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Les Mystères du confessionnal/Épilogue/07

La bibliothèque libre.
Imprimerie E.-J. Carlier (p. 139-141).



LE
SCEAU DE LA CONFESSION



Le secret des confessions est-il bien gardé par les prêtres qui entendent les fidèles au tribunal de la pénitence ? Le sceau de la confession est-il inviolable ? Question grosse de scandales !

L’Église et ses docteurs se sont efforcés de rassurer le monde catholique au sujet de la discrétion absolue imposée à ses ministres pour les aveux faits en confession ; mais sur la matière, il y a des réserves, commandées pour le bien de la religion, pour le service du prince ; en outre il y a, dans la pratique, des infractions certaines, multiples, provenant de causes diverses, amenées par l’adresse de gouvernantes ou des maîtresses des curés, ou provoquées par l’ivresse dans les réunions joyeuses de prêtres, ou par des confidences soutirées adroitement par des amis du confesseur ayant intérêt à connaître les secrets d’une femme, ou même quand la cupidité et l’ambition du curé sont en jeu et qu’il attend un avancement ou un gros prix de la trahison. Tous ces cas se présentent journellement, et l’on peut dire en toute certitude qu’il n’y a presqu’aucun des prêtres qui confesse filles ou femmes qui ait su garder intact le sceau de la confession depuis qu’il exerce son ministère.

Différents théologiens et certains orateurs sacrés, désirant inspirer aux fidèles une confiance absolue dans le confesseur, affirment que les Conciles et le Vatican ont édicté les peines les plus sévères contre les prêtres qui briseraient le sceau de la confession. La tactique de ces docteurs s’explique naturellement ; il s’agit pour eux de maintenir cette institution, source de leurs richesses, de conserver cet instrument formidable de domination.

Au secret pénitentiel est attaché l’honneur des femmes, des filles, le repos des familles, la paix de la société et des États. Si les confessions peuvent être révélées, que de scandales, que de troubles, que de malheurs publics et privés !

Il y a peu de femmes, parmi celles qui affichent le plus de dévotion, parmi celles que le monde cite comme de hautes vertus, qui n’aient eu leurs jours de faiblesse, et qui n’aient à confesser leurs chutes. Il est essentiel de rassurer ces belles pénitentes, reines ou bourgeoises, impératrices, grandes dames ou grisettes ; c’est pour calmer leurs craintes que l’Église proclame solennellement le sceau de la confession, — obligatoire, inviolable, sacré. — Le moindre doute sur ce sujet délicat suffirait pour éloigner toutes les colombes du sacrement de la pénitence.

Les saints canons renferment donc des prescriptions spéciales contre les prêtres qui se rendraient coupables d’abus de confiance ; ils prononcent l’interdit, la révocation et la peine des galères perpétuelles. Mais ces menaces suspendues sur la tête des délinquants sont plus fictives que réelles, aucun code pénal n’édicte les galères perpétuelles pour des indiscrétions, et aucun gouvernement, même dans les pays catholiques, ne ratifierait les jugements prononcés par l’autorité diocésaine.

Les curés ne s’inquiètent nullement des saints canons pour le règlement de leur conduite en matière de confession ; les menaces inscrites dans les décrétales sont donc sans efficacité pour retenir les intempérances de leur langue, s’ils sont bavards et indiscrets.

Notre grand écrivain J. Michelet exprime une opinion tout à fait défavorable au clergé régulier et séculier sur la question du secret des confessions, notamment en ce qui concerne le Jésuite confesseur. « Le Jésuite n’est pas seulement confesseur, il est directeur et, comme tel, consulté sur tout : mais, comme tel il ne se croit nullement engagé au secret ; en sorte que vingt confesseurs, qui vivent ensemble, peuvent mettre en commun, examiner et combiner les milliers d’âmes qui leur sont ouvertes et qu’ils voient de part en part. Mariages, testaments, tous les actes de leurs pénitents et pénitentes peuvent être discutés, préparés dans ces conciliabules. »

Autre témoignage à produire, d’autant plus concluant qu’il émane d’un prêtre investi d’une dignité ecclésiastique, le chanoine Mouls, qui s’est trouvé en rapports, pendant vingt années ou plus d’exercice du sacerdoce, avec un grand nombre de prêtres, de moines, de chefs d’ordres et des plus hauts dignitaires de l’Église, vivant dans l’intimité des évêques, archevêques et cardinaux.

« Nous prêtres, nous savons de science certaine que souvent les membres du clergé, dans les réunions intimes, après les délices d’un festin, quand le nectar des Dieux a exalté les têtes et délié la langue, ne se font pas faute de porter atteinte indirectement et même directement et de toutes manières au secret du confessionnal.

« Les profanes sont écartés ; les convives peuvent parler en toute liberté. De grands éclats de rire accueillent les révélations que fait un des curés sur les confidences qu’il a reçues en confession de quelque dame connue de l’assistance. On glose et l’on commente les péchés mignons de la belle pénitente ; elle est bafouée et tournée en ridicule. La moquerie s’ajoute à l’indiscrétion. »

Lois de l’Église sur le sceau de la confession, pourriez-vous être respectées par des prêtres en goguette, lorsque des pontifes en font eux-mêmes mépris et commandent aux confesseurs de révéler les secrets du tribunal de la pénitence ?

Pie VII, Léon XII, Grégoire XVI, Pie IX, ont lancé des bulles enjoignant aux confesseurs l’ordre de révéler tout ce qu’ils apprendraient au confessionnal sur la Franc-maçonnerie et sur ses adeptes, sur les sociétés politiques et sur leurs membres, même sur les personnes qui seraient soupçonnées d’en faire partie.

De ces divers témoignages, de ces preuves authentiques, ne doit-on pas conclure que le sceau de la confession est un de ces mensonges sacrés destinés à tromper la foule crédule ?

Époux imprudents, femmes légères, inconsidérées, sachez bien qu’en continuant à fréquenter le tribunal de la pénitence, en envoyant vos enfants à confesse, vous mettez votre honneur, votre repos, celui de vos familles, à la merci d’un homme qui peut abuser et qui, probablement, abusera de la connaissance de vos secrets, ou qui, tout au moins, les fera servir aux amusements d’une société de curés ivres ou qui les livrera aux quolibets des courtisanes de l’Église à ses heures de débauche.

Si nos déclarations et nos affirmations ne suffisent pas pour convaincre les ferventes catholiques sur la divulgation certaine, permanente, par la plupart des confesseurs, des secrets qui leur sont confiés au tribunal de la pénitence, nous les engageons à soumettre leurs doutes au criterium du bon sens, de la logique.

Est-il vrai que les tribunaux français et étrangers enregistrent fréquemment des condamnations contre des curés convaincus d’outrages aux mœurs, de profanations, de sacrilége, d’adultères, de viols, pour attentats odieux commis sur de jeunes enfants, filles ou garçons, au confessionnal, dans l’église, dans les sacristies ou ailleurs ?

Est-il vrai que les tribunaux français et étrangers aient condamné à mort ou aux travaux forcés à perpétuité des curés pour avoir tué, étranglé ou coupé en morceaux des filles et des femmes, leurs pénitentes, dont ils avaient fait leurs maîtresses ; le curé Maingrat, le curé Contrafatto, l’abbé Delacolonge et tant d’autres ?

Est-il vrai que les évêques et les conseils diocésains interdisent presque journellement des curés convaincus d’entretenir des relations intimes avec des filles ou des femmes de leur paroisse ? Est-il vrai qu’ils interdisent a divinis, qu’ils enlèvent l’autorisation de confesser ou même de vêtir l’habit ecclésiastique à des prêtres ivrognes et libertins, objet de scandale pour les fidèles ?

Est-il vrai que ces condamnations et interdictions sont fréquentes et non pas rares ; qu’elles atteignent non quelques sujets, mais un nombre considérable de prêtres, à ce point que — dans la seule ville de Paris — on compte quatre mille prêtres interdits ou ayant jeté la soutane aux orties, et plus de deux mille moines défroqués ?

Est-il vrai que la statistique judiciaire ait constaté pour la France seulement et par année, pour la période écoulée depuis 1830 jusqu’à nos jours, douze cents condamnations infligées à des curés, ou à des Jésuites, ou à des frères de la doctrine chrétienne, pour viols, outrages aux mœurs, attentats à la pudeur commis sur de jeunes enfants, filles et garçons, confiés à leurs soins, ou sur des femmes et des filles, leurs pénitentes ?

Si toutes ces choses sont réelles, constatées, indéniables ; si toutes ces abominations ont eu lieu, si les preuves à l’appui ont été fournies ; si les décisions des évêques les confirment ; si tant de prêtres, de Jésuites, de moines, de religieux de toute robe ont encouru et mérité les flétrissures du pouvoir séculier et les censures de leurs supérieurs ecclésiastiques, que doit-on en conclure ?

Voici les réponses que fournit une logique inflexible à de telles questions :

Les prêtres qui se sont rendus coupables de si grands crimes ou dont la conduite a mérité de tels châtiments n’ont pas plus respecté le sceau de la confession qu’ils n’ont gardé la continence, qu’ils n’ont suivi le précepte de sobriété. Le curé ou le moine qui abuse d’une fille ou d’une femme dans l’église ne s’arrêtera pas devant la violation du sceau pénitentiel. Le prêtre qui s’enivre en société avec d’autres ecclésiastiques n’a pas plus de mesure dans ses paroles que dans ses actes, il dévoilera les secrets de ses pénitentes. In vino veritas ; la vérité dans le vin ; c’est pour les confesseurs ivrognes que le proverbe a été fait.

Poursuivons le raisonnement et voyons ce qui doit se produire dans la pratique, eu égard à l’état actuel de démoralisation du clergé.

On doit étendre la probabilité de la violation du sceau pénitentiel à tous les prêtres condamnés par la justice séculière, à ceux qui sont frappés par l’autorité ecclésiastique, et à ceux qui — ayant pu échapper aux condamnations et à l’interdit — s’écartent de la loi de continence. Or, ceux-là sont dans une proportion telle que le pape Pie IX a dû déclarer que, dans le clergé romain, un seul prêtre sur cent gardait le vœu de célibat. Les clergés des autres pays ne sont ni plus saints ni plus fidèles observateurs de la loi de l’Église que le clergé de Rome ; et nous pouvons affirmer qu’en France, en Espagne, en Belgique et ailleurs, d’après le pontife, il n’y a pas un prêtre sur cent qui s’abstienne de l’œuvre de chair et qui garde le sceau de la confession.