Les Offensives conjuguées

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Les Offensives conjuguées
Revue des Deux Mondes6e période, tome 40 (p. 432-448).
LES
OFFENSIVES CONJUGUÉES

Il y a six semaines, comme conclusion à mon étude : « Où en sont les deux blocus ? » et après avoir observé que, même bloquée hermétiquement, l’Allemagne trouverait encore dans les contrées qu’elle a conquises et qu’elle exploite savamment, des ressources suffisantes pour « tenir » encore au moins dix-huit mois, je posais la question que tant de gens se posent : « Que faut-il donc faire de notre côté ? Rester sur la défensive ou, au contraire, faire sur tous les fronts, y compris le front Nord, les efforts les plus vigoureux pour disputer aux empires du Centre la libre disposition de ces territoires sur lesquels paraissent compter, comme ressource suprême, les profonds stratèges du grand Etat-major ? »

La réponse, déjà, ne me semblait pas douteuse, mais je prévoyais des objections, la révolution russe, la Grèce, l’infranchissable coupure des Dardanelles et l’obstacle, au moins moral, que nous oppose la neutralité danoise.

Il y en a d’autres dont je ne parlais point alors ; il y a surtout, on peut le dire maintenant que le fait, — d’ailleurs parfaitement connu de nos adversaires [1], — a été publiquement admis par des membres du gouvernement français, il y a qu’à la suite des événemens militaires du mois d’avril, bien mal interprétés, du reste, l’opinion a été chez nous mise en défiance contre les résultats d’une grande offensive, quels qu’en soient le théâtre, la portée, les moyens.

II semble à beaucoup de Français, — pas à tous, heureusement ! — que « tenir » dans les tranchées du front occidental doive désormais suffire à toutes les exigences d’une situation dont l’issue s’enveloppe pour eux de quelques nuages, et qu’en tout cas, on ne puisse pas demander davantage à une nation qui a déjà tant souffert et dont le sang généreux a coulé par tant de blessures. D’ailleurs, l’Amérique n’est-elle pas là avec toute son énorme puissance ? N’aurons-nous pas bientôt, pour reconquérir ce qui reste encore de notre sol entre les mains de l’ennemi, le million de soldats qu’elle nous a promis ? Déjà les premiers contingens arrivent !...

Quels périls ne résulteraient pas dans l’avenir, au moment du règlement de comptes final, d’une conception qui attribuerait, si on la poussait un peu loin, à d’autres qu’aux Français eux-mêmes le rôle principal dans la récupération de nos territoires, c’est ce que ne se demandent pas les prêcheurs de faiblesse, dont toute la préoccupation n’est, au fond, que de se ménager la faveur de la masse qui ne voit pas au delà des épreuves de l’heure présente...

Mais laissons cela : aussi bien cet état d’esprit où l’on retrouve, avec la déception à laquelle je faisais allusion tout à l’heure, les angoisses d’une crise économique et le travail souterrain de révolutionnaires suspects d’intelligence avec l’Allemagne, le verrait-on se modifier brusquement au premier succès important de nos armes ou seulement si cette nation, qui a déjà donné tant de preuves de confiante fermeté, se sentait poussée par des mains énergiques dans la voie des mesures décisives, en ce qui touche la politique de la guerre.

Oui, j’en ai la pleine conviction, la France n’attend, pour retrouver tout son élan comme pour voir renaître tous ses espoirs, que des déterminations vigoureuses des gouvernemens alliés, des déterminations de haute portée, où elle reconnaîtra la claire intelligence de ce qu’il faut faire enfin pour vaincre, où elle sentira passer le souffle émouvant des grandes conceptions offensives.


Mais avant d’essayer, comme je l’écrivais le 1er juin dernier, d’indiquer à larges touches, — et en m’excusant de la témérité grande ! — « les solutions qui me paraîtraient satisfaire aux données du plus grave problème que cette guerre extraordinaire ait encore posé à notre constance, » il n’est peut-être pas mauvais de revenir sur les raisons qui ne me permettent pas de croire qu’il suffise du seul blocus, combiné avec des opérations purement défensives, pour venir à bout de l’Allemagne dans un laps de temps tel que nous ne soyons pas nous-mêmes réduits à l’épuisement matériel ou à l’abattement moral.

Il y a eu, c’est incontestable, de sérieux progrès réalisés depuis trois mois dans l’organisation du « blocus au travers des neutres, » qui avait fait l’objet, le 30 mars dernier, d’un intéressant débat à la Chambre des députés. Grâce à l’intelligente vigilance des organismes chargés de tenir étroitement serrée la vis de pression économique que nous faisons agir depuis plus de deux ans sur les empires coalisés, on pouvait considérer déjà comme difficile la continuation des trafics variés au moyen desquels les neutres du Nord se chargeaient d’approvisionner l’Allemagne. Les « contingentemens » s’étendaient, ainsi que les opérations de la « politique d’achats, » si bien définie par l’éminent sous-secrétaire d’Etat au blocus, M. Denys Cochin.

Mais voici que le gouvernement des Etats-Unis, comme je le faisais prévoir dans mon étude du 1er juin [2], a décidément pris les mesures nécessaires pour contrôler toutes les exportations alimentaires. M. Wilson compterait même obtenir du Congrès de pleins pouvoirs pour exercer sa surveillance sur les exportations de charbon, de munitions et sur les opérations commerciales de toutes les industries susceptibles d’intéresser la défense nationale. Mais là, il se heurte à de sérieuses résistances, tandis que, sur la question du contrôle des objets d’alimentation, tout le monde est d’accord, de l’autre côté de l’Atlantique, parce que le Président a habilement fait valoir l’immédiat intérêt qu’il pourrait y avoir, en cas de mauvaise récolte, à ne pas se démunir complètement de réserves de vivres dont la seule diminution provoque depuis quelques semaines des spéculations effrénées et en tout cas une élévation marquée du prix de l’existence.

C’est qu’en effet, aussitôt qu’ils ont eu le soupçon de ce que M. Wilson préparait, les approvisionneurs ordinaires de l’Allemagne se sont précipités sur les marchés américains et y ont accaparé toutes les denrées disponibles à n’importe quel prix [3]. Les stocks ainsi constitués ont pris peu à peu le chemin de la mer du Nord et de la Baltique, soit sur des cargos américains, soit sur des vapeurs neutres qui, les uns comme les autres, ont « miraculeusement » échappé aux coups des sous-marins allemands, tandis qu’un trop petit nombre d’entre eux se voyaient contraints de subir la visite dans les ports alliés de l’Atlantique, — visite de pure forme, souvent, puisque la destination des cargaisons est presque toujours parfaitement correcte en apparence [4].

Il n’est pas aisé d’évaluer ce que les empires du Centre, et l’Allemagne surtout, ont pu gagner à cette curée rapide et violente en durée de résistance ; mais il est certain que la soudure entre les deux récoltes de 1916 et de 1917 est assez bien assurée, et il est probable que des réserves ont pu être constituées.

Quoi qu’il en soit, pour avoir été peut-être un peu tardives, déjà, les mesures de contingentement rigoureux prises par M. Wilson n’en seront pas moins utiles dans l’avenir ; mais il faut observer ce point important, auquel je faisais allusion tout à l’heure, que les Alliés de l’Ouest de l’Europe ne peuvent compter sur le bénéfice des restrictions imposées aux Scandinaves et aux Hollandais, au sujet des denrées alimentaires, que dans la mesure où les denrées ainsi retenues seront jugées inutiles pour les cent millions d’habitans des Etats-Unis. Or, il y a là un inconnu préoccupant, car il est impossible de se dissimuler que la popularité de M. Wilson, la popularité de la guerre à l’Allemagne, si l’on veut, résisterait difficilement, chez les masses ouvrières de la grande République, aux épreuves de la « vie chère, » si ces épreuves, déjà sensibles, devenaient bientôt plus pénibles encore.

Enfin, autre inconnu : les quatre puissances intéressées dans cette affaire du contingentement ont envoyé à Washington des négociateurs habiles, — quelques-uns même choisis pour la faveur dont on suppose qu’ils jouiront auprès des syndicats ouvriers, — qui s’efforcent d’obtenir les conditions les plus avantageuses en majorant les chiffres qui représenteraient les besoins réels des populations dont les intérêts leur sont confiés.

Ce n’est pas tout ! Que ces populations des neutres du Nord commencent à souffrir sérieusement des résultats des deux blocus combinés, c’est ce qui apparaît sans aucun doute possible. Or, ces souffrances vont être augmentées par les décisions nouvelles du gouvernement américain et le seront d’autant plus que ce gouvernement semble disposé à exiger que les cargos de ces neutres viennent chercher, eux-mêmes, les provisions qu’il consentira à leur céder après s’être bien assuré que rien n’en pourra être distrait pour l’Allemagne. Mais il est clair qu’à ce moment-là, la Wilhelmstrasse et l’Office naval changeront complètement d’attitude et que les torpillages recommenceront de plus belle. On sait que la diplomatie allemande n’a pas encore perdu l’espoir de persuader à ses victimes qu’elles sont, en réalité, les victimes des Alliés, les victimes de « l’odieuse Angleterre. » Pouvons-nous être absolument assurés que d’insidieux raisonnemens de ce genre n’auront jamais d’influence sur des peuples exaspérés par le besoin et constamment travaillés, comme on le voit assez depuis quelques semaines, par les agens de la « Sozialdemokratie » impériale ? La populace de Rotterdam ne vient-elle pas de piller les allèges où le gouvernement anglais emmagasine les denrées que, conformément à la « politique d’achats, » il acquiert en Hollande pour empêcher que les Allemands ne s’en emparent, mais qu’il ne peut pas faire immédiatement passer en Angleterre, faute de moyens de transport ? Les justes observations du journal socialiste hollandais Hetvolk, que je citais ici le 1er juin [5], n’ont pas eu le pouvoir d’arrêter des affamés qui voient des péniches pleines de pommes de terre et jugent tout naturel de les vider séance tenante. Et sans doute, il devait y avoir là bon nombre d’excitateurs allemands, bien plus encore que nous n’en avons eu chez nous au moment des grèves du début de juin ; mais justement n’est-ce pas à l’emploi de plus en plus marqué de ce moyen d’action qu’il faut s’attendre de la part de nos ennemis ? Cette longue guerre, qui change constamment de physionomie, va voir sa phase économique se compliquer partout de redoutables mouvemens populaires.

Partout, dis-je... mais ne sera-ce pas surtout en Allemagne même, puisqu’en définitive c’est l’Allemagne qui souffre le plus ? Et par conséquent de ce côté-là ne conserverions-nous pas un avantage, un avantage relatif, tout au moins ?...

Je le crois ; je l’espère ; mais je voudrais en être plus certain. Je voudrais l’être, du moins que les émeutes de la faim, au fond assez bénignes, dont on nous entretient depuis deux ans, deviendront assez graves chez nos ennemis pour provoquer de sanglantes répressions et, par un inévitable retour, des insurrections véritables. Malheureusement, de tels espoirs ne viennent guère à l’esprit de qui connaît les Allemands, peuple essentiellement hiérarchisé, soumis craintivement à ses princes, à ses chefs militaires, — et en Prusse, surtout à la police, la terrible « polizei, » — troupeau docile, qui n’a que de brefs sursauts de colère quand il ne peut manger à sa faim. Que l’armée soit suffisamment nourrie, et elle le sera, cela seul importe aux dirigeans de l’Empire.

« Il faut que le public français, disait dernièrement un diplomate étranger qui vient de Berlin [6], soit persuadé qu’il ne doit pas s’attendre à une révolution, à un soulèvement quelconque provoqué chez le peuple allemand par un affaissement moral résultant de la faim et des privations. Il faudra l’abattre les armes à la main. »

Le diplomate dont je cite l’opinion ajoute d’ailleurs que tout s’effondrerait en Allemagne le jour où serait définitivement déçue la confiance en l’infaillibilité du grand état-major et en la capacité des gouvernans. u Le gouvernement allemand le sait et c’est pourquoi il trompe son peuple... »

Il ne le trompe pas complètement, toutefois, en lui promettant qu’il aura toujours de quoi se soutenir, sinon de satisfaire sa faim. Et il convient de répéter ici que si la prochaine récolte sera inférieure à la moyenne, en Allemagne, par suite de l’insuffisance de la main-d’œuvre et des engrais [7], elle sera, semble-t-il, assez belle en Autriche, belle en Hongrie, superbe en Valachie, satisfaisante dans les Balkans et en Asie-Mineure, suffisante enfin dans les pays conquis, à l’Est et à l’Ouest de l’Allemagne. Or on sait que nos adversaires, appliquant à l’extrême rigueur le principe : Suprema lex, salus populi, accapareront toutes les récoltes dans ces dernières contrées. C’est une question de savoir s’ils laisseront de quoi vivre, avec les plus rigoureuses privations, aux infortunés habitans, Lithuaniens, Polonais, Volhyniens, Valaques, Serbes, Belges et Français du Nord.

Quant au cheptel qui, fort éprouvé dans les premiers mois de la guerre, a pu se maintenir à un chiffre assez satisfaisant [8], grâce justement aux réquisitions impitoyables pratiquées dans les régions envahies, les Allemands sont bien décidés à l’exploiter cette année-ci et l’année prochaine, où, pensent-ils, l’effroyable lutte se décidera en leur faveur, les armées de l’Entente étant épuisées et les peuples affamés par la campagne des sous-marins poursuivie avec une énergie croissante. On s’étend peu, naturellement, sur les secours de toute nature que les Alliés tireront de l’Amérique, entrée dans le conflit au grand dépit des chefs des puissances centrales ; on estime d’ailleurs que ces secours tardifs ne balanceront pas le dommage causé aux ennemis d’Occident par la défaillance des armées russes. Appréciation doublement imprudente, peut-être !...


Telle est la situation envisagée de part et d’autre dans son ensemble. Rien n’est décidé. Nous sommes, l’ennemi et nous, sur le sommet du plateau. Qui, des deux partis, poussera l’autre sur la pente où l’on ne s’arrête plus ? Le nôtre, sans aucun doute, mais à la condition de ne rien relâcher, ni de notre vigueur combative, ni de notre résistance aux élémens de désordre et de désorganisation, ni, surtout peut-être, car enfin il s’agit d’abord de vivre, de nos efforts pour restaurer les ressources du pays, à mesure qu’elles s’épuisent.

Et ce qui apparaît clairement, lorsqu’on y réfléchit, c’est la capitale importance du « facteur temps. » Oui, il faut se presser. A tous les points de vue, il convient de « hâter la décision, » en dépit de certaines apparences qui nous inciteraient à temporiser, à attendre, par exemple, pour entreprendre l’assaut définitif, que les Etats-Unis nous aient fourni, dans toute sa plénitude, le secours puissant qu’ils nous ont promis.

Et pourquoi cette hâte ? Pour une simple, mais forte raison, c’est que la guerre est le domaine de l’imprévu, cette guerre surtout où tant d’intérêts et de si essentiels sont en jeu, où les belligérans sentent qu’il s’agit pour eux d’être ou de ne pas être, où l’Allemagne, en particulier, acculée à une impasse dont elle ne peut sortir que par des miracles d’énergie, mettra tout en œuvre, avec le plus absolu défaut de scrupules, pour provoquer les incidens les plus extraordinaires, les plus inattendus, si elle les juge de nature à diminuer la force morale de ses adversaires. On comprendra sans doute que je n’en puisse ni veuille dire davantage. Que la révolution russe nous fasse enfin comprendre ce capital intérêt de nous hâter. Je pense qu’on ne marchandera pas à reconnaître que si, en 1915 et en 1916, nous avions pu lire dans le livre du destin qu’un si formidable et périlleux événement, — je ne me place qu’au point de vue militaire immédiat, bien entendu, — se produirait en mars 1917, nous aurions adopté une politique de guerre plus vigoureuse, ne fût-ce qu’au point de vue de l’étouffement économique de l’Allemagne, au point de vue de la Grèce et des affaires des Balkans, au point de vue des neutres du Nord et de l’utilisation de nos forces navales. Et peut-être la paix serait-elle conclue, aujourd’hui, à notre avantage...

Que convient-il donc de faire, sinon de tendre tous nos ressorts, de mettre en action toutes nos ressources, qu’il s’en faut que nous ayons toutes employées ; et puisque l’ennemi compte, pour se maintenir, sur celles qu’il sait tirer de ses conquêtes, de lui disputer ces malheureuses régions, ou de l’empêcher d’utiliser leurs produits en coupant certaines voies essentielles de communications ?

Le premier point à obtenir, dans cet ordre général d’idées, c’est que l’on reconnaisse enfin qu’il y a un front Nord, comme il y a un front Est, un front Ouest et un front Sud ; que ce front Nord a une importance économique et militaire de premier ordre ; qu’il est d’ailleurs le lieu d’élection de la mise en jeu rationnelle de la plus grande partie des forces navales considérables dont disposent les Alliés [9].

Il ne peut être question dans cette étude, — qui n’a qu’une portée générale, — de discuter les raisons que les esprits timorés font valoir pour que l’on reste dans le statu quo en ce qui touche l’action des forces navales et la combinaison éventuelle de cette action avec celle des forces de terre. Dans cet ordre d’idées, toutes les propositions fécondes ont toujours été combattues avec acharnement, toutes les grandes entreprises ont failli avorter devant l’émoi des « conseils autorisés, » devant la répugnance instinctive de ceux-là même à qui incombait la charge de conduire ces entreprises à bonne fin et qui, mis au pied du mur, l’ont parfaitement franchi [10].

Ne cherchons d’ailleurs pas davantage — ce ne nous serait pas permis — à définir d’une manière précise toutes les opérations qui peuvent être exécutées avec de raisonnables chances de succès sur ce front Nord. J’observerai seulement, pour répondre à des préoccupations extrêmement vives, qu’il ne saurait être question de donner aux grandes unités de combat, aux trop précieux dreadnoughts, un rôle actif dans tout ce qui touche à l’attaque des ouvrages de côte, ni de leur imposer sans des précautions minutieuses, déjà étudiées par les spécialistes, un séjour de quelque durée dans des eaux parcourues par les sous-marins [11].

Non ; le rôle tout indiqué de ces bâtimens de haut bord et d’énorme déplacement est de se tenir en réserve, à quelque cent milles au moins des points successivement attaqués, afin d’être en mesure de se jeter sur la flotte de haute mer ennemie, si celle-ci voulait intervenir. Quant aux opérations poursuivies sur les côtes, elles le seront par les unités relativement anciennes, les navires spéciaux à fond plat et armés de gros obusiers, les bâtimens légers de toute catégorie, les appareils aériens réunis en quantité considérable et dont on peut attendre les plus grands services dans ces circonstances, les dragueurs, les mouilleurs de mines, et enfin les navires de plongée pourvus d’appareils particuliers que l’on réclame depuis si longtemps pour eux.

Cela dit, nous pouvons sans doute tabler sur les avantages de tous ordres que nous procurerait la méthodique mise en jeu d’une grande force navale dans la mer du Nord et dans la Baltique. Du coup, nous tendrions la main aux Russes, ce qui serait aussi utile au point de vue politique qu’au point de vue militaire. En second lieu, nous diminuerions les chances de succès des sous-marins allemands, en ce qui touche la guerre économique. Non seulement nous paralyserions largement leurs mouvemens de sortie et de rentrée, qu’ils ne peuvent, en beaucoup de cas-, effectuer qu’en surface, mais encore, nous les occuperions chez eux, puisqu’aussi bien ils seraient obligés de faire face à des attaques immédiates, ou, si l’on veut, à des tentatives de « particularisation » du système de barrage inauguré par nos alliés anglais en février dernier, mais, malheureusement, sur une échelle beaucoup trop grande et à trop grande distance des estuaires -allemands.

Et alors, outre que nos propres cargos seraient beaucoup moins torpillés, les marines Scandinaves et hollandaise libérées de leurs craintes, protégées désormais par l’écran interposé entre elles et l’ennemi, recommenceraient à nous fournir l’appoint du tonnage dont elles disposent encore.

Ce n’est pas tout, j’allais presque dire que c’est peu au regard des bénéfices moraux considérables, que nous tirerions d’une attitude aussi résolue, auprès des peuples du Nord. Je n’ai aucune intention de récriminer. J’admets que l’on a cru bien faire en adoptant, depuis trois ans, dans ces pays, sous prétexte du profond respect que nous devions à leur neutralité et à leurs droits souverains, une réserve qui n’a servi, en définitive, on le voit assez maintenant, qu’à favoriser l’arrogance, les prétentions et, trop souvent, les entreprises couronnées de succès de l’Allemagne contre ces mêmes droits souverains et cette même neutralité [12]. Les hommes sont les hommes. Pris en masse, sous tous les climats, sous toutes les longitudes, ils s’inclinent devant la force heureuse dont rien ne vient balancer l’audace et que personne n’ose mettre en échec. Ç’a été une douleur pour les esprits doués d’un peu de clairvoyance que le déplorable incident du massacre, par un destroyer allemand, de l’équipage du sous-marin anglais échoué sur l’île danoise de Saltholm, en présence de torpilleurs danois, n’ait pas provoqué de la part de l’Entente des résolutions décisives auxquelles le peuple généreux du petit royaume scandinave, ce peuple qui s’est montré si noble à notre égard en 1814, et si noble, aussi, vis-à-vis de lui-même en 1864, se serait certainement associé, en dépit de la tyrannie que font peser sur lui les chefs socialistes qui viennent de se révéler agens consciens et décidés de l’Allemagne.

Ce fut une autre douleur lorsqu’on vit, l’automne dernier, une force aéro-navale [13] allemande bloquer impunément, pendant plusieurs semaines, le littoral Sud de la Norvège pour obtenir le retrait de l’ordonnance royale du 13 octobre 1916, au sujet de l’interdiction des fjords du Norrland aux sous-marins qui en faisaient leurs bases d’opérations contre les convois alliés destinés au port de Kola. Y eut-il jamais mépris plus complet des « droits souverains » d’une nation et violations plus cyniques des neutralités ? Que vient-on, après cela, nous parler d’un respect qui n’est qu’un leurre décevant, et auquel nous devons, dans une large mesure, la prolongation de cette terrible guerre [14] !

Je ne cite que pour mémoire au nombre des avantages de la constitution du « front Nord » l’établissement d’un blocus effectif (qu’il ne faut pas confondre avec le blocus rapproché), dont les résultats eussent été autrement rapides, que ceux du blocus au travers des neutres, parce que le premier, l’effectif, nous conférait d’une manière complète le droit de suite des cargaisons [15] ; parce qu’aussi nous aurions intercepté d’une manière continue les relations entre l’Allemagne et la grande presqu’île scandinave : les minerais de fer et les fontes de Suède, pour ne citer que cet exemple, ne seraient pas arrivés jusqu’à Essen pour y être convertis en canons et en projectiles [16].

Enfin on me permettra d’ajouter que, dominant la mer du Nord et surtout la Baltique, au grand profit de notre prestige et de notre influence directe sur les royaumes du Nord, les flottes de l’Entente auraient eu tout le loisir d’étudier les points favorables à des opérations combinées éventuelles dans l’un des intervalles compris entre le mois d’avril et le mois de décembre de chaque année [17]. Berlin n’est pas plus loin de la mer que Paris.


Si maintenant, poussant jusqu’au fond de cette mer Baltique où les forces navales des Alliés de l’Ouest pourraient aller rejoindre l’escadre russe, nous examinons ce front de l’Est où commençait, il y a plus d’un an, une offensive qui avait donné tant d’espérances, nous sommes obligé de reconnaître que, fort utile pour la défense de la ligne de la Dwina et pour la reconquête de la Courlande, — un des nouveaux « greniers » de l’Allemagne, — la flotte ne saurait exercer une action immédiate efficace sur les opérations qui auraient pour théâtre le cœur de la Lithuanie, la Volhynie, la Galicie. Le « Sea Power » des puissances de l’Occident ne peut agir là que d’une manière indirecte, par exemple en assurant le réapprovisionnement continu en matériel et en munitions des armées russes, en leur fournissant entre autres choses l’artillerie lourde qui semble leur manquer encore. Remarquons qu’il faut jusqu’ici pour cela que les côtes Nord de la Norvège soient décidément purgées des pirates allemands, ce qui vient à l’appui des réflexions que je faisais tout à l’heure, et que, si nous occupions en force mer du Nord et Baltique, le trajet des paquebots portant en Russie tous ces essentiels objets d’armemens serait singulièrement écourté sans être en réalité plus dangereux. Les découvertes que les Norvégiens font en ce moment même sur les procédés clandestins de l’Allemagne à leur égard sont-elles du moins de nature à hâter une décision qu’ont retenue trop longtemps la crainte, d’un côté, l’appât de profits considérables, de l’autre ? Il se peut.

Quoi qu’il en soit, il ne faut plus marchander à procurer aux Russes, en vue d’une offensive aussi immédiate que possible [18], des secours vraiment décisifs. Ces secours, puisqu’on ne peut encore les faire venir de l’Ouest, doivent venir de l’Est où attendent, l’arme au pied depuis trois ans, des forces armées dont nul ne s’aviserait aujourd’hui de contester la très haute valeur. Nous avons déjà des bâtimens légers du Japon dans la Méditerranée. L’un de ces « destroyers » a même été frappé par une torpille et s’est héroïquement tiré d’affaire. Le principe est donc accepté ; le premier pas est fait. Qu’est-ce, alors, qui empêcherait de continuer ? La politique orientale d’une Russie tsarienne qui n’existe plus ? L’amour-propre de la nation ? Mais nous-mêmes. Français, n’acceptons-nous pas, que dis-je ? ne sollicitons-nous pas franchement des secours qui permettront à nos vieux soldats, depuis si longtemps sur la brèche, d’aller un moment mettre la main à leur charrue ? Une aide analogue, certes ! les paysans russes l’accepteraient, eux aussi. Dira-t-on encore qu’il faudra payer un tel concours ? Je l’ignore. Et puis, pourquoi pas ? Peut-on hésiter un moment quand, moyennant ce juste salaire, on rendrait à nos alliés de l’Est tout ce qu’ils ont perdu et qu’en leur permettant de jeter bas l’Autriche, on priverait l’Allemagne du grenier hongrois et du grenier valaque, aussi bien que de contingens armés qui lui sont, en somme, indispensables ?

Descendons plus au Sud pour jeter un coup d’œil sur ce front malheureusement fragmenté. Négligeons d’ailleurs, pour faire court, la conduite de nos opérations en Mésopotamie, en Arménie, en Syrie même où il semble que l’on se dispose à une sérieuse action combinée. N’allons qu’à l’essentiel et ne perdons pas de vue notre capital objet : « l’étouffement économique » de l’Allemagne.

Etouffement, dis-je. Le mot répond, je pense, à la situation. Quand nous prétendons tout embrasser de cet extraordinaire conflit, nous ne devons pas oublier que le Pangermanisme a réalisé, — pour un moment, c’est entendu, mais enfin réalisé, — son grandiose dessein impérialiste de la « Mittel Europa, » avec toutes ses conséquences ou à peu près, avec la mainmise sur la Turquie et sur l’Asie-Mineure. Expansion gigantesque, conquêtes colossales qui justifient pleinement aux yeux d’un peuple enivré cet orgueil démesuré dont les prétentions nous irritent, nous, autant qu’elles nous font sourire !

Or, si nous jetons les yeux sur une carte, une de celles où M. Chéradame montre si bien les développemens du plan pangermaniste et toutes les conséquences du succès de cette vaste entreprise, nous constatons que l’Empire nouveau, s’il a sans doute des pieds d’argile, a surtout une ceinture trop étroite, une ceinture où la mer s’est chargée de créer « une ligne de rupture préparée, » une ceinture facile à rompre, dirais-je, si je ne prévoyais pas qu’on m’opposerait tout de suite l’échec que les Alliés ont éprouvé en 1915 lorsqu’ils s’y sont essayés.

J’ai eu à plusieurs reprises, ici même, l’occasion de dire pourquoi l’opération des Dardanelles avait échoué. Bien plus longuement que je ne l’avais pu faire et avec force documens à l’appui de leurs constatations, les Anglais n’ont pas craint de traiter un sujet qui devait leur être, semblait-il, particulièrement pénible. Admirons cette belle franchise ; mais du moins, de l’étude si consciencieuse à laquelle se sont livrés nos alliés, sachons tirer la conclusion pratique que le découragement était venu trop tôt, qu’un simple transfert de base d’opérations dans la presqu’île de Gallipoli, — du côté de l’isthme et du golfe de Saros, — aurait suffi pour tout sauver, surtout si l’on s’était décidé à reprendre l’opération navale du 18 mars en substituant à la longue et forcément stérile canonnade des cuirassés contre des batteries de circonstance invisibles ou mobiles, un rapide passage de vive force. Cette opération « à la Ferragut » eût certainement réussi, moyennant l’emploi de mesures de précaution et d’appareils spéciaux dont on ne s’avisa qu’après coup.

Mais ce qui n’a pas été fait alors peut se faire aujourd’hui ; et si, à la vérité, on ne saurait guère reprendre en sens inverse le grand mouvement stratégique qui a porté l’armée d’Orient des Dardanelles dans la Macédoine — un de ces beaux changemens de base que permet seule la maîtrise de la mer ! — on peut parfaitement admettre une opération d’ensemble qui comprendrait à la fois l’offensive générale sur le front actuel de l’armée combinée, une forte démonstration dans le golfe de Saros, d’où l’on n’est qu’à 75 kilomètres de la grande et essentielle ligne de communications de la Mittel-Europa : Berlin-Vienne-Belgrade-Sofia-Constantinople [19], enfin le forcement des Dardanelles par une flotte ayant une composition particulière, que je ne saurais indiquer ici sans inconvénient.

Je n’ai pas besoin de m’étendre sur les résultats de l’apparition d’une escadre alliée devant Constantinople. Tout le monde est d’accord là-dessus. N’oublions pas que l’escadre russe de la mer Noire, réorganisée comme il est permis de l’espérer, ferait sentir son action sur l’entrée septentrionale du Bosphore, au moins à titre de diversion, sinon à titre d’attaque principale. Les raisons d’ordre politique qui, au cours de l’année 1915, paralysaient cette force navale, n’existent plus aujourd’hui.

J’ajoute que les heureux événemens qui se produisent en Grèce au moment où j’écris, non seulement nous rendent la libre disposition de notre flotte, mais nous permettent d’espérer qu’à l’automne prochain, — la saison favorable dans le Levant, — une nouvelle armée grecque pourra, ou bien se joindre à celle qu’a formée déjà le gouvernement de Salonique, ou bien participer, dans la mesure qui sera jugée convenable, à l’opération dont je viens de parler.

L’offensive générale de l’armée de Macédoine rentre certainement dans les prévisions normales, puisque le principal obstacle au développement complet de son effort a disparu avec la menace que faisait peser sur ses communications essentielles la germanophilie exaspérée d’un souverain déchu. Oserai-je dire ici qu’il conviendrait de profiter des quelques semaines qui nous séparent de l’automne pour donner en abondance au général en chef de cette armée tous les moyens d’action qu’il réclame depuis si longtemps ? Je vais plus loin, et je me demande pourquoi les Alliés marchanderaient à réclamer de l’Italie un effort considérable de ce côté-là. J’entends bien toutes les objections de l’ordre purement politique que l’on m’opposera au lendemain de la mainmise, si leste, de nos entreprenans alliés sur l’Albanie et sur une partie de l’Epire. J’avoue que tout cela me paraît de bien faible importance à côté de l’inestimable avantage d’atteindre la ligne Philippopoli-Sofia-Nisch et, qui sait ? de tendre la main aux Roumano-Russes, après avoir décidément mis hors de cause l’armée bulgare. Comme le disait fort bien ici même, il y a quinze jours, M. Charles Benoist : « Jusqu’à ce qu’elle se pose internationalement, l’affaire albanaise se présente comme une affaire italienne d’ordre intérieur. »

Quand donc comprendra-t-on qu’il n’y a qu’une seule chose qui compte en ce moment : c’est d’abattre l’Allemagne le plus tôt possible, et que tous les intérêts particuliers trouveront leur satisfaction dans celle de cet intérêt général et essentiel ? Or, qui pourrait douter que l’on viendra plus vite à bout de l’Allemagne, — confondue, n’est-ce pas ? avec son satellite l’Autriche, — en portant l’attaque principale au Sud, sur le front macédonien ? Ni celui du Carso, ni celui du Trentin ne sauraient, en dépit de l’héroïsme des troupes italiennes et de l’habileté de leur chef, fournir aux Alliés le théâtre de l’opération décisive. Il suffit donc, là, d’une défensive-offensive vigoureuse. Trente et Trieste n’en reviendront pas moins pour cela au noble peuple qui aura fait tant d’efforts pour les rendre à la liberté.

Des considérations analogues pourraient nous conduire, — et conduisent en ce moment, je crois, beaucoup de personnes, — à préconiser l’emploi du même système de guerre sur le front occidental. J’ai dit déjà, au commencement de cette étude, pour quelles raisons de haute portée je ne saurais adopter cette manière de voir.

Mais il faudrait s’entendre et d’abord distinguer entre les diverses parties de ce front, comme entre les divers objectifs qui s’y peuvent proposer, comme aussi entre les contingens qui se le partagent. Sans entrer dans des détails dont l’indiscrétion n’irait pas sans inconvéniens, je peux dire d’une manière générale qu’il n’est pas à craindre que l’on perde de vue, de ce côté-ci, le double but qui s’impose à notre attention pour « hâter la décision : )) d’abord, détruire le plus possible la force organisée de l’adversaire par des combats incessans, par des actions violentes dont la modalité, au point de vue tactique, reste à déterminer suivant les circonstances ; ensuite, réoccuper le plus tôt possible les régions, si riches autrefois et aujourd’hui encore si utiles à l’Allemagne, de la Belgique et de la France du Nord, étant bien entendu que, par l’emploi « intensif » des appareils aériens que nous devrons en grande partie à nos industrieux et énergiques alliés, les Américains, nous paralyserons les voies et moyens de transport de l’ennemi là où nous n’aurons encore pu l’atteindre par les armes terrestres. Il est aisé de prévoir que, dans son évolution continue, cette guerre incline à donner à la maîtrise de l’air une capitale importance : « Préparons nos facultés » en conséquence, comme disait Kléber à Bonaparte.

Et si l’on s’étonnait que je ne dise rien, en finissant, de l’importance, de plus en plus grande aussi, de la maîtrise de la mer, je répondrais que c’est justement parce que j’espère que des événemens prochains se chargeront de la démonstration. Fixons nos yeux sur un point où se fait nécessairement la soudure de nos forces de terre et de nos forces de mer, un point où passe la charnière des deux fronts de l’Ouest et du Nord. C’est là, sans doute, que sera rompu enfin le charme dangereux qui tenait enchaînée l’énorme puissance navale des nations alliées.


Contre-Amiral DEGOUY.

  1. Lire à ce sujet le remarquable article publié le 2 juillet par Lord Esher, pair d’Angleterre, dans le Matin.
  2. Voyez la Revue du 1er juin 1917 : « Où en sont les deux blocus ? » page 671.
  3. M. Hoover, directeur de l’alimentation aux États-Unis, affirme qu’en un mois les spéculateurs américains ont gagné sur les grains et autres denrées 50 millions de dollars.
  4. N’oublions pas que, pour paralyser les efforts d’investigation des Alliés, les Neutres gardent pour leur consommation les denrées importées, mais vendent aux Allemands toutes les denrées analogues produites chez eux.
  5. Revue des Deux Mondes, du 1er juin 1917, déjà citée. (« Où en sont les deux blocus ? » page 670).
  6. M. de Aguero, ministre de la République Cubaine à Berlin (Interview donnée au Journal des Débats et publiée le 8 juin 1917).
  7. Il y a en Allemagne plus de 350 fabriques de nitrate artificiel, mais cet engrais ne vaut pas, à beaucoup près, les nitrates naturels du Chili qui n’arrivent plus, depuis deux ans et demi, dans les ports allemands. On estime que le rendement général à l’hectare a baissé de 25 pour 100.
  8. Bovins : 17 à 18 millions de têtes, au lieu de 27 en août 1914 ; porcs : 20 millions, au lieu de 25 ; moutons : complètement disparus (5 millions en 1914) ; chèvres : 3 millions, au lieu de 4 500 000 (chiffres fournis par M. de Aguero).
  9. Toutes défalcations faites en raison des pertes déjà subies et des déchets résultant d’une usure devenue irréparable après trois ans de guerre, on arrive aux totaux suivans pour les six grandes nations maritimes alliées, Angleterre, Amérique, France, Italie, Japon, Russie : 190 cuirassés, dreadnoughts et « croiseurs de combat ; » 73 croiseurs cuirassés ; 155 croiseurs protégés ou croiseurs cuirassés légers, 575 destroyers et grands torpilleurs. En ce qui touche les sous-marins, il est bon de garder le silence.
    Toujours est-il que si l’on compare ces chiffres formidables à ceux qui représentent les effectifs de nos adversaires, dans les mêmes catégories de bâtimens, soit, respectivement : 56, 8, 49, 234, on sent combien sont artificielles, circonstancielles et « politiques » les raisons de l’attitude purement défensive des forces navales de l’Entente. Ajoutons que les Alliés ont eu trois ans pour construire le matériel, relativement simple, du reste, de la guerre de côtes.
  10. Un exemple remarquable et assez peu connu de cette mentalité spéciale est celui de l’amiral Duperré qui, ainsi, du reste, que toute l’amirauté française, ou à peu près, combattit énergiquement et jusqu’au dernier moment l’expédition d’Alger de 1830, ce qui ne l’empêcha pas de la diriger fort bien. Mais l’amiral voulait « dégager sa responsabilité, » en cas d’échec.
  11. Je me propose d’étudier prochainement la question des blocus maritimes » qui me semble obscurcie par les préjugés tenaces de marins qui ne veulent pas se rendre compte de la valeur des moyens nouveaux que la guerre moderne met à leur disposition à ce sujet.
  12. « Pour battre l’Allemagne, il faut des méthodes nouvelles, diplomatiques aussi bien que militaires. » (Lord Esher, article déjà cité).
  13. Il est fort intéressant de remarquer, au strict point de vue militaire, que nos adversaires nous ont donné là un excellent exemple de la manière dont il faut tenir aujourd’hui le blocus d’une côte. Ils avaient d’ailleurs emprunté, — ils empruntent presque toujours, — la composition de la force aéro-navale en question à nos alliés les Anglais, qui en utilisaient une semblable dans le grand « raid » de reconnaissance de Cuxhaven, le 25 décembre 1914.
  14. Au moment même où j’écris ces lignes la presse norvégienne éclate en cris d’indignation à la découverte des complots allemands qui ont eu pour résultat la destruction d’un grand nombre de navires au moyen de bombes que les agens directs, officiels même, du gouvernement de Berlin faisaient introduire dans les cales ou dans les appareils moteurs. On signale les mêmes faits en Suède et si l’on n’ose encore en parler à Copenhague, où certainement les mêmes attentats ont été commis, c’est que l’on se sent plus immédiatement menacé par l’Allemagne, dont la rage pourrait se traduire par des actes décisifs, pense-t-on. Mais non ! Nos adversaires savent trop bien quel bénéfice ils tirent du bouclier que leur fournit l’archipel danois, tant que le royaume reste neutre.
  15. Voyez mon étude : » Le nouveau blocus, » dans le n° du 15 février 1916 de la Revue des Deux Mondes. Cet article a été traduit dans le n° d’août 1916 du Journal of the Royal United service Institution, organe du « War office. »
  16. On se rappelle que les sous-marins anglais et russes réussirent en 1915 à couler beaucoup de « cargos » allemands chargés de minerais.
  17. Voir encore dans la Revue des Deux Mondes du 15 octobre 1916, mon article sur les « opérations de débarquement, » qui a été reproduit aussi, en mai 1917 par le Journal of the R. U. Institution.
  18. Au moment où je corrige les épreuves de cet article, j’apprends la reprise heureuse de l’offensive en Galicie. Ma conviction de l’intérêt de la coopération japonaise n’en reste pas moins entière.
  19. Il y a eu déjà des « raids » d’aéroplanes alliés dans cette direction en 1915 et 1916. Observons à ce sujet quelle importance de plus en plus grande prend la coopération de ces appareils et des navires, soit de surface, soit de plongée dans la guerre de côtes. Dans le cas qui nous occupe, cette importance serait capitale.