Les Noces chymiques de Christian Rosenkreutz/Jour 7 commentaire

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Traduction par Auriger.
Chacornac Frères (Les Écrits rosicruciens) (p. 138-141).

COMMENTAIRE


Ce Septième et dernier Jour, les Élus sont vêtus d’habits entièrement jaunes, et la Vierge leur apprend qu’ils sont Chevaliers de la Pierre d’Or. Les signes que porte la médaille d’or peuvent s’interpréter : Ars Naturae ministra et Temporis Natura Filia, l’Art est administré par la Nature, et, La Nature est fille du Temps.

Les vaisseaux, au retour de la tour de l’Olympe sont au nombre de douze, les douze pavillons battant les douze signes célestes. L’emblème de la Balance flotte au mât de celui qui emporte notre héros. Cette Balance, huitième arcane du Tarot, symbole de l’équilibre parfait, est aussi le septième signe du Zodiaque, domicile astrologique de Vénus.

Notre héros s’étonne de la place d’honneur qui lui est donnée dans le cortège, lors du débarquement. Il porte aux côtés du Roi une bannière blanche comme neige avec une Croix-Rouge. Dois-je rappeler ici les quelques lignes où j’évoquais la signification occulte de la croix et de la rosette de la Légion d’Honneur ; n’en pourrions-nous point dire autant pour cette croix-rouge qui évoque la croix de Genève, le secours aux blessés, l’assistance spagyrique de Chr. Rosencreutz à la résurrection des Souverains… et depuis, ce symbole est resté le même !

Une phrase équivoque du texte, nous présente notre héros comme le Père du Roi, et celui-ci demande de quelle manière il les a dégagés. S’agit-il des liens de la Mort ou des signes du Portail ? la réponse : avec de l’eau et du Sel, nous éclaire mais ne croyez pas, Lecteurs, qu’il s’agit ici d’eau et de sel communs bien que la mer salée ait engendré toute chose ; ces mots doivent être pris dans leur sens philosophique.

Au premier portail, nous retrouvons le gardien vêtu de bleu qui présente une supplique au Roi. Ce gardien qui fut autrefois un Astrologue éminent, fut déchu de son poste à la Cour du Roi pour avoir osé contempler sans voiles Vénus. Ce n’est évidemment pas la contemplation dans une lunette astronomique de l’Étoile que les Hébreux nomment Noga qui lui valut telle disgrâce ! Soulever le Voile d’Isis c’est connaître la partie secrète de la Nature Mère, et la connaître, c’est presqu’égaler Dieu, car c’est presque toute la Connaissance. Et eritis sicut Dii. (Gen. Chap. 3. Vers 5). C’est goûter au fruit de l’arbre de Science, acte qui porte en soi son châtiment. Chr. Rosencreutz est confondu par la réponse du Roi lui disant que le gardien ne peut être délivré que par quelqu’un ayant commis la même faute, et qui prendra sa place. Les calculs astrologiques de ce gardien étaient rigoureusement exacts, puisque par le seul examen de la position des Astres, il avait conclu que pour lui, les temps étaient révolus, et qu’un autre homme avait à son tour découvert Vénus. Ce gardien du premier seuil est le conservateur de la tradition occulte, qui veille jalousement et sans cesse sur les trésors que nous ont laissés les anciens collèges de Mages. Il serait, téméraire d’en rire car de récents exemples ont pu prouver aux initiés de quelle façon étaient châtiés les bavards qui dévoilaient inconsidérément Isis aux profanes.

Il me revient en mémoire, dans un autre ordre d’idées, certains passages du deuxième chapitre de L’Apocalypse hermétique, où le héros de l’œuvre prend rituellement la place d’un gardien ; l’ordre des événements n’est pas le même, mais cependant le gardien libéré découvre aussi une jeune et belle femme nue étendue sur un sopha ; il en est châtié et se retrouve seul dans une salle où un agneau est couché sur un gros livre. Comme il cherche à ouvrir ce livre, un homme noir le frappe au front comme le fit une pierre aigüe pour Christian Rosencreutz au cours de son premier songe.

Les cinq commandements des Chevaliers de la Pierre d’Or résument las points essentiels de la doctrine des Frères de la Rose-Croix. Du fait que le grade de Chevalier est conféré aux Artistes, ils acquièrent du même coup le pouvoir d’agir à leur gré sur l’ignorance, la pauvreté, la maladie, et c’est en effet là le vrai but du Grand Œuvre. N’est-il pas surprenant de voir un homme arrivé aux suprêmes degrés auxquels peut aspirer la connaissance humaine écrire au-dessus de sa signature : Summa Scientia nihil scire. La science suprême est donc la négation de la science ! Comment ne pas se souvenir ici de La Philosophie occulte de Henri Corneille-Agrippa que l’auteur répudia dans la suite par le De Vanitate Scientiarum ?

La fin de ce Septième Jour est confuse et n’a plus d’intérêt direct. Toujours fidèle à ses sentiments d’humilité, notre héros confesse sa faute en dépit de son astucieux calcul tendant à faire délivrer le gardien et lui-même, on lui passe au doigt la bague que portait le gardien de la première porte, pour lui conférer ses fonctions et cependant il rentre le lendemain sain et sauf chez lui après avoir passé ta nuit avec le vieil Atlas et le vieux Seigneur de la Tour Ainsi se termine le Septième Jour des Noces Chymiques de Christian Rosencreutz et aussi nos commentaires sur ce sujet.

Toutefois, j’éprouve quelques remords, à laisser le lecteur qui m’a suivi jusqu’au bout sur une fin de chapitre aussi sèche, et estimant que nous avons acquis maintenant quelques droits à épiloguer sur ce texte, je vais lui dispenser quelques conseils puisés à une expérience personnelle chèrement acquise. Mais avant tout, j’adresse mes vœux sincères de réussite à ceux qui, après cette lecture vont s’aventurer sur « La Voie d’où l’on ne revient jamais ».

Me conformant à la division en sept jours de ces Noces Chymiques, je diviserai également en sept parties les quelques vérités essentielles que je suis heureux d’énoncer ici, bien que sub rosa afin d’éviter à mes véritables frères en Hermès des errements longs et trop souvent ruineux.

1o Ne t’engages sur la voie que si tu possèdes le temps et l’argent nécessaires pour conduire à bien tes travaux.

2o Si tu as un ami, c’est bien ; si tu es seul, c’est mieux, à moins que cet ami ne te soit envoyé par la Providence pour te guider dans ta course philosophique sur la piste où se croisent tant de différents sentiers et que coupent tant de précipices.

3o Lis peu, et pense beaucoup, et cherche à bien comprendre le sens caché des allégories diverses en les comparant entre elles. Les Auteurs n’ont pas parlé, ou fort peu, des Travaux d’Hercule par lesquels débute le Magistère, de même que de la nature de la matière première et de celle du feu secret des Sages. Il t’appartient de pénétrer seul ces arcanes. Personne au monde ne te les dira en langage clair, car ils sont « incommunicables ».

4o Agis pour les autres comme j’agis pour toi, mais n’entreprends pas le Magistère si ton cœur et tes intentions ne sont pas purs, ce serait courir à ta perte certaine.

5o De même que dans la nature il y a trois règnes, il y a dans notre art trois médecines ou trois degrés différents de la perfection de notre Élixir, mais comme il est écrit dans le Triomphe hermétique : « Les opérations des trois œuvres ayant beaucoup d’analogie, les Philosophes en parlent souvent à dessein en termes équivoques et les mélangent pour confondre l’Artiste ignorant. Dans chaque œuvre tu dois dissoudre le corps avec l’esprit, couper la tête au corbeau, blanchir le noir et rougir le blanc » Quod ex corvo nascitur, hujus artis est principium, écrit Hermès dans ses Sept Chapitres.

6o L’artiste qui en est arrivé à ce point, peut travailler avec certitude, à condition de garder dans le succès de l’œuvre une foi indéfectible. Qu’il n’oublie pas qu’il y a deux mercures ; le blanc est le bain de la Lune, le rouge celui du Soleil. Ils doivent être nourris d’une chair de leur espèce, le sang des innocents égorgés dont parle Flamel, c’est-à-dire les esprits des corps qui sont le bain ou le Soleil et la Lune se vont baigner. Note bien qu’ils doivent être conserves séparément pour ne point créer de Monstres.

7o Dans le second œuvre, convertis l’eau en terre par une simple cuisson ; le mercure des Sages porte en lui son propre soufre qui le coagule. Puis laisse tomber sur elle la Rosée du ciel. Tu auras là le vrai mercure et le vrai soufre des Philosophes, le Mâle et la Femelle vivants contenant la semence qui seule peut créer un fils plus illustre que ses parents.

Tout le reste n’est que la répétition des mêmes opérations. Aie confiance en Dieu, et va.