Les Opiniâtres/00

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Imprimerie Populaire, Limitée (p. 5).

Preuve du dynamisme de la race, la France fonde successivement deux immenses empires coloniaux en moins de quatre siècles : celui qu’elle possède aujourd’hui ; celui qu’elle a perdu. En 1760, l’Amérique du Nord lui appartenait tout entière sauf le Mexique, l’isthme de Panama et une mince lisière du littoral atlantique. Flottant sur une série de forts et d’établissements, le drapeau fleurdelisé jalonnait un T gigantesque : le premier trait de l’est à l’ouest, rayait le Canada du golfe Saint-Laurent aux Rocheuses ; le second, du nord au sud, traversait les États-Unis en longeant le Mississipi. Par deux des plus grands fleuves du monde, tout l’hinterland était découvert, pénétré, soumis.

Cette possession reposait sur une assise : la Nouvelle-France. Simple factorerie de 1608 à 1629, Québec devint centre de colonisation et capitale à partir de 1632 ; les soldats palissadèrent les Trois-Rivières en 1634, et Ville-Marie, aujourd’hui Montréal, en 1642. Ce roman débute en 1636, sous l’égide de Richelieu, l’année de la prise de Corbie ; il se termine en 1665, alors que se lève l’astre de Louis XIV. Entre ces deux dates se présentent les premiers colons. Soumis pendant vingt-cinq ans à un destin effroyable, — les trois premières guerres iroquoises, — ils s’enracinent en attendant que la France puisse leur porter aide. Ces pages leur sont dédiées. De cette race forgée sur une dure enclume, des recrues appelées plus tard, descendraient les conquistadores de l’Amérique du Nord qui assujettiraient des immensités de sylve et de prairie. Leur intrépidité relève du fonds commun de l’héroïsme colonial français ; il importe de la lui restituer, à l’heure où des âmes doutent parfois d’un génie dont toutes les parties du monde ont connu tour à tour la robuste étreinte et le clair rayonnement.