de Jupiter Olympien dans son temple à Mégare. Il portoit sur sa tête l’effigie des parques et des heures, comme leur étant soumis.

(54) Porté par mes oreilles. Les discours plaisans et facétieux allègent la fatigue des voyageurs, en sorte qu’ils paraissent portés par leurs oreilles, c’est pourquoi Xerxès, roi de Perse, disoit que l’esprit de l’homme habite aux oreilles.

(55) Hôtesse tavernière. Platon, au 2 de la république, dit bien que cette espèce de gens est nécessaire aux grandes villes et bien policées, mais dans son livre des loix, il en défend la pratique aux bourgeois, comme ne devant être exercée que par des personnes abjectes et serviles.

(56) Sordide. On appelle ainsi les avares dont la bassesse de l’ame les rend capables de la plus grande saleté ; ces ames chétives ne font aucun cas de la vertu, elles ne s’occupent que de richesses.

(57) Sa femme étoit assise à ses pieds. Ce n’étoit pas la coutume, sur-tout en Grèce, que les femmes se trouvassent dans les banquets avec les hommes. Ciceron, dans la 3e oraison contre Verrès. Tùm ille negavit moris esse Græcorum ut in convivio virorum mulieres accumberent. Il dit que ce n’étoit pas la coutume chez les Grecs que les femmes se trouvassent dans les banquets des hommes. Quand elles mangeoient avec leurs maris, elles étoient assises à leurs pieds. Cela se voit encore dans plusieurs bas-reliefs de ce temps-là.

(58) Si vous imitez ainsi les vertus du grand Thésée, dont votre père portoit le nom, qui ne dédaigna point de loger dans la petite maison de la bonne femme Hecale. On voit par ce passage que le père d’Apulée se nommoit Thésée. À l’égard de Thésée, fils d’Égée, roi d’Athênes, étant encore jeune, il fut loger chez Hécale, vieille femme extrêmement pauvre, mais très-vertueuse. Elle le reçut le mieux qu’il lui fut possible, et lui promit de s’immoler elle-même à Jupiter, s’il revenoit sain et sauf de la guerre. Elle mourut avant son retour. Thesée en sa mémoire institua une fête en l’honneur de Jupiter, qui fut surnommé Hécalien. C’est de la pauvreté d’Hécale qu’est venu ce proverbe des anciens, Nunquam Hecale fies. Tu ne deviendras jamais Hécale, c’est-à-dire ; Tu ne seras jamais pauvre.

(59) Tenez, dis-je à Fotis, voilà de l’argent, achetez-lui du foin et de l’orge. Le droit d’hospitalité étoit fort recommandable chez les anciens ; mais ils ne se piquoient pas toujours de défrayer entièrement leurs hôtes, ils ne leur donnoient souvent que le logement et l’ustensile.

(60) Lucius. M. Varron, aux livres de l’analogie, nous dit qu’on appeloit anciennement à Rome luces, ceux qui naissent du jour, du mot lux, qui veut dire jour, ainsi nomment-ils manies, qui naissoient au matin, de mane, matin. Ces prénoms ne se donnoient aux mâles, qu’alors qu’ils commençoient à porter la robe virile, en sortant de tutelle : et aux filles, quand on les marioit. Apulée introduisant ce commissaire des vivres, le fait user de ce serment, pol ou par Pollux ; serment commun, a dit Celle, aux hommes et aux femmes ; mais Varron, le plus docte de tous les Romains, soutient que les plus anciens ne juroient ni par Pollux, ni par Castor, son frère ; les femmes disoient seulement occi ou non. Comme d’ailleurs il n’étoit permis qu’aux hommes de jurer par Hercule, lesquels alors sortoient dehors en plein air, pour montrer qu’Hercule n’a point mené une vie oiseuse ni sédentaire à l’ombre ; mais à la campagne et toujours en action ; ou peut-être que le respect qu’ils portoient à Hercules, les faisoit tirer à l’écart pour avoir moins d’arbitres et de témoins en ce serment, attendu que l’on tient qu’Hercules avoit été fort religieux et retenu en ses sermens, comme n’ayant juré qu’une seule fois en sa vie.

(61) Des huissiers avec des faiſceaux marchent devant vous. Les faisceaux étoient des haches dont le manche étoit environné de plusieurs baguettes liées ensemble, que des espèces d’huissiers, appelés licteurs, portoient devant les grands magistrats, pour inspirer plus de crainte et de respect dans l’esprit du peuple. Quand des magistrats précédés par des officiers avec ces faisceaux, vouloient marquer de la déférence pour quelque personne de mérite et de considération, ils les renvoyoient ou faisoient baisser leurs faisceaux devant eux, ce qui s’appeloit submittere fasces. C’est ainsi qu’en usa le politique Publicola, consul, qui, devant haranguer le peuple romain, renvoya auparavant ses licteurs. Fasces, dit Tite-Live, Majestati populi Romani submisit. Et le grand Pompée entrant dans la maison du philosophe Possidonius, congédia sur la porte ses licteurs, pour faire honneur aux lettres qu’il cultivoit avec soin.

(62) Car je suis Ædile. Ces magistrats avoient la surintendance des bâtimens publics et particuliers, des aqueducs, des temples et des Jeux publics. Ils mettoient le prix sur toutes les denrées, ils avoient inspection sur les poids et mesures, et généralement sur tout ce qui concerne la police.


Fin des Remarques du premier Livre.