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Les Mystères du confessionnal/Supplément au traité du mariage/01

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Imprimerie E.-J. Carlier (p. 76-86).


PREMIÈRE QUESTION

DE L’EMPÊCHEMENT PAR IMPUISSANCE


Cette matière est obscène, contraire à la pudeur et souvent dangereuse. Ce que nous avons à en dire, par nécessité, ne doit jamais être lu qu’avec une grande pureté d’intentions, et dans un but honnête, pour distinguer une lèpre d’une autre lèpre, appliquer au mal un remède convenable, donner de bons conseils, et pour retirer ou détourner les âmes de la fange du vice honteux. Cette étude offre presque toujours du danger ; mais ceux qui s’y livrent par nécessité peuvent avoir confiance dans les secours du ciel qui font triompher de la tentation. Chacun doit donc fréquemment se rappeler qu’il est en la présence de Dieu qui connaît toutes nos pensées et adresser à la bienheureuse Vierge une courte et fervente prière, comme nous l’avons recommandé au commencement de cet opuscule.


Notions préliminaires


L’essence du mariage est l’acte charnel consommé et accompli. Le mariage est consommé par l’écoulement de la semence de l’homme dans le vase naturel de la femme ou par l’accouplement de l’homme et de la femme, de telle manière qu’ils ne forment qu’une seule et même chair, selon ces paroles de la Genèse : Et ils seront deux dans une même chair.

Toutes les fois que le membre viril ayant pénétré, l’écoulement de la semence de l’homme a eu lieu, le mariage est réputé consommé, que la femme ait eu son écoulement ou non, chose que d’ailleurs on ne peut pas reconnaître d’une manière positive et qui, d’après beaucoup de personnes, n’est absolument nécessaire ni à la conception ni à l’accomplissement de l’acte conjugal. L’impuissance n’est donc pas autre chose que l’impossibilité de consommer le mariage dans les conditions plus haut exposées.

Par conséquent, ceux qui n’ont qu’un testicule ne sont pas impuissants, car ils peuvent introduire leur membre et répandre la semence prolifique. On ne doit pas non plus regarder comme impuissants les vieillards même décrépits. On a vu, en effet, des centenaires avoir des enfants de leur commerce avec de très jeunes filles.

Les femmes stériles ne sont pas, pour ce motif, impuissantes, car il peut arriver que l’introduction du membre viril ait lieu et qu’elles reçoivent la semence de l’homme sans la retenir ou que toute autre cause les empêche de concevoir. Lorsque l’écoulement de la semence a lieu dans le vase naturel, l’acte conjugal est accompli et l’impuissance n’existe pas, quoique, par suite de circonstances accidentelles, la conception n’ait pas lieu. Sont au contraire réellement impuissants les vieillards trop faibles pour introduire leur membre, ou tellement décrépits que l’écoulement de la semence ne peut pas avoir lieu. Il en est de même de ceux auxquels manquent les deux testicules ou qui les ont broyés, parce qu’ils ne peuvent produire la semence prolifique.

On distingue plusieurs espèces d’impuissance : L’impuissance naturelle ou accidentelle ; l’impuissance absolue ou respective, perpétuelle ou temporaire, antérieure ou subséquente.

L’impuissance naturelle est celle qui provient d’une cause naturelle et intrinsèque ; chez l’homme, par exemple, une froideur invincible qui s’oppose à une érection suffisante, une trop grande surexcitation qui occasionne l’écoulement de la semence avant que l’acte charnel ait pu s’accomplir, ou bien l’absence de la verge ou des testicules ; chez la femme, le rétrécissement des parties génitales qui s’oppose à l’introduction du membre viril, ce qui n’est pas rare.

L’impuissance accidentelle est celle qui provient d’une cause extrinsèque, d’un maléfice du démon, par exemple, sur l’homme ou sur la femme. L’effet s’en fait sentir chez l’homme lorsque le démon engourdit ses nerfs au moment où il veut se livrer à l’acte conjugal ; et chez la femme, quand le démon rétrécit ses parties génitales ou trouble son imagination au point qu’elle ne peut supporter l’approche de son mari et que subitement elle ressent pour lui une haine violente.

L’impuissance absolue est celle qui rend une personne impuissante à l’égard de toute autre ; c’est le cas d’un homme privé de ses deux testicules ou qui est d’un tempérament absolument froid.

L’impuissance relative diffère de l’impuissance absolue en ce qu’elle se rapporte à telle ou telle personne et non à la généralité ; une femme, par exemple, peut être trop étroite pour un homme et non pour un autre ; un homme peut être sous l’influence d’un maléfice ou éprouver de la froideur pour une jeune fille et non pour une autre.

L’impuissance perpétuelle est celle dont on ne guérit pas avec le temps, pour laquelle se trouvent sans effet les remèdes naturels et licites et les prières ordinaires de l’Église, ou qui, selon le langage de quelques personnes, ne peut disparaître qu’à la condition de pécher, ou avec danger de mort ou par un miracle. L’impuissance, au contraire, est temporaire si on peut y mettre fin avec le temps, par des remèdes naturels et licites ou par les prières ordinaires de l’Église.

On dit que l’impuissance est antérieure lorsqu’elle précède le mariage et subséquente lorsqu’elle se produit après que le mariage a été contracté.

Ces principes posés, il faut examiner si l’impuissance est un empêchement dirimant du mariage et quelle espèce d’impuissance forme cet empêchement.


PROPOSITION.Toute impuissance antérieure et perpétuelle seulement, qu’elle soit absolue ou respective, est un empêchement dirimant du mariage.


PREUVE. Par parties : I. Toute impuissance antérieure et perpétuelle. Un contrat est nul comme étant sans objet, lorsqu’on ne peut remplir les engagements qu’on a contractés ; celui qui est atteint d’une impuissance antérieure et perpétuelle ne peut donner ce qu’il a promis ; car il a promis l’union charnelle naturelle que le mariage a pour but. Or l’union charnelle naturelle ne peut avoir lieu, dans l’hypothèse ; donc, etc.

Cette preuve résulte encore du droit ecclésiastique et se trouve développée dans le titre qu’elle remplit en entier : De frigidis et maleficiatis (Decretal, l. 4, tit. 15), et de la bulle de Sixte Quint, Cum frequenter, de l’année 1587.

Cet empêchement étant de droit naturel, il n’y a pas d’autorité qui puisse en dispenser.

II. L’impuissance antérieure perpétuelle seulement, qu’elle soit absolue ou respective, est un empêchement dirimant du mariage : Le mariage ne peut être détruit ni par l’impuissance subséquente ni par l’impuissance temporaire.

1o Il ne peut l’être par l’impuissance subséquente, puisqu’il résulte d’une manière certaine, de l’institution du mariage, qu’il est indissoluble lorsqu’il a été contracté d’une manière valide ;

2o Il ne peut l’être par l’impuissance temporaire, car l’essence du mariage ne repose pas sur l’usage actuel des droits qu’il confère ; et les époux, en se promettant la foi conjugale, ne déterminent pas l’époque à laquelle le mariage doit être consommé. Il suffit donc qu’il soit possible de le consommer dans l’avenir, à moins que, par hasard, le consentement de l’un des époux ne fût subordonné à la possibilité d’un coït immédiat.

C’est pour cela que les infirmes et les moribonds eux-mêmes peuvent contracter un mariage valide, quoiqu’ils soient dans l’impossibilité actuelle de pratiquer le coït. Il en est de même de ceux qui, à cause d’un tempérament ardent à l’excès, répandent toujours leur semence avant que le membre viril ait pénétré ; dans ce cas, suivant l’observation de Cabassut, l. 3. chap. 15, no  2, ils peuvent espérer que leurs efforts pour pratiquer le coït ne resteront pas toujours infructueux.

J’ai dit, soit absolue, soit respective, parce que le mariage se contracte avec une personne déterminée, et le mariage est nul s’il ne peut être consommé avec cette personne.

Quoique le code civil ne prévoie pas maintenant ce cas d’empêchement, les tribunaux, sans aucun doute, prononceraient la nullité du mariage s’il s’agissait de l’impuissance antérieure et perpétuelle. C’est ainsi qu’on a toujours jugé au for civil et au for ecclésiastique. Delvincourt, t. 1, p. 405, se range formellement à cette doctrine et donne une approbation complète à un arrêt rendu dans ce sens par la cour de Trèves, le 27 juin 1808. Toullier, t. 1, no  525, prétend que cet arrêt est en opposition avec l’esprit du code : il déclare cependant qu’une femme peut faire prononcer la nullité de son mariage par les tribunaux pour cause d’impuissance accidentelle et manifeste de son mari, dans le cas, par exemple, où il est démontré qu’il était eunuque avant le mariage, et il appuie son opinion des dispositions de l’article 312 du code civil, qui permet au mari de désavouer l’enfant de sa femme s’il prouve qu’il a été absent à l’époque de la conception ou que, pour tout autre motif, il a été dans l’impossibilité d’avoir des rapports charnels avec elle et de pratiquer le coït à l’époque de la gestation.

Quant à nous, nous devons nous occuper spécialement des questions qui se rattachent au for intérieur : Considérée à ce point de vue, cette matière présente un grand nombre de difficultés que nous envisagerons successivement et que nous essayerons de résoudre dans la mesure de nos forces.

On demande : 1o Si un homme et une femme, bien instruits de leur commune impuissance ou de celle de l’un d’eux, peuvent contracter mariage avec l’intention de se prêter un mutuel secours et de rester toujours dans la chasteté.

R. Sanchez, l. 7, disp. 97, no  13, et beaucoup d’autres théologiens qu’il cite, affirment que le mariage est licite dans ce cas, et ils appuient leur opinion des preuves suivantes : Ceux qui ont contracté mariage, quoiqu’atteints d’une pareille infirmité, peuvent habiter ensemble comme frère et sœur, en évitant le danger de tomber dans le péché si donc ils pensent raisonnablement que ce danger n’est pas à craindre, ils peuvent s’épouser en vue de s’aider mutuellement, malgré la connaissance qu’ils ont de leur impuissance. C’est ainsi que la bienheureuse Vierge et St Joseph contractèrent un vrai mariage avec l’intention formelle de se conserver chastes et de ne pas user du coït.

Mais l’opinion la plus ordinaire des autres docteurs est qu’un tel mariage n’est pas licite, car, disent-ils, un tel mariage serait nul s’il n’y avait pas espoir d’arriver à le consommer : Ce serait une véritable imposture, une profanation des cérémonies religieuses et, par conséquent, un sacrilége que de contracter volontairement un mariage nul ; on ne doit donc jamais autoriser de semblables unions. Quant à l’exemple rapporté plus haut, ils nient qu’il soit applicable dans ce cas, car le mariage de la bienheureuse Marie et de St Joseph était valide.

On demande : 2o Quelle est la conduite à tenir lorsqu’on n’est pas sûr que l’impuissance ait précédé ou suivi le mariage.

R. Comme nous n’avons ici à traiter la question qu’au point de vue du for intérieur, c’est la déclaration du pénitent qui doit baser la décision : Le mariage doit être déclaré nul, si le pénitent déclare formellement qu’il est et qu’il a toujours été dans l’impossibilité réelle d’accomplir le devoir conjugal.

On demande : 3o Si les époux ont la faculté d’user du mariage lorsqu’il est positif que l’un d’eux est impuissant. Au for extérieur on présume toujours, jusqu’à preuve contraire, que l’impuissance accidentelle est arrivée après le mariage.

R. Les époux n’ont nullement la faculté d’user de l’acte conjugal : car l’impuissance est ou antérieure ou subséquente ; si elle est antérieure, le mariage est nul ; par conséquent, tout acte vénérien est interdit : si au contraire l’impuissance est subséquente, l’acte conjugal ne pouvant pas être accompli, les époux ne doivent pas se livrer à des actes qui ne sauraient atteindre ce but, et, comme nous le dirons ci-après à propos des attouchements entre époux, ils pècheraient mortellement ou véniellement en usant du mariage.

On demande : 4o Ce que doit faire une femme qui sait positivement que son mari est impuissant et qui a eu un enfant des œuvres d’un autre homme, lorsque son mari, qui se croit le père de cet enfant, veut user de ses droits conjugaux.

R. Il faut prendre garde que sa femme ne regarde pas comme certaine une impuissance qui est tout au plus douteuse ; mais en supposant que l’impuissance soit certaine, elle ne doit autoriser aucune licence, devrait-elle s’exposer à de grands désagréments en repoussant son mari, car elle ferait des actes intrinsèquement mauvais ; dans cette fâcheuse hypothèse, elle doit s’y prendre de son mieux pour persuader à son mari qu’il doit, dorénavant, vivre dans la continence sous prétexte, par exemple, qu’il est vieux ou qu’un seul enfant suffit à leur bonheur, qu’elle-même a horreur de l’acte conjugal, etc. ; et si un jour le mari vient à partager cette manière de voir, elle pourra lui parler en ces termes : Afin de ne pas succomber à la tentation et de ne pas être détournés de notre résolution, faisons ensemble, je t’en prie, vœu de continence perpétuelle. Ce vœu une fois fait, la femme pourra se considérer comme étant en sûreté : elle pourra toujours repousser son mari lorsque celui-ci voudra user des licences conjugales et, sans donner lieu à aucun soupçon de sa part, en prétextant ce double vœu. La femme ne doit pas oublier qu’elle est tenue de réparer le préjudice qu’elle a causé à son mari ou à ses héritiers, en introduisant un bâtard dans la famille, ainsi que nous l’avons dit dans le traité de la restitution.

On demande : 5o Quelle est la conduite à tenir lorsqu’on ne sait pas d’une manière positive si l’impuissance est temporaire ou si elle est perpétuelle.

R. Il s’agit de l’impuissance naturelle et intrinsèque ou bien de l’impuissance par maléfices. Dans le premier cas, à moins qu’il ne s’agisse du manque de quelque partie essentielle, il appartient uniquement aux médecins de se prononcer sur la nature et la durée de cette impuissance, dont les signes principaux sont chez l’homme :

1o La difformité des parties génitales, par exemple, leur volume trop grand ou trop petit ;

2o Une insensibilité insurmontable empêchant l’écoulement de la semence prolifique ;

3o Une aversion naturelle pour tout commerce charnel et tout acte vénérien ;

4o Une mauvaise conformation des testicules.

Cette impuissance se reconnaît chez la femme :

1o Lorsque l’utérus est trop étroit ou complètement fermé ;

2o Lorsqu’il est mal placé ou que la matrice se trouve dans une mauvaise position.

Les canonistes, et surtout les évêques, ont à se prononcer sur l’impuissance qui provient de maléfices et qu’on reconnaît à certains indices :

1o Lorsque la femme, qui d’ailleurs aime son mari, ne peut supporter son approche croyant qu’il ne pourra pas se livrer avec elle à l’acte conjugal ;

2o Lorsque deux époux, au moment de se livrer au coït, sont subitement pris d’une haine violente l’un pour l’autre, quoiqu’ils s’aiment d’ailleurs ;

3o Lorsqu’un mari, qui n’est pas impuissant avec les autres femmes, ne peut accomplir le coït avec la sienne, quoiqu’elle n’ait pas le vagin trop étroit et qu’elle n’oppose pas de résistance.

Quoiqu’en disent certaines personnes dont l’opinion, — dit St Thomas, Suppl., q. 58, art. 2, — a sa source dans l’infidélité ou l’incrédulité, il est certain que l’impuissance peut provenir d’un maléfice. C’est ce que supposent de nombreux conciles et presque tous les rituels et c’est ce que reconnaissent tous les théologiens. Le droit canonique prescrit les règles à suivre dans ce cas, Décrét., cause 33, q. 1, c. 4, et Décrét., l. 4, t. 15, c. 6 et 7. Plusieurs auteurs ecclésiastiques ont traité cette question avec autorité et ont prouvé cette vérité par de solides raisonnements, notamment Thiers, dans son livre intitulé Traité des superstitions. Les encyclopédistes seuls et les écrivains de cette école, combattent cette doctrine et la tournent en ridicule. Aussi, le confesseur, qui reconnaît les traces de l’opération du démon, doit consulter l’évêque ou ses vicaires généraux ; il devra éviter de prendre les effets de l’imagination pour des opérations démoniaques.

On demande : 6o Ce qu’il convient de faire lorsqu’après examen le doute reste encore sur le point de savoir si l’impuissance est perpétuelle.

R. Tous les théologiens et tous les canonistes s’accordent à reconnaître que l’Église, dans ce cas, accorde trois ans aux époux pour tenter d’accomplir l’acte conjugal.

Cela résulte des Décrétales, l. 4, tit. 15, c. 5, et de la pratique constante des tribunaux ecclésiastiques, du moins depuis le pape Célestin III. Au for intérieur, cette règle est également applicable.

Les canonistes ne sont pas d’accord sur l’époque à laquelle doit commencer l’épreuve de trois ans :

Les uns pensent qu’on doit faire remonter le commencement de l’épreuve au jour de la célébration du mariage, les autres prétendent qu’elle doit commencer du jour de la sentence des juges seulement. La première de ces deux opinions est la plus généralement admise : C’est celle que suit la Rote, et il est assez évident que c’est la seule admissible.

D’après l’opinion la plus accréditée, s’il arrive que pendant le temps accordé pour l’épreuve il se passe un intervalle notable au cours duquel les époux ne peuvent pas se livrer aux actes vénériens — littéralement aux choses de la luxure — à cause d’une longue maladie ou d’une absence prolongée, il doit être suppléé au temps perdu par une prolongation de délai, car l’Église accorde pour l’épreuve une période de trois ans et, dans ce cas, la période de trois ans n’est pas complète ; il en serait autrement s’il y avait eu une interruption d’une ou de deux semaines seulement, car ce court espace de temps ne doit pas être pris en considération lorsqu’il s’agit d’un délai de trois ans.

Mais si les époux ont contracté mariage aussitôt après que l’un d’eux est entré dans l’âge de puberté, et qu’ils ne puissent pas accomplir l’acte conjugal, le temps d’épreuve ne doit pas compter du jour où le mariage a été contracté, mais du jour où la puberté a atteint sa plénitude ; car avant la plénitude de la puberté il est difficile de décider si l’impuissance tient à une cause permanente ou plutôt au défaut de forces. C’est l’opinion de Sanchez, l. 7, disp. 110, no  10, de Collator, d’Andeg., Pontas, Collet, etc. La femme atteint la plénitude de la puberté à 14 ans et l’homme à 18 ans.

Du reste, si avant l’expiration des trois ans d’épreuve les parties remarquent que l’impuissance est évidemment permanente, ils doivent en conclure que le mariage est nul et ils sont dans l’obligation de s’abstenir aussitôt de tout acte vénérien.

Il n’est accordé nul délai d’épreuve à ceux auxquels il manque une partie essentielle, car alors la nullité du mariage n’est pas douteuse.

On demande : 7o Quelles sont les précautions dont le confesseur doit user à l’égard des époux et quels sont les conseils qu’il doit leur donner pendant le temps de l’épreuve.

R. L’impuissance provient d’une cause naturelle ou d’un maléfice : dans chacun des deux cas, le confesseur doit user de précautions et donner des conseils.

I. Il doit examiner avec une extrême attention si l’impuissance, qu’on attribue à une cause naturelle, ne provient pas d’un excès de passion ou d’autres causes dont on peut prévenir les effets, car alors il faudrait revenir aux remèdes naturels ; les médecins, en effet, indiquent et prescrivent certains remèdes pour cet objet. Il existe plusieurs causes naturelles qui éloignent l’homme du coït et qu’on peut faire disparaître avec ou sans le secours des médecins, par exemple la difformité de la femme, son haleine puante, la négligence dans ses vêtements et sa toilette, le dégoût, le mépris, etc. : En effet, la beauté et les autres qualités qui rendent une femme aimable sont des excitants très puissants pour l’accomplissement de l’acte conjugal. Dans ce cas, lorsqu’il s’agit d’une chose si importante, et de laquelle dépend le salut éternel de chacun des deux époux, un confesseur prudent doit surtout leur conseiller d’agir, pendant tout le temps de l’épreuve, avec bonne foi et des intentions pures, sans passions désordonnées, sans haine, sans tiédeur, sans inimitié et sans dégoût ; de se prêter réciproquement aux positions les plus propices pour accomplir l’acte charnel ; il doit conseiller à la femme de prendre plus de soin de sa toilette, de se montrer plus aimable pour son mari, par ses caresses et par des parures licites, de chercher enfin, selon les paroles de l’apôtre lui-même, comment elle pourra plaire à son mari.

II. Mais si l’impuissance provient d’un maléfice, il y a encore certaines précautions à prendre, différents conseils à donner.

Le confesseur doit se tenir, pour ces choses, dans une grande réserve :

1o Ne pas attribuer légèrement à un maléfice ce qui provient souvent de la réserve, de la pudeur, d’un trop grand amour, ou de l’irritation et de la haine qu’éprouve une femme contre son mari lorsque ce dernier l’a épousée malgré elle. Ce sont les paroles du savant médecin Zachie rapportées par Collat, du Mariage, t. 2, p. 237.

2o Il doit examiner si l’imagination n’est pas sous l’influence des préjugés ou d’une fausse crainte, car il se trouve dans les campagnes des personnes que la seule idée d’une nudité nécessaire effarouche et empêche de pratiquer le coït.

3o Le confesseur ne doit cependant pas refuser obstinément d’attribuer l’impuissance à un maléfice, car il serait à craindre qu’on n’attribue son obstination à une racine d’incrédulité.

Dans ces circonstances, le confesseur doit conseiller aux époux qui se trouvent dans cette position :

1o De faire à Dieu et au prêtre, avec un cœur contrit et humilié, l’aveu complet de leurs fautes ;

2o De s’efforcer de satisfaire à la justice divine par les larmes, les aumônes, les prières et les jeûnes ;

3o Si, par ces moyens, on ne parvient pas à faire disparaître une impuissance qui résulte, certainement ou, selon toutes les probabilités, d’un maléfice, il faudra recourir aux exorcismes, mais seulement après en avoir référé à l’Évêque et sur son autorisation formelle. Les prières prescrites pour ces sortes d’exorcismes ne se trouvent pas dans notre nouveau rituel. Mais si l’évêque jugeait à propos d’employer ce remède, il déléguerait un prêtre et lui adresserait les formules nécessaires.

On demande : 8o Si une femme, qui est impuissante parce qu’elle a le vagin trop étroit, est tenue de consentir à ce qu’on fasse une incision à la matrice, lorsque les médecins déclarent que cette opération la mettra en état de se livrer à l’acte conjugal.

R. 1o Tous les théologiens déclarent que la femme n’est pas obligée de se soumettre à cette opération, lorsqu’il doit en résulter un grave danger pour sa vie, car l’empêchement, dans ce cas, est regardé comme permanent ; d’où il suit que, dans le cas où l’impuissance viendrait à disparaître par suite d’une opération faite nonobstant le danger, le mariage n’en serait pas moins nul. Il faudrait procéder à une nouvelle cérémonie nuptiale pour que les époux pussent se livrer au coït sans péché.

R. 2o En supposant que l’impuissance dût disparaître à la suite d’une incision qui ne présenterait pas de danger, le mariage serait valide sans un nouveau consentement, et les époux auraient toute faculté d’user des licences conjugales ; car, d’après les Décrétales, 1. 4, tit. 15, c. 6, l’impuissance dont on peut guérir sans miracle ou par des moyens qui ne mettent pas la vie en danger n’est pas permanente et ne constitue pas un empêchement dirimant.

Mais il s’élève une grave controverse entre les théologiens, sur le point de savoir si une femme est tenue de supporter une opération de cette nature, lorsqu’il est reconnu qu’elle est nécessaire et qu’elle ne présente aucun danger.

Plusieurs théologiens prétendent qu’elle est tenue de supporter l’incision s’il n’y a qu’une faible douleur à supporter ou une légère maladie à craindre ; mais ils assurent qu’elle n’y est pas tenue s’il y a danger de grave maladie ou si elle doit en éprouver une trop violente douleur, car, disent-ils, elle a, il est vrai, promis son corps pour l’accomplissement de l’acte conjugal, mais elle l’a promis dans l’état où il se trouvait, et elle n’est pas censée avoir voulu se soumettre à de pareilles incommodités. Ainsi, quoique le mariage soit valide parce que l’empêchement peut absolument disparaître par des moyens naturels et licites, la femme est suffisamment dispensée de rendre le devoir conjugal.

D’autres, au contraire, affirment que la femme est obligée de subir l’incision, même lorsqu’elle doit en éprouver une douleur violente ou qu’il doit en résulter une grave maladie, pourvu que ce ne soit pas au péril de la vie, et ils appuient leur opinion du raisonnement suivant : Le mariage, dans ce cas, est valide, ainsi qu’il résulte du chapitre des Décrétales déjà cité ; le mari ne pouvant pas prendre une autre femme serait donc condamné à une continence perpétuelle ; or, la femme doit supporter les plus graves incommodités pour épargner à son mari un aussi fâcheux inconvénient.

La première de ces décisions est la plus ordinairement suivie, et c’est à celle-là que se sont rangés Sanchez, Collet, Billuart, Dens, etc. Collet et quelques autres avaient décidé qu’un motif de pudeur était suffisant pour dispenser la femme même d’une incision qui ne présenterait pas de danger ; il a plus tard changé d’opinion, comme il le déclare lui-même, en se basant sur les raisons qu’une femme, sur laquelle le mari a plusieurs fois tenté d’accomplir l’acte vénérien, n’est déjà plus vierge dans toute l’acception du mot, qu’elle doit éprouver une grande affliction de paraître méprisable aux yeux de son mari, et qu’aujourd’hui les médecins s’occupent presque partout des accouchements.

Ordinairement, cependant, on ne prescrit pas l’incision sous peine de refus de l’absolution, et nous ne trouvons nulle part qu’elle ait été prescrite par l’Église quoique les empêchements de ce genre se soient souvent présentés. Aussi, pour un cas de cette nature, je conseille à la femme de se faire accompagner de son mari pour consulter un chirurgien ou un médecin pieux et savant, de lui découvrir franchement son état et de le prier d’appliquer le remède convenable. Lorsque le médecin ou le chirurgien déclare que l’incision est nécessaire et sans danger, j’exhorte la femme à s’y soumettre ; lorsque je remarque que mes exhortations n’auront pas de résultat, je m’abstiens d’aller plus loin. Mais le délai de trois ans accordé pour l’épreuve écoulé, on doit, dans toute hypothèse, défendre formellement à la femme de permettre à son mari la moindre liberté contraire à la chasteté.

Certaines onctions suffisent quelquefois pour dilater le vagin de la femme ; c’est du moins ce qui est heureusement arrivé une fois, ainsi que j’en ai la preuve, par des témoignages dignes de foi.

On demande : 9o Si le mariage est valide lorsque la femme, affligée d’un rétrécissement, a été, par son commerce avec un autre homme, rendue capable de se livrer à l’acte conjugal.

R. L’opinion la plus ordinaire est que le mariage est valide, car on doit juger alors que l’impuissance n’était pas permanente ; cependant, si la femme avait le vagin tellement étroit à l’égard de son mari que ce dernier n’eût jamais pu la connaître en usant des moyens naturels et licites, l’impuissance devrait, dans ce cas, être considérée comme respectivement permanente ; dans cette hypothèse, le mariage serait nul : or, il est évident que la femme ne peut, par son commerce avec un autre homme, faire disparaître ce cas de nullité ; mais les époux peuvent contracter, devant l’Église, un nouveau mariage d’un consentement mutuel.

On demande : 10o Ce qu’il faut penser et quelle est la conduite à tenir lorsque l’un des époux, impuissant par maléfice, devient puissant par un nouveau maléfice ou autre remède interdit.

R. Le mariage est nul, dans ce cas, en supposant que l’empêchement n’eût pas pu disparaître par d’autres moyens, car, d’après le chap. 6, tit. 15, liv. 4, des Décrétales, l’empêchement qu’on ne peut faire disparaître qu’en commettant un péché est réputé permanent ; citons un exemple : Pierre a épousé Pauline dont il se sépare pour cause d’empêchement provenant d’un maléfice ; il contracte un nouveau mariage avec Gertrude et, le maléfice persistant, il ne peut se livrer à l’acte conjugal avec sa nouvelle épouse. Si la période de trois ans écoulée, cet empêchement persiste et qu’il vienne à être détruit par un nouveau maléfice, le second mariage sera nul comme le premier, et, sans qu’il puisse en résulter de scandale, il pourra les abandonner toutes deux ou prendre l’une ou l’autre, à son choix. Pontas, sous le titre Empêchement d’impuissance, cas 15, décide, contrairement à l’opinion qui précède, que Paul doit rester avec Gertrude et qu’il ne lui est pas permis de retourner auprès de Pauline. Dans l’un et l’autre cas, le consentement doit être réitéré et on doit procéder à une nouvelle célébration du mariage.

Du reste, comme aujourd’hui un empêchement de cette nature ne donne pas lieu à une séparation civile, il est inutile de soulever, sur cette matière, d’autres questions agitées autrefois par les docteurs.

On demande : 11o Ce qu’il faut décider lorsque l’impuissance persévère après l’écoulement de la période triennale.

R. Autrefois, au for extérieur, les parties étaient de nouveau appelées et entendues ; on prescrivait la visite de leurs corps par des personnes compétentes si elle n’avait pas déjà eu lieu, et si on décidait que l’impuissance était permanente, le mariage était aussitôt déclaré nul ; dans le cas où le doute continuait d’exister, on prononçait néanmoins la dissolution du mariage afin de ne pas mettre celui qui avait à souffrir de l’impuissance dans le cas d’attendre trop longtemps et peut-être toujours. Voy. Sanchez, l. 7, disp. 94, no  12, et les théologiens dont il rapporte les décisions. C’est que l’Église, alors même que l’impuissance n’était pas permanente, rompait le mariage de sa propre autorité, faisant d’un tel cas un empêchement dirimant.

Dans les deux hypothèses, on autorisait celui des deux époux qui n’était pas impuissant à contracter un nouveau mariage, mais on défendait à celui qui était frappé d’impuissance, de prendre de nouveau un conjoint, à moins qu’il ne fut constaté que son impuissance n’était pas absolue de sa nature.

Mais aujourd’hui que nous n’avons à nous occuper que du for intérieur, dès qu’il est établi que l’impuissance est permanente, il faut exiger que les époux vivent comme frère et sœur, qu’ils couchent dans des lits séparés et qu’ils s’abstiennent de toutes les libertés qui sont interdites aux personnes non mariées : Ainsi l’ordonnent les Décrétales, chap. 5, tit. 15, liv. 4. Et si les époux ne peuvent pas vivre de cette manière sans qu’il en résulte danger prochain de péché, ils doivent cesser de vivre en société, de fait sinon de droit, malgré les inconvénients que la séparation peut avoir pour eux et le scandale qui peut en résulter, après avoir toutefois essayé inutilement des moyens de rester chastes.

On demande : 12o Si on peut abandonner à leur bonne foi des époux atteints d’une impuissance permanente, qui ignorent la nullité de leur mariage et qui, après trois ans passés, tentent encore d’arriver à l’acte conjugal.

R. S’il était établi qu’ils sont dans la bonne foi et qu’un avertissement resterait sans effet, il serait peut-être convenable de les laisser dans l’ignorance, car dans ce cas on tolérerait un moindre mal, c’est-à-dire un péché matériel pour en éviter un plus grand, c’est-à-dire un péché formel. Il paraît peu probable que deux époux croient toujours de bonne foi qu’il leur est permis de tenter un acte qu’ils n’accomplissent jamais et qu’ils ne peuvent pas accomplir. Mais il peut arriver que l’ignorance dans laquelle ils sont à cet égard devienne une excuse, sinon de tout péché, du moins du péché mortel. C’est pourquoi nous pensons qu’on doit les avertir et les détourner du péché ; mais il est ordinairement plus prudent de leur laisser ignorer la gravité du péché.

On demande : 13o Ce qu’on doit faire après la dissolution d’un mariage pour cause d’impuissance, lorsqu’on reconnaît que l’époux, qui avait été déclaré impuissant, est apte à pratiquer le coït.

R. Lorsque l’impuissance a disparu par des moyens illicites, surnaturels ou gravement dangereux, l’empêchement est considéré comme permanent, par conséquent c’est à bon droit que la dissolution du mariage a été prononcée.

Mais les canonistes sont partagés d’opinion lorsqu’il s’agit d’une impuissance qu’on a guérie par des moyens naturels ; la première de ces opinions est celle des Gallicans qui prétendent que la partie, qui a obtenu la séparation pour cause d’impuissance de l’autre partie, n’est jamais tenue de revenir avec celle dont elle est séparée, celle-ci viendrait-elle à prouver qu’elle n’est pas impuissante :

1o Parce que s’il s’agit de l’homme, comme c’est l’ordinaire, il est difficile de prouver qu’il n’est plus impuissant, car il peut arriver qu’il ne soit pas le père des enfants qu’il croit lui appartenir ;

2o Parce que l’Église gallicane a pu établir qu’une semblable impuissance, quoiqu’elle ne fût pas permanente, dirimerait le mariage ;

3o Parce qu’on présume que l’impuissance a été seulement relative.

La seconde opinion, et la plus générale, est celle des théologiens étrangers qui enseignent, d’après St Thomas, suppl., q. 58, art. 1, que l’époux ou l’épouse, séparé par l’autorité de l’officialité ou de l’évêque et qui a déjà contracté un nouveau mariage, est tenu de revenir à son premier conjoint, lorsque l’impuissance de ce dernier a disparu. C’est la décision des papes Innocent III et Honorius III, rapportée par les Décrétales, 1. 4, tit. 15, chap. 5 et 6. Si un cas semblable se présentait dans la pratique, ce qui est aujourd’hui presque impossible chez nous, on devrait en référer à l’évêque.

On demande : 14o Ce qu’il faut penser du mariage des personnes qui n’ont pas atteint l’âge de puberté.

R. Les mariages des impubères sont nuls, d’après le droit ecclésiastique, et ne sont valables que comme fiançailles. Décrét., 1. 4, tit. 2, chap. 14. Cette règle a été sagement établie pour prévenir, dans un grand nombre de cas, le défaut d’une mère réflexion requise pour contracter des engagements d’une aussi grande importance.

On excepte cependant trois cas dans lesquels les mariages des impubères seraient réputés valides :

1o Lorsque la malice vient suppléer à l’âge ; c’est le cas d’un enfant qui, par des actes souvent répétés, devient capable de consommer l’acte conjugal avant d’avoir atteint l’âge de puberté, ce qui peut arriver, comme l’atteste St Jérôme, par l’exemple du roi Achaz qui, à l’âge de onze ans, engendra Ézechias, fait rapporté dans le quatrième livre des Rois, c. 16. 2, et c. 18. 2. C’est encore le cas d’une fille qui serait devenue enceinte avant l’âge de douze ans.

2o Lorsque les époux qui se sont mariés avant l’âge de puberté continuent de se livrer à l’acte conjugal après être devenus pubères, ils ne peuvent plus être séparés, car on suppose de leur part un consentement nouveau. Décrét., 1. 4, tit. 2, chap. 10, et tit. 19, chap. 4.

3o Les princes et les princesses peuvent, dans l’intérêt de la paix entre les États, contracter un mariage valide avant d’avoir atteint l’âge de puberté, néanmoins, les docteurs regardent comme nécessaire une dispense du souverain pontife, ou tout au moins de l’Évêque diocésain. Navarrus, Coll. Andeg., Collet, etc., regardent la dispense donnée par l’évêque comme suffisante.

Voyez ce que nous avons dit dans notre traité au sujet de l’âge requis pour contracter mariage.

On demande : 15o Ce qu’il faut penser du mariage des hermaphrodites.

R. Les hermaphrodites sont ainsi appelés de deux mots grecs HERMÈS (Mercure) et APHRODITE (Vénus), parce qu’Hermaphrodite, fils de Mercure et de Vénus, était des deux sexes. On les appelle aussi Androgynes, c’est-à-dire homme et femme tout à la fois. Si on ajoute foi aux savants qui ont traité la matière dans l’histoire naturelle, il n’a jamais existé des hermaphrodites proprement dits, car ils auraient dû avoir en même temps les organes des deux sexes, pouvoir engendrer comme hommes et concevoir comme femmes. Ce ne sont ordinairement que des monstres qui ne sont capables ni d’engendrer, ni de concevoir, ni de consommer l’acte conjugal. Il est évident, dans ce cas, qu’ils ne peuvent contracter un mariage valide, et le curé qui est certain de leur incapacité est tenu de s’opposer à de semblables unions. Mais, si l’un des deux sexes prévaut chez eux, à ce point qu’ils puissent consommer l’acte conjugal, on peut les autoriser à contracter mariage à la seule condition de promettre qu’ils useront seulement du sexe qui domine.

Il est à remarquer que les hermaphrodites ne peuvent ni recevoir les ordres sacrés ni embrasser la profession religieuse tant que leur sexe reste dans le doute. Sanchez et les nombreux théologiens qu’il cite, l. 7, disp. 106, no  10, sont très explicites sur cette question.