Les Opalines/Le mur moussu

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L. Vanier (p. 81).

LE MUR MOUSSU

Quand dans le vieux jardin qu’élégantait l’été
De feuillages, de fleurs, d’éclats joyeux de femmes,
Je retourne en automne, il est tout attristé.
On le dirait alors un pauvre corps sans âme.
Les feuilles dans le silence tombant d’ennui,
S’entre-choquent en route en des bruits de squelette ;
Un jour épuisé rôde, éteint, presque la nuit.
Et seul vivant parmi cette mort, l’inquiète
Le petit cri plaintif d’un minuscule oiseau.
Or, au fond du jardin, près d’un massif, derrière,
Un vieux mur chancelant mâchonne, tels des mots,
Les mêmes toujours, les feuilles d’un grand lierre
Entre ses moellons semblables à des dents
Sales et folâtrant, disjointes, en révolte :
Ce vieux mur est humide et morose, creux dedans,
Comme un tempérament froid de vieille dévote.