Les Merveilles de l’Industrie

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LES MERVEILLES DE L’INDUSTRIE
Par M. Louis Figuier[1].

L’infatigable vulgarisateur, qui a déjà publié tant de livres, sur toutes les branches de la science, vient de faire paraître le premier volume d’une grande publication qui fait suite en quelque sorte aux Merveilles de la science. M. Louis Figuier a le don de trouver les sujets attrayants, de les exposer d’une façon agréable, claire, intelligible, et de les orner d’un incomparable luxe d’illustrations. Les ouvrages de M. Figuier ont été quelquefois l’objet de critiques acerbes ; mais nous ne partageons pas l’opinion de ces juges sévères, qui examinent tout à la loupe et qui semblent prendre un malin plaisir à dévoiler les plus petites imperfections et les moindres erreurs. Notre opinion sincère sur l’auteur de ces innombrables œuvres de science vulgarisée, c’est qu’il est digne des plus grands éloges de la part de tous ceux qui se soucient des bienfaits de l’instruction. C’est par douzaines que M. Figuier a jetés entre les mains de la jeunesse, des livres attrayants et essentiellement instructifs, des ouvrages qui donnent le goût de la science, et qui inspirent au jeune lecteur le désir de connaître et d’apprendre.

Au lieu de dénigrer systématiquement les œuvres d’un tel écrivain, applaudissons au contraire à leur succès légitime, car quoi qu’on puisse dire, elles sont utiles et contribuent à répandre des notions substantielles et salutaires.

Les Merveilles de l’industrie sont fécondes en surprises et en attraits. Les fabriques de porcelaines, de faïences, les verreries, les cristalleries, les usines de produits chimiques, passent successivement sous les yeux du lecteur, qui rencontre partout des sujets d’admiration, entremêlés de récits curieux et intéressants. — Les gravures ci-contre reproduisent deux fabriques de savons ; la première de savon commun, la seconde de savon de toilette. L’auteur a l’excellente habitude de faire l’historique des questions qu’il étudie ; cela donne beaucoup de relief, aux faits contemporains. À propos des savons, sujet que nous avons choisi à peu près au hasard dans l’œuvre nouvelle, M. Figuier nous raconte l’origine des célèbres savonneries de Marseille, qui ont été créées en France pendant l’administration du grand Colbert, et qui sont devenues une véritable source de richesses pour notre pays.

Fabrication du savon de suif dans une usine des environs de Paris.
(Opérations de la coction du savon et du coulage dans les mises.)

Voici une anecdote plus récente, qui nous a paru originale :

« C’était en 1814, à la première rentrée des Bourbons. Le comte d’Artois venait d’arriver à Marseille, et y avait trouvé l’accueil le plus enthousiaste et le plus bruyant. On le promenait de fête en fête au milieu des acclamations de la foule et des harangues de l’autorité. Au nombre des curiosités locales et comme preuve d’intérêt vis-à-vis d’une grande industrie, il avait été décidé que Son Altesse Royale honorerait de sa visite une de nos principales fabriques de savon. C’était, il m’en souvient, celle de M. Payen, située sur les hauteurs de la vieille ville, et qui avait été improvisée et décorée pour la circonstance. Les ouvriers y étaient à leur poste, en habit de travail, les contre-maîtres aussi ; on devait donner au prince le spectacle d’une fabrication en miniature. Elle eut lieu en effet, et qu’en sortit-il ? Un buste de Louis XVIII en savon, d’une blancheur transparente, et sur le socle duquel on pouvait lire cette inscription :

« Il efface toutes les taches. »

Pour préparer le savon de suif, on coupe le suif en morceaux et on en introduit environ 900 kilogrammes dans une chaudière en fer battu. On verse dans cette chaudière 400 à 450 litres de lessive caustique faible (lessive de sel de soude à 10°), et l’on a l’empâtage en entretenant une ébullition modérée, pendant qu’on active la saponification en agitant la masse avec un redable. Notre première figure donne l’aspect d’une usine des environs de Paris. Les savons de toilette offrent la même composition que les savons ordinaires, mais seulement ils sont préparés avec plus de soin. Ils sont pulvérisés avec des matières odoriférantes, et moulés ensemble dans des appareils spéciaux. On voit ci-dessous l’intérieur d’une fabrique de savon de toilette chez un parfumeur parisien. On aperçoit à droite la rangée des machines broyeuses et peloteuses qui confectionnent les pains de savon, et à gauche les opérations du paquetage des mêmes pains.

Intérieur d’une fabrique de savon de toilette (salle des machines chez un parfumeur de Paris).

Le nouvel ouvrage que M. Louis Figuier vient d’entreprendre comprendra quatre volumes semblables à celui dont nous parlons. Les trois suivants seront peut-être plus intéressants encore. Ils traiteront des industries des mines et des métaux, et des industries mécaniques, agricoles et alimentaires.


  1. 1 vol. grand in-8o illustré. — Furne, Jouvet et Cie, Paris.