Les Morts (Isabelle Kaiser)

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Les Morts
A. Imer (p. 47-48).

Les Morts
À LA MÉMOIRE DE M. F. PAYOT


Les Morts ne dorment pas couchés sous la poussière,
Leur cendre ne gît point dans les urnes d’airain,
Le cortège des Morts se déroule sur terre,
C’est la procession des calmes pèlerins.

Les Morts viennent à nous quand le deuil nous accable,
Frôlant de leurs pieds nus les nuages altiers,
Ils sont dans la tempête et dans l’air ineffable,
Ils sont l’ombre qui suit nos pas sur les sentiers.

Les Morts bien aimés sont les vivants de la veille,
Hier encor, sous le joug leur échine a ployé,
Et tous, frères, amis, quand la maison sommeille,
Reviennent à pas lents s’asseoir à nos foyers.

Car nous sommes les Morts des aurores prochaines,
Déjà le jour pâlit, et quand viendra le soir
Calmes, nous sortirons du Vallon de nos peines
Par le même chemin qui conduit au Revoir !

Les Morts aimés sont les hôtes aux mains discrètes
Qui demandent leur pain quotidien, sans bruit,
Ils ne viennent jamais nous troubler dans nos fêtes,
Mais veulent partager l’angoisse de nos nuits.

Quand à l’aube un rayon vient déchirer nos brumes,
Ils écartent un peu le voile de leurs fronts,
Leurs grands yeux pleins de paix sondent nos amertumes,
Et s’attristent parfois lorsque nous les pleurons.

Les Morts ne dorment pas couchés sous la poussière,
Leur cendre ne gît point dans les urnes d’airain,
Le cortège des Morts se déroule sur terre…
C’est la procession des calmes pèlerins.


Beckenried, lac des Quatre-Cantons.