Les Moineaux francs/37

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(p. 251-254).


MESSE BRETONNE





Le prêtre a dit : Ite, missa est ! Et l’église,
Dressant sur la hauteur sa croix de pierre grise,
Se vide lentement et, par l’étroit portail,
Laisse couler la foule ainsi qu’un noir bétail.
Les femmes, chapelet en main, braves et nettes,
Font grouiller au soleil la neige des cornettes :

Les gars, restés dehors pendant l’office, ont mis
À leurs grands chapeaux ronds quelques fleurs du pays
Et se mêlent au flot roulant des robes sombres.
Vers la place, où de vieux tilleuls jettent leurs ombres,
Tout ce monde dévale, en riant, sous le ciel.
Un bout de causerie, un adieu mutuel,
Un serrement de mains jusqu’au prochain dimanche,
Un salut… et l’on part.
Un salut… et l’on part.La longue route blanche
Que bordent les genêts en pleine floraison
Se couvre de points noirs marchant vers l’horizon ;
Deux à deux, trois à trois, par maison, par famille,
On s’en va. Dans huit jours peut-être, cette fille
Qu’au sortir de la messe un garçon reluquait
Reviendra fiancée, en jupon plus coquet,
Et ce vieillard, qui boite et demeure en arrière,
Y reviendra peut-être avant… dans une bière.

Huit jours !… pendant huit jours que de choses se font !
Que de nouveaux venus ! que d’autres qui s’en vont !

Huit jours !… que de soucis ! que de deuils ! que de joies !
Qui connaît l’avenir ? Qui peut sonder les voies
Et les sentiers obscurs où va l’humanité ?
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Humble, mais grandiose en son humilité,
L’église de campagne est la maison bénie
Où le dimanche, après la semaine finie,
Au bruit des carillons, sous le ciel gris ou bleu,
On vient, entre voisins, se voir chez le bon Dieu.