Les Muses françaises/Marie de France
LES MUSES FRANÇAISES
MARIE DE FRANCE
Les ouvrages de Marie de France ne contiennent aucune indication précise sur sa naissance et sur sa vie. Elle dit seulement quelque part : « Je suis de France », ce qui est évidemment un renseignement, mais combien vague[1]. Ses principaux biographes ont cependant cru pouvoir en tirer cette déduction : Marie devait être née dans l’Ile-de-France. On a même été jusqu’à donner Compiègne comme lieu probable de sa naissance.
Passons !… Marie demeura la plus grande partie de sa vie en Angleterre, du moins, c’est là, qu’elle composa tous ses ouvrages. On suppose — mais ce n’est encore qu’une supposition ! — qu’elle vécut sous le règne d’Henri II (1154-1189)… à moins que ce ne soit sous celui d’Henri III (1216-1272). L’écart est important, comme on voit. On dit bien que ses Fables parurent aux environs de 1170 et ses Lais vers 1180, mais ces dates sont-elles exactes ?…
Les Fables de Marie de France sont au nombre de cent trois, traduites, pour la plupart, de fables attribuées soit à Phèdre, soit à Ésope, soit encore au grammairien Romulus, mais dont la véritable provenance est en réalité assez problématique. Ces fables sont écrites dans un style clair et simple. Marie s’y montre souvent une moraliste sévère. Elle a le sentiment de la justice à un très haut degré, et ainsi, ce qui est curieux pour l’époque, le sentiment de la fraternité humaine. Elle fulmine contre l’égoïsme, et il n’est point rare de la voir s’élever avec véhémence contre la violence. Et le fameux droit du plus fort semble une loi odieuse.
Les Lais attribués à Marie de France sont au nombre de douze. — quelques auteurs disent quinze — mais il est fort probable qu’elle en composa davantage restés anonymes.
Gaston Paris a admirablement défini ce genre de pièces. « Ce sont, dit-il, des contes d’aventure et d’amour, où figurent souvent des fées, des merveilles, des transformations ; on y parle plus d’une fois du pays de l’immortalité, où les fées, conduisent et retiennent les héros ; on y mentionne Arthur, dont la cour est parfois le théâtre du récit et aussi Tristan. On peut y reconnaître les débris d’une ancienne mythologie, d’ordinaire incomprise et presque méconnaissable ; il y règne en général un ton tendre et mélancolique en même temps qu’une passion inconnue aux chansons de geste ; d’ailleurs les personnages des contes celtiques sont transformés en chevaliers et en dames. » Or, précisément, les plus beaux lais de Marie de France eurent pour modèle des fables bretonnes, elle le déclare elle-même au commencement ou à la fin de chacun d’eux.
Le Chèvrefeuille est de tous ses lais celui qui est le plus connu ; cependant, le lai d’Eliduc lui est certainement supérieur. On peut même assurer que c’est là le chef-d’œuvre de Marie de France. Il y a dans cette pièce des qualités qu’il est rare de rencontrer dans les autres productions de cette époque. Marie a su avec un art véritable rendre ses héros également intéressants, et faire naître du caractère même des personnages les incidents les plus pathétiques. On est séduit par la grâce des scènes d’amour et par des détails pleins d’une charmante délicatesse.
Outre les Fables et les Lais, on possède encore de Marie un poème intitulé L’Espurgatoire de Saint Patriz. Il ne s’agit d’ailleurs que de la traduction du Tractatus de Pargatorio S. Patricii de Henri de Salterey, où l’on trouve la description des maux de l’autre monde d’après la conception irlandaise.
Marie de France réunit ses fables sous le titre général de Dit d’Ysopet (le livre d’Esope).
Ses principaux lais sont : Guigemar, Bisclavret, Lanval, Yonec, le lai du Chèvrefeuille (épisode de la légende galloise de Tristan). Certains, comme le Frêne, les Deux Amants se passent en Normandie ; d’autres sont des récits qu’on rencontre un peu partout : Laustic (ou le Rossignol), Milon, Equitan, Eliduc, etc.
CONSULTER : CONSTANT, Marie de Compiègne et L´Evangile aux femmes, Bull. soc. his. Compiègne (1876). — GIDEL, dans Revue hist. de l’Anjou (1868). — La Croix du Maine et du Verdier, bibl. Franc. (1772-3). — B. DE ROQUEFORT, Poésies de Marie de France (1819), RAYNOUARD, dans Journal des savants (1820). — G. PARIS, dans Romania. — J. BÉDIER, Revue des Deux-mondes 15 oct.1891. — EUQ. CRÉPET, Les Poètes français. — PETIT De JULLEVILLE, Hist. de la langue et de la litt. Franç. 1896.
Un vaillant chevalier de la Petite-Bretagne, Eliduc, le héros du lai, disgracié par son roi, va chercher en Angleterre de quoi occuper son bouillant courage. Il s’embarque avec dix compagnons après avoir juré à sa femme de lui conserver sa foi. Un vieux Roi du pays d’Exeter, en guerre avec des voisins, le prend à son service et Eliduc est assez heureux pour repousser les ennemis. Le Roi le comble de bienfaits et lui demande de rester à sa solde pendant un an.
Cependant, Guilladon, fille unique du roi, qui a entendu parler du brave chevalier voudrait le connaître ; elle le fait mander par un de ses chambellans.
Eliduc se rend à l’appel de la princesse et le voilà introduit auprès d’elle :
Elle l’avait par la main pris[2],
Dessus un lit étaient assis ;
De plusieurs choses ont parlé.
Elle l’a beaucoup regardé,
Son air, son corps et son visage.
Se dit : « Rien n’a que d’avenant ».
Fortement le prise en son cœur.
Amour lui envoye un message
Qui lui conseille de l’aimer,
Pâlir la fait et soupirer.
Mais ne voulût son penser dire,
De peur que lui n’en fit que rire.
Un grand moment, il demeura
Puis, prit congé et s’en alla.
Elle l’accorde en grand dépit,
Mais cependant il est parti.
À son hôtel s’en est allé,
Tout morne et très préoccupé,
Et pour la belle plein d’effroi, —
La fille de son seigneur le Roi
Qui tant doucement lui parla
Et de ce qu’elle soupira.
Il croit devoir se reprocher»
De tant être au pays resté
Sans qu’il l’eût vue plus souvent.
De cette idée, il se repent,
De sa femme il a remembrance
À qui il a fait l’assurance
Que bonne foi, lui garderait,
Et loyalement se tiendrait.
Cependant la jeune fille séduite par la mâle prestance du chevalier, brûle d’en faire son ami. Elle ne peut dormir de la nuit, et le matin venu elle expose son désir à son chambellan :
« J’aime le nouveau soudoyer,
Eliduc, le bon chevalier ;
Ne puis la nuit trouver repos,
Et n’ai pu dormir, les yeux clos.
Si par amour il veut m’aimer.
Et de son corps bien m’assurer,
Je ferai tout pour son plaisir ;
Lui en peut grands biens advenir :
De cette terre, il sera roi.
Il est si sage et si courtois.
Que, s’il m’aime avec douceur
Mourir me faut à grand douleur[3].
Le chambellan conseille à la princesse d’envoyer au chevalier me ceinture ou un anneau. S’il les reçoit avec plaisir, ce sera une preuve de son amour. La princesse répond :
Comment saurai-je par ce don.
Si d’amour a disposition ?
Jamais, je ne vis chevalier
Qui se fit pour cela prier ;
Et qu’il haït ou qu’il aimât
Jamais n’en vis qui ne garda
Un présent qu’on lui envoyait.
Mais ! Si de moi il se jouait ? !
Cependant par l’air et la mine
Les pensers d’un cœur, on devine !
« Préparez-vous, et y allez »
— « Je suis, fait-il, tout préparé »
— « Un anneau d’or lui porterez
« Et ma ceinture donnerez
Mille fois pour moi saluerez ».
Le chambellan part et la princesse dans l’incertitude se
lamente :
« Hélas ! Comme est mon cœur surpris
Par un homme d’autre pays !
Ne sais s’il est de haute gent.
Si s’en ira hâtivement.
Je resterai toute brisée.
Quel amour follement placé !
Jamais ne lui parlai qu’hier
Et je le fais d’amour prier !
Je pense qu’il me blâmera ;
S’il est courtois, gré me saura !
Le tout est mis à l’aventure ;
Et si il n’a de m’aimer cure,
J’en resterai toute marrie.
Jamais n’aurai joie en ma vie.
Pendant ce temps le chambellan a rempli sa mission auprès d’Eliduc qui a accepté les cadeaux sans en demander davantage. Quand le messager revient, la princesse s’informe de l’accueil qui lui a été fait par le chevalier.
« Il faut, fait-elle, rien celer.
Veut-il par amour m’aimer ? »
Le chambellan lui donne alors quelques-unes des raisons qui lui font croire que oui : et il poursuit son récit :
« De votre part, le saluai,
Et vos cadeau lui présentai.
De votre ceinture se ceint
Et les flancs avec il s’étreint.
Puis, l’annelet mit à son doigt.
Ne lui dis plus, ni lui à moi ». —
« Le reçut-il avecque émoi ?
S’il n’est ainsi malheur à moi ! » —
Il lui a dit : « Ma foi, ne sais ;
Mais, oyez bien ce que dirai :
S’il ne vous eût voulu grand bien,
Il n’eût de vous accepté rien ».
Elle répond : « C’est se moquer !
Je sais bien que point ne me hait
Jamais ne lui fis autre tort
Que de l’aimer moult et très fort ;
Si pour cela me veut haïr,
Lors, il est digne de mourir.
Jamais par toi, ni par autrui,
D’ici que je parle à lui,
Je ne lui veux rien demander.
Car moi-même lui veux montrer
Comment m’a étreinte l’amour.
Mais ne sais s’il fera séjour ».
Le chambellan a répondu :
« Dame, le Roi l’a retenu
Pendant un an, avec serment
De le servir loyalement.
Ainsi, pourrez avec loisir
Lui montrer tout votre désir. »
Lors de le savoir demeurant.
S’en réjouit moult durement.
De son côté, le chevalier est fort troublé. Il sent son cœur
battre d’un jeune amour pour la princesse, et cependant il
ne voudrait pas trahir le serment qu’il fit à sa femme.
Il se rend néanmoins auprès du roi avec l’espoir de rencontrer Guilliadon. Justement le monarque se trouvait dans l’appartement de sa fille, en train de jouer aux échecs. C’est là qu’il reçoit Eliduc dont il vante la vaillance à sa fille. La jeune « damoiselle » fait venir près d’elle le héros.
Loin des autres se sont assis,
Tous deux étaient d’amour épris.
L’entretenir elle n’osait
Et lui de parler il craignait.
Il la remercie cependant de son cadeau. Alors Guilliadon ne peut lui cacher son amour et elle demande à Eliduc de lui
faire connaître sa pensée :« Dame fait-il, grand gré vous sais
De votre amour, grand joie en ai… »
— La Pucelle lui répondit :
« Ami, vous dis un grand merci… »
Ils vécurent alors dans les délices de l’amour — amour d’ailleurs tout platonique. Mais voilà que brusquement Eliduc est rappelé dans son pays que l’ennemi ravage. Quand elle apprend ce départ, Guilliadon se pâme de douleur.
Quand Eliduc la vit pâmer,
Il commence à se lamenter,
La bouche lui baise souvent,
Et il pleure moult tendrement ;
Entre ses bras la prit et tînt,
Tant que de pâmoison revint.
« Par Dieu, fit-il, ma douce Amie,
Souffrez un peu que je vous die.
Vous êtes ma vie et ma mort :
Et en vous est tout mon confort.
Pour ce je prends conseil de vous
Car confiance est entre nous.
Par besoin vais en mon pays,
De votre père ai congé pris
Mais je ferai votre plaisir
Quoiqu’il doive m’en advenir. »
« Or, fait-elle, m’emmènerez.
Puisque demeurer ne voulez. »
Eliduc ne veut accepter. Mais, dit-il.
« Si congé, me voulez donner
Et jour de retour me fixer
Si vous voulez que je revienne
N’est rien au monde qui me tienne… »
Elle vit bien son grand amour
Terme lui donne et fixe jour,
Pour venir et pour l’emmener.
Grand dol eurent à se quitter
Leurs anneaux d’or entréchangèrent
Et doucement s’entrebaisèrent.
De retour en son pays, Eliduc est fêté par ses amis et surtout par sa femme qui avait hâte de le revoir. Mais lui ne songeait qu’à Guilliadon. Et, dès que son roi n’a plus besoin de lui, il part retrouver la belle princesse, malgré les pleurs de sa dame. Guilliadon est venue à la rencontre de son chevalier, les deux amants s’embarquent, mais une tempête s’élève. Ils adressent leur prière au ciel :
Dieu réclament dévotement.
Saint Nicolas et Saint Clément,
Et Madame Sainte Marie,
Pour que demande aide à son fils
Qu’il les protège de périr
Et qu’au port ils puissent venir.
Terrifié par l’approche de la mort un des marins reproche à Eliduc d’attirer sur eux la colère du ciel en emmenant une femme qui n’est pas son épouse légitime.
En apprenant que son amant est déjà marié, Guilliadon s’évanouit.
Eliduc qui la croit morte se jette sur le matelot dont la révélation a causé ce malheur, et l’abat d’un coup d’aviron. Enfin il réussit à aborder et songe à ensevelir son amie. Il porte le corps jusqu’à un ermitage abandonné, où il le dépose sur un lit qu’il avait fait préparer devant l’autel.
Plus tard il fondera les abbaye et les moines viendront prier pour le repos de la princesse…
Quand vint le moment de partir
De douleur il pensa mourir.
Les yeux, et la face lui baise ;
Belle, fait-il, à Dieu ne plaise
Que jamais puisse armes porter
Ni longtemps vivre ni durer.
Belle amie, à malheur me vîtes
Douce chère, à mal me suivîtes.
Belle, déjà vous seriez Reine,
Sans l’amour loyale et sereine
Dont vous m’aimâtes grandement.
Pour vous mon cœur est tout dolent.
Le jour où je vous enfouirai,
Dans un couvent je rentrerai ;
Sur votre tombe chaque jour
Ma douleur redirai toujours.
Il ferme la porte de la chapelle, et retourne chez lui, où sa
femme qui s’était fait belle pour le recevoir s’étonne de le voir pensif et triste.
Son Seigneur bonnement reçut
Mais bien peu de joie elle en eût.
Jamais bon visage ne fit
Et bonne parole ne dit,
Nul n’osait demander raison,
Deux jours était à la maison.
La messe entendait le matin
Puis se mettait seul en chemin,
Au bois allait, à la chapelle,
Là ou gisait la demoiselle.
En pâmoison il la trouvait,
Ne revenait, ni soupirait.
Cela lui semblait grand merveille
Qu’elle restât blanche et vermeille,
Sans que jamais couleur perdit.
A peine avait-elle pâli.
Fort angoisseusement pleurait
Et pour l’âme d’elle il priait.
Sa femme intriguée, de ses fréquentes sorties et curieuse de
savoir où i] va ainsi chaque jour le fait suivre. Elle apprend
qu’il se rend à la chapelle et qu’il y pleure.
Désireuse d’éclairer ce mystère, elle profite de ce que Eliduc a été à la cour, pour se faire conduire à la chapelle :
Quand en la chapelle est entrée
Et vit le lit de la Pucelle
Qui ressemblait rose nouvelle,
La couverture elle enleva
Et vit le corps si délicat.
Les bras longs, et les blanches mains
Et les doigts grêles, longs et pleins.
Or elle sait la vérité.
Ce qui a son sire endeuillé.
lors son valet elle appela
Et la merveille lui montra :
« Vois-tu, fait-elle, cette femme
Qui de beauté semble une gemme.
C’est l’amie île mon Seigneur
Pour qui il mène tel douleur.
Par foi. ne m’émerveille mie
Quand si belle femme est périe.
Tant par pitié, tant par amour.
Jamais, n’aurai joie nul jour. »
Et la douce et tendre épouse se met à pleurer sur la triste fin de cette adorable fille qui possédait l’amour de son seigneur et maître.
Or une belette ayant ressuscité une autre belette à l’aide d’une fleur rouge qu’elle avait été cueillir dans le bois, la dame, qui a vu ce miracle, s’empare de la fleur rouge et la pose sur la bouche de la jeune princesse qui ne tarde pas à revenir à elle.
« Dieu, fait-elle, que j’ai dormi ! »
Quand la dame l’ouït parler.
Dieu commence à remercier.
Lui demande qui elle était
Et la pucelle répondait :
« Dame, je suis en Logres née.
Fille d’un Roi de la contrée.
Moult ai aimé un chevalier,
Eliduc, le bon Soudoyer.
Avec lui il m’a emmenée.
De me tromper a fait péché
Femme il avait, ne me le dit.
Ni jamais supposer ne fit.
Quand de sa femme j’ouïs parler.
Du deuil que j’eus, je me pâmai…
Vilainement m’a conseillée
Et en autre terre laissée.
Il m’a trahie, las, je le vois
Bien est folle qui homme croit. »
Mais la dame la rassure. Jamais Eliduc n’a cessé de l’aimer
« Il pense que vous êtes morte,
A merveille se déconforte,
Chaque jour vous a regardée
Quoiqu’il vous ait trouvé pâmée.
Je suis son épouse, vraiment
Moult ai pour lui mon cœur dolent
De la douleur qu’il avait.
Savoir voulais où il allait
Après lui vins, et vous trouvai.
Que vive êtes, grande joie ai
Avec moi vous emmènerai.
Et à votre ami vous rendrai. »
Quant à elle, elle rendra sa parole au chevalier et se retirera dans un couvent. Eliduc pourra alors épouser la princesse.
Guilliadon et le chevalier vécurent en parfait amour. Cependant, ils songeaient souvent à la pauvre sacrifiée et cela troublait leur conscience. Si bien qu’un jour, ils résolurent de se séparer. Eliduc fit construire une abbaye et il s’y retira après avoir envoyé Guilliadon auprès de sa première femme. Celle-ci fut très heureuse de revoir la princesse :
Ell’ la reçut comme sa sœur,
Et moult lui porta grand honneur……
Leur commune affection pour Eliduc les rapproche :
Dieu prièrent pour leur ami,
Afin qu’il lui fit bon merci.
Et lui priait aussi pour elles…
Ainsi firent-ils jusqu’au jour où
Grâce à Dieu firent belle fin.
- ↑ Dans l’épilogue de ses Dits d’Ysopet, Marie s’exprime ainsi :
Au finement (à la fin) de cet écrit.
Qu’en roman ai tourné et dit.
Me nommerai par remembrance :
Marie ai nom, et suis de France. - ↑ Pour la traduction de ce lai, nous avons suivi autant que possible le texte de l’édition de M, Karl Warncke publié par la Bibliotheca normanica. On pourra d’ailleurs s’en rendre compte par l’extrait que nous donnons ci-dessous du texte primitif. — Une traduction en prose aurait été sans nul doute, plus claire que notre modeste essai de pseudo-versification, mais cela n’aurait pas permis au lecteur de se faire une idée de l’œuvre de Mario de France.
Cele l’avait par la mein pris,
Desur un lit érent asis ;
De plusurs choses unt parlé.
Icele l’a mult esguardé.
Son vis, sun cors e sun semblant ;
Dit : en lui n’a mesavenant.
Forment le prise en son curage.
Amurs i lance sun message
Qui la somunt de lui amer,
Palir la fist e suspirer.
Mes nel volt mettrë a raisun
Qu’il ne li turt a mesprisun.
Une grant piece i demeura
Puis prist cunglé, si s’en ala.
Et li duna mult a enviz ;
Mes nepurquant s’en est partiz
A sun ostel s’en est alez,
Tuz est murnes e très pensez ;
Pur la belë est en osfrei
La fille sun Seigneur le rei,
Que tant dulcemont l’apela
E de ces qu’ele suspira. - ↑ Cela me coûtera beaucoup quand il me faudra mourir.