Les Merveilleux Voyages de Marco Polo dans l’Asie du XIIIe siècle/Partie II/Chapitre 54

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CHAPITRE LIV

La mort et les miracles de saint Thomas


C’est dans une petite ville de ce pays de Maabar que se trouve le corps de saint Thomas. L’endroit est loin des routes et peu fréquenté des marchands ; mais chrétiens et musulmans s’y rendent en pèlerinage car les musulmans aussi vénèrent saint Thomas qu’ils regardent comme un grand prophète. Ils l’appellent avarian[1], c’est-à-dire saint homme. Les pèlerins chrétiens recueillent des parcelles de la terre où mourut le saint. Si un malade est atteint de fièvre quarte et qu’on lui faisse boire de l’eau contenant quelqu’une de ces parcelles, il guérit par la vertu de Dieu et de saint Thomas.

En l’an 1288 du Christ eut lieu un grand miracle. Un prince de la contrée avait du riz en grande quantité, il le fit mettre dans les maisons qui entourent l’église. Les chrétiens se désolaient ne sachant où loger les pèlerins. Ils supplièrent le prince de retirer son riz, mais il ne les écouta pas. Alors, une nuit, le saint lui apparut, tenant en main un bâton qu’il lui mit sous le nez : « Ou tu feras, lui dit-il, vider les maisons pour héberger mes pèlerins, ou tu mourras de male mort. »

Dès le lendemain matin, le prince fit retirer son riz et il racontait son songe à tout le monde. Les chrétiens en eurent une grande joie et rendirent grâces à Dieu et au bienheureux. En ce lieu se produisent fréquemment des guérisons miraculeuses, le plus souvent, en faveur de chrétiens.

Voici comment les moines chargés d’entretenir l’église racontent la mort du saint. Il était, disent-ils, en oraison dans un ermitage du bois. De nombreux paons l’entouraient, car ils foisonnent dans le pays. Un de ces gavi dont j’ai parlé plus haut était à la chasse. Il lança une flèche contre un des paons, mais la flèche atteignit au côté droit le saint qui en mourût.

  1. En langue arabe, apôtre.