Les Névroses (Rollinat)/Villanelle du soir

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Les Refuges
Les NévrosesFasquelle. (p. 133-136).


VILLANELLE DU SOIR


À Maxime Lorin.


 
Dans les herbes onduleuses
Le zéphyr plus fraîchement
Rit sous les feuilles frileuses,

Les chèvres cabrioleuses
Sont pleines d’effarement
Dans les herbes onduleuses

Plus de bergères fileuses !
À peine un chantonnement
Rit sous les feuilles frileuses.

Les sauterelles ronfleuses
Cessent leur sautillement
Dans les herbes onduleuses.

Dans les flaques argileuses
Le soleil en s’endormant
Rit sous les feuilles frileuses.


Escorté d’ombres frôleuses,
Le soir vient, grave, alarmant,
Dans les herbes onduleuses.

Les vipères cauteleuses
Ont fui ! — Quel coassement
Rit sous les feuilles frileuses !

Roi des bêtes scrofuleuses,
Le crapaud va lentement
Dans les herbes onduleuses.

Danseur des branches trembleuses,
L’écureuil vif et charmant
Rit sous les feuilles frileuses.

Les grandes mares huileuses
S’encadrent confusément
Dans les herbes onduleuses.

Les fougères sont houleuses,
Et le grillon tristement
Rit sous les feuilles frileuses ;

Des chouettes miauleuses ;
Et plus d’un effacement
Dans les herbes onduleuses ;


Des voix à demi parleuses ;
Tandis qu’un follet qui ment
Rit sous les feuilles frileuses ;

Puis, des fraîcheurs nébuleuses
Qui pleuvent du firmament
Dans les herbes onduleuses.

Des formes gesticuleuses
Passent. — L’écho, sourdement,
Rit sous les feuilles frileuses.

Les sorcières anguleuses
Vont cueillir en ce moment
Dans les herbes onduleuses

Leurs plantes miraculeuses ;
La Mort, sardoniquement,
Rit sous les feuilles frileuses.

Mais les brises cajoleuses
Font un doux bruissement
Dans les herbes onduleuses ;

Ver luisant des nuits mielleuses,
Ton humble scintillement
Rit sous les feuilles frileuses ;


Et l’astre aux couleurs moelleuses,
La lune, furtivement,
Dans les herbes onduleuses
Rit sous les feuilles frileuses.