Les Montoneros

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LES
MONTONEROS.

Depuis plusieurs jours le calme semblait rétabli dans Cordova ; mais ces révolutions qui se forment, éclatent et passent avec la rapidité de l’orage, laissent à travers les campagnes des traces plus profondes. Semblables à l’Océan, ces vastes plaines sont longues à se calmer, et une fois que le cri de discorde a été entendu, les bandes armées se soulèvent de proche en proche jusqu’aux extrémités d’une province. Les montoneros ou rebelles, repoussés par des forces supérieures, s’étaient retirés vers la ville du Rio Cuarto ; puis abandonnés successivement par les chefs qui d’abord s’étaient prononcés pour eux, ils furent réduits à se jeter dans les montagnes pour y continuer avec moins de désavantage la guerre de partisans. Ce n’était donc plus désormais une question qui intéressât les habitans de la ville, et les timides bourgeois se hasardaient à entr’ouvrir leurs portes, à causer à voix basse sous les saules de la promenade ; les chariots de l’intérieur, chargés de marchandises, criaient sur leurs essieux de bois, et on entendait de nouveau les guitares résonner la nuit aux angles de la grande place.

Il était temps de poursuivre notre voyage vers les Andes. C’était précisément la route qu’avaient prise les deux armées, et nous devions finir par rencontrer l’une ou l’autre ; en outre les bandes indisciplinées laissent à leur suite des déserteurs, des traînards, corsaires armés pour leur compte, qui ne reconnaissent plus la neutralité du voyageur. Une partie de la nuit fut employée à charger le coche galera, longue et pesante voiture que traînent quatre chevaux, portant chacun leur cavalier. Quand le jour parut, nous étions sur le sommet de la colline d’où l’on domine toute la vallée. Je m’arrêtai pour jeter un dernier regard sur cette ville pittoresque : trois semaines auparavant, elle s’était montrée à nos yeux ravis étincelante des derniers rayons du soleil, toute blanche au milieu des sables jaunes de la plaine, comme un port désiré après cent quatre-vingts lieues de pays presque déserts. À voir les nombreux clochers qui semblent envahir toute la ville, on croirait trouver là le calme du cloître et de l’étude ; mais les cartouches brûlées par les colorados dans leur retraite jonchaient l’herbe noircie, et je vins tristement à songer que ces révolutions mesquines, dont on est tenté de rire, qui se font avec cinq ou six cents hommes ramassés en courant, sont encore hors de proportion avec les pays qu’elles désolent. Ces peuples fougueux et guerroyans, sinon belliqueux, n’ont pu se décider à déposer les armes qu’ils avaient prises d’abord pour conquérir leur indépendance ; ils les tournent contre leur patrie ; dès qu’un parti succombe, dans le sein même du parti victorieux se forme bien vite une faction, et plus le pouvoir devient précaire et chancelant, plus aussi chacun le juge facile à usurper.

Ces pensées pénibles, suscitées en nous par l’impression fraîche encore des scènes désolantes et parfois terribles dont nous avions été témoins, s’effacèrent peu à peu, lorsque les montagnes élevèrent seules leurs masses azurées au-dessus de la ville perdue dans la distance : au murmure du vent dans les caroubiers, aux chants de l’oiseau sur les buissons, à l’air frais et suave d’une matinée d’hiver digne de nos printemps, nous sentîmes une fois encore la puissante influence d’une nature calme et solennelle ; l’Espagne avait fait place à l’Amérique.

Il était facile de prévoir combien le voyage serait pénible ; à peine avait-on fait trois lieues, que les chevaux ne pouvaient plus avancer. Les armées avaient pillé les postes de la ville et fait leur choix avant nous ; le fourrage manquait à Cordova, comme aussi la nourriture aux hommes, les vendeurs d’herbes et les bouchers s’étant bon gré mal gré joints aux rebelles. Les péons, furieux de déchirer inutilement le flanc de ces pauvres bêtes, abandonnèrent l’étrier pour promener au hasard leurs terribles éperons du poitrail à la croupe. Le sang ruisselait sur les bottes ; toute observation à cet égard ne servait qu’à irriter davantage ces farouches cavaliers : plus d’une fois dans la suite, on fut contraint de laisser sur la route un cheval ouvert jusqu’aux entrailles.

On conserve toujours dans les postes quelques cavalladas de rechange ; ce fut bientôt notre seule ressource ; après avoir attendu long-temps, nous vîmes arriver, au son de la clochette fêlée, environ quatre-vingts chevaux maigres, boiteux, écorchés, les crins à moitié arrachés par les broussailles, et on tira de ces invalides de quoi former deux relais pour les dix lieues qui nous restaient à parcourir avant d’arriver au Rio Segundo.

Désormais le pays est plat ; on n’a ni mauvais pas ni fondrière à redouter. Les bois cessent un instant, et sont remplacés par la plaine aux grandes herbes ; les horizons de Santa-Fé, prolongés à perte de vue, se retrouvent encore, mais moins les ruisseaux qui donnent aux pâturages de cette province leur fertilité et la sombre couleur verte qui les distingue. Vers la droite, les montagnes, d’un bleu plus foncé encore que le ciel qui les couvre, se profilent dans le lointain jusqu’à l’endroit où elles paraissent rentrer en terre pour ressortir çà et là sous la forme de grosses pierres semblables à des monumens druidiques. Pas un cavalier n’animait cette solitude : si par hasard une maison se montrait, perdue sous son petit bois de pêchers, rien n’annonçait qu’elle fût habitée ; le postillon avait l’air inquiet ; les péons ne chantaient pas comme d’habitude, les chevaux soufflaient péniblement et penchaient la tête ; puis le vent de sud-ouest s’éleva peu à peu ; le soleil se cacha sous de gros nuages compactes qui envahirent l’horizon comme un voile sombre sur lequel se détachait plus brillant encore le beau vanneau de la Pampa, le tiroutero aux ailes armées, dressant sa crête joyeuse chaque fois qu’il jette son cri dans le ciel désert. Tout nous faisait présager un de ces orages terribles qui naissent au cap Horn, côtoient les Andes, et éclatent sous les latitudes plus élevées.

Peut-être sentîmes-nous quelque regret de nous être mis en route sous des auspices si défavorables ; et comme pour se donner un nouveau courage contre un danger d’une autre nature, l’instant de la halte fut employé à charger les armes. On mit une poignée de balles dans un tromblon, c’était l’artillerie ; une carabine, un fusil à baïonnette, des pistolets, complétaient notre arsenal.

On se figurerait difficilement l’aspect lugubre de la Pampa, lorsque les ténèbres commencèrent à l’envelopper de toutes parts. Çà et là un arbre chétif dépouillé de feuilles, couvert de vieux nids de perruches, agitait au sifflement de la brise ses rameaux épineux. Pas une étoile au firmament, pas une lumière à l’horizon. De brusques et froides raffales rasaient violemment le sol, et faisaient battre les ponchos sur le dos des cavaliers : à la plainte du vent se mêlait par intervalles le son aigu de l’éperon, et le bruit du large fouet plat sur la croupe des chevaux : selon que la cavalcade de rechange restait en arrière, s’égarait, ou nous dépassait dans sa course, le trot de ces chevaux effarés résonnait sourdement comme un tonnerre lointain, puis s’éteignait encore ; emporté par la bourrasque ; on ne distinguait plus leur marche qu’à la lueur fantastique de la cigaretta du postillon. Cet ouragan, formé dans les glaces, traversait à la hâte une terre inculte, pour s’abattre sur les cannes à sucre de Iucuman.

Enfin nous entendîmes hurler les chiens du Rio Segundo. La pluie tombait par torrens ; personne ne vint au-devant de nous. Un grand feu brillait au milieu d’un hangar à moitié ruiné, où quelques figures ennuyées regardaient rôtir un quartier de boeuf. Cette hutte, ouverte à tous les vents, laissait arriver la pluie par de larges brèches ; la fumée tourbillonnait à travers les visages des gauchos impassibles qui se contentaient de remuer les tisons en fermant les yeux. Les cigarres passèrent et s’allumèrent à la ronde ; on m’offrit une tête de bœuf pour m’asseoir, et sans autre préambule, sans une seule question de la part de mes hôtes, je me trouvai admis à partager le feu et l’abri communs.

Lorsqu’on fut bien convaincu que nous étions tout-à-fait étrangers à la révolution, nous vîmes enfin s’ouvrir la porte de la maison. En entrant dans cette chambre spacieuse, je fus frappé de trouver là de vieux fauteuils espagnols, à dos élevés, embellis de clous à tête ronde et d’arabesques du xviie siècle. Un cuir tendu par un cercle d’osier, et accroché aux poutres du plafond par une longue corde de crin, servait de berceau à un enfant que notre arrivée n’éveilla pas. La mère en tenait un autre dans ses bras. Cette femme était jolie : assise sur ses talons à la manière turque, elle s’enfonça dans l’angle de l’estrade, suspendit sa guitare près de la madone, et rejeta son schall sur ses épaules. Le mari, fortement empreint de cet air d’indolence qui caractérise les habitans de la province, parut embarrassé de notre présence ; cette gêne redoubla quand il fallut demander les passeports, il fit semblant de les lire en les tenant en sens inverse, et après avoir vu clairement que nous avions besoin de chevaux pour le lendemain, il dit avec sang-froid : « Les montoneros étaient ici il y a quatre jours. » Ce qui signifiait : Il ne me reste pas un cheval.

Notre dernière ressource consistait à atteler des bœufs à la coche galera et à aller ainsi chercher fortune ailleurs : Mais ce digne homme, effrayé du passage fréquent des troupes, avait chargé sur un chariot ses effets les plus précieux et dirigé le tout vers Cordova, mettant en sûreté l’attelage avec la charrette ; bien entendu que les postillons avaient suivi les bandes armées.

Toute délibération fût remise au lendemain, et je pris possession de la galère qui me servait de tente depuis Buenos-Ayres. L’orage alla croissant ; la cabane pliait sous la violence de la bourrasque, la maison en était ébranlée ; les péons, mal abrités, se tenaient serrés autour du feu mourant ; blottis sous leurs couvertures, la tête cachée sous la peau de bœuf qui sert de base à la selle (carona), ils commencèrent à ronfler. Un lac se forma dans la cour. Comment dormir au milieu de ce vacarme ? Lorsque le jour s’annonça, il y avait sur chaque tige, sur chaque feuille de roseaux, à moitié brisée par la tempête, des milliers de petites perruches vertes à longue queue, gardant à grande peine leur équilibre, et toutes à la fois témoignaient leur déplaisir par des cris rauques et perçans. Les animaux, dans ces pays peu habités, ont un instinct merveilleux qui les porte à se réunir autour de la demeure des hommes à l’approche du mauvais temps.

La Sierra, dont nous nous étions singulièrement rapprochés pendant notre marche nocturne, se montra couverte de neige. Les rochers, revêtus d’une teinte sombre inaccoutumée, accrochaient dans leur vol les nuages qui semblaient s’être oubliés là abandonnés par l’ouragan.

Quand un gaucho s’est mis en tête de ne pas faire une chose, ni supplications ni menaces ne peuvent lui arracher une réponse. Ceux de la cabane, jeunes gens, incapables de servir de guides, ne voulurent à aucun prix faire l’office de postillons. Le froid suffit pour démoraliser ces individus habitués à une température plus douce, et vêtus à la légère. Ils restaient devant le feu, séchant leurs habits, secouant leurs longs cheveux, lorsque deux hommes armés arrivèrent tout à coup au grand galop. L’officier portait la casquette verte et galonnée d’un capitaine de dragons, car on a donné ce nom à un corps dont l’arme distinctive est la lance ; l’ordre fut exhibé, il fallait des chevaux. Le soldat d’ordonnance resta debout à la porte, les bras croisés, appuyé sur sa carabine, dans l’attitude muette et résignée d’un Indien. Il y avait en effet de la couleur indigène dans ses joues brunes et olivâtres. Cet officier ayant relevé son poncho, je m’aperçus qu’il n’avait pas d’habit. Nous avions souvent rencontré des commandans à la tête de leurs bataillons, avec une couverture autour du corps, en place de manteau. Arrivé de Cordova par un chemin détourné, il se rendait avec d’importantes dépêches vers l’armée du gouverneur qu’il ne savait où rejoindre.

Les chevaux ont la mauvaise habitude de suivre toujours la clochette (madrina), et de ne suivre qu’elle. Aussi vîmes-nous reparaître l’un des jeunes gauchos qui s’était éclipsé silencieusement ; derrière lui se pressait une troupe d’assez maigres rosses, qui avaient échappé aux griffes des montoneros. Il n’y avait plus à reculer ; une fois les deux militaires partis, nous enlevâmes presque de force postillons et chevaux.

Le Rio Segundo coule à deux pas de la poste. Ses bords sont escarpés, son lit très large, et à peine le remplit-elle quinze jours par an. Heureusement pour nous, sa profondeur à cette époque n’excédait pas deux pieds. De grands arbres, vieux et à demi déracinés, croissent sur ce terrain d’alluvion, et ce fut sous leurs rameaux pressés que nous cherchâmes un abri contre la neige qui tombait avec violence, tandis que la galère traversa péniblement ce fleuve, réduit aux proportions de ruisseau. Puis, les chevaux revinrent nous prendre l’un après l’autre ; notre passage fut singulièrement hâté par la vue de cinq ou six hommes armés, vêtus de ponchos rouges, et galopant sur l’escarpement opposé ; peut-être étaient-ce des montoneros à la poursuite des dépêches.

Quelques cabanes sont groupées en forme de rue sur le bord du fleuve. Les propriétaires de ces huttes, couverts de haillons, se mirent aux portes pour voir passer la galère. Les rives du Rio Segundo sont extrêmement fertiles, mais certes ce n’a point été là le motif qui a déterminé les habitans à s’y fixer ; car entre eux tous ils ne cultivent pas vingt épis de maïs. Ils ne paraissent avoir d’autre occupation que de murmurer des injures contre les passans qui portent des pantalons et des bottes de veau ciré.

Nous allions presque à l’aventure ; cette route n’est guère frayée, personne de nous, sans excepter le postillon, n’avait été au-delà de la rivière ; les chevaux refusèrent d’avancer, et sept lieues restaient encore à faire ! Les péons nous annoncèrent qu’il fallait descendre et suivre à pied ; c’était à leurs yeux la plus cruelle mésaventure. Pour eux, marcher à pied serait chose impossible ; c’est beaucoup déjà de ne pouvoir galoper. Et en vérité, dans ces plaines immenses où rien ne divise l’espace, où le chemin s’allonge sous les pas du voyageur, l’homme abandonné à ses propres forces perdrait courage. Il faut, pour franchir de semblables distances, l’aile de l’oiseau ou tout au moins la vitesse du cheval. Ce qui augmentait notre mauvaise humeur, c’était de voir, au milieu de notre disette de chevaux, accourir sur notre passage des troupes de cavales indomptées, suivies de leurs petits ; elles venaient tout près de la galère, l’œil en feu, la crinière hérissée, avec cette allure souple et svelte de l’animal qui n’a jamais senti le frein ; puis, après nous avoir considérés avec attention, toutes se mettaient à fuir en hennissant.

Une estafette d’une espèce nouvelle se joignit à nous. Sur un cheval étique, qu’on aurait pu comparer à la Patricia du Roi de Bohême, était perché un petit nègre de dix à douze ans, à moitié nu, mourant de froid, de faim et de fatigue. Le retour à la poste, où nous allions nous-mêmes, complétait quatorze lieues que le pauvre enfant parcourait ce jour-là sans manger et n’ayant pas la force de faire prendre le trot à son cheval. Ce négrillon esclave, perdu au jeu par son maître, venait d’être racheté par lui, pour la valeur de deux boisseaux de maïs. Il nous fit pitié à voir, couché sur le cou de son cheval, enfonçant ses mains sous la crinière pour les réchauffer, abritant ses pieds nus et chargés de lourds éperons rouillés sous les cuirs de sa selle en lambeaux. Son arrivée ajouta le dernier trait à notre caravane désorganisée ; cette caravane n’était-elle pas l’image vivante de cette province bouleversée ?

Enfin nous aperçûmes le Bajo Hermoso, notre halte pour la nuit. À ce nom de belle vallée, on se figure un paysage animé, quelque joli village au bord d’une rivière ; c’est tout simplement un vallon à perte de vue, au milieu duquel surgit une misérable cabane toute seule avec un caroubier pour ombrage. Telle est l’apathie des habitans, qu’on ne sait, à voir leurs ranchos à peine construits, si l’on arrive à une ruine ou à une maison délaissée dont jamais les murs ne seront achevés. Rien n’est moins confortable que ces habitations ; elles n’ont pas de cheminée ; qu’il pleuve, neige ou vente, il faut préparer son souper en plein air, ou bien grelotter autour des tisons fumans qui s’éteignent sur la terre humide ; et encore, dans ces temps de troubles, le voyageur fatigué n’ose aborder de front ce toit désiré ; qui sait ? peut-être une troupe de bandits s’y est réfugiée ; on arrive doucement, on fait le tour ; d’un œil exercé on examine si quelque cheval fraîchement débridé se mêle à ceux du corral ; puis, du fond d’une outre grossière qui ressemble à un bœuf sans tête pendu par les pieds, grenier provisoire où l’on accumule la provision de maïs, un chien s’élance en aboyant, et, bon gré malgré, il faut être vu et tenter l’entrée.

Il y a toujours, dans un coin de la maison, une estrade de pierre sur laquelle tout le monde se couche enveloppé d’une couverture ou d’un manteau ; mais, à moins d’un froid trop rigoureux, il est plus agréable de s’établir dehors, au grand air, près du feu. À cette cabane était adossée une hutte plus petite et très obscure. Je fus surpris d’entendre sortir de ce lieu des cris d’enfant ; je m’avançai avec précaution. Sur un cuir de bœuf était couchée une mulâtresse horriblement maigre, presque nue et à demi roulée dans un lambeau de couverture trop étroit, même pour abriter la misérable créature qui pleurait sur son sein. Elle fit un mouvement pour bercer l’enfant et retomba avec un soupir d’agonie ; ruinée par une longue fièvre, cette esclave mourait, faute de soins.

Comme on côtoie la Sierra à une courte distance, la nature du terrain change plus souvent d’aspect ; le paysage devient plus varié, mais les grandes lignes dominent toujours. Quelquefois ce sont des rochers isolés au pied desquels se cachent des maisons, des cabanes de bois. Aucune culture, pas une bêche, pas une charrue ; quelques épis de maïs pour faire aux grands jours une pâte lourde et indigeste (massamora), trop primitive pour l’estomac blasé d’un Européen. La pampa conserve partout son caractère sauvage.

Le ciel était devenu serein, bien que le froid continuât. Les vapeurs de la veille se groupaient sur le sommet des montagnes, puis s’élevaient encore pour se dissiper dans l’atmosphère. Çà et là commencèrent aussi à se montrer des points rouges que nous suivions d’un œil inquiet : voiles suspectes sur un océan peu sûr, déserteurs évitant les routes, soldats fatigués d’une guerre sans profit, et disposés à s’indemniser de leurs frais de déplacement, avant de suspendre au toit de bois la lance et la carabine. Ces apparitions agissaient fortement sur l’humeur des péons ; ils tournaient la tête vers nous, et on sentait qu’au moindre péril ces honnêtes gens eussent coupé la corde de cuir qui attelait leur cheval au timon. Errans, n’ayant rien à défendre, rien à perdre, est-il à croire qu’ils voulussent risquer leur vie pour des patrons au service desquels ils sont engagés seulement pour la durée du voyage ? D’ailleurs, l’expérience les rend circonspects ; deux des nôtres, dans ces mêmes parages, avaient été pillés quelques mois auparavant, puis attachés nus aux arbres de la forêt, jusqu’à ce qu’il vînt à passer de charitables muletiers qui les délivrèrent.

Cette fois nous avions devant nous un village de vingt feux à peu près ; le Salto. Les maisons sont irrégulièrement semées sur un joli coteau boisé, au bas duquel coule le Rio Tercero. Les bois semblent se plaire sur ses rives, et jusqu’à travers la province de Santa-Fé, qu’il arrose sous un autre nom, pour se rendre au Parana, les caroubiers dessinent ses nombreux contours. Vers les endroits les plus boisés de Cordova, du côté de Capilla de Dolores, petites îles essentiellement solitaires, les grèves jaunes, les touffes de saules, rappellent ces ravissans ruisseaux tributaires de l’Ohio et du Meschacebé, et les savanes qui les bordent. Mais depuis la Plata jusqu’aux Andes, il n’y a pas d’aussi pittoresque point de vue qu’au Salto. Une barranca escarpée s’ouvre en demi-cercle au-dessus d’un immense paysage, encadré par les cimes lointaines des montagnes ; quelques pics intermédiaires, plus bas et d’un azur moins foncé, servent à mieux faire sentir la profondeur des derniers plans, et une belle forêt, une forêt aux dômes compactes, se déroule jusqu’aux bords de la rivière. Sous les voûtes des caroubiers retentissent le mugissement des taureaux sauvages et le sonore hennissement des cavales. Je ne sais quel suave murmure s’élève de cette solitude effleurée par la brise. On fixe son regard sur la cime des arbres, on écoute avec ravissement les mille voix confuses des oiseaux de la grève et des perruches qui passent, capricieuses et empressées, d’une colline à l’autre ; on contemple cette rivière dorée que jamais bruit de rames n’a troublée. Tout cela fait naître dans le cœur une tristesse douce que certains hommes préfèrent aux plus bruyans plaisirs.

Nous passâmes la soirée autour d’un grand feu, avec toute la famille du maître de poste, famille nombreuse et hospitalière, plus patriarcale que ne le sont d’ordinaire celles de la Pampa. On conta des histoires d’Indiens, sous un toit qui portait encore les traces de l’incendie allumé jadis par les sauvages ; et puis, enfin, on chuchotta à voix basse quelques nouvelles de la guerre civile. — Les montoneros, poussés aux dernières extrémités, se défendaient courageusement ; chevaux et cavaliers souffraient beaucoup du froid dans ces marches forcées à travers les montagnes, couvertes de neige en plusieurs endroits. Le chef au nom duquel ils s’étaient révoltés, affectait une neutralité qui causait leur perte. — La guerre se prolongeait donc, accompagnée de toutes les horreurs qu’entraînent après elles les dissensions civiles, surtout chez un peuple à demi barbare. Et tout cela se passait de l’autre côté de la première ligne de montagnes qui bornait notre horizon, aux environs de Calamuchita.

Quand le soleil dora verticalement la plaine, près de disparaître derrière les monts, les ramiers et les tourterelles bleues commencèrent à roucouler dans les grands arbres ; à cette heure les enfans cessent de les poursuivre avec leurs frondes, et il se fait un grand silence autour des maisons. Puis du fond des vallées, des bois et des rocs voisins, accourent à grand bruit les perroquets verts à tête jaune (loro de barranca), oiseaux tumultueux et criards, qui viennent chaque soir se réfugier dans les trous dont cette rive escarpée est toute remplie. Plus d’une fois le craintif habitant du Salto, trompé par la frayeur, prit les aspérités des rochers pour des bandes de montoneros en marche vers le village. Les récits de la veillée avaient troublé l’imagination des péons ; au moindre bruit, au passage d’un cheval, que l’on entendait ou que l’on croyait entendre, tous se soulevaient sur le coude, prêtaient l’oreille pour discerner le bruit de l’éperon et le trot sourd sur l’herbe sèche ; une fois enfin, ce fut comme le galop d’une armée. On se jeta précipitamment sur les pistolets. Ce n’était que la plainte de la brise de nuit et le murmure des eaux ; l’œil le plus perçant n’aurait pu découvrir autre chose que la neige de la Sierra traçant une ligne blanche à travers les ténèbres.

Cependant ces vagues terreurs retardaient considérablement notre marche : il fallait prier long-temps pour obtenir cinq ou six chevaux maigres, et nous allions partir sans guides ni postillons, si un sourd et muet du village ne se fût offert de bonne grâce.

À l’entrée du bois, le muet fit un geste : deux hommes à cheval s’avançaient vers nous. Ils furent reçus sur le pied de guerre. C’étaient deux invalides de l’armée des Indiens, revenant chez eux à petites journées. L’un était grièvement blessé à la jambe ; l’autre avait eu le nez emporté d’un coup de lance. Nous leur offrîmes un morceau de pain et un verre de vieille eau-de-vie de San-Juan, choses qui ne se rencontrent pas souvent aux pays d’où ils venaient. D’après leurs renseignemens, nous ne devions pas tarder à rencontrer les détachemens d’avant-garde des bandes libres (partidas suertas).

Il fallait renouveler nos chevaux, et le postillon nous conduisit à la porte de Andrada. Elle paraissait inhabitée ; quand la porte s’ouvrit, nous aperçûmes un homme qui tenait sa tête appuyée sur ses deux mains et pleurait. Quelques armes laissées par les rebelles dans sa maison avaient causé sa ruine. Le gouverneur, venant à passer avec son état-major, avait ordonné immédiatement de livrer à l’armée tous les bestiaux du coupable. Il fallut aller plus loin, vers une cabane cachée derrière une colline, à l’entrée d’une plaine de dix lieues, légèrement ondulée ; cette vaste prairie, bornée à droite par la Sierra que l’on voit en face, à gauche par des rocs couronnés d’arbres d’une nouvelle espèce, a une teinte jaune et dorée comme si ces hautes herbes étaient des blés au temps de la moisson. Çà et là de larges taches noires désignaient à l’œil le campement de l’une des deux armées. Nous eussions pu nous croire être à peine à deux milles de la Sierra, si le vol des grands oiseaux de proie n’eût servi à calculer la distance, de même que la neige des régions supérieures nous donnait la mesure des hauteurs ; car dans cette vallée si bien abritée, l’air était doux ; les arbres, gracieusement serrés en touffes vertes, faisaient songer au printemps. Il y a de magnifiques journées d’hiver dans ces climats ; la température plus régulière de nos contrées ne peut réunir dans un temps donné toutes ces nuances fines et douces qui semblent prises à chacune des saisons.

Arrivés à une de ces petites collines, nous aperçûmes deux cavaliers, marchant au pas et causant ensemble avec une tranquillité affectée. Je tirai la longue-vue, et, grace à son secours, je pus voir distinctement que l’un d’eux tenait une lance au raz de terre, tandis que son compagnon cachait une carabine le long de sa selle ; des chapeaux pointus, des bonnets de paille ornés de longs rubans, surgirent peu à peu, et nous comptâmes neuf ou dix cavaliers diversement armés. Ils s’avancèrent sur deux rangs, mais arrivés plus près, les voilà qui s’étendent sur une ligne et nous cernent d’assez loin encore. Nous étions sur nos gardes ; on passa les armes aux péons en les exhortant par des menaces à se bien conduire ; un seul d’entre eux, homme de cœur, vieux soldat, prit la bride dans ses dents, et saisit le sabre avec lequel il avait fait jadis les guerres du Pérou. Mais au moment où nous pressions la languette de nos armes braquées par les fenêtres de la galère, les gauchos s’arrêtèrent, puis se mirent à rétrograder lentement. Ce qui contribua le plus efficacement à les contenir, ce fut cette large gueule du tromblon étincelant au soleil et qui offusquait successivement tous ces bandits à mesure qu’ils tournaient autour de nous. Cependant ils députèrent un des leurs (qui, je ne sais par quel hasard, portait en croupe un enfant de huit à dix ans), sous prétexte de réclamer un des chevaux de notre attelage. Il examina attentivement nos forces. Peu inférieurs en nombre, nous avions l’avantage sous le rapport de la qualité des armes. Après dix minutes environ d’attente, nous eûmes une seconde alerte : le cri sauvage du gaucho retentit à nos oreilles, et l’un d’eux fondait déjà sur nous au galop en faisant tourner sa lance avec une étonnante dextérité ; mais les autres ne le suivirent point, et il battit en retraite.

Toutefois il fallait se hâter de gagner un gîte ; d’autres cavaliers passaient ventre à terre dans la plaine, le sabre en main ; ils poursuivaient un troupeau de moutons au milieu duquel ils firent un grand carnage, frappant d’estoc et de taille avec l’impétuosité de don Quichotte. Cette manière de se procurer des vivres indiquait assez à quelles gens nous avions affaire. Nous étions tout-à-fait au milieu des partidas suertas ; des feux isolés perçaient les ombres du crépuscule, et tant qu’il fit un jour, nous tînmes nos regards fixés sur le groupe de cavaliers qui flairait la galère du haut du vallon.

Le lendemain nous arrivâmes au Rio Cuarto. En traversant la rivière de ce nom à cent pas de la ville, nous vîmes venir vers nous un chariot traîné par des bœufs et escorté par une troupe de soldats armés de lances. Au fond de cette prison ambulante gisait un officier, pâle et souffrant, les fers aux pieds, les mains liées, que l’on conduisait au camp, sans doute pour le fusiller : c’était un officier de montoneros. À cette heure du jour on faisait la sieste ; personne ne parut aux portes. Deux autruches apprivoisés se promenaient gravement dans les rues ; sur la grande place, des soldats du régiment des auxiliaires des Andes dormaient autour de leurs feux, et quelques dragons aux manteaux verts, appuyés sur les affûts, montaient la garde autour de quatre pièces de campagne.

L’autorité civile et militaire avait passé tout entière entre les mains du commandant. Retiré au fond d’un grand appartement un peu plus propre qu’une grange, cet important personnage était assis avec deux aides-de-camp sur de vieux fauteuils vermoulus, et lisait à haute voix de sales chiffons de papier. À chaque alinéa, les mains de ces trois individus plongeaient, à défaut de fourchettes, dans un plat de terre chargé de tranches de bœuf rôti, et les moustaches des convives trempaient alternativement dans le même pot de terre. Ce modeste repas achevé, le commandant lâcha le ceinturon de son sabre, et se mit à se promener avec dignité dans son palais en distribuant des ordres aux soldats qui attendaient à la porte, les jambes croisées, la tête sur le cou de leurs chevaux : — Allez dire aux milices de Tegua que je suis content de leur conduite, — que le district du Sauce m’envoie immédiatement cinquante cavaliers. — Et l’exprès disparaissait dans un nuage de poussière. — Ah ! messieurs, ajouta-t-il en repliant nos passeports, les montoneros sont aux abois ; je les harcèle, nos troupes couvrent la campagne ; belles troupes, messieurs, on a vu des compagnies entières avoir des souliers ! Mais ce qu’il se garda bien de dire, c’est la promptitude avec laquelle il avait lui-même viré de bord, et changé en soldats du gouverneur les milices levées peut-être pour secourir les montoneros qu’il appelait si hautement rebelles et bandits. Les soumissions lui arrivaient de toutes parts, et son dévouement sonna assez haut pour retentir aux oreilles du gouverneur, campé à deux lieues de là.

Que devenaient pendant ce temps la ville, les marchands, la population bourgeoise. Les magasins à demi fermés ne s’ouvraient guère que pour laisser passer des objets d’équipemens payés d’un ordre supérieur. Le peu de voyageurs qui arrivaient isolés furent, selon l’expression des gauchos, soulagés de leurs bagages ; les muletiers se décidaient à prendre la route moins fréquentée de l’intérieur. Cette petite ville assez commerçante, où les routes de Mendoza et de San-Luis viennent s’embrancher avec celles de Buénos-Ayres et de Cordova, se trouvait donc comme une rivière engorgée qui se forme une digue avec le sable de ses grèves. Le parti triomphant se grossissait à vue d’œil, à mesure que les montoneros devenaient plus faibles. Incapables de livrer bataille et de se réorganiser, ils tendaient évidemment à se réfugier en pays neutre, par la province de San-Luis. À la tête d’un de leurs détachemens se trouvait un gaucho promu au grade de capitaine pour avoir, dans la bataille où les unitaires furent décidément battus, renversé de son cheval avec les boules, et fait prisonnier le général Paz, l’homme le plus capable des républiques argentines, qui sut battre Quiroga. Ce capitaine, célèbre dans toute la Pampa, reçut le nom de Supremo Boleador ! Quelques jours auparavant, nous l’avions vu traverser les rues de Cordova avec ses armes terribles attachées à la ceinture. À quinze lieues environ du Rio Cuarto une petite croix frappa nos regards ; la terre était fraîchement remuée ; un morceau de poncho blanc agité par la brise battait cette tombe solitaire : c’était celle du Supremo Boleador ! La veille il avait tenu tête avec sept des siens à une trentaine de dragons : les sept montoneros furent tués, non sans avoir donné la mort à plus d’un ennemi, et tous étaient là enterrés au milieu de la plaine muette et déserte qu’ils avaient, douze heures auparavant, troublée du galop de leurs chevaux et du cliquetis de leurs armes.

Ces choses attristaient singulièrement notre route ; comment rester indifférent au milieu de cette tempête, quand même, ce qui est toujours douteux, l’étranger n’aurait rien à en craindre ? Dans les rares maisons (et ce sont toujours des postes) semées sur le chemin, nous rencontrions alternativement une joie insolente et stupide, ou une morne douleur, selon l’opinion du maître du lieu ; parfois on nous faisait des confidences qui nous mettaient à même de mieux apprécier les misères de la contrée.

Vers le soir, une épaisse fumée tourbillonna dans l’ouest ; à mesure que les ténèbres s’accrurent, une ligne de feu mobile grandit à l’horizon. Il fallut chercher un gîte dans une estancia dont on rassemblait en toute hâte les troupeaux derrière un petit torrent qui présentait un obstacle à l’incendie. La lune et les étoiles pâlirent toute la nuit devant les flammes, qui dévoraient l’herbe sèche avec un bruit semblable à celui de la vague qui monte sur une plage unie en roulant les cailloux : ces langues de feu allongées, courbées par le vent, vinrent s’abattre haletantes au milieu des roseaux où elles s’éteignaient sourdement, avec mille reflets bleuâtres ; mais l’incendie, resserré sur ce point, se prolongea plus violent vers le sud, malgré une brise contraire ; de temps à autre l’ombre opaque d’un chevreuil au galop sautant avec la rapidité de l’oiseau par-dessus les cendres rouges, traversait cette plaine embrasée. Les hommes de l’estancia, les boules au poing, avaient grande envie de faire chasse au milieu de ces animaux frappés d’une terreur panique ; mais les chevaux hennissaient effarés, et parfois l’obscurité devenait horrible. L’incendie dura long-temps ; c’était une ruse de guerre des Indiens, qui arrêtaient ainsi la marche des soldats, et se mettaient à l’abri de ce côté. On ne manqua pas d’accuser les montoneros de cet acte de vengeance.

Le lendemain nous foulions une terre encore chaude, noire, dépourvue d’oiseaux et d’insectes, que traversaient seules de nombreuses troupes d’autruches en agitant leurs ailes blanches. Au moment du départ, le patron de l’estancia nous avait remis mystérieusement un portefeuille trouvé près de la Sierra, et appartenant au général des montoneros ; nous nous chargeâmes de le lui remettre à San-Luis, où il devait être rendu avant nous. Les chefs de la révolte avaient donc définitivement abandonné leurs projets et leurs soldats. Serrés de près, manquant de tout, ils parvinrent à franchir les frontières, et on nous dit plus tard qu’on les avait vus passer au grand galop, maigres et hâves comme des fantômes, montés sur des chevaux fatigués, semant sur la route leurs bagages, leurs équipemens, enfin jusqu’à leurs armes, pour rendre la fuite plus facile. C’est ainsi que le portefeuille avait été perdu.

Huit jours après, nous traversions la rivière de San-Luis, ruisseau qui roule assez de poussière d’or pour faire supposer des mines abondantes dans la Sierra voisine. Mais celui qui se hasarderait à les exploiter, serait à peu près sûr de travailler pour les autres. Cette province, la plus petite et la plus pauvre, la moins peuplée de toutes les provinces du sud, pourrait être la plus riche.

Nous rencontrâmes dans la rue un des soldats à poncho rouge de l’escadron d’élite qui formait le noyau des montoneros ; nous le priâmes de nous conduire auprès de son général. Au milieu d’une cour spacieuse étaient entassés des armes, des harnais de chevaux, des équipages de toute espèce ; on voulait de nouveau tenter un coup de main. Deux sentinelles, armées jusqu’aux dents, se tenaient à l’entrée. Quelques chevaux volés dans la province ennemie erraient dans le corral ; le vieux soldat tira son bonnet rouge, ouvrit doucement une petite porte : c’était là le sanctuaire, le conseil de l’état-major, l’assemblée où s’agitait le sort de Cordova. Un jeune homme pâle et souffrant, couché dans son manteau, se souleva sur le coude, et continua de dormir, autant que le pouvait permettre une blessure au front. D’autres chefs attaquèrent avec leurs longs coutelas un morceau de bœuf piqué sur une broche de bois au milieu de l’appartement. C’étaient presque tous d’anciens soldats de Bolivar, ennemis de la paix, et surtout d’une demi-solde dont on touche rarement la première piastre. Enfin, dans un coin, un autre groupe plus curieux attira notre attention : deux officiers, plongés dans un silence interrompu de loin en loin par un jurement énergique, jouaient aux cartes, non sur un tambour, ce qui eût été plus commode, mais sur une tête de bœuf couverte d’un cuir. Ce qu’ils jouaient ainsi, ce n’était pas leur argent, ils n’en avaient plus, ni leurs armes, elles étaient utiles à chacun, c’était la fortune du gouverneur, qui les avait déjà battus, et qu’ils voulaient de nouveau attaquer avec cinquante hommes !


Th. Pavie.