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Les Minutes de sable mémorial/BerceuseMort

La bibliothèque libre.
Fasquelle éditeurs (p. 47-50).

BERCEUSE
DU MORT POUR S’ENDORMIR

Le grand portrait pendu au mur,
solaire sous sa tente obscure,

dans les plis du fantôme blanc
qui me couve hausse son front lent.

Ô que pâle est mon front lunaire
sous les étoiles septénaires !

Le portrait de mon front mural
a sucé tout mon sang qui râle.

Le vampire hume dans mon cou
et mes artères des airs fous,


cependant que les araignées
trottent de mes mains décharnées

avec leurs toiles de velours,
bagues où s’empêtrent mes doigts lourds.

Qui donc a caché sous ma glotte
un pipeau moisi de hulotte,

m’empêchant d’ouïr les navettes
tisser de mes cierges squelettes ?

À leur pointe des papillons
ont des élytres de grillons

et s’en vont voler sur les fleurs
de la tenture de pâleurs.

Leurs ailes jaunes sont des tuiles
dont on bat les cartes mobiles ;

et du plafond qui dort très calme,
du plafond plat tombent des lames…

Puissent mes os rester intacts
dans leur fourreau de chair compacte,


rester intacts jusques à l’heure
où se débat le corps qui meurt,

où la peau fait comme une vitre
transparente à l’âme, et se vitre

l’œil de méduse à tentacules…
Des poulpes noirs autour circulent,

faisant des ronds avec leurs mains
pour figurer les lendemains.

Le cierge hausse son cœur qui pleure
de clepsydre me comptant l’heure ;

cependant que des Absalons
indifférents des rideaux longs

larmoient les pieds mous dans le vague…
Voici qu’une petite vague

mousseuse aux oreilles de lièvre
ou d’escargot vient sur mes lèvres,

et que mes narines de vœux
ont respiré des pastels bleus.


De mes genoux que le poids gonfle
se dégrafent mes pesants ongles :

très doucement je me déplie
comme un habit dans mon grand lit,

dont on verrait flotter les manches
au vent des cloches des dimanches.

Les sonneurs de leurs bras très las
abattront des cloches des glas…

Je vois leurs cloches sous les nues
bâiller des langues inconnues…

Dans le ciel où le jour s’efface
Splendit voilée la Sainte-Face…