Les Merveilleux Voyages de Marco Polo dans l’Asie du XIIIe siècle/Avant-propos

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LES MERVEILLEUX VOYAGES DE MARCO POLO
DANS L’ASIE DU XIIIe SIÈCLE



Marco Polo naquit à Venise en 1251. Il y mourut en 1324. Pourtant, il n’y passa que le commencement et la fin de son existence. Pendant les années de sa jeunesse et de son âge mûr, il erra sur les routes d’Asie, voyageur que n’épuisait aucune fatigue, qu’aucun danger n’arrêtait, curieux observateur de pays étranges, de coutumes alors inconnues en Europe. Il est le vrai précurseur des grands voyageurs modernes. Sa vie ne fut tout entière que voyages et récits de voyages.

L’enthousiasme des contemporains décerna au livre où il a consigné ce qu’il avait vu et entendu le nom de Livre des Merveilles du Monde. Ce nom est mérité. Après plus de six cents ans, l’ouvrage du voyageur Vénitien garde tout le charme de la jeunesse. Une puissante vie intérieure l’anime. Marco Polo conte avec joie ce qu’il a vu avec intérêt et ses lecteurs ne se lassent pas d’entendre ses récits parce que lui-même ne se lasse pas d’évoquer ses souvenirs.

Si attrayant qu’il soit, le livre de Marco Polo, publié tel quel, ne serait pas d’une lecture aisée. La langue, vieille de six siècles, exige, pour être comprise, un effort qui détourne à tout moment de la suite du récit. Cette difficulté, jointe à la surprise que provoque une orthographe inaccoutumée pour nous, suffirait à rebuter de jeunes lecteurs. L’étendue, parfois la diffusion et les redites du texte, achèvent d’en rendre la lecture fatigante. Sans être réservée aux seuls érudits, l’excellente édition qu’en deux volumes in-octavo en a donnée, en 1865, le sinologue Pauthier, n’est certainement pas destinée à tous.

Nous en proposons ici un texte abrégé et rajeuni, tout en respectant dans la mesure du possible, quand elles restent claires, les expressions anciennes où se révèle l’homme du xiiie siècle.

Il nous a paru nécessaire de replacer dans leur cadre les tableaux de Marco Polo. Pour lui, l’essentiel est de conter et de peindre, plus que d’expliquer. Il a une âme de chroniqueur, non d’historien. Il faut, pour le comprendre, l’interpréter en faisant revivre des notions familières à ses contemporains et aujourd’hui disparues. Rappeler ces notions en les complétant et en les critiquant de façon sommaire par les données de la science moderne, y ajouter ce que nous savons de la vie de l’auteur et quelques indications sur la publication de son livre, voilà ce que nous allons faire d’abord en une première et très courte partie. Les récits mêmes de Marco Polo, que nous donnerons dans la seconde partie, de beaucoup la plus importante, y gagneront en clarté comme en intérêt.

En les reproduisant, nous avons dû y pratiquer de larges coupures tant pour les ramener aux dimensions qui nous étaient imposées que pour en retrancher des longueurs fastidieuses. Nous espérons que cette nécessaire adaptation ne détruit pas mais, au contraire, rend plus sensible l’unité profonde du livre, qui ordonne autour de la conquête et de la dynastie mongole la Chine et toute l’Asie du XIIIe siècle.

Pour l’illustration, nous avons cru devoir recourir aux miniatures du manuscrit original. Leur naïveté fait leur charme : à défaut des spectacles réels que Marco Polo a eus sous les yeux, elles nous montrent comment ils apparaissaient à l’imagination de ses contemporains. Malgré les rajeunissements qu’a exigés un texte par trop archaïque, elles gardent à ce livre l’âme du Moyen-Âge.