Les Mystères de Londres/3/15

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Au Comptoir des imprimeurs unis (7p. 65-95).


XV


DONNOR.


À l’aspect de Donnor d’Ardagh et de son habit noir en lambeaux, le premier mouvement des bandits assemblés dans le parloir de rookery fut de rire : mais l’honnête visage du pauvre Irlandais portait en soi quelque chose qui commandait l’intérêt, ce qui, joint aux paroles de Snail, fit taire les éclats de leur bruyante gaîté.

— Ah ! c’est ton père, cela, Snail, dit Tom en touchant son chapeau : — diable !…

Le gros Charlie et l’autre joueur firent un signe de tête amical.

— Oui, c’est mon père, s’écria Snail, mon brave homme de père qui vient boire avec nous, pardieu !

Donnor avait continué de s’avancer d’un pas précipité tant qu’avait duré son élan ; mais sa course l’avait épuisé. Il se laissa tomber sur un banc et tâcha d’étancher, avec l’aide de ses mains, la sueur de son front.

— Voulez-vous boire, daddy (papa) ? demanda Snail ; je vous présente ces trois gentlemen qui sont mes amis et mes camarades.

Les trois gentlemen firent trois saluts tels quels.

— Si ma femme Magde n’était pas sur l’eau, pardieu ! poursuivit Snail en relevant son col avec une gravité grotesque ; — je vous la présenterais, daddy.

Donnor ne répondait point et regardait son fils avec un muet étonnement. Le ton de Snail avait été, depuis le commencement de cette scène, sans aucun mélange d’irrespectueuse raillerie. Le petit drôle était arrivé à ce point de pouvoir dire toutes ces sottises de la meilleure foi du monde.

— Je n’ai pas soif, dit enfin l’Irlandais avec effort ; — vous avez de beaux habits, Snail.

— Oui, daddy… je ne suis pas mécontent de mon tailleur… Je pense que ma toilette est celle de tous les gens comme il faut.

— Pauvre Nell ! murmura Donnor.

Snail n’entendit pas. S’il eût entendu, il n’eût point compris ce qu’il y avait d’amère douleur dans le souvenir évoqué d’une chaste épouse en face de la dépravation d’un fils.

— Daddy, reprit-il de ce ton de bonne amitié que prendrait un fils honnêtement parvenu en face de son père resté pauvre, — vous ne vous soignez pas assez ! Vous êtes maigre comme un paratonnerre, daddy… N’est-ce pas, Tom ?… Que diable ! vous me ferez passer pour un mauvais fils !

— Laissons cela, enfant, dit Donner avec une gravité pleine de tristesse ; je ne suis point venu ici pour m’occuper de moi… Où donc est votre sœur, Loo ?

— Loo !… par dieu ! j’y pense, daddy, vous avez raison… j’avais engagé Loo à venir vous faire la révérence, comme c’est son devoir… Elle sera ivre, dad, peut-être, voyez-vous… C’est la moindre des choses… il faut bien qu’elle humecte sa pauvre poitrine… Mais où diable est-elle ? ajouta-t-il en parcourant le parloir du regard.

Loo avait disparu.

— Par exemple, voilà qui n’est pas bien, reprit Snail d’un ton sentencieux ; — voyez-vous, Tom, mon ami, je n’aurais jamais cru cela de ma sœur Loo… Que diable ! il faut savoir un peu se conduire… Loo ! ma sœur Loo !

— Assez, Snail, dit l’Irlandais, je vous parlerai seul.

— Du tout, daddy, du tout ; il faut que Loo apprenne les bonnes façons… Elle est la sœur d’un gentleman et ne doit point agir comme une fille sans aveu… Loo ! ma sœur Loo !

On entendit le bruit étouffé d’une toux convulsive que l’on cherchait à réprimer.

— Eh ! je savais bien ! s’écria Snail ; — elle est tombée dans quelque coin… Si c’est comme cela, vous sentez, daddy, qu’il n’y a rien à dire… quand on est ivre…

— Cette toux est affreuse, murmura Donnor qui s’était levé.

— C’est une mauvaise toux, daddy… Mais avec du gin on la fait taire… Tenez ! je vois le bout de sa robe.

Il s’élança et tira le bras de Loo cachée derrière la cloison d’une case. — La pauvre petite fille faisait résistance. L’abrutissement de ses facultés intellectuelles avait empêché le poison de l’exemple d’agir aussi efficacement sur elle que sur son frère Snail : elle pouvait encore avoir honte devant son père qu’elle aimait.

C’était pour cela qu’elle s’était cachée.

Snail la fit sortir de force de sa case et la poussa au devant de Donnor en disant :

— Allons, Loo, par le diable, ma sœur, pas d’enfantillage ! Faites la révérence au daddy, Loo !

La petite fille, confuse, mit ses deux mains sur ses yeux humides.

— Père !… oh ! père !… murmura-t-elle en pleurant.

Donnor avait l’âme brisée. La vue de cette toilette caractéristique, de ces oripeaux d’infamie, la vue de ce fard plaqué sur des joues hâves, aux pommettes desquelles le gin et la consomption avaient mis seulement une étroite tache de sang, la vue de cette poitrine creuse et convulsivement soulevée, tout cela le navrait. Le doigt de la mort était sur cette enfant parée pour l’orgie. Elle haletait parmi ses larmes, et sa toux, contenue, amenait une salive rougeâtre à ses lèvres décolorées.

— Elle ressemblait à Nell pourtant autrefois, pensa Donnor. — Pauvre Nell ! elle a bien fait de mourir !

Loo se tenait toujours devant son père, immobile et les yeux, couverts de ses mains. Donnor lui mit au front un baiser en levant son regard humide vers le ciel.

— Que Dieu ait pitié de vous, ma fille, dit-il.

— Oh ! murmura Loo, je vous aime, daddy… et je pleure quand je pense à vous… Mais il me faut du gin pour éteindre le feu qui est là dedans.

Elle pressait à deux mains sa poitrine.

— Du feu, ajouta-t-elle, du feu, toujours… Si vous saviez, daddy, comme je voudrais mourir !

Donnor fit un geste de muet désespoir.

— Diable, dit le gros Charlie, — ça commence à m’ennuyer.

— Cet habit noir est un vrai rabat-joie, répliqua Tom Turnbull. — Mais pas d’esclandre, vous autres ; il a l’air d’un brave homme.

— Vrai, dad, vous me faites pleurer comme un enfant, s’écriait pendant cela Snail, qui, réellement, s’était ému sans trop savoir pourquoi… Un gentleman ne doit pas pleurer, que diable ! et d’ailleurs, j’ai donné mon mouchoir de batiste à ma jolie Madge… Allons daddy ! allons Loo ! assez de jérémiades comme cela, ou que Dieu me damne !… et vive la joie !…

Snail termina cette harangue éloquente par un formidable miaulement qui fit sauter à la fois tous les personnages présents. Malgré ses prétentions au titre de gentleman, Snail, enchanté de l’effet produit, allait redoubler, lorsqu’un regard de son père lui ferma la bouche.

— Du diable si on peut rire avec vous, daddy, grommela-t-il.

— J’ai à vous parler, Snail, dit doucement Donnor qui se souvenait du motif de sa visite.

— Me parler, dad ?… en particulier, je pense ?.. Quelque secret de famille, que le père veut me confier, ajouta-t-il en se tournant vers ses camarades. Je suis le fils aîné, voyez-vous… l’héritier présomptif, ma foi !

— Faites vos affaires, monsieur Snail, dit gravement Tom Turnbull.

— Gardez-moi mon jeu, reprit celui-ci… faites un mort… Je vais revenir. — Daddy, je suis à vous.

Donnor conduisit ses deux enfants à la case la plus éloignée et s’assit entre eux.

Turnbull se prit à mêler les cartes.

— Le fait est, dit-il avec une sorte de sérieux, que si j’étais le père de deux vermines semblables, — et honnête homme, par hasard, je les écraserais l’un contre l’autre, moi !

— Bah ! grommela Charlie, Loo n’a pas quinze jours à vivre, et Snail ne fera pas long-temps attendre le gibet… Tu perdrais ta peine, Turnbull.

Trois jours se passèrent. Le pauvre Donnor d’Ardagh, dans son zèle enthousiaste, avait promis à la légère plus qu’il ne pouvait tenir. Snail ne savait rien et n’avait nul moyen de savoir, malgré son intelligence réellement fort précoce. La grande Famille, en effet, n’avait garde de confier ses secrets à ses agents subalternes. — Snail avait juré foi d’homme qu’il allait donner satisfaction à son père sous vingt-quatre heures. Présomptueux, vain et ne manquant pas, d’ailleurs, d’une certaine bonne volonté, il tâcha peut-être, mais ne réussit point.

Au bout de ces trois jours, Stephen n’avait donc encore aucun indice qui pût le mettre sur la trace des deux sœurs. Il savait seulement qu’elles n’étaient point tombées sous les coups des assassins de la Résurrection. C’était une consolation négative, un prétexte d’espérer, un encouragement à continuer sans relâche les démarches et les recherches.

Donnor d’Ardagh se multipliait. Son zèle ardent lui donnait des forces. Il allait, tant que durait le jour, s’informant, furetant, épiant. Le soir venu, il rendait compte à Stephen des efforts de sa journée, et comme ses efforts avaient été vains, il s’accusait amèrement de son impuissance.

Dans l’univers entier, il n’y a peut-être pas deux peuples aussi essentiellement différents l’un de l’autre que les Anglais et les Irlandais. Autant les premiers sont dignes jusqu’à la morgue, réservés jusqu’à la froideur, personnels jusqu’à cet égoïsme qui s’accole à leur nom dans les deux mondes en façon de locution proverbiale, autant les autres sont d’abord facile, communicatifs, empressés, serviables, et toujours prêts à se mettre à la disposition d’autrui.

Ces qualités aimables sont, il est vrai, accompagnées chez l’Irlandais d’une sorte d’exagération folle. Il parle de mettre sa main au feu pour un ami d’un jour, et vous jette à la tête, après un quart d’heure de connaissance, l’offre brusque de sa bourse et de son cœur.

On peut prendre son cœur qui est bon, quoique versatile, étourdi, oublieux.

Mais nous défions qui que ce soit de prendre sa bourse. — Ceci soit dit sans l’offenser, car, s’il en avait une, nous croyons sincèrement qu’il l’ouvrirait volontiers.

L’Anglais, au contraire, a une bourse, toujours, mais il ne l’ouvre point, si ce n’est pour prodiguer tout-à-coup, un jour où la fantaisie le talonne, son revenu de deux années avec le faste bruyant d’une ostentation grossière et brutale. — Si le Times enregistrait dans ses incommensurables colonnes les noms des gens charitables, les Anglais se ruineraient en aumônes.

Aussi, sont-ils très forts pour les associations de bienfaisance, où l’aumône se fait à grand bruit, et où chacun a le droit de signer son offrande.

Il n’y aura pas beaucoup d’Anglais dans le royaume des cieux.

L’Anglais est loyal commerçant ; sa parole vaut sa signature, qui est bonne ; il ne s’engage jamais à la légère. L’Irlandais, malheureusement, ne suit point cette méthode. S’il fait un commerce, ce qui est rare, il joue au plus fin, promet sans tenir et laisse protester ses billets.

Mais, hors du commerce, l’Anglais reste toujours un marchand : il y a de l’usurier jusque chez les lords. L’Irlandais, au contraire, sait être homme. Tous les sentiments généreux sont en lui. Il aime, il se dévoue, et sa reconnaissance, lorsqu’elle parvient a percer l’atmosphère d’oubli et d’étourderie où nage son cœur d’enfant, revêt tous les caractères de la passion.

Si l’Angleterre atteignait enfin le but de ses désirs, et parvenait à dominer le monde, l’univers se mourrait bientôt du spleen. Si l’Irlande devenait un peuple et prenait la tête des nations, quels gais meetings on verrait de tous côtés ! New-York trinquerait avec Berlin, Canton avec Paris, et la polka serait dansée, le jour et la nuit, sur toute la surface du globe.

On sait l’immense iniquité de la conduite de l’Angleterre vis-à-vis de l’Irlande. Ce compte-là se balancera quelque jour, et John Bull, — qui s’engraisse de l’autre côté du canal Saint-Georges, sous l’espèce d’un millier d’épais bénéficiaires protestants, verra sa portion rognée. — Daniel O’Connell a déjà bien de la peine à empêcher de mordre les longues dents de l’Irlande, aiguisées par un jeûne de deux siècles.

En attendant, une chose qui mérite d’être notée, c’est la haine hargneuse de l’Anglais protestant contre l’Irlandais catholique. On dirait que les premiers pressentent le terme prochain de leur odieuse et usuraire tyrannie. — Quand le bourreau descend à la haine, c’est qu’il a grand’peur de sa victime.

Quant au mépris systématique affiché long-temps par la métropole, les événements se sont chargés eux-mêmes d’en faire justice.

Donnor d’Ardagh était un véritable Irlandais, mais les défauts particuliers à sa race étaient mitigés chez lui par une sorte de mélancolie native. Il n’en était pas exempt tout à fait, et peut-être avait-il montré plus d’une fois en sa vie l’oublieuse versatilité du caractère national. Mais ici la main de son bienfaiteur l’avait tiré d’une détresse si profonde ! C’était la vie qu’on lui avait donnée en aumône, et puis tout-à-coup sa reconnaissance ardemment excitée s’était trouvée en face d’un malheur. Elle n’eut pas le temps de se refroidir. Donnor se mit à l’œuvre aussitôt. Faible, il travailla comme un homme fort. Une fois l’œuvre commencée, il la continua sans se lasser. Plus on sert, plus on veut servir, quand on a l’âme bonne. Le dévoûment se multiplie par lui-même dans sa course, et il est au cœur de l’homme une faculté sublime qui le pousse à aimer mieux à mesure qu’il sacrifie davantage.

Désormais la rainure était creusée. Donnor appartenait à Stephen plus complètement que si le jeune médecin eût accepté le fantastique marché proposé naguère devant la porte de Mr Bishop, dans Worship-Street.

Par malheur, le pouvoir du pauvre Irlandais était loin d’avoir les mêmes proportions que son zèle.

Stephen luttait avec son énergie calme et le sang-froid de son courage contre l’accablement qui le gagnait. Sa mère, brisée par ce coup affreux qui l’avait frappée à l’improviste, gardait le lit, et Mac-Nab partageait le temps que lui laissait l’activité de ses recherches entre le chevet de la vieille dame malade et le chevet de Frank Perceval.

Ce dernier était en voie de convalescence, et le vieux Jack se délectait à constater chaque matin un peu de mieux.

— Celui-là, au moins, disait-il, fera mentir la devise du grand écusson… une bien belle devise pourtant : Mors ferro nostra mors !… mais pas agréable à mettre en action… Nous avons tiré de là Son Honneur : que Dieu soit béni !

Depuis cette nuit de veille qui avait précédé la fatale nouvelle, cette nuit où le monologue de Stephen, tourmenté à la fois par sa jalousie et ses souvenirs, s’était rencontré d’une façon si extraordinaire avec le rêve de Perceval, le jeune médecin n’avait point eu le temps d’entretenir son ami. Ses visites n’avaient été depuis trois jours que de courtes apparitions. où il se hâtait de faire son office de médecin, pour s’échapper aussitôt après et reprendre sa pénible tâche.

Il n’avait point cependant oublié son dessein d’interroger Perceval. Loin de là, son désir s’était accru parmi les circonstances funestes où il venait de passer, parce que l’enlèvement des deux sœurs se rattachait pour lui, par un lien vague, du reste, et qu’il ne savait point définir, au sujet de ses sombres méditations durant la nuit de veille.

Bien des fois, depuis trois jours, il s’était dit que l’inconnu de Temple-Church n’était point étranger à l’enlèvement.

Cette idée ne tenait point devant le raisonnement, car la conduite d’Edward, durant cette soirée qui avait été comme le prologue des malheurs du pauvre Stephen, prouvait clairement qu’il ne connaissait point les deux sœurs. Et d’ailleurs, la connaissance admise, pourquoi le beau rêveur eût-il enlevé deux jeunes filles ? Les larrons de sa tournure se contentent d’une proie à la fois, et ne sont point si prévoyants que de se faire une réserve de maîtresses.

Mais Stephen avait beau se répéter toutes ces choses raisonnables, il n’y croyait point. Il y avait en lui le parti pris de haïr le magnifique inconnu de Temple-Church, et les Écossais sont presque aussi entêtés que les Gallois.

Le soir de ce troisième jour, il quitta sa mère à la brune, et s’achemina vers Dudley-House, résolu à tenter de découvrir ce qu’il pouvait y avoir de commun entre le rêve de Perceval et sa préoccupation à lui.

Ce rapprochement étrange, cette rencontre du sommeil et de la veille pouvait n’être qu’un hasard. Mais…

Mais, en définitive, on expliquerait toutes choses avec ce mot : hasard ! Et toutes choses seraient assurément fort mal expliquées.

— Eh bien ! ami, s’écria Perceval dès que Stephen fut entré dans sa chambre, — quelles nouvelles aujourd’hui ?

— Aucune ! répondit tristement Stephen.

— Pauvre Mac-Nab ! que je voudrais être debout pour vous aider dans vos rechercher… Ah ! chaque minute me montre plus grand le mal que m’a fait ce marquis de Rio-Santo !… Pensez-vous que je me puisse me lever demain, Stephen ?

Stephen lui tâta le pouls et l’examina.

— Peut-être, dit-il ensuite ; — vous êtes mieux Perceval ; on ne peut plus craindre de vous faire parler… et j’ai d’importantes questions à vous faire.

— Des questions ? répéta Frank étonné ; — je suis prêt à vous répondre… mais que pouvez-vous avoir à me demander qui nécessite un début si solennel ?

Stephen essaya de sourire.

— Mon Dieu ! dit-il, ma tristesse déteint sur toutes mes paroles et sur toutes mes actions, Frank… mais ce que j’ai à vous demander n’est rien moins que solennel… Au contraire, il s’agit d’une circonstance futile et qui emprunte tout son intérêt à un souvenir, terrible, l’assassinat de mon père, — qu’une rencontre récente est venu raviver en moi. Voici ce dont il s’agit, Perceval.

Stephen raconta ici en peu de mots ses sombres méditations, tandis qu’il veillait au chevet de son ami blessé. Il parla de sa jalousie, de l’inconnu de Temple-Church et de sa ressemblance avec l’assassin de son père.

— Quelque chose manquait à cette ressemblance, Frank, ajouta-t-il ; quelque chose dont je ne pouvais me rendre compte… et c’est vous qui, en rêvant, avez mis fin à mes incertitudes.

— Comment cela ? dit Frank.

— Je cherchais le trait, — la chose, — qui manquait à cet homme pour ressembler parfaitement au meurtrier… et vous avez prononcé le nom de la chose qui manquait…

— Ah !… fit insoucieusement Perceval.

— Vous avez dit : la cicatrice…

— La cicatrice !… répéta Frank, qui pâlit et se souleva à demi.

— Puis vous avez dépeint cette cicatrice…

— Ah ! fit encore Perceval, mais non plus cette fois avec insouciance ; — et, dites-moi, ai-je prononcé le nom du marquis de Rio-Santo ?

— Non, répondit Stephen qui, à son tour, s’étonna ; — vous savez donc ce que je veux dire ?

Frank tourna la tête vers le portrait de miss Harriet Perceval qu’éclairaient confusément les derniers rayons du jour.

— Oui, Stephen, oh ! oui, murmura-t-il avec une douloureuse émotion ; — je sais ce que vous voulez dire… Pauvre sœur !… ce rêve me vient souvent… et c’est un horrible rêve !…