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Les Mystères du peuple/XVI/2

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Les Mystères du peuple — Tome XVI
CHAPITRE DERNIER




CHAPITRE DERNIER [1].


Comment la famille Lebrenn, ayant achevé, le 1er décembre 1851, la lecture de l’Histoire d’une famille de prolétaires à travers les âges, reçut la visite inattendue de Rodolphe de Gerolstein. — Comment le R. P. Rodin, que l’on avait cru mort en 1832 d’une atteinte de choléra, était revenu à la vie et jouissait d’une excellente santé, malgré son grand âge. — Surprenantes propositions de Rodolphe de Gerolstein à la famille Lebrenn, qui les accepte. — Le bateau à vapeur la République universelle.


Rappelons au lecteur les principaux événements servant d’introduction à nos récits. Ces événements, le lecteur a dû en oublier quelques-uns durant cette longue pérégrination historique qu’il vient d’accomplir à travers les siècles, assistant aux vicissitudes de l’existence de notre famille de prolétaires, — depuis la conquête de la Gaule, par Jules-César, époque où vivait Joël le Brenn (le chef) de la tribu de Karnak, jusqu’à la révolution de juillet 1830, dernier épisode de la légende intitulée le Sabre d’honneur, et écrite par Jean Lebrenn, témoin ou acteur de tous les événements mémorables de l’ère révolutionnaire, commençant le jour de la prise de la Bastille et se terminant par l’établissement du consulat du général Bonaparte, après le 18 brumaire, et qui enfin (Jean Lebrenn) avait vu l’empire, la première restauration, les cent-jours, la seconde restauration, puis la révolution de juillet 1830, dont il avait écrit le récit dramatique quelques mois avant sa mort et celle de sa femme, tous deux emportés le même jour par le choléra, le 17 avril 1832.

Rappelons encore au lecteur que Marik, fils de Jean Lebrenn, et glorieusement blessé en 1830, sur la barricade élevée rue Saint-Denis, presque à la porte de la maison paternelle, avait continué le commerce de toilerie de son père, à l’enseigne de l’Épée de Brennus, pendant le règne de Louis-Philippe, et pris une part active à la révolution de février, ainsi que son fils Sacrovir, à peine âgé de deux ans en 1830. L’on sait, de plus, que le comte GONTRAN DE PLOUERNEL, séparé de son régiment et chargeant à la tête d’un peloton de dragons dans la rue Saint-Denis, fut renversé de son cheval, et ne dut la vie qu’à M. Lebrenn, qui lui offrit un refuge, quoique le colonel eût nourri quelque velléité de séduire Velléda (fille de M. Lebrenn), laquelle, peu de temps après la révolution de 1848, épousa Georges Duchêne, artisan menuisier.

Rappelons enfin au lecteur que, lors des fatales journées de juin 1848, Marik Lebrenn, alors capitaine de la garde nationale, s’était avancé sans armes, ainsi que plusieurs citoyens de sa compagnie, vers une barricade occupée par les insurgés ; ils espéraient, par leurs paroles, mettre terme au funeste malentendu qui divisait les républicains en deux camps ; déjà la voix de M. Lebrenn était écoutée, déjà ses frères comprenaient que, si légitimes que fussent leurs griefs, une insurrection serait en ce moment le triomphe des ennemis de la république à peine affermie ; mais, soudain, une pluie de balles pleut dans la barricade derrière laquelle parlementait Marik Lebrenn : un bataillon de gardes mobiles attaquait cette position ; les insurgés se défendaient en héros ; la plupart sont tués, un petit nombre est fait prisonnier. Marik Lebrenn, confondu avec eux, et plus tard traduit devant un conseil de guerre, déclare loyalement que, déplorant l’insurrection, tout en s’expliquant ses motifs, il espérait de faire entendre aux insurgés le langage d’une réconciliation fraternelle, au moment de l’attaque de la barricade. M. Lebrenn ne fut pas cru, et condamné, le croira-t-on jamais ? et condamné aux galères, comme plusieurs autres victimes de ces néfastes journées. Il dut, à son insu, sa sortie du bagne, au bout de deux mois, à la pressante sollicitude du comte de Plouernel (étrange revirement des événements politiques), jaloux d’acquitter la dette contractée par lui envers Marik Lebrenn, à qui il avait dû la vie en février 1848.

Ce fut donc quelques jours après le retour de Marik Lebrenn du bagne de Rochefort, à Paris, vers le commencement du mois de septembre (1848), que sa famille avait commencé de lire, chaque soir, cette légende domestique remontant à la conquête de la Gaule par Jules César.

M. Lebrenn et sa femme Hénory, Sacrovir, sa sœur Velléda et son mari, Georges Duchêne, assistaient à la lecture ; elles durèrent longtemps, l’on n’y consacrait que deux heures presque chaque soir, et les réflexions, les commentaires annexés par les nombreux et divers incidents de l’histoire de cette famille de prolétaires à travers les âges, depuis l’an 57 avant Jésus-Christ, jusqu’en 1830, réduisaient encore la durée du temps consacré à ces auditions quotidiennes. L’on ne s’étonnera donc pas de ce que, commencée en septembre 1849, elles ne s’achevèrent qu’à la fin de novembre 1851.

Il serait superflu de remémorer au lecteur les événements politiques survenus durant ces trois années. Ils sont présents à tous les esprits.

Donc, ce soir-là, du dimanche 1er décembre 1851, la famille Lebrenn réunie dans le modeste salon de l’entre-sol dépendant du magasin, venait d’entendre la fin de la légende du Sabre d’honneur, légué par Jean Lebrenn, et terminée par ces paroles prophétiques : « Donc, patience, persévérance, courage et certitude, fils de Joël, quelles que soient les épreuves qui vous sont encore réservées… ayez une foi inébranlable dans l’avènement de la démocratie universelle. »

— Ah ! — dit Sacrovir, en déposant le manuscrit sur la table, — de combien il s’en est peu fallu, en 1848, que la prophétie de Victoria s’accomplît… Partout les trônes chancelaient : Révolution à Naples, à Vienne, à Berlin, à Milan, à Rome ; l’Italie en feu, la Confédération germanique voulant décréter la fédération républicaine à la diète de Francfort ; révolution à Francfort, la Hongrie soulevée, la Pologne et l’Espagne frémissantes ; l’Europe entière, enfin, révolutionnée, sauf la Russie. Et que pouvait son autocrate contre tous les peuples confédérés et ligués contre lui dans une sainte alliance, trois fois sainte, celle-là ; oui, un pas encore, et notre génération saluait les États Unis de l’Europe… Mais, hélas ! ce mouvement sublime a avorté. Se reproduira-t-il de longtemps ?

— Eh ! qu’importe, mes enfants, que nous assistions ou non à l’aurore de ce beau jour, si nous avons la certitude que sa féconde lumière brillera bientôt sur le monde régénéré ! La déception même de 1848 est un gage assuré de l’accomplissement de la prophétie de notre aïeule Victoria. La croyez-vous donc éteinte, cette lave révolutionnaire qui, en 1848, a fait irruption sur tant de points en Europe ? Non ! non ! quelles que soient les apparences, quelle que soit la compression, l’idée révolutionnaire couve à cette heure sous le sol ; elle s’étend et gagne en profondeur par mille rameaux souterrains ; tôt ou tard, plus tôt que plus tard, l’on verra soudain sa dernière et irrésistible explosion et, sur les débris du vieux monde, s’établir la société nouvelle !

— Comment douter de ce grand avènement, mes enfants, — reprend madame Lebrenn, — à cette heure où nous venons d’achever d’entendre l’histoire de notre obscure famille à travers les siècles ! Ah ! je ne puis vous dire le recueillement religieux que m’inspire la contemplation de cette nouvelle preuve de la marche éternelle du progrès de l’humanité ; ainsi nos aïeux, soumis par la conquête des Romains, puis par la conquête des Francs, au plus dur esclavage, progressèrent cependant toujours et peu à peu vers la liberté. Ainsi, d’abord, ils sont esclaves et vendus, exploités, traités comme un vil bétail humain ; puis d’esclaves, ils deviennent serfs, et de serfs vassaux. Enfin, ils revendiquent et conquièrent leur souveraineté, consacrée par l’immortelle république de 1792, et confirmée par celle de 1848. Ah ! lorsqu’on voit un tel progrès accompli à travers les siècles, comment douter de celui que nous réserve l’avenir ?

— Il est vrai, ma mère, — dit Georges Duchêne, — la connaissance du passé donne une fois sainte dans l’avenir !

— Et maintenant que cette lecture est achevée, — reprend Velléda pensive, — quelle étrange et profonde émotion l’on ressent en songeant à tous les personnages de notre antique famille, et qui viennent de nous apparaître, pour ainsi dire, vivants et sortant de la poussière des anciens âges. Hêna, la vierge de l’île de Sên ; Joël, le chef de la tribu de Karnak ; Sylvis, l’esclave romain, et sa sœur Siomara ; puis Geneviève, qui vit mettre à mort Jésus de Nazareth ; Scanwoc’h, le soldat, frère de lait de Victoria-la-Grande ; et Ronan-le-Vagre, cet intrépide révolté contre la sanglante conquête des Francs, réduisant à l’esclavage les Gaulois vaincus ; Loysik-le-Moine-Laboureur, témoin de la mort de Brunehaut ; Amaël, compagnon d’armes de Karl Martel, et commis à la garde du dernier rejeton de Clovis ; Vortigern, qui fut aimé de Téthralde, fille de Charlemagne ; Eidiol-le-Nautonier-parisien ; puis Gaëlo-le-Pirate, ancêtre du prince de Gerolstein, et l’un des compagnons d’armes de Rolf, devenu duc de Normandie et gendre du roi de France Charles-le-Sot ; Yvon-le-Forestier, témoin de la mort de Louis-le-Fainéant, dernier rejeton des Carlovingiens, et auquel succéda Hugh le Chappet, intronisant sa dynastie par l’adultère et par le meurtre ; Fergan-le-Carrier, serf des sires de Plouernel, et qui, partant pour la Palestine, assista au siège de Jérusalem ; son fils Colombaïk, l’un de ces hardis communiers de la ville de Laon, combattant contre leur seigneur l’évêque, et affranchissant les communes du joug féodal ; Karvel-le-Parfait supplicié avec sa douce femme Morise, lors de la croisade contre les Albigeois ; Mazureck-l’Aignelet, époux d’Aveline-qui-jamais-n’a-menti, fille de Guillaume Caillet, le chef immortel des Jacques ; Mahiet-l’Avocat-d’Armes, qui vit mourir Jeanne Darc, la vierge des Gaules ! Lebrenn-l’Imprimeur, dont la fille Hêna fut brûlée vive devant François Ier ; Antonicq, qui combattit intrépidement au siège de La Rochelle avec Cornélie-Miran, sa vaillante fiancée ; Lebrenn-le-Marin, l’un des héros de la révolte des vassaux de Bretagne, voulant imposer le CODE PAYSAN à leurs seigneurs et à leurs évêques sous le règne de Louis XIV ; enfin, Jean Lebrenn, notre aïeul, dont la sœur Victoria fut victime des monstruosités de Louis XV ; Jean Lebrenn, commis à la garde de Louis XVI, et qui n’a pu saluer, hélas ! la république de 1848 ! Oui, lorsque tant de personnages de notre sang, de notre race, apparaissent à ma pensée à travers les profondeurs des siècles, j’éprouve une sorte de vertige, en remontant ainsi d’âge en âge vers le berceau de notre famille, au temps de la république des Gaules.

Ces paroles de Velléda avaient été écoutées avec recueillement par les membres de la famille. M. Lebrenn rompit le premier ce religieux silence, et reprit :

— Ah ! mes enfants, si la valeur de notre légende est grande, quoiqu’elle soit sans aucun mérite littéraire, c’est que cette légende est non-seulement l’histoire de notre famille, mais elle est aussi, à bien dire, l’histoire de tous les prolétaires, de tous les bourgeois descendant de la race gauloise, conquise et asservie par les Francs, conquérants jusqu’en 1789, heure de leur complet affranchissement ; oui, la lutte des fils de Joël à travers les âges contre les fils des Neroweg, dont M. de Plouernel est le descendant, résume les luttes séculaires entre les vainqueurs et les vaincus, entre les oppresseurs et les opprimés. Elle doit, en nous donnant connaissance et conscience de ce que nos pères ont souffert pour reconquérir leur liberté, leurs droits, consacrés par la proclamation de la souveraineté du peuple, lors de l’immortelle république du 20 septembre 1792, nous rendre plus fiers et plus jaloux encore de cette souveraineté, conquise au prix de tant de larmes, de tant de misères, de tant de sang, et nous inspirer le dévouement nécessaire pour la défendre jusqu’à la mort !

Gildas, le garçon de magasin, entre en ce moment dans le salon et dit à M. Lebrenn en lui remettant une carte de visite : — Monsieur, la personne qui vous fait tenir cette carte demande à vous parler sur-le-champ pour une cause très-urgente.

M. Lebrenn prend la carte que lui remet Gildas, et lit tout haut ce nom :

— RODOLPHE DE GEROLSTEIN.

— Quoi ! — dit vivement madame Lebrenn à son mari, — serait-ce l’un des descendants du prince Frantz de Gerolstein, parent et ami de ton père ? et que le grand-duc régnant garda si longtemps prisonnier d’État pendant la révolution ?

— Je l’ignore ; mais je crois que seule cette maison princière d’Allemagne porte ce nom. Je vais d’ailleurs m’informer du motif de la visite de M. Rodolphe de Gerolstein, — répond M. Lebrenn, sortant du salon pour se rendre dans une pièce qui lui sert de cabinet, et où Gildas a fait entrer le grand-duc de Gerolstein, dont les lecteurs des Mystères de Paris ont peut-être conservé quelque souvenir ; il avait alors les cheveux presque blanchis par l’âge et par les chagrins ; mais la noblesse de sa physionomie frappa M. Lebrenn, qui lui dit avec courtoisie :

— Donnez-vous la peine, monsieur, de vous asseoir.

— C’est à monsieur Lebrenn que j’ai l’honneur de parler ?

— Oui, monsieur.

— Permettez-moi, monsieur, de vous serrer la main, — reprend le prince, — nous sommes parents. Mon aïeul, Frantz de Gerolstein…

— A été l’ami de mon père, — ajoute M. Lebrenn, serrant la main que lui tend Rodolphe ; — ils combattaient ensemble à la prise de la Bastille, quoique le prince, votre aïeul, monsieur, fût de maison souveraine.

— Il a payé cher son dévouement à la cause de la liberté des peuples.

— Oui, enfermé dans une forteresse par le grand-duc régnant, il a…

— Pardonnez-moi, monsieur, de vous interrompre, — dit Rodolphe avec une visible anxiété, — mes moments… ou… plutôt les vôtres sont comptés.

— Les miens ! que voulez-vous dire ?

— Avant une heure, peut-être, vous serez arrêté ; il faut fuir.

— Arrêté, moi ! et pourquoi ?

— Un coup d’État se prépare ; vous êtes signalé dans votre quartier comme un homme dangereux ; vous avez été condamné lors des journées de juin ; vous serez arrêté cette nuit, vous dis-je ; je le sais, et il faut fuir.

— Ce que vous m’apprenez, monsieur, ne me surprend que médiocrement ; je prévoyais le coup d’État ; mais vous comprenez que s’il a lieu, je dois, au lieu de fuir…

— Je ne viens pas vous proposer de fuir aujourd’hui Paris, mais de quitter cette maison, où vous seriez infailliblement arrêté cette nuit, et avant une heure, peut-être.

— Vous en êtes certain ?

— Aussi certain qu’on peut l’être. Connaissez-vous l’abbé Rodin ?

— J’ai vu ce nom écrit dans…

— Votre légende de famille.

— Vous savez qu’elle existe ?

— Ah ! trop tard, trop tard je l’ai su. Il m’est impossible de vous apprendre en ce moment comment, il y a deux jours seulement, la découverte de quelques papiers laissés ici par mon aïeul Frantz de Gerolstein, lors de son séjour à Paris, en 1789, m’ont appris notre parenté, ainsi que celle qui nous unit à cette famille Rennepont, que la compagnie de Jésus voulait dépouiller d’un immense héritage.

— Oui, en 1832, époque à laquelle devait être ouvert le testament de Marius Rennepont, dans la maison de la rue Saint-François.

— Cependant, n’ayant pas reçu l’une de ces médailles, dont, selon la volonté du testateur, mort en 1692, devaient être pourvus les héritiers appelés au partage de la succession, vous ne vous êtes pas rendu rue Saint-François à l’époque désignée, — répond Rodolphe de Gerolstein. — Mais il ne s’agit pas maintenant de ces événements : le révérend père Rodin, que l’on a cru mort à la suite d’une violente attaque de choléra, a donné quelque signe d’existence au moment où on allait l’ensevelir ; il est revenu à la vie ; il existe aujourd’hui.

— Il doit être presque octogénaire, car il avait déjà huit à dix ans en 1792 ?

— Malgré son grand âge, il est encore alerte. Ces gens-là ont la vie dure ; j’ai donc su ce soir, par quelqu’un à qui le père Rodin a confié ce secret, les préparatifs du coup d’État.

— Mais comment l’abbé Rodin a-t-il pu savoir ?…

— Rien de plus naturel, car… — Puis, s’interrompant, Rodolphe de Gerolstein ajoute : — Je vous le répète, les moments sont comptés, vous pouvez être arrêté d’un instant à l’autre, et votre légende de famille saisie, à l’instigation de l’abbé Rodin. Il faut donc, sur l’heure, la mettre à l’abri et vous soustraire à votre arrestation. Il sera même prudent que votre fils vous accompagne.

— Mais, où fuir ?

— Dans un refuge assuré que je vous offre ; là, vous attendrez que la marche des événements se décide, et si plus tard vous êtes réduit à quitter la France avec votre famille, un bateau à vapeur qui m’appartient m’attend au Havre ; nous nous y embarquerons, vous, les vôtres et moi.

— En vérité, monsieur, votre obligeance, l’intérêt que vous me témoignez…

— Je le sais, ma démarche, mes offres, tout a droit de vous surprendre ; vous ne me connaissez pas, vous pouvez supposer que je veux abuser de votre confiance et vous trahir. Rien ne vous prouva enfin que je sois en effet le prince Rodolphe de Gerolstein.

— Ah ! monsieur, je suis incapable d’une pareille méfiance.

— Elle serait pourtant concevable. Voici donc, en résumé, car le temps presse, ce que je vous propose : Ma voiture est à votre porte ; vous allez y monter avec votre fils et moi, emportant ou laissant ici, en un lieu sûr et secret, vos légendes de famille ; nous nous rendrons à la légation de Gerolstein, lieu inviolable, refuge assuré pour vous et votre fils ; et selon le cours des événements qui se préparent, si vous devez plus tard vous expatrier, j’ai, à moins que vous ne soyez prisonnier, les moyens d’assurer votre fuite, celle des vôtres, hors de France. Maintenant, acceptez ou refusez mon offre. Si vous l’acceptez, vous aurez la preuve, en arrivant tout à l’heure à la légation de Gerolstein, que je ne vous ai pas trompé.

— Quel intérêt, monsieur, auriez-vous à me tromper ? Votre physionomie, votre langage, respirent la loyauté : je suis incapable de répondre par d’odieux soupçons au généreux service que vous venez me rendre.

— Vous acceptez ?

— Avec reconnaissance. Permettez-moi seulement d’aller prévenir ma femme, ma fille et mon gendre, de mon départ, et je reviens à l’instant avec mon fils. . . . . . . . . . . .
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Le 12 décembre 1851, onze jours après la première entrevue de Marik Lebrenn et de Rodolphe de Gerolstein, le bateau à vapeur la République universelle sortait de la rade du Havre, gagnant bientôt la haute mer, et se dirigeait vers l’autre hémisphère.

Sur ce bâtiment, qui, nous l’avons dit, lui appartenait, se trouvaient Rodolphe, la famille Lebrenn et plusieurs personnages des Mystères de Paris, du Juif errant et de Martin, l’enfant trouvé, personnages dont quelques-uns de nos lecteurs ont peut-être gardé la mémoire.

— Mais quelles circonstances les avaient réunis, ces personnages ? quel était le but de cette pérégrination si lointaine qu’ils entreprenaient, de compagnie avec Rodolphe de Gerolstein et la famille Lebrenn ? — dira peut être le lecteur.

— La question, que veut bien nous adresser le lecteur, trouvera sa solution dans l’œuvre qui devait être la suite des Mystères du Peuple, et qu’un jour nous écrirons peut-être en d’autres temps, sous ce titre :

LES MYSTÈRES DU MONDE.





FIN DES MYSTÈRES DU PEUPLE.

  1. Voir, pour les sommaires, le 1er chapitre de l’Introduction aux Mystères du peuple, 1er vol, p. 4.