Les Morticoles/Première partie/Chapitre IV

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Bibliothèque Charpentier (p. 80-98).


CHAPITRE IV


Mon ignoble métier, qui faisait de moi un salarié de l’hôpital, m’avait enlevé mes relations avec les malades, dont je devenais le bourreau posthume. D’ailleurs, le plus souvent je rentrais tard et j’avais des cauchemars affreux d’où me tirait la main brutale du veilleur. Je ne connaissais donc point les hôtes changeants des lits contigus, successeurs de la barbe rousse et d’Alfred. Je remarquai à peine un corps enfoui à ma gauche dans ses draps, qui respirait difficilement et suait à grosses gouttes. Au réveil, je trouvai une lettre indignée de Trouillot qui me reprochait ma paresse. Je lui répondis que je ne voulais plus l’assister, que je renonçais à ma fonction, et j’écrivis dans le même sens au directeur, ajoutant que dans quelques jours, d’après l’assurance de l’interne, mon pied serait parfaitement remis. Le directeur me fit savoir qu’il acceptait ma démission de garçon d’autopsie, mais que je ne quitterais l’hôpital que sur décision expresse du docteur Malasvon. En attendant, vu qu’on était content de moi, je pouvais devenir garçon de salle, à la solde ordinaire des infirmiers, comme l’est actuellement votre compatriote Trub, ajoutait la lettre.

Trub encore en vie ! La joie de cette nouvelle me fit oublier tout. Trub, le préféré du capitaine Sanot, était un délicieux garçon, mince, court sur pattes, à la figure fripée et maline, aux cheveux collés comme s’il sortait de l’eau, agile et spirituel plus qu’un singe, possesseur d’une infinité d’histoires drôlatiques ou touchantes, maître de lui dans les situations périlleuses. On ne lui savait qu’un défaut : l’amour effréné des cravates voyantes. Avec quelle allégresse je le serrerais dans mes bras ! Mes transports furent interrompus par les imprécations de Jaury, lequel s’apercevait que mon voisin de gauche était atteint d’une rougeole et qu’on l’avait par mégarde placé dans un service de chirurgie qu’il risquait de contagionner. Le malheureux tremblait la fièvre. La nuit précédente, il m’avait demandé à boire cinq fois et je croyais que l’eau tombait dans du feu, tant sa bouche, aux lèvres sèches, me grillait la main quand il me l’embrassa par reconnaissance. Le directeur vint, pontifiant et solennel. Il menaça de renvoyer tout le personnel de la salle et décida que cet épouvantail serait immédiatement transféré à l’hôpital des Contages, sorte de léproserie où les Morticoles expédient les maladies épidémiques. Là, elles se joignent les unes aux autres par les greffes les plus intéressantes. Le coupable fut tiré de ses draps, grelottant, et embarqué sur une civière.

Le soir même, j’étais pris de nausées et tout larmoyant ; le lendemain j’avais la fièvre et Jaury, à la contre-visite, me diagnostiqua une bonne rougeole que je devais à mon aimable voisin. Il me montra, dans une petite glace, ma face empourprée, mes yeux et mon nez gonflés d’eau. Je le suppliai de ne pas m’envoyer à l’hôpital des Contages. L’horreur de ma situation m’apparaissait dans sa splendeur, rythmée par le battement plus vif de mes artères. L’interne fut touché. Il me promit de ne parler de rien et de me passer subrepticement au service du docteur Charmide, homme excellent qui me garderait, me soignerait, aurait pitié de moi, me guérirait. J’avais entendu plaisanter l’extrême bonté de Saint Charmide, comme l’appelaient par dérision ses rivaux, désolés d’une situation prépondérante qu’il ne devait, par exception, qu’à son travail et à son génie. Jaury me promit, en outre, de me recommander à son collègue, l’interne Barbasse.

Je quittai la salle Vélâqui, chaudement enveloppé de couvertures, et fus transporté, avec précaution, au lit numéro huit du service de Charmide, à l’autre bout de l’hôpital. Tiède, paisible, d’aspect familial, cette salle Bucolin était petite et bien rangée, aux soins d’une gracieuse surveillante qui souriait en montrant de jolies fossettes. Une merveilleuse atmosphère de bonté dissipait la crainte, laissait voleter l’espérance autour de l’arbre du mal. L’interne Barbasse était un garçon poli et dévoué. Une fraîche tisane m’amena dans la bouche une oasis, au milieu des déserts sablonneux de la fièvre. Un parfum léger chassait les miasmes. J’avais des draps blancs, du linge bassiné, un bonnet de coton tout neuf. Deux grands paravents m’isolaient de mes voisins, me constituaient une sorte de maisonnette, de domicile, et je m’assoupis dans un bien-être inexprimable.

Le lendemain, je vis l’admirable docteur Charmide à la tête si sérieuse et si bonne et telle qu’on en oublie les traits pour ne se rappeler que l’expression morale d’apaisement, de mansuétude. Lui pour la médecine, Dabaisse pour la chirurgie, voilà les deux phénomènes de compassion que leurs collègues regardent avec envie et stupeur, mais désarmés, car ici la médisance ni la calomnie n’ont de prise. On ne s’imagine pas le sourire divin de Charmide, sa parole voilée, la douceur de la main qu’il impose sur les tempes brûlantes des malades, le repos, la tranquille et sûre confiance qui émanent de lui comme une auréole morale. Comme Dabaisse, il croit au même Dieu que moi. Il n’y a chez les Morticoles que deux héros, que deux apôtres et ils sont chrétiens, malgré les sarcasmes. Ils ont appris la commisération, l’indulgence souveraine aux pieds de la croix. Ô le regard pénétrant de Charmide ! Quand il le dirigea vers mon regard, je sentis qu’il me pénétrait l’âme. Il m’interrogea sur mon passé, vivement et presque timidement. Il m’assura que cette rougeole serait l’affaire d’une huitaine de jours, si je prenais mes remèdes en conscience : « Ces paravents sont une fragile barrière. Je vous demande de ne pas frayer avec vos voisins ; vous leur donneriez votre mal. Je vois un livre sur le lit. Ne lisez pas. Cela fatigue. Restez au chaud et immobile. N’ayez aucune crainte. — Qu’on lui mette une bonne boule aux pieds et, si sa tisane lui déplaît, qu’on la change. Quant à la nourriture, il peut manger ce qu’il voudra. » Ce ton discret, amical et ces gestes exquis glissaient au fond de moi comme des messagers d’amour et de pardon. Qu’il faut peu de chose à l’homme pour guérir les plaies cuisantes de l’homme !

Certes, je mangeai ce que je voulus ! J’appris bientôt que le docteur Charmide, révolté par les déprédations du Secours universel, payait de sa propre bourse les suppléments alimentaires. Le lait devenait-il rare : « Qu’on s’en procure et du meilleur », disait le chef à la surveillante. On me donna, le premier jour, une côtelette sur de la purée, des haricots verts exquis et une demi-bouteille de vin qui me réchauffa mieux que la boule. J’aurais voulu me dévouer pour ce céleste docteur, lui montrer que je l’aimais et le vénérais de toute la haine amassée contre ses collègues. Suivant ses ordres à la lettre, je n’adressai même pas la parole aux malades, mais j’écoutais leurs conversations masquées, et mes paravents épais et creux me devenaient des caisses de résonance. Ces propos achevèrent de m’édifier : dans tous les tons de voix, aigus ou graves, ou voilés par le mal, chuchotés presque et d’autant plus doux et discrets, ils célébraient la bonté inépuisable de Charmide. Aux uns, il avait changé trois fois de suite un remède dont ils se dégoûtaient ; aux autres, il avait remis de l’argent en cachette. Un vieux bonhomme, chevrotant et toussant, racontait que d’anciens rhumatismes noueux le ramenaient sans cesse au service. Une fois Charmide lui avait dit tout bas et quand le monde était parti : « Vous avez tort, mon brave papa, vous prenez la place d’un autre plus malade. » Ce juste reproche avait été au cœur du vieillard. Il en avait pleuré la nuit, ajoutait-il, et il ne serait plus revenu s’il ne s’était senti de l’eau dans la poitrine. Un organe éraillé (à quelle tête singulière pouvait-il appartenir ?), mêlé d’argot et de jurons, déclarait que : « Comme bon bougre, le docteur n’a pas son pareil. Quand il fait froid et qu’on va chez lui, il vous allonge des pièces de quarante sous. » À tous, ce consolateur avait dit la parole décisive qui apaise et nourrit le cœur, ouvre les écluses de la reconnaissance. Malgré le petit peu de fièvre qui m’animait, j’étais attendri jusqu’à l’exaltation par ces témoignages frustes et anonymes, ces louanges chantées dans une salle d’hôpital, sous le jour froid et triste de l’hiver.

J’attendais avec impatience la visite matinale de Charmide. Je devinais son approche et, avant que la porte tremblât, je savais qu’il n’était pas loin. Le maître me prenait la main, la gardait quelque peu dans la sienne, puis la quittait avec une petite tape amicale. Barbasse, son interne, était auprès de lui avec de rares élèves, car ce juste ne favorise personne dans les concours. Parfois il saisissait un des grands cahiers qui servent à la consultation et traçait dessus quelques esquisses au crayon bleu, mais cela d’une manière infiniment discrète.

La radieuse guérison parut. Je pris un bain et mes paravents s’écartèrent. Je connus les habitants de la salle Bucolin. Ce n’étaient plus, comme chez Malasvon, des lésions chirurgicales, des accidents tapageurs, mais bien des maux, sourds et cachés. J’admirai le plaisir que les patients ont à s’appesantir sur leurs souffrances. Il leur semble qu’en se racontant ils extériorisent leur infortune. Il y a de l’apostolat dans les infirmités. Certains toussaient périodiquement d’une petite toux sèche qui secouait leurs épaules pointues, si affaiblis qu’ils se soulevaient avec peine par la poignée de bois descendant des traverses. Quelquefois ils crachaient un sang rose, et ceci leur donnait une pâleur où les flammes de leurs yeux vacillaient. Le timbre parcheminé de leur voix rappelait un jeu de mon pays, où l’on imite le cri du coq avec un morceau de papier.

Charmide les interrogeait sur leurs parents et, quand les lits étaient voisins, j’entendais distinctement les réponses. Je demandai à Barbasse pourquoi cette question revenait toujours. L’excellent garçon m’expliqua que les maladies des Morticoles sont de véritables personnages. Parasites des humains, parallèles aux humains, elles ont leurs fils chez leurs fils, leurs petits-enfants chez leurs petits-enfants, et ainsi de suite : « Et, dis-je, ne peut-on jamais se soustraire aux conséquences terribles de cette hérédité ? — Jamais. Apprenez, Canelon, que le fils d’un fou est un fou, celui d’un cardiaque un cardiaque, celui d’un tuberculeux un tuberculeux. Le mal n’est pas fort inventif. » J’objectai à l’interne combien ses concitoyens répugnaient à cet ordre de problèmes, à ces recherches sur leurs familles : « Oui, ils devinent là vaguement quelque chose d’implacable, et les griffes de la fatalité. Vous voyez (ici Barbasse baissa la voix), tout au fond, le lit no 2. C’est un cœur. Ses ascendants, ses frères et sœurs sont tous morts par cet organe. Lui le sait, et pourtant il le nie avec désespoir. D’ailleurs ces chaînes n’ont rien qui doive surprendre. Ne ressemblez-vous pas à votre père et à votre mère ? » Je développai alors que, dans mon pays, on ne voit que de rares accidents, tels qu’ils résultent des travaux de la campagne, ou encore des indispositions, coliques et rhumes : « Nous ignorons cette kyrielle de fléaux qui peuplent les salles de l’hôpital Typhus. Quant à l’hérédité, comme nous avons une existence très active, très libre, très de plein air, cela depuis d’innombrables années, aussi loin que remontent le souvenir et l’histoire, nous formons infiniment plus de types caractéristiques et différents qu’on n’en trouve dans votre morne cité, où la vie est affaissée, rongée par le besoin, limitée par la haine et la servitude. Sans doute je tiens de mes parents ; mais, plus qu’eux deux, je suis moi, Félix Canelon. On ne me reconstituerait pas en les pilant dans un mortier. Grâce à mon impressionnabilité, mes sens ajoutent à chaque seconde des petites boulettes de terre glaise à ma très personnelle statue. Ici, l’instruction est tellement répandue qu’elle enseigne aux enfants dès le berceau tout ce qu’ils doivent craindre des tares héréditaires. Aussi vos Morticoles ont-ils la sensation perpétuelle du prisonnier qui voit mener son compagnon au supplice, et prennent-ils en haine leurs ancêtres, causes de leur ruine, miroirs de leur propre destin. Dites aux gens qu’ils sont libres, qu’ils ne dépendent de personne et ils se croient libres, et ils le deviennent ; ils respirent leur air, mangent leur pain, marchent sur leurs jambes et pensent leurs réflexions. Dites-leur qu’ils sont en cage et ils se le persuadent ; ils admettent que leurs mouvements, leurs gestes, leurs idées sont réglés, administrés, préétablis ; ils se figent dans l’automate. Voilà où mène votre matérialisme. Vous n’êtes frappés que par les empreintes et vous les accentuez en insistant sur elles. Vous vous empêtrez de liens plus durs que la mort et vous les détaillez avec complaisance. Cet esclavage est votre œuvre et vous y ajoutez par l’étude. Ainsi tous ces êtres qui végètent dans la salle Bucolin, non des vivants, mais des demi-vivants, étaient à peu près les mêmes au même endroit il y a cent ans, et seront les mêmes dans cent ans ! Tout s’immobilise en horreur. Et vous vous irritez de ce que ces malheureux se refusent à vos constatations. Mais, parbleu, ils voudraient avoir une existence individuelle ! C’est cela qu’ils vous expriment gauchement, lamentablement par leurs réticences, leurs négations, leurs mensonges, leurs échappatoires : c’est leur besoin de renouveau, de révolution, leur zèle à partir du pied gauche en laissant derrière eux la douleur, le désespoir et la honte ; leur élan pour courir, bondir vers la lumière ! Chez nous, tout le monde est sur le même rang, sans diplômes, titres, décorations, ni faveurs ; les imbéciles sont honnêtes ; les rares savants tournent leur science en bienfaisance. Votre docteur Charmide est un des nôtres égaré parmi vous ; mais il ne suffira pas à vous ramener au juste et à Dieu. »

Je subis bien des tristesses pendant mon séjour à la salle Bucolin. Je vis ceux qui souffrent du foie et dont la figure jaune et chinoise ne devient jamais blanche. Leurs yeux aussi sont jaunes et leur bouche prend un pli amer. Ceux qui souffrent du cœur : essoufflés, les narines battantes, ils se redressent dans leurs lits, les mains étendues en avant ; quelquefois, un accès de suffocation les saisit, tocsin douloureux de leurs veines. Alors ils se compriment et s’arrachent la poitrine. Les uns sont tout rouges et les autres tout blêmes et bientôt ils se gonflent comme de la baudruche. Je vis des guérisons fausses : un malade déclare qu’il va partir, fait ses préparatifs, célèbre comme un paradis la vie misérable dans laquelle il rentre. Puis, à son dernier repas d’hôpital, une malencontreuse feuille de salade amène une crise d’étouffement. Il faut se déshabiller et se recoucher dans le désespoir. Je vis les convalescents de fièvre grave, leurs visages amincis et tremblants où perle une sueur visqueuse. Quelques-uns ont la tête si faible qu’ils disent des paroles incohérentes et font avec leurs doigts des mouvements mystérieux, tel un oiseau blessé qui s’essaye à voler. Je vis ceux qu’empoisonne l’atelier : le plomb les paralyse et leur ventre se tord dans des épreintes atroces, qu’ils calment en y plongeant leurs paumes calleuses et rouges. D’autres toussent à cause des poussières du charbon. À d’autres, le phosphore a dévoré les os. Chez d’autres, le mercure, s’insinuant comme une vapeur subtile, a tari les sources vitales, et ils ont l’air de cadavres qui marchent, d’un bleu livide et les yeux caves. Je vis l’anévrisme de l’aorte, qui bat sous les côtes élimées, comme une araignée de mort, et crèvera bientôt, fastueux et rutilant geyser qui lance, expulse l’âme, l’anévrisme que sa proie connaît et observe. Tous deux fraternisent d’angoisse et de terreur. Les assistants n’osent plus découvrir la pellicule pulsatile, frêle barrière terrestre, tant elle est mince et rose.

J’appris à reconnaître ceux qui portent une tumeur profonde, agonisent lentement, broyés par ce démon intime. Leur regard pose une effrayante énigme. Spectateurs de leur propre drame, ils admirent leurs tissus cédant à la Reine, tels des courtisans empressés, la galopade de la Mort, étincelante sur son cheval vert, puis des épisodes soudains, des coups de théâtre : ce sont des vomissements d’un sang épais et noir comme l’Érèbe ; c’est la perte de la parole au milieu d’une phrase, en demandant un peu plus de purée. L’acteur tragique s’arrête, hébété, porte la main à son front, lâche son assiette et tombe en arrière. Ce sont les veines des jambes qui gonflent tout à coup, dessinent une terrible forêt bleue. Que va-t-il arriver encore ? Au pied de la couche de ces porteurs d’inconnu, j’aperçois l’Avenir, drapé de deuil et silencieux.

À tous, Charmide donnait un soulagement, un conseil, un mot affectueux. Je me levais. Je suivais de loin la visite. Barbasse me disait : « Canelon, vous devriez étudier la médecine. Vous feriez des progrès étonnants. » Ce fut le germe de la déplorable résolution que je pris plus tard. Cependant le patron entrait dans les travées étroites qui séparent les lits. Il regardait et palpait soigneusement les organes atteints, examinait les urines polychromes, les langues animées de tressaillements vermineux. Il fixait un instant de son œil prophétique les regards éteints, vidés, ou remplis de crainte jusqu’au bord. Il recouvrait d’une serviette blanche ces poitrines sèches et rudes, où il entendait des choses si pénibles qu’il relevait la tête en soupirant. Alors on faisait silence dans la salle et, tandis qu’il auscultait (avec quel soin grave et prudent !), le tic tac de l’horloge mesurait le temps aux condamnés. Quelquefois il avait un geste de satisfaction, son lumineux sourire qui signifiait : Cela va mieux. Aux moribonds, qui le suppliaient pour la vérité, il versait le vin prodigieux du mensonge. Une seule fois je l’ai vu, en colère, chasser de son service une canaille de Rasta qui, sous prétexte de percuter un poumon, avait, par sa maladresse brutale, déterminé une hémorragie. Tout ce qu’on lui demandait, il l’accordait. J’osai un jour lui adresser la parole et le prier de me garder encore quelque temps dans les salles, bien que je fusse parfaitement guéri de mon pied et de ma rougeole. Sur un signe favorable de Barbasse, il y consentit.

Le plus possible je l’accompagnais. Je me rendais utile. Je préparais l’encre et le papier des élèves aux cliniques, le fauteuil où s’asseyait Charmide, la table où il disposait ses notes et je restais là pour entendre sa voix, jouir de sa présence. La visite achevée, je montais dans une petite pièce où il mettait son pardessus et son chapeau et je savourais ses enseignements complémentaires, familiers et toujours profonds.

Certes, j’avais envie de revoir notre pays ; mais je savais les difficultés inouïes dont serait hérissé le départ, beaucoup d’entre nous malades, d’autres morts, tous dispersés. J’étais sans nouvelles du capitaine, et j’attendais les événements, prenant notre mal en patience. La petite Marie venait me voir. Elle devait me trouver froid à son égard, car, fatigué par tant de secousses, j’étais peu porté sur la bagatelle. Je sortais rarement de la salle. Ces alternatives d’un pâle soleil, de pluie et de giboulée ou de brumes noires ou blanches ne m’attiraient guère. Comme chez Malasvon, je m’asseyais contre le poêle, mais ici je voyais les pauvres redevenus des hommes graduellement, grâce aux soins, à la mansuétude. L’hôpital Typhus est une belle école. Il prouve comme l’humanité est malléable, prompte à toutes les empreintes, comme la révolte, la violence et la haine sont les filles de l’injustice. Ah, Morticoles, les pires d’entre vous sont encore plus bêtes que méchants ! Ils croient aux formules toutes faites, rigides et fausses. La plupart de leurs vices sortent de l’orgueil. Quel bipède parlant est donc supérieur à un autre ? Quel droit donne un parchemin ? Qu’est-ce qu’une loi, sinon un contrat librement consenti et où les deux s’engagent ? J’ai vu des gaillards tragiques, comme jadis ma barbe rousse, entrer salle Bucolin, la fureur dans le corps. Ils ne résistaient pas deux jours à la douceur de Charmide et s’assouplissaient peu à peu, tournaient leur sauvage rudesse en protestations de dévouement. Alors, chez ces combatifs, l’amour se traduisait ainsi : « Je voudrais bien qu’on y touche un cheveu de la tête, à notre docteur ! »

La surveillante et Barbasse me dressaient à l’examen des urines, à la recherche de l’albumine et du sucre, et je ne me trompais point de réactif. Je lisais les températures au thermomètre ; je les inscrivais sur une feuille de papier, par ces petits points que l’on relie progressivement et qui deviennent une courbe élégante.

La salle Bucoline ou des femmes faisait pendant à la nôtre, séparée d’elle par un grand vestibule à vitrages. Je pouvais y pénétrer à ma fantaisie. La gent féminine est la même partout, papillotante, rancunière, potinière et criarde. C’étaient des disputes perpétuelles, des camps, des luttes, des trames secrètes, des ma chère, des croyez-vous, des c’est bon, c’est bon et des menaces. Les vieilles réprimandaient les jeunes et les jeunes plaisantaient les vieilles. Parfois, près d’un lit, s’allongeait un berceau, et le glouton gamin désolait le service par son cri, empêchait le monde de dormir, tant qu’à la fin il se calmât, à l’approche tiède de sa pitance.

Le lit numéro vingt de la salle Bucoline était habité par une jeune fille brune, rose et charmante, Mlle Suzanne. Je pensais souvent à son fin visage ovale, et, dès que j’avais une heure libre, je courais auprès d’elle ; je la plaisantais sur ses yeux de malice, qu’elle avait gris poudré d’or, et sur la petite couture à laquelle se dévouaient ses doigts agiles. Elle me répondait du même ton, aussi bonne et aimable que belle. Un jour qu’à la visite elle s’était montrée plus gaie et vivace encore que de coutume, je remarquai un rapide éclair de douleur qui zébra la mélancolique physionomie de Charmide. Au vestiaire, il dit tristement à Barbasse : « Cette malheureuse petite 20 est perdue, décidément perdue. La fièvre n’est pas forte, mais hélas… » Un geste navré acheva la phrase. J’eus le cœur brisé. Ainsi la mort, pourvoyeuse ignoble, se tenait prête derrière tant de grâce, une chair si tendre ! Après le départ du patron, je demandais quelques anciennes explications à l’interne : « Ah ! me répondit-il, la pauvre fleur coupée, elle embaume encore. C’est la phtisie rapide, Canelon. Quand vous étudierez, vous apprendrez à la connaître. Le temps n’a pas de faux plus aiguë, plus soudaine. »

Le soir, une fièvre intense prit ma mignonne Suzanne. Son teint parut plus animé. Le jour suivant, au matin, ce fut l’agonie. La surveillante tenait les chères menottes moites de la défaillante victime et je lui faisais respirer en pleurant le contenu d’un ballon d’oxygène. La couture gisait au pied du lit, fragile témoignage de la surprise. L’idée que dans vingt-quatre heures ces délicats membres de femme appartiendraient à l’infâme Trouillot et résonneraient durement sur le marbre, cette vision macabre m’était insupportable. Elle avait aimé sans doute et on l’avait aimée, cette hâtive proie du destin. Son cœur, en lutte dernière, avait battu bien fort pour de plus doux travaux… Malgré nos peines, le souffle allait s’affaiblissant. Les doigts crispés se détendirent. Le court gémissement, qui soulevait la poitrine menue, devint un affreux hoquet. Un bruit rauque écorcha son cou de tourterelle et ses beaux yeux gris, ses yeux pailletés d’or, je les vis tout à coup s’éteindre et sombrer. La tête oscilla, au gré de l’oreiller, sur lequel se mouvaient les flots de la chevelure noire, si ample et si riche, et je sanglotai contre le mur, y tapant mon pauvre front d’homme.

À ce moment, il y eut un vacarme sacrilège. Le beau Tismet de l’Ancre et le bel Avigdeuse passaient suivis de leurs élèves, parlant fort, se frappant l’épaule, remplis d’audace et d’arrogance. Ils s’arrêtèrent devant le lit, et Tismet s’écria joyeux : « Tout juste ! Décès subit ! Diagnostic : Tuberculose aiguë. Si elle a de l’œdème, cela tranche la querelle. » Déjà les deux compères soulevaient brutalement les draps. Je détournai la tête : « Jolie fille ! Encore chaude… Un vrai satin. Non, pas d’œdème. — Alors je suis battu. » Ils continuèrent leur route, laissant le corps découvert, souillé par leur contact, tandis qu’Avigdeuse expliquait à Tismet que le vitalisme, l’animisme, il faudrait revenir à ces idées

Grâce à un subterfuge, Suzanne échappa à Trouillot, et, par la plus sinistre des éclaircies, on la hissa dans un corbillard mal étayé, qui grinçait sur des roues criardes.

Je ne pouvais rester plus longtemps salle Bucolin. J’y occupais un lit sans raison, et je ne voulais pas mériter même l’ombre d’un reproche de notre maître. Barbasse obtint du directeur que je serais garçon en titre dans le service du docteur Boridan. Je comptais gagner quelque argent, avec le vague espoir de commencer des études médicales qui donnent seules, chez les Morticoles, toutes licences, même celle de fuir.

Je fis mes adieux à Charmide. Il me serra paternellement les mains et glissa sous mon oreiller plusieurs pièces d’or. J’allai porter mes vêtements au dortoir des garçons. Dans une longue pièce mal éclairée, garnie de lits pouilleux et de planches où l’on rangeait ses affaires, ils s’entassaient, les subalternes tapageurs qui copient grossièrement leurs durs maîtres, exagèrent l’infatuation et l’immondice. Comme j’ai l’aspect robuste et que j’étais taciturne, mon entrée dans ce chenil se passa sans trop de grognements : « Canelon ! Canelon ! On se retrouve enfin ! » Stupeur joyeuse ! Trub lui-même me sautait au cou, l’excellent petit Trub, avec ses yeux clignotants, ses jeunes rides, la queue de sa barbiche, ses cheveux plats, sa taille de botte et ses gestes vifs comme sa parole : « Eh, Félix, le grand nez ; y a-t-il assez longtemps, Seigneur ! Quelle surprise ! » Ayant pris les deux lits côte à côte, nous causâmes toute la nuit. Je lui fis le récit de mes aventures ; il me conta les siennes et m’apprit une nouvelle abominable ; tous nos compagnons étaient morts dans des hôpitaux différents. Seul, le capitaine Sanot vivait encore, sans doute, mais nul ne savait ce qu’il était devenu. Des bruits contradictoires couraient à son sujet. Quant à Trub, il avait eu le bonheur d’entrer dans le service de Dabaisse, qui est pour la chirurgie ce qu’est Charmide pour la médecine, un véritable héros, détesté des Morticoles, qui trouvent en lui le remords joint à la concurrence. Bientôt rétabli, Trub restait comme garçon dans ces salles où il avait été malade, et ses manières délurées, son adresse, sa facilité d’adaptation aux circonstances l’avaient vite rendu précieux et célèbre parmi les inférieurs de l’hôpital Typhus. Quand son chef faisait en ville une opération importante, il l’emmenait avec lui, le chargeait de préparer tout l’attirail chirurgical. Aussi Trub mettait de côté un peu d’argent. De plus, ces sorties fréquentes lui faisaient une situation privilégiée ; c’est ainsi, moitié au dehors, moitié par les racontars de ses collègues, qu’il avait appris la disparition de nos camarades. Les uns étaient allés s’échouer dans une sorte de lazaret, où ils avaient succombé à d’horribles contagions. D’autres étaient tombés aux mains de Morticoles faiseurs d’expériences, les plus redoutables de tous, de Cudanes et d’Avigdeuses, qui les avaient torturés d’une manière atroce, afin d’attirer sur leurs nullités l’attention des Académies, Il y avait même cinq ou six de ces infortunés qu’on avait laissés mourir de faim, pour observer si leur estomac ne se digérerait pas lui-même. Trub me communiquait ces détails avec fureur. Il me citait les noms. Nous nous attendrissions et nous nous irritions ensemble. Qu’était devenue cette bonne face rubiconde de Sanot ? Avait-il été la victime d’un boucher ou d’un laboratoire ? Était-il maintenant, par petits fragments, hôte des bocaux alcooliques ou sous l’objectif des microscopes ? Avait-il été jeté, sort meilleur, dans un égout ou à la mer ? Les poissons et les cancrelats sont préférables aux médecins.

Trub était, comme moi, révolté des horreurs qu’il avait entrevues et qui lui avaient paru d’autant plus vives qu’elles contrastaient avec l’extrême bonté de son Dabaisse. Les traits charitables et délicats qu’il me cita de celui-ci me rappelèrent à chaque minute Charmide. Trub n’avait pas perdu sa gaieté. Nous nous parlions bas pour ne point réveiller les brutes qui ronflaient près de nous. Je ris de bon cœur à plusieurs de ses sorties contre nos Morticoles ; il me confirma dans l’impossibilité de nous enfuir actuellement : « Ils ont démâté et démoli notre brave Courrier. Il passe ici des bateaux de commerce, rarement il est vrai, car on redoute, dans l’univers entier, Crudanet et ses acolytes. Enfin, nous saisirons l’occasion propice. En attendant, unissons nos forces et consolons-nous l’un l’autre. » Quand Trub apprit que j’étais garçon chez Boridan, il fit la grimace : « Un expérimentateur, celui-là, une tête toute ronde et le poil rude. Mon pauvre Félix, tu auras de mauvais moments. »

Dès l’aube, je pris le chemin de la salle Torquisite, où trône le médecin Boridan. Je trouvai là Quignon, l’interne, qui fumait et plaisantait avec les élèves. C’était un vilain garçon, maigre, au nez retroussé et écrasé, à la voix nasillarde ; il citait sans cesse ses bonnes fortunes auprès des surveillantes et ne s’occupait point des malades, dont il regardait nonchalamment les pancartes. Il me donna quelques ordres brusques et contradictoires, et déclara que ce matin, par hasard, on verrait le chef. Après une longue attente, toute remplie par l’insupportable bagou des carabins, nous vîmes entrer Boridan, tel que Trub me l’avait dépeint, petit, grassouillet, pour tête une grosse bille où les yeux indécis viraient de droite et de gauche, guettant une approbation, une raillerie, un sourire, comme un chien suit l’os dont on le dupe. Il se mit à causer bas et vite avec Quignon ; je compris que, pour mes débuts, on méditait une expérience. Cudane parut, flanqué de son aide et d’une machine terrible, garnie de pointes brillantes. On la disposa sur une table, au pied du lit no 7, et le malade, sorte de squelette suant et barbu, la fixait plein d’épouvante. Il n’avait pas tort. L’entourage alluma des cigarettes et l’on conta des calembredaines. Boridan semblait de mauvais augure, son chapeau haut de forme sur l’oreille dépassé par de rares crins pâles, comme il en peut pousser sur le chef d’un méchant. Arrivèrent successivement Tismet de l’Ancre et Avigdeuse, ces bellâtres jumeaux, Cloaquol, hirsute et maussade, Bradilin, renommé pour sa cruauté, Cercueillet, gâteux, mince et blême, Gigade le joyeux, le farceur, le bouffon de la Faculté, dont les yeux globuleux, les cheveux plats ramenés sur le front et les plaisanteries aux directeurs ont égayé trois générations d’étudiants, le solennel Canille, grand par la taille et la vanité. C’est lui qui, dans ses cliniques, parle sérieusement des admirables, éternelles découvertes de Moi, le professeur Canille, de la célèbre Académie des Morticoles.

Tout ce monde serrait les mains de Boridan, causait, riait, agitait la fourmilière de potins sur les rapts du Secours universel, l’intolérable suprématie de Crudanet, la rivalité des deux hypnotiseurs Foutange et Boustibras et mille autres commérages de moindre importance. Enfin Boridan prit la parole : « Mes chers collègues, je veux que vous ayez la primeur, avant l’Académie, de ce malade, jadis phtisique au dernier degré, aujourd’hui totalement guéri par nos applications d’électricité statico-dynamique combinées avec des piqûres profondes au salicylo-bromhydrate d’avigdine, le médicament merveilleux de notre cher Avigdeuse, ici présent. » Avigdeuse cligna de ses yeux ironiques et noirs et hocha la tête. Cloaquol prenait des notes pour son journal ; l’aide et Cudane s’empressaient autour de la machine. Les autres interrogeaient le patient, qui répondait d’une voix basse et étouffée : « Dites-moi, mon ami, demandait Canille avec hauteur, depuis combien de temps remarquiez-vous vos garde-robes glaireuses ? » Tismet de l’Ancre secouait les articulations soudées et murmurait, patelin : « Il n’y a pas de tubercules synoviaux. » Cercueillet, silencieux, tâtait le pouls par contenance professionnelle ; Gigade chantonnait : « On va lui glisser un tube, lui glisser un tube Hercule. » Quant à Bradilin, face triangulaire aux regards torves, il accaparait Quignon : « Pas si guérie que ça, votre présentation. Après l’Académie, nous lui enlèverons du muscle à l’emporte-pièce. » Boridan ajouta des explications confuses. Tous se moquaient de lui, qu’ils savaient vil, ignorant et menteur, fabricant de guérisons postiches. Lui admirait la bassesse de ses collègues, assez grande pour qu’aucun n’osât exprimer sa pensée.

La machine était prête. Tandis qu’elle fonctionnait, Quignon faisait précipitamment au numéro 7 quelques injections d’avigdine. Celles-ci, je l’appris depuis, avaient été laborieusement combinées entre Avigdeuse, Cloaquol, Boridan, le charlatan Wabanheim et son pharmacien Banarrita, pour faire concurrence à une admirable invention récente, grâce à laquelle un docteur étranger rendait la vie et la force aux désespérés. Les Morticoles se flattaient, par un tapage savant, d’atteindre un double but : combattre et ruiner dans l’opinion celui qu’ils considéraient comme un rival dangereux pour la science officielle ; créer une spécialité coûteuse qu’ils infligeraient aux riches après l’avoir essayée sur les pauvres.

Le squelette retrouvait un peu de vigueur pour gémir. Il étouffait. La sueur fétide trempait le col de sa chemise. Quand ce fut fini, les têtes goguenardes se relevèrent ; Boridan exultait : « Voyez le résultat ; la respiration est libre ; le pouls augmente d’amplitude. Une sudation abondante indique la défervescence. » Tous demandaient des détails complémentaires. C’était convaincant, lumineux ! Puis, comme il fallait déjeuner, le groupe infâme se dispersa. ..........

Dans cette salle impitoyable, chaque lit était une chambre de torture. Le cynique Quignon annonçait à l’avance les extravagantes trouvailles de son maître : « Tenons-nous bien, messieurs. On va essayer de guérir les rhumatismes. Vous allez voir ce que vous allez voir. Tout de même, le gredin, il pistonne bien. » Pistonner, dans l’argot morticole, signifie pousser ses élèves aux examens, en dépit de toute justice. Ainsi les ambitieux aplatis comme Quignon arrivent à toutes les situations avant les Barbasse et les Misnard. Prévenu, j’attendais avec terreur Boridan, son chapeau, l’éternelle cigarette. Pour lui, l’hôpital était une corvée. Il arrivait en trombe, s’informait d’un ton dégagé : « Rien de nouveau ? » et passait au galop la revue des lits, tandis que l’interne lui énumérait vite les entrants. De cette manière, le consciencieux docteur gagnait sans trop de peine l’argent du Secours universel. Mais il lui fallait son expérience hebdomadaire. Au bout de cinq ou six jours, il se frappait le front : « Ça y est ! » et commençait les préparatifs. Puis on réunissait les collègues. Cloaquol fonctionnait. Des dessins paraissaient dans les périodiques illustrés, racontant en détail la sublime découverte de l’illustre clinicien de l’hôpital Typhus. La clientèle affluait. Le tour était joué. C’est ainsi que Boridan inventa un système de guérison des maladies du cœur, à l’aide du fauteuil à bascule et du cheval de bois. C’est à lui que l’on doit le fameux lavement par en haut. On introduisait une énorme canule au fond du gosier de la victime et on lui lançait dans l’organisme les liquides les plus divers. Cela ne coûtait que la bagatelle de quelques perforations de l’œsophage et ulcères à l’estomac. Que n’essayait-on point ! On électrisait la cervelle. On entrait des aiguilles aimantées dans le foie, le cœur, le poumon. J’ai vu poursuivre des essais jusqu’à l’extrême agonie. J’ai vu Quignon expulser des moribonds de l’hôpital, afin de pouvoir mettre sorti guéri sur l’observation que Boridan lirait à la Faculté. Le maître en arrivait à croire à son génie. Il m’employait à la fabrication des appareils tourmenteurs qu’il perfectionnait sans cesse, et, comme il était content de moi, il me déclara un beau jour que je pourrais sortir en ville une fois par semaine.

Je fus ravi de cette liberté. Nous convînmes, avec Trub, de faire le dimanche suivant une promenade, au cours de laquelle nous nous informerions du capitaine Sanot ; car il est remarquable que tout leur athéisme n’a pas empêché les Morticoles de conserver le dimanche comme jour férié.