Les Mystères de Marseille/Troisième partie/Chapitre III

La bibliothèque libre.
Charpentier (p. 284-293).

III

Où l’on voit les effets d’un bout de chiffon blanc


Il est nécessaire, pour l’intelligence des faits qui vont suivre de décrire en quelques mots la petite maison de la côte. Cette maison offrait une singularité de construction assez bizarre : elle avait deux portes, une sur le devant, qui donnait accès dans les pièces du bas et une sur le derrière, qui conduisait de plain-pied dans les chambres du haut. La maison se trouvait adossée contre une roche, de sorte que le premier étage, vu de l’intérieur des terres, devenait un rez-de-chaussée.

La chambre de Blanche, dont les fenêtres donnaient sur la mer était en haut, à gauche de l’escalier. À la suite de cette chambre il y en avait une seconde, plus petite, qui lui servait de cabinet de toilette, et dans laquelle s’ouvrait la porte de derrière. Une serrure rouillée fermait cette porte, qui n’avait peut-être pas été ouverte depuis vingt ans. La clef était perdue, personne ne passait par là. M. de Cazalis, en louant la maison, n’avait pas songé à s’inquiéter de cette issue condamnée.

Quelques semaines avant ses couches, Blanche, en cherchant à terre une épingle qu’elle venait de laisser tomber, trouva dans une fente, entre le parquet et le mur, une clef dont la présence en cet endroit piqua sa curiosité. Sa première pensée fut que cette clef devait être celle de l’ancienne porte. Elle ne s’était pas trompée : la clef ouvrit, et Blanche, poussant la porte, put jeter un coup d’œil dans la campagne. Elle mit sa trouvaille en sûreté et n’en parla à personne, avertie, par une sorte d’instinct, qu’elle avait désormais entre les mains un moyen de salut.

Le jour de ses couches, après avoir attaché un bout de chiffon blanc au volet de sa fenêtre, elle prit la clef au fond du tiroir où elle l’avait cachée ; puis, elle revint se coucher et la glissa sous le traversin.

Dès que M. de Cazalis sut que les couches auraient lieu le soir, il résolut de s’établir dans la maison et de ne la quitter que lorsqu’il se serait assuré la possession de l’enfant. Il retint le médecin, fit venir la sage-femme, envoya chercher à Marseille une nourrice qu’il avait arrêtée depuis longtemps ; cette nourrice était une créature qui lui appartenait et sur la fidélité de laquelle il pouvait compter. Ces dispositions prises, il attendit les événements, il alla se promener au bord de la mer, inquiet, malgré toutes ses précautions, songeant qu’il était perdu si l’enfant lui échappait. Et il se tranquillisait un peu en se disant que cela était impossible, qu’il ne quitterait pas la porte de Blanche, jusqu’à ce que le nouveau-né fût emporté par la nourrice. Il se promena pendant plusieurs heures le long de la plage, jetant de temps à autre des coups d’œil sur les fenêtres de la chambre, où sa nièce criait dans les angoisses de l’enfantement. Mme Lambert devait venir le chercher, dès que les couches seraient terminées. La nuit tomba. Il finit par s’asseoir au milieu des galets, il regarda les ombres qui allaient et venaient sur les vitres éclairées de la petite maison.

Pendant ce temps, la pauvre Blanche agonisait. Un instant le médecin et la sage-femme désespérèrent de sa vie. Le chagrin avait tellement affaibli son corps, que la secousse profonde de l’enfantement faillit la briser. Elle eut un fils, et elle n’entendit pas le premier cri du pauvre être : pâle, évanouie, comme morte, elle gisait sur son lit de douleur. L’enfant fut mis à côté d’elle, la nourrice n’était pas encore venue et Mme Lambert courut prévenir M. de Cazalis que tout était fini et que sa nièce se mourait.

Le député arriva en toute hâte et fut très contrarié en voyant que la nourrice ne se trouvait pas là. D’ailleurs, il se contint : il lui fallait ne pas montrer son anxiété devant le docteur et la sage-femme. Au fond, il se souciait médiocrement des souffrances de sa nièce, mais il dut jouer l’inquiétude et l’affection, en face de l’accouchée étendue toute blanche sur le lit. Il demanda au docteur s’il y avait encore quelque danger.

« Je ne le pense pas, répondit celui-ci, et je crois que je puis me retirer. »

Il ajouta, en montrant la sage-femme :

« La présence de madame suffira. Seulement, je ne saurais trop vous recommander d’éviter à madame toute contrariété, toute émotion forte. Il y va de sa vie... Je reviendrai demain. »

Comme M. de Cazalis reconduisait le docteur, la nourrice arriva. Il rentra avec elle dans la petite maison et lui fit de vifs reproches, en remontant à la chambre de Blanche. La nourrice s’excusa de son retard, et le député lui donna ses dernières instructions. Elle allait emporter le nouveau-né et veiller sur lui avec une vigilance de toutes les heures. Le lendemain matin, elle devait repartir pour le village qu’elle habitait, dans un coin perdu du département des Basses-Alpes. Il espérait qu’on n’irait pas chercher son neveu au fond d’un pareil trou.

Il trouva près de l’accouchée Mme Lambert et la sage-femme, qui s’empressaient silencieusement autour du lit. Lorsqu’il s’approcha pour prendre l’enfant, afin de le remettre à la nourrice, il rencontra les yeux de Blanche, qui venaient de s’ouvrir tout grands et qui se fixèrent sur lui. Il osa pourtant allonger la main, malgré ce regard.

Alors, la jeune femme fit un suprême effort. Elle réussit à se mettre sur son séant et à attirer son fils contre sa poitrine.

« Que voulez-vous ? » demanda-t-elle à M. de Cazalis d’une voix basse et étouffée.

Le député recula.

« La nourrice est arrivée, répondit-il en hésitant. Vous savez ce dont nous sommes convenus. Il faut lui remettre votre enfant. » Quelques jours avant les couches, il lui avait signifié que l’honneur de la famille demandait l’éloignement du fils de Philippe, dès sa naissance. Elle avait plié comme toujours, devant les paroles brèves et violentes de son oncle. Mais elle espérait qu’elle pourrait garder le nouveau-né au moins pendant vingt-quatre heures, et c’était sur cette espérance qu’elle basait un plan de salut.

Quand elle entendit M. de Cazalis exiger la remise immédiate de l’enfant, elle pensa que tout était perdu. Si on l’emportait sur-le-champ, son plan échouait, elle n’avait pas le temps de le soustraire aux dangers que devinaient ses angoisses de mère.

Elle devint plus pâle encore, elle le serra contre sa poitrine.

« Oh ! par grâce ! cria-t-elle, laissez-le-moi jusqu’à demain matin. »

Elle se sentait faible, elle avait peur d’être lâche et d’obéir.

Le député reprit d’une voix dont il tâchait de contenir les éclats pour ne pas être entendu de la sage-femme :

« Vous me demandez une chose impossible. Votre fils doit disparaître pendant quelque temps, si vous ne voulez pas nous couvrir de honte.

– Je vous le remettrai demain matin, dit Blanche, qui frissonnait. Soyez bon, permettez que je puisse le regarder et l’aimer jusque-là. Cela ne saurait vous faire du tort, personne ne le verra cette nuit, dans cette chambre.

– Eh ! il vaut mieux en finir tout de suite. Embrassez-le et remettez-le à la nourrice.

– Non, je le garde... Vous me tuez, monsieur. » Elle prononça ces derniers mots d’un accent déchirant. M. de Cazalis n’ajouta rien, craignant de s’emporter : cette résistance imprévue le surprenait et l’inquiétait. Il s’avançait pour s’emparer du pauvre petit qu’elle serrait dans ses bras, lorsque la sage-femme, qui avait écouté le prit à part et lui dit qu’elle ne répondait pas de sa nièce, s’il continuait cette scène odieuse. Il vit qu’il fallait céder.

« Eh bien ! gardez votre fils, dit-il à l’accouchée d’un ton brusque. La nourrice attendra jusqu’à demain. »

Blanche plaça son enfant à côté d’elle, puis se laissa aller sur l’oreiller, étonnée et heureuse de sa victoire. Des lueurs roses montèrent à ses joues, et elle baissa les paupières, feignant de sommeiller, tout entière à l’espérance et à la joie.

Peu après, Lambert et la sage-femme, la voyant paisible, se retirèrent pour aller se reposer quelques instants. M. de Cazalis resta un instant seul avec sa nièce, qui tenait toujours ses yeux fermés. Il regardait le nouveau-né, il se disait que ce pauvre être, si faible et si chétif, était son plus cruel ennemi. Comme il allait enfin quitter la chambre, il entendit un léger bruit dans le cabinet de toilette. Il ouvrit la porte, regarda, et, ne voyant rien, il crut s’être trompé. Alors, il se décida à descendre, il se promit de veiller toute la nuit, car il éprouvait malgré lui des inquiétudes sourdes. S’il avait cédé devant le désir de Blanche, c’était qu’il n’avait pu faire autrement. L’enfant aurait dû être déjà loin. D’ailleurs, il se disait qu’il s’en débarrasserait le lendemain, que cela était convenu, et qu’il était impossible que les Cayol vinssent le prendre jusque-là. Lui-même avait mis les verrous de la porte d’entrée.

Dès que Blanche se trouva seule, elle se dressa d’un mouvement brusque, l’oreille tendue. Elle aussi avait entendu le bruit léger qui venait du cabinet de toilette. Elle se leva avec effort, prit la clef cachée sous le traversin et se traîna en chancelant, en se tenant aux meubles, vers la porte qui s’ouvrait sur le derrière de la maison. Une pareille imprudence pouvait la tuer. Mais une force surhumaine semblait la soutenir, et elle avançait, les pieds nus sur le carreau, sans songer qu’elle jouait sa vie. Elle se disait simplement qu’elle sauvait son fils.

On grattait à l’ancienne porte, et telle était la cause du bruit qui avait attiré l’attention de M. de Cazalis. Blanche, dont la tête tournait, réussit à introduire la clef dans la serrure, après avoir failli s’évanouir plus de dix fois. Elle ouvrit la porte.

Ce fut Fine qui entra. Le billet que Blanche lui avait remis à la dérobée, sur la plage, quelques jours auparavant, contenait ces quelques lignes : « J’ai besoin de votre affection et de votre dévouement. Je sais quel est votre cœur, je vais à vous comme on va à une amie. Lorsque je devrai vous appeler à mon secours, j’attacherai un chiffon blanc au volet de ma fenêtre. Je vous attends vers une heure, dans la nuit qui suivra le jour où vous verrez ce signal. Tenez-vous à l’ancienne porte qui se trouve derrière la maison, et grattez doucement, pour m’avertir de votre présence. Vous serez mon bon ange. »

Lorsque Fine eut lu ce billet, elle comprit qu’il s’agissait de l’enfant de Philippe. Elle prit l’avis de Marius, qui lui conseilla d’obéir de point en point aux instructions de Blanche. À partir du lendemain, la bouquetière posta sur la plage, à une centaine de mètres de la petite maison, un gamin qui reçut l’ordre de venir la prévenir tout de suite dès qu’il apercevrait le signal convenu. Le gamin resta près de huit jours sans rien voir. Un matin, il finit par distinguer de loin le bout de chiffon blanc, et il accourut en toute hâte à Marseille.

Le soir, Fine et Marius vinrent en cabriolet jusqu’à Saint-Henri. Ils laissèrent leur voiture au village et s’avancèrent tous deux vers les rochers, au milieu desquels se trouvait située la petite maison. Lui, resta caché à quelques pas de l’ancienne porte, tandis qu’elle, à l’heure indiquée, grattait à cette porte.

Lorsque Blanche lui eut ouvert, elle tomba dans ses bras, évanouie. La bouquetière n’eut que le temps de la porter sur son lit et de couvrir ses membres grelottants. Elle alla ensuite pousser le verrou de la porte qui donnait sur l’escalier, afin que personne ne pût les surprendre. Puis, elle se débarrassa de la grande mante qui l’enveloppait, et elle s’empressa auprès de l’accouchée dont les yeux restaient toujours fermés.

Peu à peu, Blanche revint à elle. Dès qu’elle ouvrit les paupières et qu’elle reconnut Fine à son côté, elle se souleva, dans un élan de joie et d’espérance, elle se jeta à son cou avec des larmes heureuses.

Pendant un instant, elles demeurèrent toutes deux sans voix. Puis, Fine aperçut le nouveau-né, elle le prit et l’embrassa. Alors un cri sortit des lèvres de Blanche :

« Vous l’aimerez comme si vous étiez sa mère, n’est-ce pas ? » demanda-t-elle.

La bouquetière regardait l’enfant avec cette tendresse des filles qui aiment et qui songent à la maternité. En contemplant le fils de Philippe, elle pensait à Marius, elle se disait : « J’aurai un enfant comme celui-ci. » Cette pensée la fit rougir. Elle replaça le nouveau-né sur le lit et s’assit à côté de Blanche.

« Écoutez, dit rapidement celle-ci, nous avons peu de temps à nous. On peut monter et nous surprendre d’un moment à l’autre... Vous m’êtes toute dévouée, n’est-ce pas ? »

Fine se pencha et la baisa au front.

« Je vous aime comme une sœur, répondit-elle.

– Je le sais, et c’est pour cela que je me confie à vous. Je vais vous léguer le plus saint héritage qu’une femme puisse laisser après elle.

– Mais vous n’êtes point morte !

– Si, je suis morte ! Dans quelques jours, lorsque je serai rétablie, j’appartiendrai à Dieu... Ne m’interrompez pas. Je quitte ce monde, et, avant de le quitter, je veux donner une mère à mon enfant, qui n’en aura bientôt plus. J’ai songé à vous. »

Et Blanche serra ardemment les mains de Fine.

« Vous avez bien fait, dit simplement la bouquetière. De tout temps, vous le savez, j’ai un peu considéré votre enfant comme le mien.

– Je n’ai pas besoin, reprit l’accouchée avec effort, de vous dire de l’aimer. Aimez-le comme vous savez aimer, avec tout votre cœur ; aimez-le pour moi et pour Philippe, et tâchez qu’il ait une vie plus heureuse que celle de ses parents. »

L’émotion étrangla sa voix dans des sanglots. Elle continua, après un court silence :

« Mais si je n’ai que faire de vous demander votre amour pour mon enfant, je vous prie à mains jointes de veiller sur lui avec vigilance.. Dès demain, cachez-le quelque part, dans un coin ignoré, évitez qu’on puisse soupçonner le secret de sa naissance ; en un mot jurez-moi de le défendre contre n’importe qui, et de le garder toujours auprès de vous comme un dépôt sacré. »

Elle s’animait en parlant, et Fine la conjura du geste de baisser la voix. »

« Vous craignez quelque guet-apens ? demanda doucement la bouquetière.

– Je ne sais ce que je crains... Il me semble que mon oncle hait cet enfant, je vous le remets pour qu’il ne reste pas en sa possession. Puisque je ne puis rester là pour veiller sur lui, je désire le laisser à une âme honnête qui en fera un homme. D’ailleurs, si même je ne quittais pas ce monde, je refuserais de le garder avec moi, car je suis faible et lâche, je ne saurais le défendre.

– Le défendre contre quoi ?

– Eh ! je ne sais... Je frissonne, voilà tout. Mon oncle est un homme implacable... Mais ne parlons point de cela... Je vous donne mon enfant, et désormais il est en sûreté. Maintenant, je puis m’en aller tranquille. J’ai eu si peur de ne pas vous voir cette nuit, de ne pouvoir vous remettre ce pauvre être !

Il y eut de nouveau un moment de silence. Fine reprit en hésitant :

« Puisque vous me donnez vos instructions suprêmes, je puis, je dois même vous adresser une question... Je sais que vous ne vous tromperez pas sur mes intentions... Vous possédez, je crois, une grande fortune que gère M. de Cazalis ?

– Oui, répondit Blanche, mais je ne me suis jamais occupée de cet argent.

– Votre fils, continua la bouquetière, n’a aujourd’hui aucun besoin, et tant qu’il restera avec nous, il pourra être pauvre. Nous le ferons riche de tendresse et de bonheur... Mais, un jour, la fortune peut être dans ses mains un levier puissant... Vous n’entendez pas le priver de votre héritage ?

– Je vous ai dit que je quittais le monde, je vais être comme morte.

– C’est une raison de plus pour assurer son avenir. Demandez des comptes à M. de Cazalis, réglez vos affaires avant de disparaître. »

Blanche frissonna.

« Oh ! je n’oserai jamais, murmura-t-elle. Vous ignorez la puissance terrible que mon oncle exerce sur moi : un seul de ses regards m’écrase... Non, je ne puis lui demander des comptes.

– Cependant, les intérêts de votre fils exigent de votre part une pareille démarche.

– Non, vous dis-je, je ne m’en sens pas le courage. »

Fine demeura un instant silencieuse et embarrassée. Son devoir la poussait à insister, elle aurait voulu tirer Blanche de ses craintes lâches.

« Puisque vous ne pouvez agir par vous-même, reprit-elle enfin, laissez aux autres le soin de veiller sur la fortune de ce pauvre petit... Vous ne vous opposez pas à ce qu’on revendique un jour cette fortune, que vous semblez abandonner aujourd’hui ?

– Vous êtes cruelle, répondit la jeune mère avec des larmes, vous me faites sentir ma faiblesse et mon impuissance... Vous le savez bien, je vous donne tout pouvoir.

– Alors, rien n’est perdu. Ne signez aucun acte, n’aliénez pas un pouce de vos propriétés... En outre, remettez-moi, dès que vous serez rétablie, les papiers qui constatent l’identité de votre fils... De la sorte, nous serons forts, nous pourrons parler haut, quand l’heure sera venue. »

Blanche paraissait accablée par ces questions d’argent. Si elle avait eu quelque énergie, elle ne se serait point retirée de la lutte, elle aurait vécu pour son enfant, le protégeant elle-même et défendant ses intérêts. La bouquetière devina les réflexions désolées qu’elle faisait, et elle ajouta d’une voix plus basse :

« Si je vous ai chagrinée, si je vous ai fait toutes ces questions c’est qu’il est un homme qui a des droits sur cet enfant, et qui, un jour, veillera lui-même à ses intérêts... Je veux alors lui rendre compte de ma mission et lui donner les moyens d’achever cette mission. »

Blanche éclata en sanglots.

« Je ne vous ai point parlé de Philippe, s’écria-t-elle, parce que je ne dois plus penser à lui. Il a laissé en moi un amour qui m’a dévorée et qui me jette aujourd’hui dans la pénitence... Dites-lui que je l’ai aimé au point de quitter le monde à dix-sept ans, et dites-lui que je le conjure de travailler au bonheur de notre fils. Tout ce qu’il fera sera bien fait. »

À ce moment, Fine entendit un bruit de pas dans l’escalier. Elle se leva, se couvrit rapidement de sa mante et prit l’enfant que la mère lui tendait en pleurant et qu’elle retenait toujours, pour l’embrasser encore. Ces adieux furent pleins d’un désespoir muet et d’une hâte anxieuse.

Blanche se leva pour reconduire Fine et pour refermer la porte derrière elle. Sur le seuil, au vent froid qui soufflait de la campagne, elle demeura un instant demi-nue et déposa un dernier baiser sur le front du petit. Puis, elle n’eut que le temps de tirer le verrou de la porte de sa chambre et de se recoucher. Son oncle entra doucement.