Les Oiseaux de passage (Ségalas)/02/08

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Les Oiseaux de passage : PoésiesMoutardier, libraire-éditeur (p. 147-156).

UNE MÈRE À SON ENFANT.

L’enfant si joli, si frêle ; l’enfant dont la lèvre est rose.
Jules Janin.

Enfant plus beau que l’ange, et qui s’envolerait,
Si sur sa blanche épaule était une aile blanche !

— Justin Maurice. —


Que de brillantes fleurs tu cueilles,
En suivant les sentiers du bois !
Leurs tiges et leurs mille feuilles
Se pressent dans tes petits doigts.

Sur le gazon vert des allées,
Sais-tu qui répand ces bouquets ;
Et dans les bois, dans les vallées,
Te les a semés pour jouets ?


Celui qui fait toutes ces choses,
C’est Dieu, de son palais du ciel.
C’est lui qui nuance les roses,
Et donne aux abeilles leur miel.
Il suspend tes bons fruits aux branches ;
Il jette un gazon de satin
Sous tes pieds ; pour tes robes blanches,
Dans la plaine, il sème du lin.



C’est lui, toujours lui, qui t’envoie
Les bluets, ces saphirs des blés,
Qui donne au ver sa longue soie,
Au rossignol ses chants perlés ;
C’est lui qui fait le corps si frêle
Des papillons frais et jolis,
C’est lui qui pose sur leur aile
Ces points de nacre et de rubis.


Son ciel est tout plein de merveilles :
Là, sont des vierges, blanches sœurs,
Qui volent comme les abeilles ;
Des saints au manteau de vapeurs,
Des voix qui chantent ses louanges,
Des bienheureux ; que sais-je, moi !

De purs esprits, de jolis anges,
Tout petits enfans comme toi.


Mais eux, du moins, ils sont dociles,
On obéit au paradis ;
Leurs jeux sont choisis et tranquilles :
Si jamais des larmes, des cris,
Troublaient la divine demeure,
Parmi les grands saints on dirait :
« Chassez-nous cet enfant qui pleure ! »
Et le bon Dieu se fâcherait.


Tu sais bien ta petite amie ?
Elle est, comme eux, près du Seigneur.

À peine s’est-elle endormie
Qu’elle a fui comme une vapeur,
Plus loin que les longues comètes,
Que les nuages, les éclairs,
Que la lune, que les planètes,
Que l’arc-en-ciel, ruban des airs.


Comme ses compagnes nouvelles,
Elle tient un gentil rameau ;
Sur le dos on lui mit deux ailes,
Pour suivre au vol l’ange et l’oiseau ;
Et parfois, quand elle est bien sage,
Le bon Dieu lui permet encor
D’aller jouer dans un nuage,
Ou bien dans une étoile d’or.



L’enfant obéissant, comme elle,
En mourant s’envole dans l’air ;
Mais il tombe, s’il est rebelle,
Chez les hommes noirs de l’enfer.
Là, d’un ton sévère on commande ;
Si l’enfant joue, on le punit ;
Sa leçon est, dit-on, si grande
Que jamais il ne la finit.


Tu frémis, n’est-ce pas ? prends garde !
Sois bien sage, car c’est affreux.
Obéis-moi, Dieu te regarde ;
Les saints et les vierges des cieux,
Sous un nuage qui les voile,
Quand tu pleures, viennent te voir ;

Et je sais que dans chaque étoile
Des anges se cachent le soir.