Les Merveilles de la science/L’art du Chauffage - Supplément

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Furne, Jouvet et Cie (Tome 2 des Supplémentsp. 521-568).
SUPPLÉMENT
à
L’ART DU CHAUFFAGE

Dans la Notice des Merveilles de la science sur l’Art du chauffage[1] nous avons étudié le chauffage :

1° Par les cheminées ;

2° Par les calorifères ;

3° Par les poêles ;

4° Par le gaz.

Nous avons à faire connaître, dans ce Supplément, les inventions réalisées dans l’art du chauffage, depuis la publication de cette Notice, c’est-à-dire depuis l’année 1870, environ, jusqu’à ce jour.

Le chauffage par les cheminées et les calorifères n’a pas reçu, depuis 1870, de perfectionnements dignes d’être signalés, mais il en a été autrement pour les poêles et le gaz. En ce qui concerne les poêles, une innovation très importante, si l’on considère son énorme extension, a été réalisée. Nous voulons parler des poêles à combustion lente, ou poêles mobiles, qui se fabriquent aujourd’hui, en France, par centaines de mille, chaque année. Le chauffage par le gaz, qui n’en était qu’à ses débuts, au moment de la publication de notre Notice, s’est prodigieusement développé, et tient maintenant une grande place dans les appartements, les ateliers et les cuisines. Ajoutons qu’un agent de chauffage dont nous parlions à peine dans la même Notice, le pétrole, est entré, d’une façon régulière, dans les usages industriels, particulièrement pour le chauffage des chaudières des bateaux à vapeur de certains pays, et des locomotives.

Nous avons donc à traiter, dans ce Supplément :

1° Des poêles à combustion lente ;

2° Des nouvelles applications du gaz de l’éclairage (hydrogène bicarboné) au chauffage des fourneaux de cuisine, des poêles, ou cheminées d’appartement, et des fourneaux d’ateliers.

3° Du pétrole employé pour remplacer la houille, dans divers foyers industriels.


CHAPITRE PREMIER

les poêles à combustion lente.

L’origine de l’invention des poêles à combustion lente se trouve dans l’appareil que nous avons décrit dans les Merveilles de la science, sous le nom de poêle à alimentation continue. Nous en avons donné la description et la figure ; le lecteur est prié de s’y reporter[2].

La théorie du poêle à alimentation continue, qu’un constructeur anglais, Thomas Walker, avait fabriqué, après en avoir lui-même pris l’idée dans le foyer des hauts-fourneaux, consistait à alimenter de charbon et de minerai, un foyer, par le seul poids du combustible superposé. Comme on peut le voir par le dessin que nous en avons donné, le coke, dans l’appareil de Thomas Walker, était contenu dans un long tube central, fermé à sa partie supérieure par un couvercle, dont les bords saillants plongeaient dans un lit de sable. Par son seul poids, le coke descendait sur la grille, au fur et à mesure de sa combustion, qui s’opérait par le bas. Les gaz enflammés s’échappaient par un tube latéral.

Le poêle Walker fut introduit ou perfectionné, en France, par M. Gough, qui lui donna le nom de calorifère phénix, sous lequel il est encore connu et employé aujourd’hui.

On suivra facilement sur la coupe, que nous en donnons (fig. 399) les diverses parties dont le calorifère phénix se compose.

Fig. 399. — Calorifère phénix.

B est le cendrier ; C, le régulateur placé à la porte qui se trouve à la base ; E la porte du foyer, pourvue d’une feuille de mica transparente, à travers laquelle on voit briller le feu ; FF est la calotte en fonte, où brûle le charbon ; G la grille. Le courant d’air passe, du régulateur C, à travers cette grille, ainsi que l’indiquent les flèches. H, H, M, M, est un fort revêtement de fonte, qui protège le cylindre extérieur contre une chaleur excessive, et qui, combinée avec la petitesse du feu, maintient le poêle extrêmement chaud, même dans la partie isolée du fourneau. Sur cette partie, figurée par M, s’élève un cylindre en tôle, LL. De la surface du feu, la fumée s’élève et s’échappe par le tuyau latéral, O. En faisant passer ainsi la fumée sur cette grande surface rayonnante (l’air et le rayonnement emportant la chaleur du côté opposé), on économise la chaleur produite à sa plus grande intensité, en en laissant échapper par la cheminée, la plus petite quantité possible.

Au centre est le réservoir de coke, KKN, qui, étant rempli de combustible depuis le haut, entretient uniformément le feu au-dessous, jusqu’à ce que le combustible soit totalement consumé. Dans la partie supérieure, le foyer est privé d’air, au moyen du couvercle, R, qui est ensablé dans l’enclave, TT. Le combustible ne peut donc brûler, faute d’air, quoiqu’il pose perpendiculairement sur le feu.

On obtient ainsi un petit feu constamment entretenu, et une chaleur uniforme, pendant douze à dix-huit heures.

Le tuyau O, par où s’opère l’échappement des gaz provenant de la combustion, est placé environ à moitié de la hauteur totale de la colonne.

Le tirage se règle au moyen de l’introduction d’une quantité d’air plus ou moins grande, par le bouchon à vis C, pratiqué dans la porte inférieure qui sert à l’extraction du cendrier, B. La plaque de mica, E, encastrée dans une ouverture correspondante au foyer, permet de suivre la marche de la combustion, et d’apprécier le moment où il convient de nettoyer la grille, ou de remettre du combustible.

Cette manière d’alimenter automatiquement un poêle, par le seul poids du combustible, renouvelé seulement chaque vingt-quatre heures, était d’un avantage pratique considérable. L’ingénieur russe, de Choubersky, s’emparant de cette idée, construisit le poêle à alimentation continue, qui reproduisait à peu près exactement le poêle de Walker ou de Gough. Mais l’ingénieur russe augmenta l’utilité de ce système, en munissant le poêle d’une paire de roulettes, qui permettent de le transporter d’une pièce à l’autre, et de chauffer ainsi alternativement l’antichambre, la salle à manger ou le salon.

Bien que chacun connaisse le poêle Choubersky, il ne sera pas inutile d’en donner une description précise.

La figure 400 donne la coupe en travers et la figure 401 l’élévation du poêle Choubersky. La légende qui accompagne la figure 400, donne l’explication des différentes parties de l’appareil.

Fig. 400. — Coupe du poêle roulant de Choubersky.

C, couvercle mobile. — S, gorge remplie de sable fin, produisant l’occlusion. — M, manivelle, pour le transport du poêle. — R, roulettes. — AT, cylindre intérieur en tôle, recevant la chaleur, entouré d’une enveloppe extérieure, P. — F, partie du cylindre composant le foyer, et qui est en fonte. — U, manivelle pour agiter le coudrier et activer la combustion. — G, grille. — BE. tuyau d’échappement des gaz provenant de la combustion. — T, trous pour l’échappement desdits gaz. — O, valve obturatrice du tuyau, EB.

Fig. 401. — Poêle Choubersky (vue extérieure).

On sait ce qui caractérise ce genre de poêle, c’est la lenteur de la combustion. La faible proportion de coke ou d’anthracite brûlée, procure une grande économie, tout en fournissant la quantité de chaleur strictement nécessaire au chauffage normal d’une pièce d’appartement.

Empressons-nous de dire, toutefois, que la lenteur de la combustion a un inconvénient. Comme une grande quantité de charbon se trouve en présence d’une très faible proportion d’air, il en résulte, comme nous l’enseigne la chimie, qu’au lieu de gaz acide carbonique, il se produit de l’oxyde de carbone, gaz éminemment toxique. Et si le tirage de la cheminée est faible ou nul, le gaz oxyde de carbone peut refluer dans la pièce d’appartement, et occasionner des accidents d’asphyxie aux personnes qui l’occupent.

Aux premiers temps de cette invention, la construction des poêles Choubersky était défectueuse, et l’on n’était pas suffisamment averti des dangers qu’ils peuvent présenter, dans certaines conditions. Telles furent les causes d’accidents assez nombreux, qui se produisirent, à cette époque, et qui émurent beaucoup l’opinion publique.

Grâce aux perfectionnements apportés aux appareils, ces accidents sont devenus aujourd’hui, extrêmement rares. Il est bon, toutefois, que le public en soit averti. Les poêles à combustion lente ont pris partout une extension immense, contre laquelle ne prévaudront pas les inconvénients qu’on leur reproche. Le mieux donc est d’essayer de diminuer leurs dangers, en les signalant au public, afin que constructeurs et architectes les évitent, et que, d’un autre côté, les consommateurs observent les précautions dont l’oubli peut mettre leur vie en péril.

À ce point de vue, il est très important de connaître les détails de la discussion qui eut lieu à l’Académie de médecine de Paris, en 1889, et dans laquelle la question des dangers des poêles mobiles fut longuement agitée.

C’est le Dr Lancereaux qui mit le premier ce sujet sur le tapis, dans une communication faite à l’Académie de médecine, le 5 février 1889, où il énumérait les dangers qui résultent, dans certaines circonstances, de l’usage des poêles mobiles, à combustion lente.

Dans toute combustion, il se forme, entre autres produits, du gaz acide carbonique et du gaz oxyde de carbone et comme nous l’avons dit plus haut, toutes les fois que l’acide carbonique passe sur un excès de charbon incandescent, il se tranforme partiellement en oxyde de carbone. Or, l’oxyde de carbone est un poison violent. À dose un peu forte, il tue sans retour ; à dose faible, il tue encore, dans un temps plus ou moins long, mais on ne peut échapper à son action délétère ; à dose extrêmement minime, il est encore dangereux à respirer, parce que ses effets, devenus chroniques, se traduisent par une anémie et des accidents nerveux dont on recherche souvent la cause ailleurs.

Les poêles à combustion lente réalisent cette condition, c’est-à-dire mettent en présence l’acide carbonique avec un excès de charbon : d’où résulte nécessairement la production de gaz oxyde de carbone.

Dans sa communication à l’Académie de médecine, le Dr Lancereaux commençait par rapporter trois cas d’empoisonnement graves, observés par lui, dans sa clientèle, et causés par les poêles mobiles ; puis, il abordait la question fondamentale, à savoir la cause de ces accidents.

« Tous, les poêles mobiles, dit le Dr Lancereaux, ont pour but de donner une combustion lente, continue et d’être transportables. La mobilité s’obtient en garnissant le poêle d’un soubassement à roulettes ; la continuité, en chargeant, toutes les douze heures avec du coke, et, toutes les vingt-quatre heures avec de l’anthracite, le cylindre intérieur du poêle. Quant à la lenteur, elle est l’effet du mode suivant lequel s’opère le tirage ; et comme, dans ces poêles, on cherche à réaliser une économie de combustible, il en résulte que l’appel d’air est aussi faible que possible ; car moins il entre d’oxygène dans le poêle, et moins on brûle de combustible.

« Les recherches anémométriques du Dr Vallin l’ont, en effet, conduit, dit le Dr Lancereaux, à reconnaître que, dans un poêle mobile ordinaire, le tirage ne fait arriver au foyer que 4 mètres cubes d’air par kilogramme de coke brûlé, quand cette quantité de combustible exige 9 mètres cubes d’air pour que tout le carbone soit transformé en acide carbonique, et alors, le produit de la combustion est surtout de l’oxyde de carbone.

« Aussi peut-on dire de ces appareils, ajoute M. Lancereaux, qu’ils sont des foyers de production de gaz toxiques, et que plus ils sont économiques, plus ils sont dangereux. »

Les poêles mobiles se composent, en général, comme le représente la figure 400, de deux cylindres concentriques de tôle, entre lesquels existe une sorte de chambre, que l’on pourrait appeler chambre de sûreté, si certains constructeurs n’avaient eu la malheureuse idée d’en annihiler le rôle, en perçant, sur le cylindre extérieur, des ouvertures, dites bouches de chaleur.

Le cylindre intérieur, en tôle AT, reçoit le combustible. Il est fermé par un couvercle circulaire, reçu dans une gorge ou rainure, formée, à la partie supérieure, par la réunion du cylindre extérieur et du cylindre intérieur. Cette rainure est remplie de sable fin, qui a pour but de rendre la fermeture hermétique, mais l’occlusion n’est jamais garantie, et les gaz peuvent s’échapper, par suite de l’imperfection de ce mode de clôture.

Les causes de l’échappement des gaz à l’intérieur des pièces, sont, d’après le Dr Lancereaux : l’adaptation imparfaite du couvercle, la mauvaise disposition de la plaque mobile, enfin le refoulement des vapeurs de charbon. Il suffit de la présence d’un fragment de coke ou d’une pierre, dans le sable, de l’oxydation avec perforation du couvercle, ou de toute autre circonstance, pour que la fermeture du poêle ne soit pas hermétique, et que les gaz puissent s’échapper dans l’appartement. Les plaques mobiles, malgré tous les soins que l’on apporte à leur ajustement, laissent parfois filtrer les gaz, quand surtout elles ne présentent qu’un seul orifice pour le tuyau du poêle, sans ventouse inférieure. Le refoulement des gaz se conçoit facilement pour les poêles mobiles pourvus d’un tuyau muni d’une valve incapable d’obturer complètement leur calibre.

S’il existe des fissures et des communications entre les cheminées de deux appartements voisins, des dangers peuvent exister, dit le Dr Lancereaux, pour les personnes des étages supérieurs, ou même des étages inférieurs. Beaucoup de cas d’empoisonnement à distance par les poêles mobiles, ont été signalés par MM. Boutmy, Henri de Boyer et autres médecins.

Il est enfin un dernier danger, rare pourtant dans ce cas, car il résulte de la température trop élevée du foyer de combustion. On sait que la fonte se laisse traverser, à une haute température, par les gaz, et surtout par l’oxyde de carbone. Le cylindre intérieur des poêles mobiles a pour but de remédier à cet inconvénient, en créant une chambre à enveloppe externe ; mais c’est à la condition, comme il est dit plus haut, que cette enveloppe externe ne sera pas percée d’orifices, dits bouches de chaleur ; car ces orifices permettent au gaz de s’échapper dans l’appartement.

En résumé, les poêles économiques, ou poêles mobiles, reposent, dit le Dr Lancereaux, sur un principe défectueux, au point de vue de l’hygiène, et ils offrent, par les raisons déduites plus haut, des dangers sérieux.

Pour remédier à ces dangers, le Dr Lancereaux proposait à l’Académie de demander à qui de droit, des mesures administratives, qu’il énonçait en ces termes :

1° N’autoriser la vente des poêles qu’à la condition que le tirage soit suffisant pour transformer tout le carbone en acide carbonique ;

2° N’autoriser l’ajustement du tuyau d’un poêle mobile à une cheminée quelconque qu’à la condition que cette cheminée ait un tirage convenable et suffisant pour le dégagement facile des vapeurs et des gaz provenant de la combustion ;

3° Exiger, avant la pose d’un poêle, l’examen des cheminées voisines, de façon à éviter le refoulement ou la filtration des gaz d’une cheminée dans une autre, et à préserver les intéressés ou leurs voisins de l’empoisonnement oxycarboné à distance ;

4° Prévenir le public du danger qu’il court en laissant séjourner, la nuit, un poêle à combustion lente dans une chambre où l’on couche, ou même dans une chambre voisine.

Dans la séance du 26 mars 1889, M. le Dr Vallin combattit l’idée de faire intervenir l’administration dans la question dont il s’agit. Il pensait qu’il vaudrait mieux, sans recourir à aucun règlement de police, signaler au public les dangers que présentent quelquefois les poêles mobiles, et les moyens de se mettre à l’abri de ces dangers.

Le Dr Lancereaux demandait que l’on n’autorisât la vente des poêles mobiles qu’à la condition que leur tirage soit suffisant pour transformer tout le carbone en acide carbonique, et s’opposer ainsi à la formation d’oxyde de carbone.

« Cette mesure, dit le Dr Vallin, aurait pour effet de prohiber la vente de tous les poêles qui existent aujourd’hui dans le commerce, aussi bien en France que dans le reste de l’Europe. Depuis qu’on a reconnu les avantages économiques des poêles à combustion lente, on n’en veut plus d’autres. On est tombé d’une extrémité dans une autre. En 1829, d’Arcet demandait qu’on donnât à un poêle, de bonne dimension, une ouverture pour l’arrivée de l’air neuf, soit par la grille, soit par la porte d’entrée, équivalant à douze carrés de 1 décimètre. Mais on gaspillait, ainsi, le calorique, en faisant traverser le foyer par des centaines de mètres cubes d’air froid, qu’on chauffait à + 50 ou à + 60 degrés, pour le verser dans l’atmosphère extérieure, au sommet de la cheminée, sans que les calories ainsi soustraites, eussent en rien servi à chauffer la chambre. Aujourd’hui, on tombe dans l’excès inverse ; la presque totalité des poêles modernes n’ont plus qu’une ouverture de huit à dix carrés de 1 centimètre, munie d’opercules, ne laissant librement ouverts que deux ou trois trous, d’un centimètre. Au point de vue de la dépense du combustible et de réchauffement de l’appartement, l’économie est énorme, mais la salubrité et le bien-être sont complètement sacrifiés. On peut affirmer qu’il n’y a pas un poêle moderne dont les produits de combustion ne contiennent une proportion d’oxyde de carbone beaucoup plus grande que dans une cheminée ordinaire.

« Ces poêles sont surtout dangereux quand ils sont mal construits, et quand on ne sait pas s’en servir ; mais au lieu de les supprimer, tous en bloc, il faut signaler leurs lacunes et les moyens de se mettre à l’abri du danger,

« Au lieu de réduire les orifices de telle façon que, dans un poêle mobile consommant 10 kilogrammes de coke en vingt-quatre heures, il ne passe que 40 mètres cubes d’air dans le même temps, alors qu’il est besoin de 100 mètres cubes pour transformer tout le carbone en acide carbonique, il faudrait, tout au moins, laisser arriver ce dernier volume d’air sur le combustible.

« En outre, dans la plupart des poêles, ce n’est pas l’entrée de l’air dans le foyer qui est rétrécie, c’est la sortie des gaz résultant de la combustion. Ces gaz ne peuvent s’échapper qu’à travers les trous ménagés dans l’enveloppe intérieure, avant d’aller gagner, par des chemins compliqués, le tuyau de fumée, fixé à l’enveloppe extérieure. Ces poêles fonctionnent donc tous comme un ancien poêle dont on aurait presque complètement fermé la clef. Le danger est plus grand encore que si l’on avait rétréci l’orifice d’arrivée de l’air, car les gaz toxiques résultant de la combustion, n’ayant qu’une issue très difficile, peuvent aisément refluer dans la pièce habitée.

« Enfin, la petite quantité d’air et de gaz provenant du foyer, a abandonné une grande partie de son calorique aux parois de l’appareil ; elle n’est plus capable de chauffer le coffre de la cheminée ou les parties élevées du tuyau de fumée. La différence avec la température extérieure au niveau du toit est très faible, le tirage est donc presque nul. Le moindre tourbillon de l’air détermine des reflux de gaz toxiques dans l’appartement. Il faudrait donc savoir produire la quantité de chaleur nécessaire pour assurer un tirage protecteur.

« On ne saurait trop engager les fabricants à supprimer la clef, qui permet de mettre l’appareil en petite marche, pendant la nuit, alors qu’on ne peut secouer la cendre accumulée, et qui augmente la difficulté de sortie des gaz de la combustion ; la plupart des cas de mort survenus pendant la nuit, ont été dus à cette cause.

« Il faut trouver un autre mode de fermeture que l’immersion du couvercle dans le sable. Celui-ci n’est pas suffisamment renouvelé ; quand il n’est pas très bien desséché, il amène rapidement l’oxydation et la destruction de la saillie métallique du couvercle, dont le bord, frangé et perforé, laisse passer, alors, les gaz toxiques.

« Enfin, il faut rappeler sans cesse que le danger augmente avec le déplacement fréquent de ces poêles. Chaque cheminée à laquelle ceux-ci sont susceptibles de s’adapter, doit être munie d’un tuyautage fixe, d’une grande hauteur ; il est indispensable de l’échauffer chaque fois, par un feu clair et rapide, pour déterminer le tirage, avant d’y apporter l’appareil.

« Ces conseils, ajoute le Dr Vallin, ont été sans doute bien des fois placés sous les yeux du public, soit par les conseils d’hygiène, soit par la presse scientifique ; mais on ne saurait les renouveler trop souvent, et si l’Académie de médecine devait intervenir, il vaudrait peut-être mieux, au lieu de demander la prohibition de tous les appareils suspects, qu’elle rédigeât une instruction, qui serait largement répandue dans le public. »

Le Dr Lancereaux propose aussi « d’exiger, avant la pose d’un poêle, l’examen de la cheminée, afin de s’assurer que son tirage est convenable et suffisant ». Mais de quelle façon exiger cette expertise ? Faudra-t-il, pour placer un poêle chez soi, subir les mêmes formalités que pour placer un bec de gaz ? Dans ce dernier cas, la garantie est tellement illusoire au point de vue de l’hygiène publique et du danger d’explosion, que l’exemple ne mérite guère d’être imité. La garantie, on pourrait la chercher dans une vigilance plus grande de l’architecte, qui, avant de livrer une maison terminée, devrait s’assurer, par des expériences précises, que tous les rouages de cette machine compliquée fonctionnent d’une façon irréprochable : réseau d’égout, canalisation de l’eau, tuyaux de chute, gaines de fumée, prises d’air et d’appareils de chauffage.

M. Vallin pensait que l’Académie pourrait rédiger une Instruction, qui, étant largement répandue dans le public, le renseignerait sur les meilleurs moyens d’employer ce mode de chauffage, en évitant ses inconvénients.

M. Vallin fit connaître, à ce propos, un usage anglais, qu’il serait très utile d’importer dans notre pays. Il s’agit des Associations de protection sanitaire. En payant une faible cotisation annuelle, chaque locataire, ou propriétaire, est assuré d’une visite périodique faite dans son logement, ou sa maison, par un ou plusieurs agents sanitaires, lesquels, par des expériences ingénieuses, contrôlent la salubrité et le bon fonctionnement de toutes les parties de l’habitation. Les rapports annuels publiés à Londres, par plusieurs de ces Sociétés, font voir combien sont nombreuses et souvent inattendues les causes d’insalubrité auxquelles on a pu ainsi obvier.

Le Dr Le Roy de Méricourt déclara, comme le Dr Vallin, qu’il n’était pas nécessaire de faire intervenir l’administration dans le choix d’un appareil de chauffage. « L’hygiéniste, dit M. Le Roy de Méricourt, a surtout pour mission d’instruire, d’expliquer, de persuader. Il doit faire appel à l’intelligence, au raisonnement des populations, et non les traiter en mineures, ayant besoin d’être tenues en tutelle par les pouvoirs publics. L’initiative particulière, aidée par les idées de solidarité, qui ont fait de très grands progrès dans notre pays, surtout depuis que la liberté des associations nous est acquise, doit suffire pour éclairer le public sur le soin de sa santé.

Il était important de connaître la composition des gaz provenant de la combustion des poêles mobiles.

Dans la même séance, du 26 mars 1889, le Dr Dujardin-Beaumetz fit connaître le résultat d’analyses qu’il avait faites, de concert avec le Dr G. de Saint-Martin, des produits gazeux de cette combustion. Voici les nombres qu’il a trouvés :

Expériences de MM. Dujardin-Beauraetz et de Saint-Martin, en 1889.
I. — Combustion du coke.
  Gaz acide carbonique. Gaz oxyde de carbone.
Petite marche normale de jour 
15,26 0,55
en volumes
Petite marche le matin 
4,00 3,94
              le jour, sans plaque 
16,54 0,60
Grande marche le jour, remué 
9,64 1,17
Grande marche le matin 
3,10 0,75
II. — Combustion de l’anthracite.
  Gaz acide carbonique. Gaz oxyde de carbone.
Marche normale, le jour 
13,56 0,51
en volumes
                                 la nuit 
5,57 2,38
Partie supérieure du poêle 
9,65 1,76
Expériences de M. Marié-Davy.
  Gaz acide carbonique. Gaz oxyde de carbone.
I.
Petite vitesse, chargement plein 
14,05 0,78 en volumes
 
Petite vitesse, chauffe plein 
13,20 0,44
II.
Refoulement par obturation 
6,00 0,64
 
Refoulement par à-coups 
3,05 0,06
III.
Le matin, non remué, chargement 
8,56 1,98
 
Le matin, non remué, chauffe 
8,07 1,04
IV.
Grande vitesse, chargement 
10,04 0,60
 
Grande vitesse, chauffe 
9,15 0,07

Le Dr Brouardel cita d’autres nombres, obtenus avec le poêle Choubersky. Les voici :

  Acide carbonique. Oxyde de carbone.
Prise de midi, petite marche avec agitation toutes les heures 
12 9
en volumes
Prise de quatre heures, petite marche avec agitation toutes les heures 
14 10
Prise de huit heures du matin, le poêle étant en grande marche et non agité depuis minuit 
13 10

Il résulte de ces derniers chiffres, que la proportion de l’acide carbonique et de l’oxyde de carbone n’est pas plus grande, dans les bons poêles mobiles mis en marche rapide, que dans les cheminées ordinaires.

Pour M. Brouardel, la mobilité des appareils est plus à incriminer que leur construction même. Il arrive souvent, en effet, qu’une cheminée dans laquelle on introduit le tuyau d’un poêle mobile, est très froide, et que le tirage s’y fait alors de l’extérieur à l’intérieur, c’est-à-dire que les produits de la combustion refluent dans la pièce. Il faut, en effet, un temps assez long pour échauffer le tuyau d’une cheminée froide où l’on porte un poêle mobile, et quand on place un de ces poêles dans une cheminée froide, on s’expose à des refoulements de fumée et de gaz, à moins qu’on ne produise un feu clair et rapide dans ladite cheminée, avant d’y introduire le tuyau du poêle mobile.

Fig. 402. — M. de Choubersky.

M. G. Colin (d’Alfort) n’a pas constaté sur lui-même d’inconvénients aux poêles à combustion lente, quand ils sont chauffés par le bois ; mais il croit qu’il n’en saurait être de même si le combustible employé est le coke ou le charbon de terre maigre, cassé en morceaux, que l’on vend sous le nom d’anthracite.

Les poêles à combustion lente, alimentés par le coke ou l’anthracite, lui paraissent redoutables, à un triple point de vue :

1° Parce que le coke et le charbon de terre qui les alimentent, dégagent une énorme proportion d’oxyde de carbone, comme on peut en juger par l’ampleur des flammes bleuâtres aux forges des ateliers, même lorsque la combustion est suractivée par l’insufflation ;

2° En raison de l’extrême lenteur de la combustion, lenteur qui a pour conséquence, inévitable, avec de tels combustibles, de porter à son maximum la production de l’oxyde de carbone ;

3° Ils le sont, enfin, à cause de l’insuffisance du tirage, due à ce que la colonne d’air et de gaz échappés du poêle, n’est pas ou ne se maintient pas assez échauffée, en se déversant dans une cheminée ample et à parois froides, pour s’élever au dehors.

« Sur ces poêles, dit M. Colin (d’Alfort), on pourrait faire graver l’étiquette : toxique, comme on le fait sur les flacons des officines contenant des substances vénéneuses. »

De son côté, le Dr Léon Colin fit ressortir les dangers de laisser un poêle mobile dans une chambre à coucher, ou dans une pièce adjacente.

Les dangers de l’entraînement du gaz oxyde de carbone, tiennent souvent aux deux causes suivantes :

1° Imperfection de nos demeures, comme en tant de maisons où des fissures accidentelles font communiquer les différents tuyaux de fumée ; sans parler de celles où un noyau unique dessert les cheminées des appartements superposés. Ce dernier type d’insalubrité tend à disparaître de Paris, où, depuis 1875, il est interdit de l’appliquer aux maisons nouvelles ; mais aujourd’hui encore, au dire de M. Bunel, architecte de la préfecture, on le retrouverait peut-être dans plus de 2 500 maisons. Ce n’est qu’en cas d’incendie survenu en ces maisons, qu’il est obligatoirement remplacé par le système de tuyaux séparés. Les habitants des vieux quartiers de Paris sont donc particulièrement en droit de se demander, si pareil défaut n’impose pas à toute la population de l’immeuble une redoutable solidarité, en cas d’introduction d’un poêle mobile dans un appartement.

2° La négligence ou l’ignorance des personnes auxquelles est confié le soin de l’appareil : négligence et ignorance atteignant parfois des proportions étonnantes, comme chez ce malheureux, asphyxié, 50, rue Château-Landon, qui s’était couché et endormi sans fermer son poêle Choubersky, dont le couvercle se trouva sur une table voisine. (Rapport de M. Michel Lévy).

Ces considérations, témoignant d’inconvénients étrangers à la construction même des appareils, exonèrent jusqu’à un certain point, dit le Dr Léon Colin, l’industrie des poêles mobiles ; mais si, de ce fait, on doit renoncer à supprimer ou à réglementer cette industrie, et écarter également toute proposition d’enquête domiciliaire chez les particuliers, il n’en est plus de même sur le terrain de la médecine publique. Là, l’Académie est dans son rôle, en signalant au gouvernement les collectivités qu’il a le droit et la mission de protéger. Elle peut, par exemple, à l’occasion, appuyer son veto sur la quatrième conclusion de l’Instruction du Conseil de salubrité de la Seine : « L’emploi de ces appareils est dangereux, est-il dit dans cette Instruction, dans toutes les pièces où des personnes se tiennent en permanence et dont la ventilation n’est pas largement assurée par des orifices constamment et directement ouverts à l’air libre. »

Cet article signifie : interdiction de ces appareils dans toutes les pièces occupées par des réunions d’individus soumis au bénéfice d’une surveillance sanitaire. On peut en prendre texte, s’il est nécessaire, pour réclamer l’interdiction ou la suppression des poêles mobiles dans les casernes, les hôpitaux, les écoles militaires, absolument comme on devrait en prendre texte pour les exclure, en vertu d’un droit analogue de surveillance, des ministères, des ateliers, des lycées, des écoles, et surtout de certaines écoles privées, où, paraît-il, le poêle économique aurait fait son apparition. Si, en pareilles conditions, c’est-à-dire durant des réunions de jour, on court moins de risques d’asphyxie que pendant la nuit, on subit, en revanche, tous les dangers de l’intoxication chronique.

C’est ici qu’il ne faut même pas compter, autant qu’on le fait, sur les orifices d’aération qui, on peut en être sûr, s’ils sont accessibles, seront soigneusement obstrués par les personnes placées au voisinage de ces orifices, absolument comme, dans nos casernes, le soldat s’évertue à clore hermétiquement les ouvertures de ventilation qu’on a pu laisser à sa portée.

Comptera-t-on davantage, pour enlever alors tout danger à l’appareil, sur la suppression de la clef régulatrice, sur le fonctionnement constant du poêle en grande marche ? Il est à craindre, dit le Dr Colin, que le jour où la petite marche sera supprimée, le fabricant ne nous fournisse des poêles à tirage, invariable, il est vrai, mais, par économie pour l’acquéreur, ce tirage sera invariablement réduit à celui d’une ouverture aussi étroite peut-être que celle du plus faible tirage d’aujourd’hui.

M. Léon Colin crut devoir rappeler, à propos de cette discussion, l’existence d’une Instruction, selon lui fort complète, qui avait été rédigée en 1880, par le Conseil de salubrité de la Seine, Instruction dont voici les termes.

Il a lieu de proscrire formellement l’emploi des appareils et poêles économiques à faible tirage, dits poêles mobiles, dans les chambres à coucher et les pièces adjacentes. L’emploi de ces appareils est dangereux dans toutes les pièces dans lesquelles des personnes se tiennent d’une façon permanente et dont la ventilation n’est pas assurée par des orifices constamment et directement ouverts à l’air libre. Dans tous les cas, le tirage doit être convenablement garanti par des tuyaux ou cheminées d’une section utile et d’une hauteur suffisante, convenablement étanches, ne présentant aucune fissure ou communication avec les appartements contigus, et débouchant au-dessus des fenêtres voisines.

Il est inutile que ces cheminées ou tuyaux soient munis d’appareils sensibles indiquant que le tirage s’effectue dans le sens normal.

Les orifices de chargement doivent être clos d’une façon hermétique, et il est nécessaire de ventiler largement le local, chaque fois qu’il vient d’être procédé à un chargement de combustible.

Le Dr Laborde insista sur les inconvénients des poêles mobiles, tout en repoussant les mesures administratives qui interdiraient ces appareils.

Tout le monde, dit le Dr Ferréol, est d’accord sur ce point que les poêles à combustion lente font courir des dangers sérieux à la santé publique. Je m’empresse cependant de reconnaître que ces appareils ne sont pas seulement commodes et économiques, mais qu’ils chauffent très bien.

Le Dr Ferréol proposa d’approuver l’instruction rédigée par le Conseil de salubrité de la Seine, que nous venons de citer, en y ajoutant d’autres recommandations, qui consistent surtout à éloigner les poêles mobiles des chambres habitées la nuit.

Dans la séance du 16 avril, le professeur Verneuil communiqua à l’Académie de médecine, une observation qui mettait nettement en évidence les dangers des poêles à combustion lente.

Il s’agit d’un empoisonnement causé par un poêle mobile, placé dans un cabinet de toilette, voisin de la chambre à coucher. M. X…, âgé de quarante-cinq ans environ, et sa femme, de deux ans plus jeune, jouissant tous deux d’une santé satisfaisante, rentraient chez eux le samedi 21 janvier 1888, à dix heures du soir. Ils transportèrent un poêle mobile, situé dans le salon, dans un cabinet de toilette, en communication avec leur chambre à coucher, laissèrent la porte ouverte, mettant le poêle « à la petite marche », et se couchèrent ensuite.

Le poêle était bien ajusté dans la cheminée de ce dernier, dont le foyer était hermétiquement bouché par une plaque spéciale. Tout paraissait donc disposé comme les jours précédents.

Les époux X… s’endorment. Par suite de circonstances spéciales, on les croit à la campagne, et c’est seulement le lundi, à midi, c’est-à-dire après trente-huit heures, que, soupçonnant un accident, on se décide à enfoncer la porte. M. le Dr Guinard, chef de clinique de M. Verneuil, d’abord appelé en toute hâte, trouve M. et Mme X… étendus dans leur lit, et ne donnant plus signe de vie. Cependant la respiration artificielle et la flagellation firent reparaître le pouls, et quelques faibles mouvements respiratoires.

Grâce à une bonne médication, le danger immédiat paraissait conjuré, quand, à trois heures et demie, M. Verneuil vit les deux asphyxiés, qui étaient encore sans connaissance et dans un état complet de résolution et d’insensibilité. Mme X… reprit ses sens le même jour, vers cinq heures. M. X…., au contraire, resta dans le coma jusqu’au lendemain matin ; mais il est à remarquer que son lit était beaucoup plus rapproché du poêle et sur le trajet de communication des deux pièces. Lorsqu’on pénétra dans la chambre, le lundi, le poêle était complètement vide, tout le charbon était consumé.

Les deux malades échappèrent à la mort, mais le rétablissement fut lent, et traversé par divers accidents.

Tout porte à croire que si les secours énergiques et prolongés avaient tardé davantage à se produire, les époux X… auraient péri tous les deux.

Après la lecture de cette observation de M. Verneuil, le Dr Lancereaux, rapporteur de la commission, crut devoir résumer la discussion, et faire connaître de nouvelles observations d’accidents d’empoisonnement, dus aux mêmes causes.

Le Dr Lancereaux commence par établir que tous les membres de l’Académie paraissent d’accord pour reconnaître les dangers que présentent les poêles mobiles. Le seul point sur lequel les opinions diffèrent, est celui de savoir si l’industrie des poêles à combustion lente doit être abandonnée à l’initiative privée, ou soumise à une réglementation administrative.

Dans un État civilisé, dit le Dr Lancereaux, le devoir de l’administration supérieure est de s’occuper du bien général, même au détriment des intérêts particuliers, et de garantir, dans la mesure du possible, la santé publique. Or, le poêle mobile est dangereux, non seulement pour les personnes qui l’emploient, mais encore, dans une même maison, pour le reste des habitants.

Il ne s’agit donc pas ici d’un simple danger privé, mais, dans quelques circonstances, au moins, d’un véritable danger public. S’il en est ainsi, n’y a-t-il pas lieu d’exiger, pour la construction et la pose d’un poêle mobile, des mesures telles qu’il ne puisse nuire aux personnes qui ont eu le bon esprit de s’en priver ? L’administration n’intervient-elle pas, chaque jour, et avec raison, dans des questions d’hygiène, qui, comme celle qui nous occupe, appartiennent tout autant au domaine de l’hygiène privée qu’à celui de l’hygiène publique ?

Après une liberté, pour ainsi dire absolue, accordée à la construction des cheminées, l’administration n’a-t-elle pas cru devoir réglementer, il y quatorze ans, cette même construction, prescrire le système unitaire, et exiger que chaque cheminée, ait son conduit distinct, tant pour éviter les dangers d’incendie, que ceux pouvant résulter du refoulement des gaz d’une cheminée dans une autre ? On ne voit pas en quoi des mesures appliquées à la construction des poêles, seraient plus abusives que celles qui concernent la réglementation des cheminées. D’un autre côté, personne n’oserait trouver mauvaises les mesures que prend aujourd’hui l’administration, contre l’insalubrité et l’insuffisance des logements ?

Or, une chambre dans laquelle brûle en permanence un poêle à combustion lente n’est-elle pas un logement insalubre et dangereux, au premier chef ? « En conséquence, dit le Dr Lancereaux, je ne vois, pour mon compte, rien d’exclusif à ce que les poêles mobiles soient soumis à certaines mesures de police sanitaire. »

Les analyses de M. le Dr Dujardin-Beaumetz et du Dr J. de Saint-Martin ne modifient en rien ce que nous savons des dangers des poêles mobiles ; car ce qu’il importe de connaître en pareil cas, ce n’est pas la quantité proportionnelle des gaz qui s’échappent par le tuyau d’un poêle ou d’une cheminée, mais bien la proportion des substances délétères qui se répandent dans la pièce où brûle ce poêle, en un mot, dans l’air que nous respirons.

MM. Le Roy de Méricourt et Ferréol, très partisans de la douce chaleur des poêles mobiles, se consolent assez facilement, dit le Dr Lancereaux, des accidents que déterminent ces appareils, lorsqu’ils viennent nous dire que les progrès réalisés dans les sciences appliquées ayant été, à leur début, achetés par quelques dangers, il est naturel qu’il en soit de même pour les poêles mobiles.

Il semble un peu osé de comparer l’invention de ces poêles à une découverte scientifique : c’est, et ce sera toujours, dit le Dr Lancereaux, une invention malheureuse, car malgré les meilleurs conseils, on n’arrivera jamais à faire comprendre au public toutes les causes du danger et à les lui faire éviter. Après cette discussion, les accidents pourront être moins fréquents et moins désastreux qu’autrefois, uniquement parce qu’on évitera de se servir des poêles mobiles, et non parce qu’on s’en servira avec plus de précautions.

Ces accidents, d’ailleurs, sont, à l’heure actuelle, des plus communs. Il y a quelques jours, on a pu lire dans la plupart des journaux qu’un officier distingué de notre armée succombait, asphyxié par un poêle mobile placé la nuit dans sa chambre à coucher, et qu’il avait oublié de fermer.

M. Lancereaux cite d’autres faits du même genre.

Le 7 février 1890, mourait, rue Legendre, n° 89, une jeune femme de vingt-neuf ans, qui, après avoir transporté son poêle roulant dans la pièce où elle se trouvait, n’avait pas, par inattention, engagé le tuyau dans l’ouverture ménagée dans le tablier de la cheminée.

Le 18 février, une dame, âgée, de cinquante-neuf ans, succombait, rue Château-Landon, à une asphyxie du même genre, produite par un poêle Choubersky : elle avait oublié d’y apposer le couvercle.

Le professeur Potain a envoyé à une commission instituée au Conseil de salubrité de la Seine dans le but de rechercher les moyens propres à éviter les dangers des poêles mobiles, plusieurs observations, très-curieuses et très intéressantes, en ce sens que, dans la plupart des cas il s’agit d’empoisonnement à distance.

M. le Dr Poulet, médecin principal, a, de son côté, rapporté le fait de l’empoisonnement général de la famille du Dr Mussat, son gendre, médecin-major, au 44e régiment de ligne. Il s’agissait encore d’un poêle Choubersky, que l’on plaçait dans une niche de salle à manger. Tout l’hiver 1887-1888, ce poêle avait été allumé, sans produire d’autres accidents que des vertiges et de la tendance aux lipothymies. C’est en octobre 1888, lorsque ce poêle fut allumé pour la première fois, que survint l’empoisonnement de toute la famille, bien qu’elle ne séjournât dans la salle à manger qu’au moment des repas.

Rien ne pouvait faire prévoir le défaut de tirage du poêle mobile, qui, jusqu’alors, n’avait occasionné aucun accident sérieux. Voilà précisément un des grands dangers de ce système : c’est qu’on est pris, tout à coup et à l’improviste, par un fonctionnement accidentellement vicieux de l’appareil, et cela même lorsqu’il se trouve entre les mains de gens instruits. Il est digne de remarque, en effet, que les victimes du poêle toxique, pour me servir de l’expression de notre collègue, M. Gabriel Colin, ne sont pas toujours des personnes ignorantes du danger, mais souvent des personnes le connaissant parfaitement, comme des ingénieurs, des médecins, des pharmaciens, etc.

Un cas, observé par les Drs Margerin (de Valenciennes) et Wannebroucq de (Lille), mérite d’attirer d’autant plus l’attention, que le poêle mobile, cause de la catastrophe, se trouvait loin de la pièce occupée par les victimes.

Le 16 décembre 1888, au matin, une jeune enfant était trouvée asphyxiée dans une chambre du premier étage ; la bonne, qui couchait dans la même pièce, respirait encore, mais ne tardait pas à succomber également. Les symptômes observés donnaient aux médecins traitants la certitude que cette double asphyxie avait été causée par l’invasion dans la chambre d’une quantité notable d’oxyde de carbone.

La chambre en question était isolée des deux côtés par un double corridor traversant toute la maison, avec jour par deux fenêtres donnant sur un jardin, sans communication directe, par conséquent, avec des chambres voisines. Le feu de la cheminée de cette chambre n’avait pas été allumé. La mère, en rentrant le soir, vers dix heures, était allée voir son enfant. Trouvant la chambre un peu froide, elle avait été sur le point de faire allumer le feu, mais elle s’était contentée de bien fermer la porte, qui avait été garnie récemment (ainsi que les fenêtres) de bourrelets, afin d’empêcher l’accès de l’air extérieur. Nulle autre cause possible d’intoxication qu’un poêle mobile placé dans le vestibule du rez-de-chaussée, et dont la conduite de fumée venait déboucher dans un tuyau de cheminée qui avait été établi spécialement pour le service de cet appareil, tuyau contigu avec celui desservant la cheminée du salon situé au rez-de-chaussée, au-dessous de ladite chambre.

Nous passons sur d’autres observations du même genre, citées par le Dr Lancereaux, pour dire qu’à côté des accidents aigus, il existe des accidents chroniques, beaucoup plus fréquents et moins bien connus.

Une personne âgée de trente ans, brodeuse, vint consulter le Dr Lancereaux pour une céphalée et vertiges, de la tendance aux lipothymies, un anéantissement général, et un désordre de la sensibilité tactile qui l’empêchaient de diriger son aiguille, et lui faisaient croire qu’elle marchait sur du feutre. Elle avait, en outre, du tremblement de la langue, de la myodopsie, des rêves nocturnes, une diminution notable de la mémoire, de mauvaises digestions et une décoloration manifeste des téguments. Cette dame se chauffait, depuis trois ans, à l’aide d’un poêle Choubersky, marchant toujours en petite vitesse, et placé dans la cheminée de la salle à manger. Ce renseignement mit le Dr Lancereaux sur la voie du vrai diagnostic : la malade lui affirma, en effet, que les accidents dont elle se plaignait se manifestaient, depuis trois ans, pendant la saison de l’hiver, à partir du moment où elle commençait à allumer son poêle, dans la salle à manger, malgré son habitude de travailler dans une chambre voisine de la salle à manger.

Ce fait montre tout à la fois les difficultés d’un diagnostic précis, en pareil cas, et l’ignorance où l’on est encore de tous les accidents pouvant résulter de l’empoisonnement lent par l’oxyde de carbone, empoisonnement qui ne manque jamais de se produire chez les personnes qui séjournent dans des pièces chauffées par un poêle mobile, alors même qu’il marche aussi bien que possible.

Aussi, d’accord avec le Dr Léon Colin, M. Lancereaux serait-il d’avis de proscrire le poêle à combustion lente partout où il y a agglomération de personnes, surtout si ces personnes sont jeunes : particulièrement dans les crèches, les écoles, les pensionnats, les lycées, les ateliers, les casernes et les hôpitaux.

On dit souvent que les poêles mobiles sont des appareils délicats, exigeant, de la part de ceux qui les emploient, une certaine attention, mais qu’ils ne présentent, finalement, pour des gens soigneux et attentifs, aucun danger ; et que, par conséquent, il suffit, pour éviter tout accident, d’adresser au public quelques instructions sur leurs inconvénients. On ne peut nier pourtant que ces poêles ne soient des producteurs puissants d’oxyde de carbone, c’est-à-dire d’un gaz éminemment nuisible à la santé et insidieusement toxique, même à très faible dose. S’il en est ainsi, les faits rapportés plus haut, desquels il résulte que des cheminées construites d’après le système unitaire, détériorées, ou présentant un vice de construction ignoré jusque-là, et même bien construites, mais soumises tout à coup à un changement brusque de l’atmosphère, peuvent être l’occasion de graves accidents, dans la partie d’une habitation plus ou moins distincte et éloignée de celle où fonctionne un poêle mobile, ne doivent-ils pas conduire à la conclusion que ce poêle, en raison même de son mode de construction, est un appareil qui exige des conditions d’installation spéciales, du moins en ce qui concerne les maisons à loyers comportant de nombreux logements ?

Cette conclusion est celle à laquelle on est obligé de s’arrêter. Éclairer le public sur le danger des poêles mobiles, ne suffirait pas à faire disparaître les cas d’empoisonnement par ces appareils. Il y a donc, lieu d’appeler l’attention des pouvoirs publics sur les dangers du poêle à combustion lente, non seulement pour les personnes qui s’en servent, mais encore pour les voisins.

Cette dernière communication du Dr Lancereaux avait épuisé le sujet. Dans la même séance, l’Académie de médecine vota les conclusions qui exprimaient l’opinion à peu près unanime de ses membres, sur cette importante question d’hygiène publique.

Voici le texte de ces conclusions :

1° Il y a lieu de proscrire formellement l’emploi des appareils dits poêles économiques, à faible tirage, dans les chambres à coucher et dans les pièces adjacentes.

2° Dans tous les cas, le tirage d’un poêle à combustion lente doit être convenablement garanti par des tuyaux ou cheminées d’une section et d’une hauteur suffisantes, complètement étanches, ne présentant aucune fissure ou communication avec les appartements contigus, et débouchant au-dessus des fenêtres voisines. Il est utile que ces cheminées ou tuyaux soient munis d’appareils sensibles indiquant que le tirage s’effectue dans le sens normal.

3° Il est nécessaire de se tenir en garde, principalement dans le cas où le poêle en question est en petite marche, contre les perturbations atmosphériques qui pourraient venir paralyser le tirage et même déterminer un refoulement des gaz à l’intérieur de la pièce.

4° Tout poêle à combustion lente qui présente des bouches de chaleur devra être rejeté ; car celles-ci suppriment l’utilité de la chambre de sûreté, constituée par le cylindre creux intérieur, compris entre les deux enveloppes de tôle ou de fonte, et permettent au gaz oxyde de carbone de s’échapper dans l’appartement.

5° Les orifices de chargement d’un poêle à combustion lente doivent être clos d’une façon hermétique, et il est nécessaire de ventiler largement le local chaque fois qu’il vient d’être procédé à un chargement de combustible.

6° L’emploi de cet appareil de chauffage est dangereux dans les pièces où des personnes se tiennent d’une façon permanente, et dont la ventilation n’est pas largement assurée par des orifices constamment et directement ouverts à l’air libre ; il doit être proscrit dans les crèches, les écoles, et les lycées.

7° En dernier lieu, l’Académie croit de son devoir de signaler à l’attention des pouvoirs publics les dangers des poêles à combustion lente, et en particulier des poêles mobiles, tant pour ceux qui en font usage que pour leurs voisins. Elle émet le vœu que l’administration supérieure veuille bien faire étudier les règles à prescrire pour y remédier.

On ne pouvait guère formuler de conclusions plus précises, étant donné l’usage universel des poêles mobiles, en France et dans toute l’Europe. L’invention de l’ingénieur russe Choubersky a été un véritable bienfait pour les populations, qui trouvent dans cet ingénieux appareil un moyen de chauffage éminemment économique, et par conséquent, une cause de bien-être et de préservation des maladies. Le succès immense du poêle Choubersky et des imitations qu’on en fait chaque jour, depuis que le brevet est tombé dans le domaine public, prouve à quels besoins généraux il répond. Il y aurait donc ingratitude à faire trop fortement ressortir ses inconvénients. Toute chose, en ce monde, a son bon et son mauvais côté ; la sagesse consiste à prendre le bien et à chercher les moyens d’éviter le mal. Usez des poêles mobiles, si vous voulez avoir un appartement constamment chauffé à une douce température ; mais étudiez bien votre cheminée, assurez-vous que son tirage est suffisamment actif, et s’il est possible, maintenez-le en place, son transport pouvant devenir une cause de dangers. Faites de votre poêle mobile une chose immobile, de votre cheminée roulante une cheminée qui ne roule pas ; et, dans tous les cas, ne le placez jamais dans votre chambre à coucher.

J’avoue, pour mon compte, ma prédilection pour ce mode de chauffage, dont j’use chaque hiver. Il est si commode de n’avoir pas à s’occuper de son feu ; de n’avoir de bois, ni dans sa cave, ni dans son appartement ; de n’avoir jamais à redouter d’incendie ou d’accident de cheminée, le foyer étant clos et entouré de toutes parts ; de trouver le matin, en se levant, et le soir en rentrant, une pièce chauffée, et d’avoir de l’eau chaude à toute heure du jour et de la nuit. Seulement, je veille au grain, comme disent les bonnes gens.

Le poêle Choubersky, une fois tombé dans le domaine public, a été l’objet de modifications particulières, qui ont fait surgir différents appareils, ayant chacun leur utilité, dans des conditions données, toutefois sous la réserve générale, consistant à les bannir des chambres à coucher et à ne point les déplacer.

Il ne sera pas sans intérêt de faire connaître la nombreuse descendance du poêle Choubersky. Nous ne signalerons toutefois que ceux de ces appareils qui sont le plus répandus en France.

Le calorifère Mauguin, que nous représentons en coupe dans la figure 403, présente l’avantage d’un mode de nettoyage tout particulier de la grille, au moyen de rondelles excentrées, qui, manœuvrées du dehors par une manivelle, viennent passer entre les barreaux pour piquer le feu. Un vase saturateur, rempli d’eau, peut être placé à la partie supérieure, ainsi qu’un chauffe-assiettes, pour les salles à manger. Ces dispositions ne sont pas figurées sur notre dessin.

Fig. 403. — Calorifère Mauguin (coupe).

Le calorifère Mauguin paraît établi dans des conditions qui en rendent l’usage avantageux et exempt de dangers, si l’on prend les précautions nécessaires pour assurer le tirage et la ventilation.

Le calorifère mobile du Docteur a été établi par le docteur A. Godefroy, qui paraît s’être spécialement préoccupé d’empêcher les retours dans la pièce chauffée d’aucune portion des gaz entraînés dans la cheminée.

Fig. 404. — Calorifère du Docteur (coupe).
Fig. 405. — Calorifère du Docteur (perspective).

Dans ce but, l’ouverture de la cheminée est bouchée par une plaque percée d’un orifice unique, O (fig. 404, 405). C’est par ce trou que pénètre un tuyau double, dont la branche A est destinée à conduire dans le corps de la cheminée les gaz provenant de la combustion ; tandis que la branche B ramène dans le foyer de l’air pris également dans la cheminée, et qui sert à entretenir la combustion. Le robinet Z, placé sur le tuyau B, permet de régler convenablement le tirage.

Ainsi, la cheminée sert simultanément à évacuer les gaz brûlés, et à donner l’accès à l’air, pour entretenir la combustion. Cette anomalie s’explique par la différence de température qui produit, pour les premiers, une colonne ascendante centrale, et pour le second, des contre-courants, qui descendent latéralement.

Il résulte de ces conditions toutes particulières, que, pour bien fonctionner, il faut à ce poêle une cheminée à tuyau très large, qui permette au double courant de se produire. En supposant que ce fonctionnement théorique se réalisât, ce genre de poêle n’opérerait aucun renouvellement de l’air dans les pièces chauffées ; de sorte qu’il faudrait que la ventilation de la pièce fût provoquée par d’autres moyens.

Le poêle Richelieu, et le poêle roulant à feu visible ne diffèrent pas, d’une manière fondamentale, du poêle Choubersky. Dans le poêle roulant à feu visible, le feu est rendu apparent par une plaque transparente de mica, qui ferme le devant du foyer. C’est une disposition que présentent aujourd’hui beaucoup d’autres poêles mobiles.

Nous signalerons encore un appareil assez répandu, la Salamandre, que construit à Paris, M. Chaboche.

La Salamandre est une cheminée roulante, qui ne diffère que par sa forme, du poêle Choubersky. Par son large bouclier, qui forme le devant du foyer, elle ressemble, sans doute, extérieurement, à une cheminée à coke, mais, en réalité, sa disposition intérieure est la même que celle du poêle Choubersky. Comme dans ce dernier poêle, on y renouvelle deux fois ou une fois, par vingt-quatre heures, le coke ou l’anthracite, que l’on introduit par un orifice supérieur percé au-dessus du bouclier.

La Salamandre est munie de roues, pour pouvoir la déplacer et l’adapter à l’ouverture d’autres cheminées. La devanture est garnie d’une petite plaque de mica, qui laisse apercevoir le feu.

La Française est une cheminée mobile rivale de la Salamandre, et dont les dispositions sont à peu près les mêmes. Elle diffère de la Salamandre en ce qu’elle chauffe au moyen d’une circulation d’air, et non directement.

Dans le poêle Cadé, le charbon brûle en chauffant directement la pièce, c’est-à-dire sans interposition d’enveloppe de tôle ou de mica ; ce qui est plutôt un inconvénient qu’un avantage, en raison de la possibilité du refoulement des gaz à l’intérieur. La combustion étant assez vive, il se produit probablement peu d’oxyde de carbone. Il faut seulement faire usage de combustible menu, comme le coke n° 0, ou l’anthracite, c’est-à-dire d’un combustible qui ne puisse passer à travers les barreaux de la grille. À défaut de ce combustible, on pourrait se trouver pris au dépourvu. Le foyer est de faible capacité, et ne renferme que peu de charbon soumis à l’incandescence, bien que sa surface apparente soit relativement grande ; de sorte que, malgré la combustion vive, la consommation du charbon est faible.

Un ingénieur de mérite, M, Mouton, a construit et mis dans le commerce, un bon poêle mobile, qu’il décore du nom de Flamboyant. C’est un poêle à combustion lente, avec rayonnement direct du feu. Il paraît assurer une bonne ventilation. En effet, la ventilation est provoquée par la prise d’air du foyer, qui se trouve dans un espace circulaire ménagé dans le socle du poêle. Ce courant d’air a assez de force pour empêcher d’arriver à la température rouge toutes les parties métalliques du foyer.

Le poêle mobile de M. Mouton est caractérisé par une clef de sécurité munie d’un ressort qui ne peut se déplacer sans le secours de la main, tandis que la plupart des clefs adaptées aux poêles mobiles, ne conservant pas toujours la position qu’on leur a donnée, peuvent se déranger de cette position, et produire une fermeture tout autre que celle que l’on veut maintenir.

Ce poêle brûle tous les combustibles : coke, anthracite, cardiff, etc. Avec le coke, on le remplit matin et soir ; avec l’anthracite, une fois seulement par vingt-quatre heures ; ce qui est, d’ailleurs, la règle pour tous les poêles mobiles.

Nous mentionnerons enfin le poêle anglais, à combustion lente, ou poêle Musgrave, que nous représentons dans la figure ci-dessous. L’air frais amené de l’extérieur, passe en dessous du foyer, et contourne la colonne dans laquelle se fait la combustion du coke. Les parois du foyer sont en briques réfractaires.

Fig. 406. Poêle anglais. (Poêle Musgrave.)

Ce poêle diffère des précédents par son aspect extérieur, mais on y trouve leurs dispositifs essentiels, c’est-à-dire la charge du combustible à de longs intervalles, l’utilisation très complète de la chaleur, qui, se répandant par rayonnement et par échauffement de l’air pris au dehors, renouvelle ainsi l’air de l’appartement. Un bassin d’eau rend à l’atmosphère desséchée l’humidité nécessaire.

Le foyer, composé de briques réfractaires, peut contenir suffisamment de combustible pour brûler de 8 à 24 heures, suivant la grandeur du poêle. Une porte sur le haut permet l’introduction du coke ; une autre, au bas, à coulisse, B, sert à l’admission de l’air et à l’enlèvement des cendres. La même porte, B, sert aussi à régler le tirage, de façon à produire une combustion excessivement lente, et à réaliser une notable économie.

La fumée et les gaz chauffés passent par deux calorifères secondaires c, c′, qui peuvent retarder leur sortie jusqu’à ce que leur calorique soit entièrement absorbé.

Entre les deux couches de charbon en ignition, est ménagé un espace d, au travers duquel circule l’air frais, qui s’élève dans l’appartement, au fur et à mesure qu’il s’échauffe.

Nous avons dit, en parlant du danger des poêles à combustion lente, que ce danger réside souvent dans son transport d’une pièce à l’autre ; car le tuyau froid de la nouvelle cheminée où on le porte, ne produit souvent aucun tirage, et expose à des refoulements de l’air vicié dans l’intérieur de la pièce. Les poêles à combustion lente non transportables sont donc bien préférables, sous le rapport de la sécurité, à tous ceux dont on vient de faire mention.

La Société franco-américaine de chauffage fabrique, à Paris, des appareils à combustion lente, non transportables, qui rentrent dans cette dernière catégorie, c’est-à-dire assurent la sécurité par leur situation fixe. Tels sont :

1° Le Phare-poêle, à coke ou à anthracite, dont le fonctionnement est fondé sur les mêmes principes que ceux déjà décrits, mais qui s’en distingue par l’apparence du foyer. La paroi extérieure du foyer est garnie de plaques de mica, à travers lesquelles le rayonnement du calorique s’opère.

2° Le Phare scolaire. Ce dernier appareil rentre dans la catégorie des appareils fixes, auxquels on doit donner la préférence, en raison de la possibilité qu’ils offrent de se prêter à un appel d’air provenant du dehors, et de former ainsi un véritable calorifère, rationnellement installé. On voit dans la figure 407 la coupe de ce dernier poêle. Il est pourvu d’un bassin d’eau, et une lame de mica A A′, B B′, ferme le foyer, en laissant voir le feu.

Fig. 407. — Coupe du phare scolaire.

Au même titre, c’est-à-dire comme ayant l’avantage de renouveler l’air d’une façon très large, il faut citer le poêle tubulaire ventilateur de M. Auguste Besson, que l’on voit dans plusieurs bureaux, écoles, hôpitaux, etc. C’est un calorifère dans lequel l’air servant au chauffage, est puisé au dehors, tandis que l’air alimentant la combustion, est pris dans la pièce même, dont il assure ainsi la ventilation, par l’expulsion de l’air vicié.

Le poêle Besson chauffe donc en ventilant.

Une chambre de chauffe reçoit, à leur sortie du foyer, les gaz provenant de la combustion. Cette chambre est traversée, dans toute sa hauteur, par une série de tubes verticaux, en tôle, ouverts à leurs deux extrémités, et qui, multipliant la surface de chauffe, fournissent un rendement de 85 pour 100 du calorique produit par le combustible.

Ces tubes éloignés et isolés du foyer, ne peuvent jamais être surchauffés ; ils empruntent exclusivement leur thermalité aux produits gazeux de la combustion, et donnent passage à l’air de l’appartement, ou, par un appel ménagé sous le socle, à l’air de l’extérieur.

L’air les traverse de bas en haut, y élève sa température, et par une ventilation croissante, porte au loin, la chaleur.

L’enveloppe extérieure de l’appareil, plus éloignée encore du foyer, ne fournit qu’un faible rayonnement, permettant de rester et travailler dans son voisinage, sans être incommodé.

La charge de combustible s’introduit dans un cylindre central en fonte, par un couvercle en fonte, qui, soigneusement refermé, préserve de toute émanation. La grille sur laquelle s’opère la combustion, est composée de barreaux disposés suivant une surface de tronc de cône.

Avant d’être déversé dans la pièce, l’air, comme il vient d’être dit, se réchauffe. Un réservoir d’eau, permettant de saturer de vapeur l’air de la pièce, est placé à la partie supérieure de ce poêle-calorifère, qui paraît ainsi répondre à toutes les conditions exigées par l’hygiène et l’économie domestique.

Nous représentons dans les figures 408 et 409 le poêle Besson en élévation et en coupe. La légende qui accompagne la figure 409 permet de suivre la marche de l’air, son échauffement et sa sortie.

Fig. 408. — Poêle ventilateur Besson.
Fig. 409. — Coupe du poêle ventilateur Besson.

A, entrée de l’air froid. — B, tubes conducteurs de l’air chaud. — C, sortie de l’air chaud. — D, entrée dans la chambre de chaleur des produits de la combustion. — O E, colonne en tôle, recevant le combustible. — G, échappement des gaz brûlés et de la fumée. — H, foyer. — I, cendrier. — K, enveloppe du foyer. — M, partie en fonte de la colonne recevant le combustible.

Un modèle plus grand, se voit dans beaucoup d’églises, hôpitaux et grands établissements.

La marche de l’air froid et la sortie de l’air chaud sont les mêmes dans ces grands calorifères fixes que celles que nous avons indiquées dans la légende de la figure 409.

En résumé, les poêles à combustion lente, avec les perfectionnements qu’ils ont reçus depuis quelques années, sont d’un usage très économique, et ont réalisé un progrès sensible, par la bonne utilisation du combustible, que l’on charge à de longs intervalles, et qui brûle d’une façon continue, en n’exigeant que peu de surveillance. Les très nombreuses variétés de poêles à combustion lente qui existent aujourd’hui, et qui sont entrés dans le commerce, à la suite de l’invention du poêle Choubersky, sont assurément de bons perfectionnements du type primitif de M. de Choubersky ; mais le public, peu au courant de ces distinctions techniques, confond tous ces poêles mobiles avec le modèle primitif, et appelle Choubersky tout poêle mobile, quel que soit son nom commercial. Faisons comme le bon public, et disons, en terminant ce chapitre, que les recommandations générales que nous avons données, pour faire usage des poêles à combustion lente, doivent toujours être observées, quel que soit l’appareil employé.

Nous rappellerons ces précautions, en ces termes :

1° Un poêle mobile n’est bon que si on le rend immobile ; en d’autres termes, que si on se met à l’abri du refoulement des gaz, dans l’appartement, en le laissant toujours en place ; la cheminée nouvelle, avec son tuyau froid, pouvant donner un très mauvais tirage ;

2° Il ne faut jamais introduire de poêle à combustion lente, quel qu’il soit, dans une chambre à coucher.

Avec ces deux précautions, on peut faire usage, avec de grands avantages pratiques et économiques, des poêles à combustion lente.


CHAPITRE II

le chauffage par le gaz. — la cuisine au gaz. — le chauffage des appartements par le gaz. — le chauffage des appareils industriels au moyen du gaz.

Théoriquement, le gaz de l’éclairage (hydrogène bicarboné) est le plus avantageux de tous les combustibles, au point de vue du rendement calorifique. En effet, un kilogramme de bois, en brûlant, ne développe que 6 000 à 7 000 calories, un kilogramme de houille n’en produit qu’environ 7 500 à 8 000, et ces chiffres se réduisent de moitié au moins dans l’application pratique ; tandis qu’un même poids de gaz produit approximativement 13 000 calories. En outre, l’action comburante de l’oxygène est évidemment beaucoup plus complète quand elle s’exerce sur un gaz que sur un combustible solide. La production du calorique et son utilisation sont donc bien supérieures avec le gaz qu’avec le bois ou le charbon.

Comme moyen de chauffage domestique, le gaz de l’éclairage a deux emplois : 1° la cuisson des aliments ; 2° le chauffage des appartements, par des cheminées ou des poêles, convenablement agencés dans ce but.

Ajoutons que, comme agent de chauffage industriel, le gaz trouve une foule d’applications dans les arts et manufactures, et que, pour chaque fabrication spéciale, on a créé des fourneaux particuliers, utilisant le mieux possible le calorique.

Nous allons donc passer en revue : la cuisine au gaz, — le chauffage des appartements par le gaz, — le chauffage industriel au moyen du gaz.

Cuisine au gaz. — Au point de vue théorique, il est facile de se rendre compte des avantages que le gaz présente, pour la préparation des aliments, et le chauffage des liquides et boissons.

Pour élever un libre d’eau de 0° à + 100°, avec du charbon de bois, coûtant 0  fr.  20 le kilogramme, on dépense 0 fr. 16 ; si on brûle du gaz, coûtant 0  fr.  30 le mètre cube, on dépense seulement 0  fr.  013.

Quelques chiffres feront ressortir les résultats qu’on peut obtenir par l’emploi du gaz pour la cuisine.

Un pot-au-feu (composé de un kilogramme de bœuf, 3 litres d’eau, 0  kil.  130 de légumes assortis) en cuisant pendant cinq heures, consomme 480 litres de gaz ; ce qui représente, au prix de 30 centimes le mètre cube, une dépense de 14 centimes ; — une tasse de chocolat, composée d’un demi-litre de lait et d’une quantité convenable de chocolat, délayée dans un peu d’eau, est préparée en huit minutes, avec une dépense de 30 litres de gaz ; — un bœuf à la mode, pesant, en totalité, viandes et légumes, environ 1  kil.  800, se cuit en quinze minutes, avec 110 litres de gaz ; — un roti (gigot de mouton) pesant 1  kil.  980, est cuit en. une heure et demie, avec 600 litres de gaz ; — un poulet de 1  kil.  370, n’exige que 350 à 370 litres de gaz.

Quant aux avantages pratiques de la cuisine opérée avec le gaz, nous ne saurions mieux faire que de comparer le fourneau ordinaire des cuisines où l’on brûle le charbon de bois, avec le fourneau à gaz.

Sur un fourneau ordinaire, à charbon de bois, vous avez trois ou quatre trous de foyer, que recouvre une hotte ; plus, une grillade, au fond, munie d’un large tuyau, à fort tirage, activé par une trappe mobile.

Pour commencer, il faut allumer le charbon dans un des trous de foyer. Il faut, pour cela, tout l’attirail suivant : caisse à charbon, braise, copeaux, pincettes. On met de la braise et des copeaux dans le foyer, et on allume. On place un petit tuyau à main au-dessus du feu, pour activer le tirage ; car ces foyers tirent mal. On est souvent obligé d’ouvrir la fenêtre, pour chasser la fumée. La braise une fois prise, à grand renfort de soufflet, on ajoute du charbon de bois, et on place au-dessus, la casserole qui contient la préparation à faire cuire. Si le feu se ralentit, on souffle ; mais alors, la cendre s’élève du foyer, et vient se répandre sur tout ce qui est sur le fourneau. Il arrive parfois que le charbon se tasse, en brûlant ; alors, le récipient perd l’équilibre, et le contenu se déverse sur le foyer, en produisant des odeurs désagréables. Si vous voulez faire cuire une côtelette, l’odeur est intolérable : il faut, nécessairement, la placer sous la hotte de la grillade, pour éviter les émanations de graisse brûlée.

Bref, les procédés actuels ont des désagréments sans nombre, et demandent beaucoup de soin et de main-d’œuvre, sans compter que l’on perd le charbon qui reste allumé, quand on n’a plus besoin de feu.

Voici maintenant ce qu’il faut pour la cuisine au gaz.

Ici, plus de charbon, ni de pincettes, ni de tuyau à main, pour activer le tirage ; rien de l’attirail ordinaire. Pour allumer le feu, vous ouvrez le robinet du gaz et vous approchez une allumette. Voilà du feu tout de suite, et en quantité suffisante. Vous faut-il plus de flamme ? vous ouvrez davantage le robinet, et tout est dit. Le mets, une fois cuit, il faut éteindre le feu : vous fermez le robinet. Vous faut-il du feu, la nuit, pour préparer un médicament, ou de la tisane ? Le gaz est toujours prêt.

Comprenez-vous maintenant, bon lecteur, tous les avantages pratiques du gaz employé à la cuisine ? Comprenez-vous pourquoi la cuisine au gaz est devenue populaire ?

Quant à ses avantages, au point de vue gastronomique, nous ne saurions mieux faire, pour les mettre en évidence, que de citer quelques pages d’une courte brochure, publiée en 1890, par une dame anglaise Mme Alting-Mees, qui, enthousiaste de ce procédé, s’était fait son apôtre ardent. Mme Alting-Mees faisait, à l’Exposition universelle de 1889, dans le pavillon du Gaz, des conférences qui attiraient beaucoup de curieux, et dans lesquelles, après avoir prononcé l’oraison funèbre de la cuisine au charbon, elle chantait les louanges de la cuisine au gaz. Elle a répété ces mêmes conférences dans les principales villes du nord de la France et en Belgique, et les a résumées dans la brochure dont nous parlons.

« La cuisine au gaz, dit la conférencière anglaise, est éminemment propre. Ici, plus de cendres, de poussière noire, ni de suie qui, non seulement salissent les mains, la figure et les vêtements, mais tout ce qui se trouve dans la cuisine, ne respectant même pas les mets qui doivent bientôt paraître sur la table. Pas de grands nettoyages des rôtissoires ; un linge, mouillé d’une dissolution légère de sel de soude, pour enlever les taches de graisse, et une brosse à polir, passée une fois par semaine sur l’appareil à rôtir au gaz, suffisent.

« Les casseroles, lèchefrites, et autres ustensiles, ne se salissent plus, extérieurement, par la fumée et la suie ; partant, moins d’entretien et économie de temps.

« Plus de charbon à monter de la cave, plus de provision de bois, ni de copeaux ; plus d’allumage, ni surtout de rallumage de poêles ; plus de cheminées qui, s’obstinant à ne pas vouloir tirer, renvoient la fumée dans toute la maison.

« La cuisine au gaz, au contraire, est toujours prête : un simple robinet à tourner et, sans perte de temps, sans préliminaires, le feu est prêt à opérer la cuisson des aliments. D’une docilité sans égale, par une simple manœuvre de robinet, son intensité augmente, diminue, varie à l’infini, suivant les besoins de la cuisson. Une fois réglée, son intensité se maintient des heures entières, sans avoir besoin qu’on s’en occupe. Pourrait-on en dire autant de la cuisine faite au charbon ?

« La cuisson faite, on ferme le robinet, et l’on supprime instantanément toute dépense, et aussi toute chaleur, ce qui, principalement en été, est un avantage inappréciable. Que de cuisines qui, en été sont de véritables lieux de supplice, deviendraient habitables et saines, par l’emploi du gaz ?

« En résumé, la cuisine au gaz a pour elle l’hygiène, l’ordre, la propreté, la facilité, le contrôle parfait de la chaleur, l’économie de temps et d’argent !

« L’usage des foyers au charbon, avec leur allumage et rallumage, représente une telle somme de travail secondaire, non seulement pénible mais désagréable, qu’il oblige seul bien des ménages bourgeois à avoir une servante. Il est à remarquer que plus l’emploi du gaz est généralisé dans un ménage, plus on devient indépendant de ses domestiques. Que de mères de famille, par l’adoption de la cuisine au gaz, deviendraient maîtresses de maison !

« Aujourd’hui que tout est disposé, dans nos habitations, en vue du confortable, pour augmenter le bien-être et améliorer les conditions hygiéniques de la vie, la routine a cependant su maintenir la cuisine au charbon. Pourquoi, malgré tous les avantages qu’elle présente, la cuisine au gaz n’est-elle pas adoptée par tout le monde ? Certes, elle se propage ; en Amérique et en Angleterre, elle est même complètement entrée dans les us et coutumes ; à Paris, c’est par milliers que s’installent les appareils pour la cuisine au gaz ; dans les autres parties de la France et en Belgique, on commence aussi à l’adopter, mais qu’est-ce qui arrête le plus grand nombre de ménages d’en faire usage ? Le préjugé !

« Il est inévitable, dit-on, qu’un goût de gaz ne se transmette aux aliments ainsi préparés.

« À cela que répondre, si ce n’est : Essayez.

« Un préjugé qui a la vie dure, comme tous les préjugés, vous objecte l’odeur des mets. Les réchauds à gaz, dit-on, empoisonnent l’air !

« Il fut un temps où cette objection pouvait sembler sérieuse. Les premiers réchauds, en effet, étaient assez mal combinés, et brûlaient le gaz dans de mauvaises conditions. Ces appareils ont, malheureusement, à un certain moment, donné raison à la critique, mais aujourd’hui, on peut, sans crainte d’être incommodé par la moindre odeur, faire usage des réchauds et autres appareils que l’on construit.

« Conseillons, néanmoins, de tenir les réchauds en état de propreté ; car le meilleur des appareils, si les trous en sont partiellement bouchés, soit par de la mine de plomb, de la graisse ou toute autre matière, brûle imparfaitement le gaz, et répand alors une mauvaise odeur, à laquelle s’ajoute encore celle de la décomposition des corps gras que le nettoyage n’a pas fait disparaître. »

C’est à tort que l’on a longtemps prétendu que le gaz donne aux aliments une odeur désagréable. Le gaz qui brûle, ne répand aucune odeur ; il ne saurait, par conséquent, en communiquer aucune. La cuisine faîte au gaz donne quelquefois une odeur particulière ; mais cette odeur ne provient que du mauvais état des brûleurs, dans lesquels la combustion est incomplète, et dont les flammes sont pâles, ce qui indique le manque d’air.

Il faut donc faire usage de bons appareils ; et ceci nous conduit à donner la description dés principaux ustensiles pour la cuisine au gaz.

Ces appareils sont assez divers. Nous distinguerons les réchauds, les rôtissoires et les cuisinières.

Réchauds. — Il existe des réchauds à un seul feu et à plusieurs feux. Nous représentons dans la figure ci-dessous le réchaud à un seul feu, et dans la figure 411 le réchaud à deux feux.

Fig. 410. — Réchaud à gaz à un seul feu.
Fig. 411. — Réchaud à gaz à deux feux.

Il est bon, dans les ménages, d’être toujours muni d’un réchaud à gaz à un seul feu ; ne fût-ce que pour avoir la possibilité de faire chauffer, la nuit, de l’eau, ou une boisson quelconque, pour un enfant ou un malade.

Il est, du reste, une foule de circonstances dans lesquelles il est utile, sinon urgent, d’avoir promptement du feu, pour quelques minutes seulement. Dans ces cas, aucun appareil n’est plus pratique que le réchaud à gaz.

Pour faire la cuisine, il faut avoir un réchaud à deux ou trois feux, dont un au moins à deux robinets.

En choisissant le réchaud, il faut avoir soin de prendre un appareil dont la flamme ne soit ni trop rapprochée ni trop éloignée du fond de la casserole, qu’on y placera. Trop rapprochée, le gaz brûle mal, et l’on s’expose à avoir une mauvaise odeur ; trop éloignée, on perd de la chaleur. Environ quatre centimètres entre le brûleur et le fond de la casserole, est la meilleure distance.

Il est bon de passer, de temps en temps, une grosse épingle dans les trous du brûleur, afin de les nettoyer, et de laisser toujours le passage du gaz complètement libre.

Dans tous les réchauds, on brûle le gaz mélangé avec de l’air, c’est-à-dire que la flamme est bleue et non éclairante. Généralement, plus la flamme est bleue, meilleur est le réchaud. Il faut même rejeter ceux dont la flamme présente une pointe légèrement blanche, car le gaz y brûle dans de mauvaises conditions.

Rôtissoires. — Ces appareils servent à la fois à rôtir et à griller les viandes. Ils sont à flamme bleue ou à flamme blanche, ces derniers brûlant, par conséquent, le gaz non mélangé préalablement à de l’air ; ce sont ceux de ce dernier système qui sont les plus répandus. La rampe se trouve dans la partie supérieure de l’appareil, qui est muni d’une grille et d’une broche : la grille sert pour les côtelettes, rumsteaks, etc., la seconde pour les rôtis de toute nature.

Avec le rôtissage au gaz, point de préparatifs préliminaires. Pour un grand gigot, par exemple, on allumera le gaz, pour chauffer la rôtissoire, cinq ou dix minutes avant d’y mettre le rôti ; puis, celui-ci placé, on a soin de laisser brûler le gaz assez fort, pendant un quart d’heure, pour saisir la viande ; après quoi, on peut baisser la flamme de moitié, pour terminer la cuisson.

Il y a trois résultats obtenus par cette manière de procéder : d’abord, la viande étant vivement saisie, est plus belle en apparence ; elle est aussi plus saine, par la même raison ; enfin, ce qui n’est pas le moins important, la viande perd 25 p. 100 de son poids en moins que si elle était cuite au charbon. La viande étant vivement saisie, l’albumine des couches extérieures se trouve immédiatement solidifiée, et dans cet état, formant une enveloppe impénétrable aux autres jus, elle conserve ceux-ci en entier à l’intérieur. Ce point est capital, tant au point de vue économique qu’au point de vue hygiénique.

La viande étant de toutes les dépenses ménagères, la plus forte (après le loyer), n’est-il pas de première importance de trouver moyen de diminuer les pertes de valeur causées par la cuisson ? Il y a ici une économie si grande, qu’à ce point de vue seul, la cuisine au gaz mériterait d’être adoptée. Le four au charbon rend 60 pour 100 de viande cuite, la rôtissoire au gaz en rend 75 pour 100 : voilà une économie réelle et palpable.

Au point de vue hygiénique, le four, ou la rôtissoire au gaz, est de beaucoup préférable au four au charbon, parce que cet appareil réunit les deux conditions indispensables au rôtissage, et qu’un bon rôtissage conserve à la viande tous ses principes nutritifs, et digestifs sans les altérer. Qu’est-ce en effet, que rôtir ? C’est exposer la viande à l’action du feu, dans un courant d’air libre, et sans qu’elle touche à la graisse d’arrosage. Quand on réunit ces deux conditions, on rôtit bien, fût-ce en plein champ. Trouve-t-on ces conditions dans un four à charbon ? Evidemment non. Dans les rôtissoires au gaz on a, d’une part, la libre circulation de l’air, et d’autre part, grâce à la forme des grilles intérieures ou à l’emploi de la broche, on évite la lèchefrite, et par conséquent, le contact de la viande avec la graisse d’arrosage. Celle-ci coule dans un plat ou un récipient formant le fond de la rôtissoire où l’on peut la puiser, pour arroser la viande, comme il convient de le faire.

Nous représentons dans la figure 412 le modèle de rôtissoire au gaz le plus en usage.

Fig. 412. — Rôtissoire au gaz.

Fours. — Les fours, à l’encontre des rôtissoires, sont fermés par une porte, qui empêche la circulation de l’air à l’intérieur. Ils sont munis d’une rampe, qui brûle généralement le gaz à flamme blanche.

L’usage du four au gaz est le même que celui du four au charbon. Comme les rôtissoires, on en fait de différentes grandeurs suivant les besoins du ménage.

Certains appareils sont construits de façon à pouvoir être utilisés à volonté comme rôtissoire, ou comme four. D’autres se composent d’un four superposé à une rôtissoire. Ce dernier genre d’appareil est très pratique, car la chaleur développée par la rampe de la rôtissoire peut maintenir dans le four une température suffisante à la cuisson de bien des plats.

Cuisinières. — On appelle cuisinières les fourneaux complets à gaz. On en fait de types très divers. Celles pour les ménages bourgeois, comportent généralement quatre flammes de réchauds, une rôtissoire, un four et un réservoir d’eau chaude.

Il existe des types pour petits ménages, comportant un double réchaud et une rôtissoire.

Aux personnes qui ne voudraient pas installer une cuisinière complète, on conseille de prendre un réchaud à trois feux et une rôtissoire avec four superposé. Ces deux appareils, prenant peu de place, sont suffisants pour les besoins journaliers d’une cuisine bourgeoise.

Les figures 413 et 414 représentent deux types de cuisinière au gaz, ne différant l’une de l’autre que par le nombre des accessoires.

Fig. 413. — Cuisinière au gaz, petit modèle.
Fig. 414. — Cuisinière au gaz complète.

La Compagnie parisienne pour l’éclairage et le chauffage au gaz a fait construire des modèles particuliers de cuisinières au gaz, dans le but de répondre à une objection qui était faite à la cuisine au gaz. On lui reprochait, d’imposer, pendant l’hiver, une dépense supplémentaire, pour le chauffage des cuisines. L’appareil mixte que nous représentons dans les figures 415 et 416, permet l’emploi du coke, quand il fait froid, celui du gaz, quand il fait chaud.

Fig. 415. — Cuisinière mixte au gaz et au coke (petit modèle).
Fig. 416. — Cuisinière mixte au gaz et au coke (grand modèle).

Cette substitution s’opère sans qu’il y ait aucune installation à modifier, aucun appareil à déplacer.

Enfin, on peut, avec cet appareil chauffé au coke, disposer d’une plaque chaude, d’un four, d’un bain-marie ; et l’on trouve, en outre, une rôtissoire, une grillade, alimentées par le gaz, qui donnent des produits bien supérieurs à ceux obtenus dans les fours au charbon ou au coke.

Dans ces appareils, l’allumage du coke est fait au moyen d’un bec de gaz qui se dégage dans un tube, au-dessous de la grille, et qui est percé de trous qui disséminent la flamme dans le coke et en rendent l’allumage facile. On fait ainsi disparaître l’inconvénient que l’on reproche parfois au coke. L’allumage, par ce système, est toujours sûr et rapide. La dépense (100 à 150 litres de gaz) n’est pas supérieure à celle qu’entraînent les margotins, allume-feux, etc. On a, en outre, l’avantage de ne pas encrasser les fourneaux, comme ceux qui sont chauffés au bois.

Enfin si dans la journée, la cuisinière a négligé son fourneau, si elle le retrouve presque éteint, il lui suffit de rallumer un instant le bec de gaz, pour que le fourneau reprenne son allure.

Un flotteur placé dans le réservoir d’eau chaude, fait monter et descendre une tige extérieure, qui indique, à tout instant, la hauteur de l’eau, et met à l’abri des coups de feu, qui brûleraient une chaudière mise à sec.

Le four et l’étuve ne présentent rien de particulier ; ce sont les mêmes dispositions que dans les appareils similaires au coke ; seulement, le four peut être chauffé au gaz, au moyen d’une rampe intérieure, lorsque le coke n’est pas allumé.

Les brûleurs à gaz sont tous amovibles, par conséquent, très faciles à nettoyer.

Si l’on veut faire une grillade avec ces appareils, il faut :

1° Allumer la rampe à gaz pendant cinq minutes, et placer le gril le plus près possible des flammes, la lèchefrite restant en bas ;

2° Placer les viandes à griller près des flammes, et relever la lèche-frite autant que possible. Aussitôt que les viandes sont saisies et commencent à rendre leur jus, on abaisse la lèchefrite de façon que le jus ne soit pas surchauffé et calciné.

Dans ces appareils, la chaleur des produits de la combustion n’est pas perdue, comme dans les autres systèmes. Ils circulent autour du bain-marie, avant de se rendre dans la cheminée, et quand on fait rôtir une pièce importante, gigot, dinde, etc., l’eau du bain-marie arrive à l’ébullition.

En outre des appareils divers que nous venons de passer en revue, il en est d’autres qu’il n’est pas hors de propos de citer, en parlant de la cuisine au gaz. Tel est le torréfacteur pour le café. Chauffé par le gaz, cet appareil donne une chaleur qui peut être modifiée à volonté et réglée de façon à rester invariable.

Les lessiveuses à gaz sont appelées également à rendre des services dans un ménage.

Citons encore les appareils pour le chauffage instantané de l’eau, appareils qui ont leur place toute marquée dans les cabinets de toilette, et le chauffe-bains à gaz. La combustion d’un mètre cube de gaz suffit pour le chauffage d’un bain.

Chauffage des appartements par le gaz. — Les avantages du chauffage des appartements par le gaz, peuvent se résumer comme il suit.

L’allumage est instantané, et ne demande l’emploi d’aucun combustible supplémentaire, tels que boules résineuses, margotins, copeaux, etc. : une allumette suffit. Les produits de la combustion étant tous gazeux, ne produisent aucun encrassement dans les tuyaux de la cheminée, et ne nécessitent pas ces ramonages périodiques, qui sont parfois si désagréables.

Avec le chauffage des appartements par le gaz, on peut employer des appareils légers, en tôle, qui s’échauffent rapidement, et permettent de jouir instantanément de la chaleur. Un poêle, une cheminée, alimentés par le charbon, le bois ou le coke, ne donnent de chaleur qu’après une longue attente. Avec le gaz, l’effet est instantané, et on arrête la chaleur dès qu’elle devient inutile.

Faisons, toutefois, cette remarque que le gaz ne saurait être substitué aux procédés généraux de chauffage pour les grandes pièces, c’est-à-dire aux calorifères de cave ou aux poêles à charbon, qui chauffent de très grands espaces, économiquement et d’une manière continue. Mais pour élever rapidement la température de petits locaux, le gaz est un agent parfait.

Dans un cabinet de toilette, où il faut, pour quelques instants, une douce température, dans une salle de bains, une salle à manger, et même dans certains magasins et boutiques où le client n’est attendu qu’à certaines heures, rien ne vaut le chauffage par le gaz, au point de vue de la commodité, sinon de l’économie.

Ces réserves posées, disons que l’on se sert pour le chauffage au gaz, de cheminées et de poêles.

Une cheminée à gaz se compose d’une série de tubes à gaz horizontaux, dans lesquels le gaz brûle en chauffant par le rayonnement, comme les combustibles ordinaires.

Les produits de la combustion ne sauraient, sans inconvénient, pour la santé des personnes, demeurer dans la pièce ; on doit les évacuer par le tuyau de la cheminée.

Un constructeur de Paris, M. Legrand, pour utiliser le mieux possible la chaleur de la combustion du gaz, a imaginé de placer le foyer dans un coffre en tôle, à parois garnies de terre, que l’on place dans l’intérieur d’une cheminée ordinaire. Le recouvrement cintré du foyer renvoie une grande partie de la chaleur dans la pièce. Une ouverture, ménagée dans le coffre, laisse dégager dans la cheminée les produits de la combustion. Cette enveloppe est complétée par une chambre à air, ayant sur sa face antérieure, une galerie à jour, qui donne issue à une partie de l’air chauffé.

Pour donner à un foyer à gaz l’illusion de l’aspect ordinaire d’un feu de huches, les constructeurs ont adopté des dispositions très diverses et fort ingénieuses. On fait dégager le gaz par de petites ouvertures percées dans une bûche métallique, figurant le bois. On fait également, avec de l’amiante entremêlée à des bûches métalliques, des foyers qui simulent la flamme d’une cheminée.

L’appareil Marini est formé d’une couronne métallique, au centre de laquelle se trouve un brûleur, composé de tubes parallèles, percés de trous, qui donnent passage à de petits jets de flamme blanche, recouverts en partie par de l’amiante.

L’amiante, mise en contact avec le gaz en combustion, devient incandescente, et augmente, par son rayonnement, l’intensité du foyer, en même temps qu’elle donne l’apparence d’un feu de bois ou de charbon.

On voit dans la figure 417 une cheminée à gaz à bûches d’amiante.

Fig. 417. — Cheminée à gaz à buches d’amiante.

La Compagnie parisienne a mis récemment dans le commerce une cheminée à gaz dans laquelle le gaz, amené par une série de quatre à cinq rampes, munies chacune d’un robinet spécial, porte à l’incandescence des boules en terre réfractaire, mêlées d’amiante. Ces boules augmentent la surface de rayonnement, et donnent à l’ensemble l’aspect d’un foyer au coke (fig, 418).

Fig. 418. — Cheminée à gaz à boules de terre.

La disposition du brûleur est telle que les robinets de commande ne peuvent jamais s’échauffer, ni se gripper ; ce qui en rend le fonctionnement toujours facile, sans exposer la personne qui les manœuvre à se brûler les doigts.

La commande de chaque rampe, à l’aide d’un robinet spécial, permet de diminuer la chaleur développée, et par suite, la dépense de gaz, sans nuire à la bonne allure du foyer.

L’emploi des boules réfractaires, qui deviennent incandescentes, assure la parfaite combustion du gaz, qui se fait toujours avec excès d’air, de manière à supprimer toute odeur désagréable.

Ces appareils, qui sont munis d’un système spécial pour la circulation de l’air, de bouches de chaleur et de tuyaux de dégagement, se placent devant toutes les cheminées, et jamais à l’intérieur ce qui leur ferait perdre les trois quarts de leur puissance de chauffage. La saillie extérieure ne dépasse pas 24 centimètres.

L’allumage est très simple ; il suffit d’ouvrir un seul robinet et de présenter une allumette ; une très légère explosion se produit, on peut alors successivement ouvrir les autres robinets. Pour éviter cette petite explosion qui, bien que sans danger, effraye certaines personnes, les derniers types construits sont pourvus, sur le côté, d’un petit tube percé de trous, qui peut être allumé sans aucune explosion, et qui enflamme ensuite la première rampe intérieure, quand on ouvre le robinet qui l’alimente,

On voit dans beaucoup de magasins de Paris, des cheminées à gaz, qui sont caractérisées par un foyer réflecteur, en cuivre poli, lequel produit un effet de rayonnement considérable. Le gaz brûle au fond et en haut du coffre. Par ce moyen, la chaleur est renvoyée en plus grande quantité dans la pièce, et l’éclat du métal réflecteur réjouit les yeux.

Les cheminées à gaz à foyer réflecteur sont construites comme il suit.

À la partie supérieure, existe une rampe horizontale, en fer, percée d’une série de trous, qui projettent des jets de gaz, à flamme blanche. L’intérieur de la cheminée est garni d’une plaque de cuivre poli, qui constitue le réflecteur.

La plaque de cuivre, au lieu d’être unie, est tourmentée d’une série d’ondulations, qui fournissent autant de surfaces réfléchissantes. Les deux parois latérales du foyer sont recouvertes des mêmes plaques en cuivre poli.

Ces cheminées sont commodes pour se chauffer les pieds. Il suffit de se placer debout, pour sécher ses chaussures mouillées, sans avoir l’ennui de se brûler la figure. Si une dame approche sa robe du foyer, le tissu n’a aucun contact avec la rampe du gaz, qui, placée au fond, ne saurait communiquer le feu. Les enfants peuvent sans danger jouer devant un tel foyer.

Le cuivre échauffé se ternissant toujours, il faut entretenir toutes les surfaces en bon état de propreté, au moyen du tripoli.

Ces foyers sont fabriqués soit en cuivre rouge, soit en laiton, dont les pouvoirs réflecteurs sont peu différents. On préfère généralement le reflet rosé du cuivre au reflet jaune du laiton.

Nous donnons dans la figure 419 le dessin d’une cheminée à gaz avec foyer réflecteur.

Fig. 419. — Cheminée à réflecteur de cuivre ondulé.

Les poêles à gaz peuvent être distingués en poêles simples et en poêles-calorifères.

Les poêles simples sont formés par une simple enveloppe en fonte, ou en tôle, dans laquelle on place le foyer, qui émet, par rayonnement, la plus grande partie du calorique de la flamme du gaz.

Un grand nombre de modèles de poêles à gaz, qui ne varient que par la forme et l’ornementation extérieures, ainsi que par la disposition des brûleurs, sont employés aujourd’hui. Les meilleurs sont ceux qui, par leur disposition intérieure, permettent aux produits de la combustion de perdre la plus grande partie de leur chaleur avant de se dégager dans la cheminée ; ce qui est indispensable pour l’hygiène.

Il faut rejeter les poêles à gaz microscopiques, que l’on trouve chez quelques appareilleurs, et qui, étant dépourvus du tuyau de dégagement des produits de la combustion, déversent ces produits dans la pièce, et vicient l’air, en donnant les buées de vapeur, qui altèrent les papiers de tenture, les couleurs et la dorure.

Fig. 420. — Coupe d’un poêle simple à gaz.

Nous donnons dans la figure 420 la coupe du poêle à gaz le plus répandu. Le gaz arrivant par le robinet A, suit un cylindre intérieur de tôle B, enveloppe destinée à préserver la paroi extérieure du poêle d’une trop forte élévation de température, et les produits de la combustion se dégagent par un tube, non visible sur notre dessin, pour s’écouler dans le tuyau d’une cheminée.

La Compagnie parisienne du gaz construit des poêles à gaz, pourvus du brûleur que nous avons représenté plus haut, en parlant des cheminée à gaz (fig. 418).

Elle construit également des calorifères mixtes c’est-à-dire pouvant brûler à volonté le coke ou le gaz. Dans ces appareils, comme du reste dans les cheminées dont il vient d’être parlé, au brûleur à gaz peut être substituée une grille à coke. En prenant soin de fermer la clef de réglage, on transforme ainsi soi-même, en un instant, l’appareil à gaz en un calorifère à coke.

On voit sur les figures 421, 422, ces deux derniers types : la figure 421 représente le poêle à coke, la figure 422 le poêle à gaz, lesquels ainsi qu’il vient d’être dit, peuvent changer à volonté d’affectation, c’est-à-dire marcher au coke ou au gaz.

Fig. 421. — Poêle à coke.
Fig. 422. — Poêle à gaz.

Ce qui distingue les poêles-calorifères des poêles simples, c’est que les premiers sont disposés de manière à déterminer un appel d’air de la pièce dans l’intérieur de l’appareil. L’air vient s’échauffer au contact de leurs parois, sans se mélanger aux produits de la combustion. Il parcourt ensuite quelques tuyaux, auxquels il cède du calorique, et s’échappe dans la pièce à chauffer. En outre, la paroi externe de l’appareil agit, comme dans les poêles ordinaires, pour communiquer à la pièce son calorique par voie de rayonnement.

Fig. 423. — Coupe du calorifère à gaz de M. Wagner.

A, tube auquel on adapte le tuyau en caoutchouc amenant le gaz. — R, couronne percée tout autour de trous pour l’allumage du gaz. — B, P, deux plaques d’obturation reliant tous les tubes T, et formant le système tubulaire de chauffage. — Les gaz brûlés par la rampe R, traversent les tubes T, et s’échappent ensuite par le tuyau D, dans la cheminée de l’appartement. Ces tubes n’ayant ainsi aucune communication avec l’air de l’appartement, il n’y a aucune odeur à redouter. — F, trous percés dans l’enveloppe du poêle, par où pénètre l’air à échauffer. Cet air froid remplit l’espace vide, entre les tubes T, s’échauffe, monte par le gros tuyau vertical E, et s’échappe dans l’appartement par les vides du couvercle C.

Nous donnons dans la figure 423 la coupe verticale du calorifère que construit à Paris, M. Wagner. La légende qui accompagne cette figure explique la route suivie par les gaz dans les conduits intérieurs et son issue au dehors. On voit le groupe de tubes, BP, dans lesquels l’air chauffé par le gaz, circule, avant de se dégager dans une cheminée.

La Compagnie parisienne du gaz a mis dans le commerce un poêle tubulaire à gaz, qu’elle désigne sous le nom de calorifère-tambour.

Le caractère spécial de cet appareil, c’est son débit fixe, proportionné à ses dimensions, et à sa masse. Ce débit invariable, a permis d’employer les flammes blanches, qui donnent le maximum de chaleur, et dont l’emploi était jusqu’ici peu usité, par la crainte des fumées et des dépôts charbonneux qui se produisent, lorsque la consommation des appareils vient, sous l’influence des fortes pressions, à dépasser la limite normale.

Fig. 424. — Poêle tubulaire à gaz de la Compagnie parisienne.

Les produits de la combustion sont refroidis par leur passage à travers des plaques en terre réfractaire, et ensuite dans un tambour extérieur, auquel est raccordé le tuyau d’échappement.

Une série de tuyaux en cuivre, chauffés extérieurement par le gaz qui brûle, donnent intérieurement passage à un courant d’air qui vient déboucher à la partie supérieure, de l’appareil.

Ces tuyaux sont, à leur extrémité supérieure, entourés d’une couche de sable, qui, en complétant l’étanchéité absolue des joints, absorbe la chaleur considérable qui se manifeste toujours sur le plafond de la chambre de combustion.

La figure 424 donne la vue extérieure du poêle tubulaire de la Compagnie parisienne et la figure 425 la coupe de cet appareil. La légende qui accompagne ce dessin montre la marche à l’intérieur des tuyaux de l’air venant de la pièce et son échappement dans la cheminée de l’appartement.

Fig. 425. — Coupe du poêle tubulaire de la Compagnie parisienne.

R, robinet et tuyau d’arrivée du gaz qui se rend dans la rampe à gaz. — B, rampe à gaz, de forme circulaire, serrant de foyer au calorifère. — E, porte du foyer semblable à celle d’un poêle ordinaire. — A, chambre circulaire, recevant l’air froid, qui entre par les ouvertures K, cet air s’échauffe au-dessus du foyer, monte à l’intérieur des tubes T, pour s’échapper ensuite par le haut du poêle dans l’appartement. Cet air, étant complètement séparé des gaz provenant de la combustion, ne peut entraîner avec lui aucune odeur nuisible. — C, couvercle et S, galerie par où s’échappe l’air chauffé. — G, chambre de chauffe enveloppant les tubes T. Cette chambre est la continuation du foyer B : Elle est fermée en haut par une plaque obturatrice P, qui force les produits de la combustion à s’échapper par le tuyau V, D, qui les emmène dans la cheminée. Cette chambre G, est garnie de cloisons H, qui maintiennent l’écartement des tubes T. — Ces cloisons, percées de trous pour le passage du gaz, sont en briques pour augmenter tout d’abord la surface de chauffe, et ensuite conserver de la chaleur longtemps après l’extinction du feu. Ces cloisons ont en outre l’avantage de modérer l’évacuation trop rapide des produits de la combustion et de les maintenir plus longtemps en contact avec les tuyaux T, où s’échauffe l’air froid.

On munit quelquefois les poêles calorifères à gaz de l’appareil réflecteur en cuivre dont nous avons parlé à propos des cheminées à réflecteur. L’air s’échauffe au contact des parois métalliques, et se dégage ensuite dans la pièce, par les bouches de chaleur latérales ; les gaz de la combustion s’échappent séparément hors de la pièce, par un autre tuyau.

Chauffage industriel. — Dans l’industrie, les emplois du gaz de l’éclairage, comme moyen calorifique, sont aujourd’hui immenses. Le gaz, en effet, se prête à merveille à toutes les sortes d’opérations, dans les manufactures et dans les arts. Un tel champ serait infini à parcourir ; nous nous bornerons à dire quelques mots des différentes industries qui ont recours à ce moyen commode et économique de produire, au moment voulu et dans la seule proportion nécessaire, la chaleur qu’exige l’exécution d’une opération manufacturière.

Pour l’apprêt des tissus, il faut, quand le tissu quitte le métier, détruire le velouté des fils par le grillage. Ce grillage ou duvetage, se fait par le gaz, bien mieux que par le feu, comme on l’exécutait autrefois.

Dans la chapellerie, le gaz est employé pour chauffer les formes métalliques qui reçoivent les coiffes à presser. Il sert aussi à chauffer les fers pour l’encollage.

Le repassage des chapeaux se fait avec des fers chauffés au gaz.

Le gaz ne s’applique pas seulement à la fabrication des chapeaux. Il est également employé, chez les chapeliers détaillants, pour les coups de fer à donner aux chapeaux prêts à livrer, ou pour restaurer les vieux chapeaux.

Chez les coiffeurs, le gaz est employé pour le chauffage des fers, longs et ronds, et pour faire chauffer l’eau à l’usage de la barbe.

Dans la cordonnerie, c’est-à-dire la fabrication en grand des chaussures de cuir, on fait usage du gaz pour le chauffage des nombreux outils employés dans les ateliers. Des apprêteuses mécaniques servent à fixer les élastiques entre les deux tiges des bottines. On emploie, pour cela, un fer chauffé à l’intérieur par le gaz, auquel on imprime un mouvement ascendant, au moyen d’une pédale. Des tubes à air et à gaz servent au chauffage des mailloches, pour brunir les talons de cuir. D’autres fers, chauffés à l’intérieur, par le gaz, servent à lisser les pourtours des semelles.

Les relieurs-doreurs chauffent leurs fers par le gaz, en employant une rampe, qui est divisée en deux parties, et dont on règle l’intensité calorifique au moyen d’un robinet, pour chacune des demi-rampes. Une seule rampe est allumée, quand on n’a qu’un seul fer à chauffer.

Les fabricants de boutons emploient avec avantage la chandelle au gaz.

Les souffleurs de verre travaillaient autrefois le verre et l’émail, avec une lampe à huile, dans laquelle on injectait un fort courant d’air, au moyen d’un soufflet, mis en action par le pied. Aujourd’hui, le chalumeau du souffleur de verre est constitué par une flamme de gaz, dans laquelle de l’air est insufflé.

C’est ainsi que l’émailleur fabrique les fleurs artificielles pour parures, les bouquets artificiels, en émail, les épingles de coiffures et de châles, les émaux pour bijoux, les perles, poires, gouttes d’eau, pendants d’oreilles, un grand nombre de pièces pour passementerie, et une infinité d’autres articles de verroterie.

Parmi les pièces en verre blanc, se modelant par le soufflage et le cintrage, sous l’influence de la chaleur, nous citerons encore les baromètres, thermomètres, aéromètres, les tubes, de formes diverses, pour les laboratoires de chimie, les alcoomètres, les pèse-acides, les pèse-sels, les niveaux à bulle d’air, les compte-gouttes, et un grand nombre d’instruments pour les sciences.

Les pièces de verrerie moulées à la presse, se font dans des moules creux en fonte, ou mieux, en acier, pour obtenir des pièces pleines. On emploie, à cet effet, des presses à levier, ou des presses à vis, fabriquées par M. Boscher, mécanicien à Paris.

C’est avec cette même presse qu’on fabrique un grand nombre d’objets dits articles de Paris tels que boutons, imitation de camées, poignées de parapluies, poignées d’ombrelles et de cannes, etc.

Le moulage s’exécute avec une rapidité qui permet de les produire à un très bas prix. On présente les baguettes d’émail ou de verre à l’action de la flamme du gaz, et on fait couler la matière fondue dans la matrice qui doit lui donner sa forme.

Les fleuristes se servent de gaz pour chauffage des petites étuves, qui donnent une chaleur à peu près constante et peu coûteuse. Ils l’emploient aussi, pour le chauffage des plaques en fonte, destinées à communiquer la chaleur nécessaire aux matrices à gaufrer.

Les gainiers, les fabricants de registres, les relieurs, et plusieurs autres professions, faisant usage du papier, du carton et des peaux, chauffent au bain-marie leur colle forte, au moyen du gaz.

L’appareil dont ils se servent est divisé en quatre compartiments. Dans le premier, est liquéfiée la colle de Cologne, dans le second, la colle forte proprement dite, dans le troisième la colle demi-forte. Le quatrième sert à préparer chaque espèce de colle, pour l’amener à la liquidité avant de la verser dans le compartiment qui lui est réservé. Cet appareil est placé sur l’établi, à proximité des ouvriers qui en font usage.

Les gaufreurs de cuirs et de peaux se servent de machines à gaufrer et à plisser, composées de deux cylindres creux, ayant des longueurs et des diamètres proportionnés au travail à effectuer, et qui sont chauffés à l’intérieur, par le gaz, qui procure une chaleur régulière et continue.

Ces cylindres creux, auxquels on imprime un mouvement continuel de rotation, sont pourvus de cannelures, s’engageant l’une dans l’autre, avec des dimensions correspondant au travail à produire. On les emploie à gaufrer les cuirs, les papiers peints, les rubans de satin, le taffetas, les effilés et la soie pour passementerie, la paille pour chapeaux, les tulles, la lingerie, les jupons, les tours de tête et divers autres articles.

Le gaufrage et la dorure à plat et en relief, sur le papier, les étoffes et les cuirs, s’exécutent avec des fers chauffés au gaz.

Chez les fabricants de papiers peints, les mêmes outils servent à faire, à chaud, le reps sur l’or, et le frappage sans or sur le velouté.

Pour dorer les couvertures et les ornements, les relieurs tracent des empreintes à la résine ; et sous l’influence de la chaleur fournie par l’outil à gaz, la résine fond, en faisant adhérer l’or sur le papier ou le cuir. On opère de la même manière pour obtenir, par la pression à chaud, la dorure sur plat, des livres, recouverts soit en toile, soit en papier.

Les cartonnages de fantaisie, comprenant les boîtes-bonbonnières et les autres objets décorés en relief et dorés, se font aussi avec des fers chauffés au gaz.

Dans ces dernières applications, le gaz est le producteur de chaleur le plus sûr que l’on puisse employer, en raison de la régularité de la température qu’il donne, condition indispensable pour ce genre de travaux.

Sur le comptoir de beaucoup de pharmaciens, on voit un petit fourneau, composé d’un cylindre en fonte, contenant, au fond, une rampe à gaz. Ce fourneau sert à chauffer les liquides, à faire fondre la cire à cacheter, et même à fabriquer les emplâtres et le sparadrap.

Chez la plupart des marchands de vins et liquoristes, on trouve aujourd’hui de petites chauffeuses, en porcelaine, plus ou moins décorée, qui servent à maintenir chauds, dans un bain-marie, le punch, le thé et le café. Ces appareils qui, pour la plupart, fonctionnent sans interruption, depuis le matin jusqu’à une heure avancée de la soirée, occasionnent une faible dépense, en raison de petit nombre de jets de gaz et de leur faible débit. L’eau du bain-marie n’a besoin que d’être maintenue à + 90 degrés environ, pour entretenir ces liquides chauds, d’une manière constante.

On voit souvent les peintres-barbouilleurs occupés à enlever les anciennes couches de peinture, pour en appliquer de nouvelles, se servir d’une flamme de gaz sortant d’un tuyau de caoutchouc, qu’il tiennent à la main. Ils ramollissent ainsi la vieille peinture par la chaleur ; puis ils la détachent, au moyen d’un grattoir. Quelquefois, au lieu d’une simple flamme de gaz, on se sert d’une chandelle à gaz, c’est-à-dire d’un courant de gaz mélangé à de l’air, qui donne une flamme blanche beaucoup plus chaude.

Les tailleurs emploient le gaz pour chauffer les fers, ou carreaux, qui leur servent à rabattre les coutures, par la pression à chaud. Ils ont, pour cela, un appareil divisé en cases, dans chacune desquelles est un fer, que chauffe une plaque de fonte, portée au rouge par une série de rampes à gaz, réglées, chacune, par un robinet spécial.

Un fer chauffé à l’intérieur par un tuyau de gaz, mélangé préalablement d’air, est aussi employé, dans diverses maisons de confections, pour rabattre les coutures des paletots, pantalons, vestons et autres vêtements.

La soudure des métaux s’effectue, dans une foule d’industries, par différents chalumeaux à gaz, appropriés à chaque opération, et dans le détail desquels nous ne saurions entrer ici. Bornons-nous à dire que depuis la soudure des grandes pièces, dans l’industrie des bronzes d’art, jusqu’aux petites soudures que font les bijoutiers, pour les articles de parure et les chaînes, on opère avec un chalumeau à gaz, dont la forme est calculée sur le travail à exécuter.

Les fabricants de boîtes en fer-blanc se servent uniquement, aujourd’hui, pour leurs soudures, du gaz, qui leur procure une économie notable, puisqu’un ouvrier qui soudait, autrefois, avec le charbon de bois, 700 boîtes cylindriques de 1/2 litre, en produit, avec le gaz, 1 200. La dépense en charbon, qui était autrefois de 10 centimes par heure (ou 2k,500 à 8 francs les 100 kilos, prix de gros) est, avec le gaz, pour le même temps, de 135 litres à 30 centimes le 1 000, soit de 4 centimes par heure.

Ces chiffres parlent suffisamment en faveur du gaz, et indiquent l’économie que ce mode de chauffage présente dans cette fabrication, toujours annexée à la préparation des conserves alimentaires.

Les ferblantiers qui fabriquent et ferment les boîtes de conserves alimentaires et celles à sardines, et ceux qui fabriquent les objets dits articles de Paris, ainsi que d’autres professions dans lesquelles on fait des soudures fines, linéaires, ou des simples points de soudure, se servent d’un fer chauffé par le gaz. Par une combinaison ingénieuse, on fait arriver le gaz et l’air, comme dans la chandelle à gaz dont nous avons parlé plus plus haut ; seulement au lieu que le dard du chalumeau soit à air libre, il vient ici lécher le talon du fer à souder, et lui communiquer une chaleur régulière et constante.

Si l’on se sert d’un seul fer, on se contente d’un ventilateur, mû par le pied de l’ouvrier : mais dans les grands ateliers on se sert d’un gazomètre à air, qui fonctionne à l’aide de contrepoids, et quelquefois d’un ventilateur hydraulique.

Les fabricants de jouets d’enfants, d’encriers, d’articles pour fumeurs, etc., font usage du gaz pour leurs soudures.

Les pièces vernies, teintées ou colorées, sont séchées également dans un four chauffé par le gaz, où l’on n’a pas à craindre les poussières qui se déposent sur les parties vernissées, comme dans les étuves ordinaires.

Les lampistes, qui soudent le fer-blanc ou le zinc, font également du gaz un usage, qui leur permet de fabriquer rapidement et à bon marché.

Pour la mise en plomb des vitraux d’église, on se sert également d’un fer chauffé par le gaz.

Les articles de ménage tels que seaux, bains de pied, bidons et tous les ustensiles en zinc ou en fer-blanc, sont soudés avec le gaz.

Disons, en résumé, que la plupart des petites industries emploient aujourd’hui le gaz de l’éclairage, comme agent producteur de calorique. Le plus grand nombre des appareils de chauffage à gaz qui existent dans les ateliers, sont dus à l’initiative des industriels, qui les ont adaptés, avec beaucoup d’intelligence, aux besoins de leur fabrication.

Dans la grande industrie métallurgique, le gaz est souvent le seul combustible employé pour la fusion des métaux ou des matières devant faciliter cette fusion. Seulement, comme il serait impossible de faire usage du gaz de l’éclairage, en raison de son prix, on fabrique, pour ainsi dire, le gaz sur place. On distille les charbons maigres dans l’usine, et on obtient ainsi un composé gazeux, qui produit tous les effets calorifiques du gaz.

La distillation de la houille maigre se fait dans un appareil spécial, nommé gazogène, où elle est décomposée à basse température et transformée en un mélange d’hydrogène protocarboné et d’oxyde de carbone. On dirige ce mélange dans les foyers, où on les brûle, avec un courant d’air, préalablement surchauffé.

Le chauffage par gazogène est principalement appliqué aux opérations métallurgiques, à la cuisson des produits céramiques, aux verreries, etc.

Dans les laboratoires de chimie, le gaz de l’éclairage a remplacé, de nos jours, le charbon de bois, autrefois seul en usage, concurremment avec la lampe à alcool, pour toutes les opérations où intervient la chaleur. On ne trouve plus une seule caisse à charbon de bois, dans les laboratoires modernes. Cette substitution a rendu faciles bien des opérations, qui étaient très pénibles jadis, et elle permet d’effectuer des expériences devant lesquelles on aurait reculé avec les anciens fourneaux à charbon.

C’est dans le laboratoire particulier de Würtz, situé rue Garancière, dans l’hôtel occupé aujourd’hui par la librairie Plon, que le gaz fut, pour la première fois, substitué au charbon, dans les opérations chimiques.

Le gaz fut ensuite appliqué dans le laboratoire particulier de Pelouze, rue Dauphine, ensuite dans le laboratoire du même chimiste à la Monnaie, enfin dans le laboratoire de Ch. Gerhrardt, rue Monsieur-le-Prince.

La pression pendant le jour, faisant défaut, à cette époque (1850-1852), il fallait avoir des gazomètres, que l’on emplissait le soir, pour les travaux du lendemain. Lorsque, en 1856, la Compagnie parisienne pour l’éclairage et le chauffage au gaz, se constitua, apportant l’engagement de fournir le gaz le jour, comme la nuit, tous les laboratoires de chimie installèrent le chauffage, au gaz.

Les premiers appareils de laboratoire pour le chauffage à gaz, et qui se composaient de tubes métalliques venaient d’Allemagne. Ils ne répondaient qu’imparfaitement aux besoins des manipulateurs. C’est alors que M. Wiesnegg père créa l’outillage actuel, qui sert, dans les laboratoires de chimie, à effectuer, au moyen du gaz, toutes les opérations demandant l’intervention de la chaleur.

Ces opérations étant d’un nombre infiniment grand, et d’un ordre essentiellement varié, nous n’entreprendrons pas de passer en revue les appareils de chauffage au gaz qui se trouvent dans les laboratoires actuels. Bornons-nous à dire que, depuis la simple ébullition d’un liquide, jusqu’à l’analyse organique élémentaire, en passant par toutes les calcinations, combustions, distillations, évaporations, séchages à l’étuve, etc., etc., tout chauffage, dans les laboratoires de chimie, se fait aujourd’hui avec des appareils à gaz. La plupart de ces appareils se construisent, d’ailleurs, selon les besoins et les demandes des opérateurs, en vue des recherches qu’ils ont à exécuter.

Nous n’avons pu traiter que d’une façon très sommaire la question des emplois du gaz dans les différentes industries modernes. Les personnes qui désireraient des renseignements plus complets à ce sujet, avec des dessins d’appareils, les trouveront exposés avec beaucoup de soin dans un volume in-12, publié à la Librairie scientifique et industrielle d’Eugène Lacroix, sous ce titre : Le chauffage par le gaz considéré dans ses diverses applications par G. Germinet.

Ajoutons que M. G. Germinet, homme instruit et modeste, possédant à fond la connaissance de tout ce qui se rattache à l’industrie du gaz, consacre ses loisirs à la préparation d’un ouvrage, ou recueil considérable, car il ne formerait pas moins de dix à douze volumes, uniquement consacrés à l’éclairage et au chauffage par le gaz.


CHAPITRE III

le chauffage au pétrole. — appareils en usage en russie pour l’application du pétrole au chauffage des chaudières des bateaux à vapeur. — le pétrole, agent de chauffage dans les locomotives et dans les foyers des usines. — le pétrole employé dans le chauffage domestique. — appareils et usage leurs dangers.

L’introduction du pétrole, comme matière combustible, dans les foyers des chaudières à vapeur, et des locomotives, et son usage dans les usines ou manufactures, sont appelés à produire une véritable révolution dans l’industrie générale des peuples.

Depuis longtemps on s’inquiétait de l’excessive consommation annuelle de la houille, par suite de l’immense développement de l’industrie dans les deux mondes ; et l’on calculait avec effroi le nombre d’années qui nous séparent de l’instant où toutes les mines de houille du globe seraient épuisées.

En 1873, une commission d’enquête fut chargée, en Angleterre, de rechercher le maximum de temps que l’on peut assigner à l’entier épuisement de la masse de houille qui forme la richesse minière de la Grande-Bretagne, et l’on trouva que, dans une moyenne de quatre siècles, cet approvisionnement naturel aurait disparu.

Voici pourtant qu’au moment où l’on commençait à s’inquiéter de l’avenir de notre production manufacturière, le pétrole s’annonce comme devant servir de succédané à la houille.

Jusqu’ici, l’attention publique s’était uniquement portée sur l’Amérique, comme région productive de l’huile minérale de pétrole. Mais nos lecteurs ont appris, dans les chapitres précédents, que des gisements de plus en plus abondants de naphte, ont été découverts en Russie, entre la mer Caspienne et la mer Noire. Le nombre de ces gisements s’accroît chaque jour ; de telle sorte que le pétrole de Russie dépasse aujourd’hui, par son abondance, celui de l’Amérique.

C’est ce qui a conduit à faire usage de pétrole comme succédané de la houille, dans les foyers industriels.

Cette idée n’est pas, d’ailleurs, de date récente. Dès 1868, comme nous l’avons dit dans les Merveilles de la science[3], Sainte-Claire Deville faisait de nombreuses et remarquables expériences pour employer le pétrole comme agent de chauffage des chaudières à vapeur. Ce mode de chauffage fut essayé, à cette même époque, en France, par la Compagnie du chemin de fer de l’Est, et à Cherbourg, à bord d’un navire de l’État.

En Angleterre, en 1880, un petit bateau à vapeur, le Billi Collins, navigua sur la Tamise, au moyen du pétrole, grâce à un appareil construit par le directeur de l’Hydrocarbon Gas Company. Les expériences réussirent, et la question fut pratiquement résolue. On constata qu’il était facile de régler la combustion, en ouvrant ou fermant plus ou moins, les robinets de débit du pétrole.

L’expérience fut répétée sur une canonnière à vapeur, qui exécuta de nombreux parcours entre Londres et Gravesend.

Ces essais, pourtant, ne furent pas continués, en France ni en Angleterre, en raison du prix du pétrole.

En Amérique, les essais furent tout à fait concluants. À Boston, une pompe à incendie, dont le foyer était alimenté par la vapeur de pétrole, arrivait toujours la première en activité sur le lieu du sinistre.

Dans la Pensylvanie, le même système de chauffage fut appliqué à des locomotives avec une économie notable ; car on se trouvait sur les lieux mêmes de production.

Quant à la manière dont le pétrole était alors brûlé sous les chaudières, elle était des plus simples. On faisait couler le liquide brut le long du foyer, au moyen d’un robinet et d’un tube percé de trous. Dans d’autres appareils, on transformait le liquide en vapeur, par la chaleur ; et c’est cette vapeur qui était brûlée dans le foyer.

Vers 1885, l’abondance et le bas prix des résidus de la distillation du pétrole, dans le Caucase, décidèrent les ingénieurs russes à faire servir ces résidus au chauffage des chaudières des bateaux à vapeur. L’ingénieur en chef de la traction du chemin de fer du Volga, M. Thomas Urghart, est parvenu, grâce à un ensemble de dispositions fort bien comprises, à créer des foyers qui ont fait leurs preuves en Russie et aux États-Unis, pour le service des locomotives et des bateaux à vapeur.

Pour assurer la combustion complète des huiles brutes, ou des résidus de la distillation, il faut les amener dans le foyer à un état de division extrême, afin que l’air soit mis en contact avec le pétrole par des surfaces très multipliées. Pour obtenir cette division, on place le naphte dans une chaudière pleine d’eau, et on porte le mélange à l’ébullition. La vapeur d’eau entraîne mécaniquement le naphte, à l’état de particules très fines, et ce mélange, dirigé dans le foyer, brûle avec une activité extraordinaire, sans produire aucune fumée, c’est-à-dire avec une combustion rigoureusement complète.

On appelle en Russie pulvérisateur Forçounka le récipient de vapeur d’eau et de pétrole, muni d’un tube, qui conduit ce mélange dans le foyer des locomotives. La vapeur avec laquelle on entraîne le pétrole liquide, est empruntée à la chaudière de la locomotive.

Dans le type de locomotive actuellement adopté sur les chemins de fer russes, le réservoir d’huile minérale se trouve dans le tender, entre les deux côtés du réservoir d’eau, dans la partie concentrique qu’occupait autrefois le charbon. Chaque réservoir est muni d’un tube de niveau, de 25 millimètres de diamètre, dont la graduation indique la quantité. de pétrole restant dans le réservoir. Pour une locomotive à six roues, la capacité de ce réservoir est d’environ 3 tonnes 1/2 ; ce qui suffit à un parcours de 450 kilomètres, avec un train de 480 tonnes sans compter la machine ni le tender.

L’emploi des résidus de pétrole (astatkis) pour le chauffage des foyers des chaudières marines, a également donné de très bons résultats dans la Russie d’Europe. Les nombreux navires qui composent la flotte de la mer Caspienne, et qui remontent le Volga, jusqu’aux environs de Tsaritzin, sont munis aujourd’hui de ce système, et réalisent, de ce fait, de notables économies.

Les bateaux à vapeur de la mer Caspienne qui font usage du pétrole, brûlent seulement 2k,250 de liquide par heure et par cheval-vapeur, tandis qu’auparavant, ils brûlaient près de 10k,500 de houille, dans les mêmes conditions.

En France, les droits qui pèsent sur les résidus du pétrole, ont empêché jusqu’ici de les appliquer en grand au chauffage des chaudières des bateaux à vapeur. Cependant, l’essai en a été fait, en septembre 1885, par M. d’Allest, ingénieur en chef de la Compagnie Fraissinet, à Marseille, qui a cherché à l’appliquer aux navires de la marine militaire et principalement aux torpilleurs.

Les expériences eurent lieu à bord du torpilleur l’Aube.

On brûlait le pétrole à l’état de vapeurs. L’Aube était muni de deux brûleurs par foyer. Ces brûleurs étant composés de deux buses coniques emboîtées l’une dans l’autre, la vapeur de pétrole pénétrait dans la buse extérieure, et sortait de l’appareil, sous forme de nappe gazeuse, de 1 à 2 millimètres d’épaisseur.

Le pétrole arrive donc, en nappe circulaire gazeuse très mince, dans la buse ; là, il rencontre un jet de vapeur d’eau, qui le pulvérise, et le lance dans le foyer, sous forme de fine poussière.

Pendant les essais, qui durèrent cinq heures environ, les brûleurs fonctionnèrent avec une régularité parfaite. La pression à la chaudière se maintint toujours au maximum. Les chauffeurs, restés sur le pont, regardaient avec étonnement ces nouveaux engins, qui rendaient leur présence à bord à peu près inutile.

Pendant les manœuvres, et lorsqu’il fallut ralentir la marche, les ingénieurs de la Compagnie se rendirent maîtres de la pression avec une facilité surprenante. Il leur suffit d’éteindre un à un les brûleurs en fermant simplement le robinet d’arrivée du pétrole.

La consommation moyenne d’huile minérale, fut, pendant l’essai, de 115 kilogrammes d’huile minérale par heure : la consommation de charbon aurait été, dans les mêmes conditions, de 201 kilogrammes. Le pétrole a donc présenté un rendement supérieur de 74 pour 100 de celui du charbon.

Le pétrole employé comme agent de chauffage, a d’autres avantages dans la navigation maritime.

Une tonne de houille occuperait un volume presque double de celui qu’occupent 1 000 kilogrammes de pétrole. Il est donc possible d’augmenter ainsi la place destinée au fret.

Les incendies causés par la combustion spontanée du charbon, ne sont plus à craindre. Les arrimages à bord sont faciles : une simple pompe suffit. Même avantage, en ce qui concerne les chauffeurs, dont on peut diminuer le nombre, puisqu’une pompe actionnée par la machine, peut remplacer leur travail, qui se réduit à régler le débit du liquide.

Ajoutons que le pétrole étant exempt de soufre, ne saurait endommager les parois des chaudières, ni encrasser les tubes. Quand le tirage est bien réglé, le naphte ne laisse pas dégager au-dessus du navire, comme ceux qui sont chauffés au charbon, un long panache de fumée, qui, en temps de guerre, révèle leur présence. Avec le pétrole, il n’y a pas à piquer le combustible, pour faciliter la circulation de l’air dans les foyers : les brûleurs fonctionnent comme des becs de gaz. Enfin, il n’y a production ni de cendres ni de fumée, par sa combustion.

Les huiles minérales renfermant beaucoup d’hydrogène, leur combustion produit de la vapeur d’eau ; c’est pour cela que les lieux éclairés au gaz sont un peu humides, lorsqu’ils sont clos ; 1 kilogramme d’huile minérale engendre 4 350 grammes d’eau, en brûlant. On pourrait condenser cette vapeur, à sa sortie des fourneaux, et se servir de cette eau, pour alimenter la chaudière. Elle aurait la pureté de l’eau distillée, et ne donnerait lieu à aucune incrustation, ni à aucun dépôt.

Voilà bien des conditions avantageuses pour l’emploi du nouveau combustible.

Mais la supériorité du pétrole, comme agent de chauffage, réside surtout dans sa haute puissance calorifique. L’expérience a démontré que cette puissance est presque le double de celle du charbon : avec 65 kilogrammes de pétrole, on produit autant de vapeur qu’avec 100 kilogrammes de charbon.

On savait déjà, d’après des expériences anciennes de Sainte-Claire Deville, qu’un kilogramme de pétrole fait évaporer 15 kilogrammes d’eau, tandis que le charbon de Cardiff ne réduit en vapeur que 8 kilogrammes d’eau

En résumé, par l’économie d’espace que donne le combustible minéral, et par l’accroissement de puissance thermique que procurent de bons appareils de combustion, le pétrole est extrêmement précieux pour la navigation à vapeur.
Fig. 426. — Docks et entrepôt de pétrole à Batoum (Caucase).

Pour les torpilleurs, le pétrole présenterait de grands avantages. Il permettrait de supprimer ces étroites chambres de chauffe, dont nous avons parlé, en traitant des torpilleurs, dans ce même volume, chambres où les marins sont soumis à un emprisonnement horrible, et en même temps, exposés aux plus grands dangers, si un tube de la chaudière vient à faire explosion. L’entretien du feu est, au contraire, ici, des plus simples. Il se réduit à surveiller l’arrivée de l’huile dans les foyers ; il ne demande que l’attention soutenue d’un seul chauffeur, au lieu d’exiger, comme aujourd’hui, un nombreux personnel, instruit et difficile à recruter. Le naphte ayant une plus grande puissance calorifique que le charbon, permet, comme nous l’avons dit, à poids égal de combustible embarqué, d’aller plus loin et la chaudière est plus légère. Enfin, on supprime la fumée, les étincelles et les escarbilles, qui dévoilent à l’adversaire l’approche d’un torpilleur.

L’emploi du pétrole liquide a été étudié récemment aux États-Unis sur les locomotives, par la Compagnie du Pensylvania Railroad, et sur les bateaux à vapeur, par M. A.-J. Stevens, notamment sur le steamer Solano, du port de San Francisco.

Ajoutons que le problème de l’emploi du pétrole pour le chauffage des locomotives, a été complètement résolu par les expériences de M. Thomas Urghart[4] sur le Great Estern Railway.

Il restait à trouver le moyen de brûler simultanément le pétrole et la houille. M. Holden, ingénieur du gaz, est parvenu à ce résultat en introduisant le pétrole liquide, mélangé d’air, dans la boîte à feu de la locomotive, au-dessus d’une mince couche de charbon incandescent, grâce à un injecteur spécial, et à brûler les deux combustibles ensemble, sans modifier autrement le foyer de la locomotive, que d’y placer un certain nombre de tubes de plus, qui n’empêchent pas, d’ailleurs, de se servir du même foyer pour la marche ordinaire de la locomotive.

M. Holden obtient ainsi une combustion sans fumée, et une grande production de chaleur, avec économie de combustible. Les menus, le charbon commun, le lignite, le bois, la tourbe, la sciure de bois, peuvent s’employer comme combustibles solides. L’air nécessaire à la combustion, n’ayant pas à traverser en excès le combustible, le tirage habituel reste suffisant, et l’orifice du tuyau soufflant des locomotives peut être augmenté de 50 à 60 pour 100. On réduit ainsi l’usure de la boîte à feu, des tubes et de la boîte à fumée, ainsi que de la cheminée ; enfin on évite la production des étincelles et l’entraînement des cendres.

La pression de la vapeur dans une chaudière munie de ce dispositif, peut être réglée avec précision. Elle peut, à volonté, être augmentée ou diminuée, en faisant varier la quantité de combustible liquide, d’une manière correspondante. Cet avantage est particulièrement appréciable pour les locomotives, dans le cas d’une surcharge, d’un vent violent, ou d’une rampe fortement inclinée. La mise en feu des machines de secours peut se faire rapidement. D’autre part, quand une machine se trouve arrêtée par un signal, on peut diminuer immédiatement la production de vapeur, et le combustible liquide peut être tenu en réserve, pour le moment opportun.

Le dispositif imaginé par M. Holden pour le chauffage mixte des locomotives au moyen du pétrole et de la houille, a été décrit dans le numéro de juillet 1890 des Annales de la construction d’Oppermann, auquel nous renvoyons, pour le détail des dispositions du foyer et de l’injecteur de pétrole.

Les premières expériences de M. Holden ont été faites à Stratford, sur une chaudière de l’atelier de préparation du gaz pour l’éclairage des trains du Great Eastern Railway, On produit en grande abondance, dans ces ateliers, un goudron, dont on ne pouvait se débarrasser à aucun prix ; on le brûle maintenant sous la chaudière, qui a été pourvue de l’appareil de combustion dès 1886.

Le tableau suivant, que nous empruntons au mémoire de M. Holden, publié dans les Annales de la construction d’Opperman, résume les résultats obtenus avec deux locomotives, la première fonctionnant avec le dispositif Holden, tandis que la seconde était chauffée à la houille seule.

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Parcours total 
1 531 km. 1 531 km.
Charbon employé 
6 126 kg. 12 576 kg.
Combustible liquide 
4 762 »
Calcaire 
355 »
Consommation en charbon par kilomètre 
4 8 ,2
Consommation en combustible liquide 
3 ,1 »
Consommation en calcaire 
0 ,231 »
Consommation totale de charbon, huile et calcaire par kilomètre 
7 ,331 8 ,2
Proportion de combustible liquide et de calcaire employés avec le charbon 
83 % »
Prix de revient par kilomètre 
0 h,147 0 h,152

Deux locomotives express, munies de cet appareil, ont donné de bons résultats. L’une a commencé à rouler en janvier 1889 et a parcouru 49 600 kilomètres, sans avarie.

L’appareil Holden a été adopté également avec faveur dans les Indes, et sur les chemins de fer Argentins-Mexicains. Il est à l’essai en Angleterre, sur le North Eastern Railway, le Lancashire and Yorkshire Railway, enfin sur le Metropolitan District Railway.

L’adoption de ce système, sur les bâtiments de guerre, où le combustible liquide viendrait, dit M. Holden, jouer le rôle d’auxiliaire de la houille, pourrait être d’un intérêt considérable, dans certains cas. Il est déjà appliqué sur une machine marine qui fait un service régulier sur la Tamise. Ce steamer, qui brûlait 1 tonne 1/2 de houille par journée de dix-neuf heures, ne consomme maintenant que 914 kilos de combustible liquide, et 101k,5 de charbon.

Dans les usines, les avantages du chauffage au pétrole sont moins marqués. Ce système doit être, pour le moment, réservé aux régions voisines des pays producteurs du naphte. En Russie, dans le bassin du Volga, jusqu’aux environs de Moscou, les résidus de pétrole ont remplacé le charbon, pour le chauffage des foyers d’usines. Ce combustible présente, dans les villes, l’avantage, inappréciable, de ne pas produire de fumée.

En Amérique, cette dernière considération a suffi pour faire établir une ligne de tuyaux de 320 kilomètres, qui amène à Chicago les huiles brutes de la région de Lima, et permet de substituer le combustible liquide au charbon bitumineux, qui était une cause incessante de plaintes et de procès intentés aux industriels.

Le pétrole est donc, dès à présent, en mesure de remplacer le charbon, comme agent de chauffage sur les locomotives, sur les bateaux à vapeur et dans les usines. On peut espérer qu’il pourra se prêter avec les mêmes avantages aux opérations de la métallurgie, qui exigent une haute température.

En métallurgie, le chauffage au pétrole, ou plutôt à l’air chargé de vapeurs de pétrole, se recommande tout particulièrement, parce qu’il donne un moyen sûr d’obtenir des températures élevées, sans introduire aucune impureté, qui puisse altérer la qualité du métal. Après les premiers essais, dirigés, il y a une quinzaine d’années, par M. Eames, aux États-Unis, pour les fours à réchauffer, il convient de citer les applications faites par M. Nordenfelt, dans la fabrication du fer « mitis », par la Compagnie des aciéries de Barrow-on-Furness, pour le chauffage d’un four Siemens, enfin dans la fabrication de l’acier par le procédé Snelus.

Nous ne devons pas négliger de dire, en terminant, que le pétrole et l’essence de pétrole servent à produire un chauffage économique, à l’usage des ménages pauvres.

On trouve dans le commerce plusieurs types de fourneaux à pétrole, dans lesquels, au lieu de chauffer par le gaz, on chauffe par la vapeur de pétrole et l’essence vaporisée.

Ces appareils se composent d’un réservoir d’essence de pétrole, qui, grâce à une mèche qui aspire le liquide et le vaporise, fournit un courant de vapeur, que l’on enflamme dans le réchaud à gaz à un seul feu, que nous avons décrit dans cette même Notice (fig. 406).

De semblables appareils sont assurément précieux dans les localités où il n’existe pas d’usine à gaz, et il en s’est vendu des centaines de mille.

Ainsi, dans l’état actuel des choses, le naphte russe ou américain est un succédané extrêmement utile de la houille, pour le chauffage des chaudières des navires, pour celles des locomotives et des machines fixes des usines, et il promet de devenir un agent précieux de calorique dans les opérations de la métallurgie. En d’autres termes, le naphte, comme il est dit au début de ce chapitre, est appelé à produire un jour une véritable révolution dans l’industrie générale des nations, en se substituant à la houille, quand celle-ci fera défaut.

Mais, dira-t-on, le pétrole existe-t-il, dans les profondeurs de la terre, en quantité suffisante pour suffire au chauffage des chaudières des bateaux à vapeur, à celles des manufactures et des usines métallurgiques ? Nous avons, à propos de l’éclairage au pétrole, cité les immenses gisements de ce produit naturel, en Amérique et en Asie. Mais ces gisements ne sont pas les seuls à signaler. On a trouvé récemment du naphte en Égypte ; et en Europe il ne fait pas défaut. À Coolbrookdale, en Angleterre, on connaît une source qui prend son origine dans une couche de houille. À Gabian (Hérault) le pétrole est également en rapport avec le terrain houllier. À Neuchâtel (Suisse) le pétrole se lie à des lignites de la formation tertiaire. Au puy de la Paix, en Auvergne, on a trouvé un bitume liquide, qui donne du pétrole et de l’asphalte. En Italie, on a recueilli du pétrole : à Amiano, dans le duché de Parme ; au Monte-Zepho, près de Modène ; au Monte-Ciaro, près de Plaisance.

Beaucoup d’autres sources naturelles de naphte seront certainement trouvées en Europe et en Asie, dans un intervalle de temps peu éloigné, et l’on peut conclure de tout ce qui précède que nous sommes, comme nous le disions au début de ce chapitre, à l’aurore d’une véritable révolution industrielle dans la production du calorique.

fin du supplément à l’art du chauffage.
  1. Tome IV, pages 241-348.
  2. Tome IV, page 293, figure 186.
  3. Tome IV, pages 207-208.
  4. Voir le Portefeuille des machines d’Oppermann, février 1885.