Les Moineaux francs/29

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(p. 209-212).


LE CERF-VOLANT





Bien au-dessus de la mer bleue,

Dans le ciel clair,

De son interminable queue,

Balayant l’air,

Et comme un gros corps sans cervelle

Cabriolant,

S’agite au bout d’une ficelle

Le cerf-volant.


Majestueusement cocasse,

Tout galonné,

Au beau milieu de sa carcasse

Il est orné

D’un grand soleil où l’or ruisselle

Étincelant,

Et que vient trouer la ficelle

Du cerf-volant.


Le grand oiseau fantasque et bête,

Du fil léger

Veut, par maint et maint coup de tête,

Se dégager :

Mais une force l’ensorcèle,

Le turbulent…

C’est l’enfant qui tient la ficelle

Du cerf-volant.


Ainsi, dans ce monde où nous sommes,

Combien souvent

Nous voit-on rester, pauvres hommes,

Bas dans le vent !

Le grand ciel libre nous appelle,

Affriolant…

Mais une main tient la ficelle

Du cerf-volant.


En vain le vent léger nous pousse

Bien loin, là-bas ;

La main qui nous tient, ferme et douce,

Ne lâche pas :

Car cette main mignonne est celle

Du dieu galant,

L’Amour, — qui tire la ficelle

Du cerf-volant !