Les Oubliés et les Dédaignés/Le Cousin Jacques

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(p. 149-214).

LE COUSIN JACQUES


I

« Et puis, on vit paraître un auteur de mauvais genre, qui s’appela Cousin Jacques, qui fit des Lunes, qui fit des Planètes, et qui osa rire publiquement quand la mode en était passée ; et puis tous les jolis petits écrivains du bon genre prouvèrent, par des almanachs d’une grande force, qu’il était impossible de rire et d’avoir du goût, de faire un Courrier des Lunes et d’avoir du bon sens, d’aller dans les planètes et d’être un homme d’esprit, de s’appeler Cousin Jacques et d’être un bon citoyen.

« Et puis, les amateurs qui voulurent en juger par eux-mêmes eurent la politesse de trouver qu’on peut en riant parler raison, qu’on peut en riant avoir un cœur, qu’on peut en riant être moraliste ; de sorte que le Cousin Jacques, proscrit et rejeté par le public qui ne rit pas, fut accueilli et fêté par le public qui rit. »

Ainsi s’exprime sur lui-même l’original et facétieux écrivain dont nous allons dire l’histoire. Ses refrains errent de temps en temps sur les lèvres des octogénaires, et lorsque l’on feuillette le théâtre de la Révolution, on y retrouve son nom inscrit à chaque page.

Le Cousin Jacques a été au-devant des biographes en produisant son signalement : « Louis-Abel Beffroy de Reigny, dit le Cousin Jacques, écuyer, né à Laon le 6 novembre 1757 ; du Musée de Paris, des académies d’Arras et de Bretagne, etc., portant cheveux blonds, taille de cinq pieds six pouces, ayant la joue et l’œil gauche endommagés par le feu, et demeurant à Paris, rue des Vieux-Augustins, hôtel de Beauvais, no 264. »

C’est clair, je crois.

Il vint au monde alors que son père avait déjà passé la soixantaine. On lui donna le nom de de Reigny, pour le distinguer de Beffroy de Reauvoir et de Beffroy de Jisomprez, ses deux frères[1]. Sa famille occupait un rang aisé dans la province et jouissait de l’estime générale ; mais il eut peu l’occasion de la connaître, car il fut envoyé très-jeune à Paris pour y faire ses études ; et, sur ces entrefaites, son père étant mort, sa mère se retira au couvent.

Tout devait être singulier dans le Cousin Jacques. À peine âgé de douze mois, sa nourrice l’avait laissé choir dans le feu : on le ramassa, le visage à moitié rôti ; de là cette cicatrice qui lui donna un aspect bizarre, en harmonie avec le caractère de ses productions. Ce n’était pas qu’il fût laid : un front développé, une coupe de figure longue et élégante, le nez bien fait, tout cela plaidait en faveur d’une physionomie intéressante et douce.

On le plaça au collège Louis-le-Grand, où il eut pour condisciples Camille Desmoulins, Jehanne et Robespierre l’aîné. « Je ne crois pas, dit-il, qu’il y ait beaucoup de Français qui aient étudié Robespierre avec autant d’attention que moi ; nous fûmes camarades d’études, et rivaux pour les premières places en rhétorique. La hasard voulut même que je l’emportasse sur lui, ce qu’il ne me pardonna jamais. » Ceci est un accès gratuit de vanité, mais nous en rencontrerons bien d’autres chez le Cousin Jacques.

À dix-sept ans, le jeune Beffroy, qui venait régulièrement passer ses vacances dans le Laonnais, était déjà éperdument amoureux. L’objet de cette première inclination était une petite brune, demi-bourgeoise, demi-villageoise, coquette, et plus spirituelle qu’il ne convient aux demoiselles de son âge. Il avait risqué une déclaration, que l’on avait accueillie sans trop de courroux ; aussi, quand il fallut retourner à Paris, son désespoir ne connut point de bornes. Mais que faire ? Il dut partir. Seul, au mois d’octobre, à cinq heures du matin, marchant pensivement au milieu des ombres du crépuscule, sur une grande route, dans la forêt de Villers-Cotterets, Beffroy pressait de temps à autre contre son gousset l’argent qu’on lui avait donné pour prendre la diligence et qu’il réservait pour envoyer à sa brune un cadeau de Paris. Néanmoins son courage s’émoussait au souvenir des heures de tendresse, et vingt fois il se vit sur le point de faire volte-face pour reprendre le chemin de Laon. Ce fut un grenadier au régiment de Navarre qui lui épargna cette première folie : depuis vingt minutes ce grenadier marchait derrière lui, en chantonnant un refrain de caserne. « Où allez-vous donc, mon petit bonhomme ? » lui demanda-t-il en le voyant se retourner et hésiter. Pleurs du jeune Beffroy. « Est-ce que vous vous seriez égaré ? Parbleu ! je suis là pour vous montrer la route. » Et il lui montra la route du cabaret. Notre amoureux avait besoin de distraction, il se laissa conduire. Ce grenadier était d’ailleurs un excellent homme, quarante ans au plus, figure rouge et cordiale, gestes animés, langage naïf ; il portait les deux épées en sautoir, décoration qui était pour le soldat ce que la croix de Saint-Louis était pour l’officier. Il fit apporter une bouteille et deux verres. « Buvez, mon jeune galant ! dit-il ; buvez et vous serez consolé. » Beffroy, tout en larmoyant et en trinquant, raconta ses peines au grenadier, qui demanda une seconde bouteille ; la confidence n’en finissait pas. Il advint cependant qu’à la troisième bouteille, Beffroy essuya ses yeux ; à la quatrième, il commença à sourire ; et quand ils se levèrent de table, il était tout à fait consolé ; c’était le grenadier au régiment de Navarre qui était devenu presque amoureux. Ils reprirent ensemble la route de Paris. Beffroy chantait à tue-tête, et ne concevait plus comment il avait pu montrer tant de faiblesse quelques instants auparavant ; le grenadier était triste et songeait. Il n’en continua pas moins de servir d’escorte à son jeune camarade, et il ne l’abandonna qu’après avoir vu la porte du collège se refermer derrière lui.

L’année suivante. Beffroy de Reigny prit le petit collet ; il fit un abbé charmant, dans le sens mondain attaché à ce mot par le dix-huitième siècle, c’est-à-dire qu’il chanta à ravir, qu’il apprit à pincer de la guitare et qu’il composa de petits vers pour les dames qui mettaient du rouge. Il eut de la vogue comme Vert-Vert, on se l’arracha, on se le disputa dans les sociétés bourgeoises : il apportait des bouquets, on lui rendait des pralines, et il disait merci d’une voix flûtée. Pour mettre le sceau à son mérite, il improvisa un matin les strophes suivantes pour une jeune femme qui demeurait vis-à-vis de lui, et qu’il avait aperçue à sa fenêtre :

En peu de temps tu te fais bien connaître,
En peu de temps tu sais te faire aimer.
Pour exercer le pouvoir de charmer,
Tu n’as besoin que d’être à ta fenêtre.

L’heureux passant, dès qu’il t’a vue paraître,
Partout ailleurs n’envisage que toi ;
À tes attraits il se rend comme moi,
Et comme moi rend grâce à ta fenêtre.

Le tendre Amour est devenu mon maître ;
Par son pouvoir je me sens partager ;
Ce dieu m’a fait à demi déloger :
Il a porté mon cœur sur ta fenêtre.

De tes beaux yeux la puissance fait naître
Dans tous les cœurs l’image du plaisir ;
Mais il faudrait, hélas ! pour en jouir,
Il faudrait être — ailleurs qu’à la fenêtre.

La chanson était galante, le motif en était ingénieux ; elle courut les salons et valut à son auteur une grêle de compliments. L’abbé de Reigny eût pu vivre longtemps ainsi de glorioles et de pralines, s’il eût été pourvu de quelques bénéfices par-dessus le marché ; mais le ciel lui avait refusé cette douceur. Pour y suppléer autant que possible, il donna des leçons et professa les humanités : Augustin Robespierre fut un de ses élèves ; il courut la province de collége en collége, et un peu aussi de boudoir en boudoir, composant déjà des comédies qu’il faisait représenter sous l’anonyme.

En ce temps-là, c’était la grande fureur du pèlerinage à Ferney : tout le dix-huitième siècle passait par l’antichambre de Voltaire ; Beffroy de Reigny fit comme tout le dix-huitième siècle. Le patriarche de la littérature, qui ne craignait pas de compromettre le caractère auguste du talent et la dignité philosophique de la vieillesse en rendant adulation pour adulation, l’accueillit les bras ouverts, semblable à ces gens qui, après une fraternelle accolade, s’écrient : « Eh ! bonjour, mon cher ami… comment te nommes-tu ? » En faveur de sa grande jeunesse, Beffroy de Reigny fut admis à l’honneur insigne de lire un petit poëme de sa composition. Voltaire eut deux ou trois sourires de complaisance pour cette bluette, et appuya sur ce qu’il fallait donner au public ce joli colifichet. Ce fait décida en partie la vocation de l’abbé de Reigny. Voltaire en a égaré de plus candides !

À cette époque, notre héros, qui menait la vie errante du chevalier de Boufflers, fut amené assez singulièrement à adopter le pseudonyme sous lequel il est connu et classé en littérature. Il se promenait, avec quelques dames évaporées, dans un village des environs de Tournay ; la conversation roulait sur les noms de guerre que prennent certains auteurs : à ce propos on citait l’Anonyme de Vaugirard, Frère Sylvain des Ardennes, et l’on cherchait pour l’abbé un sobriquet qui caractérisât son talent badin et un peu fou. Sur ces entrefaites passe un pauvre, appelé Cousin Jacques parce qu’il était allié à tous les gens du village, et dont l’habit, composé de sept différentes couleurs, attirait de très-loin les regards. « Bon ! s’écrièrent aussitôt les dames en chœur, ce costume est tout à fait analogue à l’imagination de notre poëte, il faut l’appeler Cousin Jacques ! » Elles n’en eurent pas le démenti ; l’abbé prit la plaisanterie au sérieux, d’autant plus qu’il trouvait le sobriquet à son gré.

Ce fut donc sous ce nom de Cousin Jacques qu’il fit paraître ses premiers ouvrages, c’est-à-dire trois poëmes plus extravagants les uns que les autres : Marlborough, Turlututu, Hurluberlu, et une sorte de pot-pourri en un gros volume, les Petites-Maisons du Parnasse, avec cette épigraphe : « Mes amis, n’en doutons plus, cet homme-ci est fou, dans toute la force du terme. » Jamais épigraphe ne dit plus vrai : les Petites-Maisons du Parnasse sont écrites dans un style qui n’appartient à rien de connu. À peine si deux ou trois épigrammes spirituellement tournées surnagent seules dans un flot de vers tombés de sa plume avec une profusion désespérante. J’ignore si l’ouvrage obtint du succès, mais à coup sûr ce ne dut être qu’un succès de stupéfaction. Il l’avait proposé à plusieurs libraires de Paris, qui avaient refusé de l’imprimer, sous des raisons spécieuses, mais polies ; un seul, plus goguenard que les autres, crut devoir accompagner son refus de la missive suivante :

« On m’a remis l’autre jour de votre part, monsieur, un manuscrit intitulé : les Petites-Maisons du Parnasse ; j’ai mal auguré du succès de cet ouvrage quand j’ai observé que la personne qui m’en chargeait n’avait ni montre au gousset, ni épée au côté, ni habit galonné. Le nom de Cousin Jacques ne m’a point non plus paru assez relevé pour intéresser en faveur de l’ouvrage. Je me suis informé à votre substitut de votre célébrité actuelle, de vos prétentions littéraires et spécialement du rang que vous occupez dans le monde. La manière dont on a satisfait à cette triple question n’est rien moins que décisive pour moi. On m’a répondu que vous n’aspiriez pas à moins qu’à vous placer au niveau des bons auteurs ; que vous n’étiez connu que dans un très-petit cercle de gens de lettres, et que vous ne teniez à rien sur la terre. Si du moins vous étiez sûr de la protection d’un journaliste ! Mais n’avoir de l’esprit que par soi-même ! Comment voulez-vous que je puisse me charger d’un livre dont l’auteur n’est membre d’aucune société littéraire ? C’est une raison plus que suffisante pour renvoyer votre manuscrit à la personne qui me l’a remis en main. »

Cette lettre rebuta un peu le Cousin Jacques, qui prit le parti de s’éditer lui-même, et qui fit imprimer, à ses frais, par la société typographique de Bouillon, les Petites-Maisons du Parnasse. Ce n’était guère le moyen de faire fortune, il ne tarda pas à s’en apercevoir. Il avait jeté le petit collet aux orties et épousé une jeune orpheline qui ne lui avait pas apporté grand’chose ; il ne perdit pas courage cependant, car il avait une nature obstinée ; et sa vocation, bonne ou mauvaise, était de celles que rien ne détourne, — pas même la misère, pas même l’amour.

Une aventure qui lui arriva témoigne de son esprit inventif et un peu mystificateur.

Les Beffroy se divisaient en deux branches, qui toutes deux comptaient des alliances honorables, même illustres. Par malheur, un des Beffroy de Picardie, aïeul de notre auteur, avait dérogé ; et depuis ce temps l’autre branche s’était mise en tête de défendre à ses descendants de porter le nom de Beffroy. Le Cousin Jacques, bien que dépourvu de toute morgue nobiliaire, ne fut pas fâché cependant de se procurer la preuve matérielle et légale de sa parenté avec les grands Beffroy. Pour cela, il usa de stratagème ; il fit insérer dans les Petites-Affiches « qu’un Beffroy, de la branche de Picardie, ayant été dans sa jeunesse s’établir à Venise, venait d’y décéder sans enfants et qu’il avait laissé 800,000 livres réversibles à sa famille ; qu’en conséquence, tous les Beffroy de cette famille étaient invités à venir communiquer leurs titres et leur filiation à M. un tel, notaire à Paris, etc. »

La ruse eut son plein effet : quatre jours après, un grand Beffroy accourut chez le notaire ; on lui contesta la parenté, mais il prouva, par sa généalogie bien en règle, qu’il était tout à fait de la même souche que les petits Beffroy, ce qu’il eût été marri de reconnaître auparavant. Quand le notaire eut fait prendre une copie certifiée et légalisée de ces titres, il dit au gentilhomme : « Monsieur, je suis extrêmement fâché de vos peines, mais je dois vous dire que la succession est un roman, qu’elle n’existe que dans le journal, et que ce moyen n’a été imaginé que pour procurer à vos parents ce qui leur manquait de leurs papiers. »

Beffroy de Reigny, ou plutôt le Cousin Jacques, — c’est ainsi que nous le désignerons désormais, — continua de végéter pendant deux ou trois années encore, tantôt à Paris et tantôt en province, envoyant de petites boutades versifiées au Mercure de France, qui les insérait avec plaisir, mais qui ne les payait pas. On était en 1785. Il fallait prendre un parti : ce fut alors qu’il fonda ce journal singulier et tout personnel intitulé : les Lunes du Cousin Jacques, almanach de prose et de vers sur tous les sujets possibles, ou plutôt impossibles. Son premier souscripteur fut M. de Montgolfier : un tel nom devait porter bonheur à un ouvrage s’élevant jusqu’aux astres. Les Lunes, en effet, se virent accueillies avec une faveur marquée, non pas précisément par le public littéraire, mais par un public spécial, recruté dans la bourgeoisie avancée et dans la noblesse de province, parmi les amateurs de comédie de société, les petits-maîtres de robe, les femmes retirées du monde, les plus funèbres et les plus vieux conseillers au parlement, les savants fantasques, les riches qui achètent tout et ne lisent rien, ceux qui passent leur vie à remplir des bouts rimés, ceux qui croient se rajeunir en se procurant tout ce qui paraît de nouveau, et généralement enfin ceux qui s’abonnent par hasard, c’est-à-dire la majorité. À tout ce monde-là, l’esprit du Cousin Jacques allait comme un gant, et bientôt la prospérité de son journal surpassa ses plus audacieuses espérances.

Les Lunes parurent d’abord tous les mois, puis ensuite tous les quinze jours ; chaque numéro forme un petit volume d’environ cent pages ; la collection complète en est excessivement rare. Dans le cours de leur publication, qui se poursuivit jusqu’en 1790, malgré quelques interruptions, elles changèrent plusieurs fois de titre : ce fut le Courrier des Planètes, puis le Cousin Jacques tout simplement. Des lunes, des croissants, des étoiles, tels sont les attributs gravés en haut de la première page.

Afin de mettre chacun à son aise, il tolérait la souscription en nature ; ainsi il recevait un frac de drap de coton tigré ou une culotte de velours caca-dauphin, pour un abonnement d’une année. C’est que la littérature du Cousin Jacques était une littérature tout à fait amicale, communiquant directement avec le lecteur. Il ne faut qu’ouvrir un de ses volumes, et jeter les yeux sur les premières pages ; on est confondu, abasourdi de ses folâtres manières ; les licences qu’il prend avec ses abonnés surpassent l’imagination la plus folle. Tantôt c’est un chœur familier comme celui-ci :

LES ABONNÉS, se balançant en mesure :

Serez-vous toujours joyeux,
Moraux et point ennuyeux ?
Nous ferez-vous toujours rire
Sans prodiguer la satire ?

LA LUNE ET LE COUSIN.

Oui, nous le jurons !

LES ABONNÉS, faisant une pirouette

Nous nous abonnerons !

II
LES ABONNÉS, se balançant plus gaiement.

Mettrez-vous de temps en temps
Quelques sujets importants ?
Mettrez-vous en vers, en prose,
Des tableaux couleur de rose ?

LA LUNE ET LE COUSIN.

Oui, nous en mettrons.

LES ABONNÉS font ici plusieurs pirouettes dans les transports
de leur gaieté.

Nous nous abonnerons !

Tantôt ce sont des pages entièrement imprimées en sens inverse, des pages toutes blanches ou des pages toutes noires ; d’autres fois c’est le titre qu’il change et qu’il remplace de la sorte : LES FAMEUSES LUNES DU FAMEUX COUSIN JACQUES, CE GRAND HOMME. Toutes ces calembredaines paraissent plaire infiniment à ses souscripteurs, qui de tous côtés lui envoient, avec leurs félicitations sincères, celui-ci un panier de champagne, celui-là une petite chienne blanche aux pattes noires. Il y en a aussi qui lui envoient des vers, c’est le mauvais côté de la médaille.

Je note en passant tous ces détails, quelque puérils qu’ils puissent sembler, parce qu’ils servent à l’histoire des premiers temps du journalisme, temps de cocagne et de procédés réciproques.

Les Lunes sont un monument élevé à la frivolité, cette nymphe en habit de gaze qui ne laisse après elle ni délires ni soucis, et dont le Cousin Jacques avait fait sa muse souveraine. Faut-il citer les bouffonneries qu’elle lui inspira, l’Île des Cataplasmes, le Bal des Comètes, l’Histoire du musicien Gobnichelli, les Deux Paris l’un sur l’autre, et mille autre caprices de pensée et de forme ?

La critique, qui ne sommeille jamais en France, avait bien de temps en temps quelques malices pour le Cousin Jacques, quelques coups de dents pour ses Lunes, mais c’était fort peu de chose. Une seule farce un peu amère fut dirigée contre lui ; voici comment : dans un article allégorique, il avait demandé plusieurs animaux destinés à former une ménagerie supposée. Un plaisant, très-dur d’oreille à l’endroit de la rhétorique, eut la complaisance d’acheter dans le quartier de Sainte-Geneviève un superbe aliboron ; il poussa même le faste jusqu’à le faire bâter et équiper de pied en cap : un ruban de couleur rose, attaché à sa queue, flottait au gré du vent ; sur chacune de ses oreilles était nouée une rosette d’oreilles de crêpe, bordée d’une colette de satin, telles qu’on les faisait alors dans les magasins de modes. Les deux œillets de son mors étaient deux lunes de cuivre doré. Cela était charmant. Sur le front de la bête, il y avait un papier vert étalant ces mots écrits en grosses lettres d’or : âne pour le cousin jacques. Cet âne, majestueusement escorté du domestique de l’acheteur, traversa tout Paris au milieu des brocards d’une foule immense, et ne s’arrêta que devant le bureau des Lunes.

Il est probable que le Cousin Jacques ne fut pas enchanté de la plaisanterie ; cependant il n’en montra rien, et, comme tout Paris connaissait l’anecdote, il la raconta lui-même d’assez bonne grâce dans un de ses numéros.

Bien avant les Guêpes et les autres petits journaux à la suite, le Cousin Jacques avait donné l’échantillon de ces sortes de plaisanteries intimes où l’auteur se met en jeu, lui et son entourage. Il ne manque presque rien aux lignes suivantes pour qu’elles puissent être confondues avec les lazzi habituels des feuilles comiques d’à présent : « Notre libraire Lesclapart, ci-devant pont Notre-Dame, va quitter son ancienne maison pour trente-trois raisons très-valables : la première, c’est qu’on va l’abattre, ainsi que toutes les maisons des ponts. Cette raison-là nous dispense de détailler les trente-deux autres. Il va demeurer rue du Roule, vis-à-vis du parfumeur du roi et de la cour. La translation du bureau Lunatique se fera en grande cérémonie, au clair de la lune, vers les sept heures du soir. Ordre de la marche : d’abord un portefaix, ensuite une petite charrette, enfin un autre portefaix poussant la petite charrette. Les Lunes passeront par la rue de Gèvres, le quai de la Mégisserie, près de la Samaritaine, où l’heure carillonnera, la rue de la Monnaie et enfin la rue du Roule. Il n’est pas nécessaire d’illuminer. »

Des circonstances assez singulières amenèrent, vers ce temps-là, le Cousin Jacques à renouer connaissance avec un de ses anciens camarades de collège, personnage qui devait acquérir sous la Révolution une importance et une célébrité. Un jour, le Cousin Jacques trouva chez son libraire une chanson qui le houspillait et qui, à quelques chevilles près, n’était pas du tout mauvaise ; en voici les deux derniers couplets, sur l’air : Pour la baronne.

Le Cousin Jacques
Était l’an passé bien petit,
Mais il sera grand avant Pâques ;
C’est du moins ce que l’on prédit
Au Cousin Jacques.

Quand Cousin Jacques
Au Parnasse (le croirait-on ?)
Fit pour les fous quelques baraques,
Chacun n’y vit que la maison
Du Cousin Jacques.

Celui-ci, dont l’armure était à l’épreuve de bien d’autres traits, s’inquiéta peu d’une pauvre petite flèche décochée par une main anonyme. Neuf mois se passèrent ; il avait tout à fait oublié cet incident, lorsque la lettre suivante vint le lui remettre en mémoire : « Cher Cousin Jacques, on remarquait dernièrement, comme un malheur attaché au collège où nous avons été élevés ensemble, qu’aucun de ceux qui s’y étaient distingués n’a rempli dans le monde les espérances qu’il avait d’abord données[2] ; que vous seul sembliez en ce moment le plus heureux, et nous nous en réjouissions de tout notre cœur. La manière avantageuse dont vous avez parlé de M. Robespierre nous a charmés. Le plaisir que vous aviez à donner des éloges mérités à un camarade m’a reproché ma conduite à votre égard, et m’oblige à me rétracter. J’en fais ici ma confession : c’est moi qui ai composé sur le Cousin Jacques cette chanson, plus gaie, il est vrai, que méchante, que vous avez reçue à la fin de la lune d’août. Au fond, c’est une plaisanterie innocente que je me suis permise, et dont voici le sujet. Quand nous avons vu votre prospectus annonçant votre départ pour la lune, je pensai que vous ne pourriez longtemps vous soutenir à cette hauteur ; je blâmai l’entreprise du journal, et, calculant l’éclipse totale des Lunes, j’en marquai l’époque. Il y eut des paris, et vous êtes vengé de ma chanson, car j’ai eu le plaisir de perdre. »

Cette lettre, datée du mois de mai 1786, était signée Camille Desmoulins, avocat au parlement.

« En la lisant, dit le Cousin Jacques, je me suis rappelé l’apostrophe de La Fontaine : Arrière ceux dont la bouche souffle le froid et le chaud ! » Le fait est qu’il n’a jamais pardonné à Camille Desmoulins ses palinodies, ou publiques ou privées. Voici la note un peu plus que sévère qu’il lui consacre dans son Testament, dont nous aurons à parler : « Il venait me voir avant la Révolution : c’était alors un petit avocat traînant sa nullité dans les ruisseaux de Paris. Il m’empruntait de l’argent qu’il ne me rendait jamais, et me déchirait à belles dents si je ne pouvais pas lui en prêter. J’ai plusieurs lettres de Camille, elles sont en prose et en vers ; il avait du talent, beaucoup d’esprit, peut-être un bon cœur, mais une très-mauvaise tête. En calomniant, il ne croyait que médire. Je ne pus retenir mes larmes en le voyant passer pour aller au supplice. »

II

Ai-je dit que le Cousin Jacques était un charmant musicien, et qu’à son talent de poëte il joignait un talent réel de compositeur ? Les airs de ses chansons sont presque tous de lui et il y en a de très-agréables, de l’avis de Grétry d’abord, et ensuite de l’avis de tout le monde, car quelques-uns ont été populaires. Avec ces deux cordes à son arc, le Cousin Jacques ne pouvait manquer d’arriver au théâtre et de s’y faire remarquer par ses qualités originales. Sa position de journaliste lui ouvrit aisément les portes des directeurs.

Les Ailes de l’Amour, tel est le titre de sa première pièce, chantée et dansée, un soir du mois de mai, par les comédiens Italiens, avec le succès le plus flatteur. Les Ailes de l’Amour ! Combien ce titre est adroit, séduisant et voluptueux ! Comme il peint la jeunesse du Cousin Jacques ! À l’Amour il n’a demandé rien que ses ailes ; à la Muse, il demande moins encore, ce qu’elle voudra, la rose qui pare ses cheveux. Tant d’humilité méritait une récompense : les Ailes de l’Amour la lui donnèrent. Ce petit opéra, où les madrigaux sont semés sur un fond rustique, fut interprété très-agréablement par Carline, Trial et mademoiselle Desbrosses ; on y remarqua plusieurs airs de la composition du Cousin Jacques pleins de gaieté et de fraîcheur. Cinq morceaux furent bissés et applaudis à outrance. Le Cousin Jacques était dans l’enchantement ; placé au balcon, il se surprit à applaudir lui-même de toutes ses forces et à crier bravo comme les autres.

La pièce finie, on fit un charmant tapage pour demander l’auteur. Après avoir laissé crier pendant quelques minutes, Trial s’avança sur la scène, regarda en l’air comme s’il cherchait dans les nuages, et s’avisa de chanter un couplet de sa façon, où il était dit que l’auteur s’était allé cacher de frayeur dans son royaume de la Lune. Cette saillie augmenta à un tel point l’enthousiasme du parterre, qu’il fallut absolument que le Cousin Jacques parût sur le théâtre, ce qui fit dire de lui « qu’il faisait mieux les vers que les révérences. »

À la deuxième représentation, les choses se passèrent encore de la même manière, et le Cousin Jacques finit par s’habituer à venir saluer le public. Les Ailes de l’Amour furent jouées un nombre de fois considérable, surtout en province, et on les revit avec infiniment de plaisir, en l’an vii, sur le théâtre de la rue de Bondy. Après un tel succès, le Cousin Jacques fut nommé d’emblée complimenteur du théâtre des Italiens, c’est-à-dire qu’on le chargea de composer les pièces de fermeture et de réouverture, honorifiques fonctions qu’il conserva pendant plusieurs années. Quelques-unes de ces pièces ont été imprimées, soit dans les Lunes, soit séparément.

Il mena une existence assez reposée jusqu’aux approches de la Révolution. D’ailleurs c’était un homme de goûts simples, trouvant son bonheur dans le seul et libre exercice de la littérature. Il fut donc tout étonné, en 1789, de voir entrer le peuple chez lui. Le peuple chez le Cousin Jacques ? Oui, vraiment. Sa réputation s’était faite à la sourdine et avait pénétré jusque chez les dernières classes, qui l’aimaient à cause de sa jovialité et de son nom facile à retenir. Le peuple l’entraîna malgré lui à l’hôtel de ville pour le forcer d’écrire le siège de la Bastille. C’est comme si le peuple de nos jours était venu chez Béranger pour le forcer d’écrire l’histoire de la révolution de février. Vainement le Cousin Jacques essaya-t-il d’objecter qu’il était chansonnier, rien que chansonnier, et point du tout historien, on ne voulut pas l’entendre. Dix ou douze patriotes l’empoignèrent par le collet et le traînèrent de la sorte jusqu’au milieu de la cour de l’hôtel de ville, que remplissaient en très-grand nombre les bourgeois de Paris et les gardes françaises. Là le Cousin Jacques écrivit sous leur dictée le Précis de l’histoire de la Bastille, en ayant soin de s’arrêter après chaque phrase pour demander si c’était bien cela ; la phrase n’était conservée que d’après l’avis de la majorité. Bailly, La Fayette et de Lasalle approuvèrent ce Précis, qui fut tiré à cinquante-six mille exemplaires et vendu au profit des familles des assiégeants blessés ou morts.

Cette aventure valut au Cousin Jacques le brevet de secrétaire de la compagnie des Volontaires de la Bastille, avec le petit ruban tricolore portant une bastille renversée. On lui apporta en triomphe deux énormes boulets et une vieille cuirasse pesant trente-deux livres ; il mit tout cela dans sa cave, s’imaginant être enfin débarrassé de ces honneurs pleins de turbulence. Quel fut son désappointement ! Le poste élevé qu’il devait au hasard amena chez lui plus de dix-sept cents vainqueurs de la Bastille, qui prétendaient tous l’avoir prise ; la chose en arriva même au point qu’il fallut, pendant un temps, un certificat signé du Cousin Jacques pour avoir droit aux priviléges ou émoluments accordés par la ville. Depuis huit heures du matin jusqu’à dix heures du soir, son cabinet ne désemplissait pas. « Je fus à même, écrit-il, de connaître de grands monstres ; je n’ai point eu personnellement à m’en plaindre. Mes manières honnêtes et la patience avec laquelle j’écoutais les uns et les autres m’ont sans doute attiré la bienveillance de tout le monde. Je les laissais parler à tort et à travers ; puis je comparais sans rien dire, je rapprochais en silence tous ces rapports incohérents, et la vérité jaillissait de ce choc d’idées et de faits absolument disparates. »

Le Cousin Jacques, qui n’avait retiré aucun bénéfice de son Précis de la prise de la Bastille, résolut d’utiliser tous ses renseignements ; il en composa pour son compte un ouvrage intitulé : Histoire de France pendant trois mois ; mais le moment de l’actualité était perdu. Il fut obligé de revenir et de s’en tenir à ses Lunes, qui, elles-mêmes, commençaient à être obscurcies par les brouillards politiques…

Les derniers numéros de cette publication, si gaie à sa naissance, sont attristés fréquemment par des confidences douloureuses sur la situation de l’auteur, sur ses malheurs pécuniaires et sur la difficulté des temps : « Les banqueroutes de plusieurs libraires me réduisent enfin à gémir dans une position voisine de l’indigence. Je suis forcé de quitter mon logement, et il se trouve aujourd’hui qu’ayant travaillé onze heures par jour et une partie des nuits, me refusant jusqu’à la plus légère distraction, faisant honneur à mes engagements, je n’ai rien avancé de mes affaires et je suis retombé dans l’état où je végétais autrefois, et d’où j’avais eu tant de mal à me tirer ! On peut donc, avec quelque talent, avec une activité sans égale, avec une conduite irréprochable, avec une réputation et des succès, ne retirer aucun produit de ses veilles ? » Hélas ! oui, mon pauvre Cousin Jacques ; fallait-il une révolution pour vous en faire apercevoir !

Cette fois, il ne badine plus avec ses abonnés, il ne chante plus et ne danse plus en rond avec eux, mais il presse ses rentrées, car il est devenu lui-même son propre éditeur et son propre libraire, depuis qu’éditeurs et libraires se sont réunis pour le voler. Il est allé se loger obscurément rue Phélypeaux, en face de la Vierge, l’escalier au fond de la cour, et là il s’est mis à joindre sans plus de façon à sa littérature un petit commerce d’écrivain public, se chargeant, comme il l’annonce hautement, des Mémoires, Réclamations, Plaintes, etc., le tout moyennant des conventions particulières.

Il y a même plus : lui qui, jadis, se montrait d’une absolue sévérité au sujet des morceaux de poésie qu’on lui envoyait, il les accueille maintenant sans distinction, et les insère dans les Lunes, sur le pied de quatre livres la page. On voit même s’y glisser quelquefois jusqu’à de la vile prose de marchand ; c’est à se croire égaré dans les colonnes des Petites Affiches. Quelle déchéance ! surtout lorsqu’on se reporte par le souvenir aux annonces métaphoriques que, seules, se permettait jadis le Cousin Jacques : « On a perdu dimanche, sur le boulevard, entre chien et loup, un cœur fond rose, marqué de taches de feu, piqué légèrement en mille endroits par des pointes de flèches emplumées. Le rapporter à madame de *** qui donnera une récompense. »

Lunes décroissantes et bien décroissantes, hélas ! gaieté qui s’éteint, chansons qui s’effarouchent et s’envolent ! Toute l’agonie dolente du dix-huitième siècle littéraire se retrouve, battements pour battements, rimes pour rimes, dans ce petit cahier plein de choses frivoles. Là, dans le coin chaque jour plus étroit que leur laissent à grand’peine les nouvelles de l’Assemblée nationale et les rumeurs des clubs, on assiste aux luttes désespérées du couplet, de l’épigramme et de l’acrostiche contre l’indifférence publique. Plus qu’en aucun temps, le Cousin Jacques se voit accablé de vers fugitifs, accourus de tous les bouts de la province, vers à Églé, à Iris, à Chloé, à Zulmé, à Aglaé, et généralement à toutes les nymphes consacrées du poétique vallon. Aujourd’hui c’est une Boutade sur une jarretière coquelicot, demain c’est un Madrigal à la jeune marquise de Nédonchel qui prenait les boues de Saiut-Amand ; ou bien encore un Impromptu fait sur le palier d’Eugénie, qui m’avait crié bonsoir par la serrure. L’idylle et la romance ne veulent pas céder d’un pouce à la politique. Vainement prend-on la Bastille et égorge-t-on les financiers, Iris se moque de la Bastille et continue de mener paître ses agneaux dans les prés du Cousin Jacques. Pas un gentilhomme de campagne, pas un gai chanoine, pas un militaire amoureux, pas un désœuvré bel-esprit et bon convive qui ne lui envoie sa protestation rimée. Chacun s’efforce de retenir par un pan de leur tunique les Muses attristées ; chacun voudrait étouffer, par un refrain pimpant et insouciant en apparence, le bruit que fait la Révolution.

Il faut céder cependant, il faut céder, poétiques abonnés des Lunes ! Déjà le Cousin Jacques ne peut plus subvenir aux frais de son journal ; il se voit écrasé par la concurrence formidable qui grandit autour de lui. Les Actes des Apôtres, l’Ami du peuple, la Chronique de Paris absorbent l’attention générale. Bientôt il est entièrement éclipsé par Carra, Gorsas, Loustalot et autres nouveaux venus que le Parnasse n’attendait pas.

Les Lunes cessèrent de paraître.

Forcé d’accommoder son esprit à la mode du temps et de le tremper aux sources équivoques de l’allusion, le Cousin Jacques improvisa une sorte de divertissement intitulé : la Fédération du Parnasse, lequel fut représenté trente et une fois en un seul mois, sur le théâtre des Beaujolais. Un succès si prononcé l’encouragea : plusieurs théâtres sollicitaient sa verve de circonstance, il se mit au pas des événements, et mérita d’être surnommé le poëte comique de la Révolution.

III

Nous voici arrivé au plus grand succès du Cousin Jacques, à sa pièce de Nicodème dans la lune, qui fut un événement politique encore plus qu’un événement littéraire. Quatre cents représentations n’en épuisèrent pas la vogue : elle fit la réputation de plusieurs acteurs, entre autres de Juliet, admirable de masque et de jeu, et de Brunet, qui prit ensuite le rôle. Nicodème dans la Lune ou la Révolution pacifique, folie en trois actes et en prose, fut jouée sur le Théâtre-Français comique et lyrique, précédemment théâtre des Variétés-Amusantes, et précédemment encore Spectacle du sieur Lécluze.

Ce Lécluze, qui se faisait surnommer de Tilloy pour se donner un air de seigneurie, avait eu de la réputation à l’Opéra-Comique dans les rôles de charbonnier. Depuis, il s’était insinué dans les bonnes grâces de Stanislas, roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar, qui le nomma son chirurgien-dentiste le jour qu’il perdit sa dernière dent. Lécluze prit l’uniforme ad honores, et ne le quitta jamais. Il fit longtemps antichambre chez le lieutenant de police, et lui demanda la permission d’établir à Paris un spectacle à quatre sous. Le magistrat, intéressé dans la foire Saint-Laurent et désirant la faire revivre, accorda à Lécluze, — sur le refus des autres spectacles de s’y transporter. — la permission d’y fonder le susdit théâtre à quatre sous. Lécluze fit donc construire rue de Bondy, au coin de la rue de Lancry, une salle qui n’existe plus, et dont il n’eut même pas la gloire de faire l’ouverture, car il revendit presque immédiatement son privilége. « Il avait débuté par prendre un carrosse, dit un de ses contemporains[3], et il n’avait pas de chemise ; les chevaux mangèrent le carrosse, Lécluze mangea les chevaux, les filles mangèrent Lécluze, qui fut forcé de se réfugier au Temple. Plus tard, il alla faire les délices de la province. Je lui ai entendu chanter la romance de la Fileuse avec une voix de soixante-dix ans, ce qu’on appelle voix de rogomme ; il figurait la quenouille avec son épée et imitait parfaitement tous les mouvements de quelqu’un qui file. »

En 1790, l’ancien théâtre du sieur Lécluze, après avoir traversé bien des périodes de décadence, se releva par la pièce de Nicodème dans la Lune, qui fit entrer plus de cent mille écus dans la caisse du directeur, — tandis qu’elle ne rapporta en tout que seize cents livres à son auteur. Il avait tout fait cependant : les airs et même le plan de l’ouverture. Les rues de Paris ont retenti pendant plusieurs années de : Colinette au bois s’en alla (que mademoiselle Déjazet nous a rendue dans la pièce des Prés Saint-Gervais), et de la ronde : L’autre jour la petite Isabelle. Car il est juste de remarquer ici que ce n’est pas uniquement par la force de l’allusion que les pièces du Cousin Jacques se sont soutenues au théâtre.

D’après le titre, le sujet se devine. Il s’agit d’un villageois qu’un vieux savant emmène avec lui en ballon. Au milieu de la nuit, le savant s’endort et tombe dans la ruelle. Nicodème arrive seul, par la galiote du firmament, au pays des lunatiques, qu’il trouve en pleine révolution, coïncidence qui l’étonne. De là ses récits de ce qui se passe d’analogue en France, ses conseils, ses avertissements : « Jusqu’à cette heure, Dieu merci ! il n’y a encore personne de blessé ! » dit-il. C’est cette phrase que le Cousin Jacques a placée en épigraphe — j’allais dire en épigramme — sur sa pièce imprimée[4].

Une fois le type de Nicodème décidé et parfaitement adopté par le public, il crut qu’il n’y avait plus qu’à l’exploiter, comme avait fait Dorvigny pour Janot, Pompigny pour Barogo, Beaunoir pour Pointu. Il donna les Deux Nicodèmes au théâtre de Monsieur (théâtre de la rue Feydeau) où venait de passer Juliet. Par malheur, cette pièce, quoique conçue dans le sens de son aînée, suscita de violents orages ; elle ne put aller au delà de la septième représentation, et l’officier municipal fut obligé de paraître dix ou douze fois sur la scène pour remettre l’ordre[5].

Parmi les couplets retenus, on citait celui-ci :

NICODÈME l’aîné.

Gnia pourtant d’bonn’ lois en France……

LA MÈRE NICODÈME.

Oui, mais qu’on n’ suit pas.

NICODÈME l’aîné.

Gnia z-un frein à la licence…

LA MÈRE NICODÈME.

Qu’on n’respecte pas.

NICODÈME l’aîné.

Gnia d’brav’ gens dans l’ ministère.….

LA MÈRE NICODÈME.

On n’ les y laiss’ pas.

NICODÈME l’aîné.

Gnia d’s auteurs qui veul’ bien faire.…

LA MÈRE NICODÈME.

On n’les écout’ pas.

Les Deux Nicodèmes furent suivis d’un Nicodème aux enfers, en cinq actes, qui eut un sort plus doux, c’est-à-dire vingt ou vingt-deux représentations. Quelques almanachs de spectacle parlent encore d’une autre pièce : les Trois Nicodèmes, mais tous mes efforts pour la retrouver ont été inutiles. Dans la même année, le Cousin Jacques fit jouer le club des bonnes gens ou le Curé français, qui fut accueilli avec une faveur et une sympathie toutes particulières, à cause des excellentes leçons de modération qu’il contient. L’auteur fut demandé trois jours de suite ; et, même encore à la sixième représentation, on l’invita à descendre d’un coin des troisièmes pour venir recevoir sur la scène l’hommage dû à l’honnêteté de son talent. Peut-être le Cousin Jacques était-il un peu facile à ces ovations multipliées ; mais que n’excuse-t-on pas chez un auteur animé de l’amour du bien ?

Malgré de tels succès, il gardait toujours au fond de son cœur un reste de tendresse pour ses défuntes Lunes, celles qui avaient éclairé sa jeunesse poétique. Dès qu’il le put, il tenta de les ressusciter sous le titre de Nouvelles Lunes ; elles vécurent ainsi pendant quelques mois, puis elles s’éteignirent tout à fait. Il crut alors qu’il s’était trompé, et il résolut de donner dans un genre différent. Changeant de format, il fonda le Consolateur ou Journal des honnêtes gens, paraissant toutes les semaines en cahier de vingt-cinq pages environ. Le Consolateur s’occupait surtout de matières politiques, et, quoique habilement tournée à la plaisanterie, sa critique n’en avait pas moins bec et ongles : Brissot, Bazire, Condorcet, Manuel, Chabot étaient particulièrement les objets de ses attaques. « Un crime de Satan m’étonnerait plus que mille crimes de Condorcet ! écrit-il ; je ne conçois pas que cet homme vil, que ce cœur profondément gangrené, reste toujours impuni[6]. »

Le Consolateur mit le cousin Jacques en rapport avec beaucoup d’hommes célèbres de la Révolution. Marat lui écrivit pour l’engager à faire usage de sa gaieté, comme d’une arme contre les aristocrates. Marat et le Cousin Jacques ! quel rapprochement ! Il ne lui répondit pas. Chaumette rechercha également son amitié. Il reçut des marques d’estime indistinctement de Pétion, de Grégoire, d’Anacharsis Clootz et du ministre Roland.

Vint cependant un moment où, à bout de plaisanteries et de quolibets, indigné des scènes par lesquelles une partie de la Fiance se déshonorait, le Cousin Jacques, quittant le ton de la frivolité, s’éleva jusqu’aux hauteurs de l’ode dans des stances vraiment remarquables, exprimant des idées justes, énergiques. Ces stances furent publiées à la date du 24 avril 1792 ; voici comment elles se terminaient :

Français ! si des brigands despotes,
Masqués du nom de patriotes,
Font triompher leur faction ;
Eh bien, que notre affront s’efface,
Et de Brutus ayons l’audace,
Ou le désespoir de Caton !

La journée du 20 juin le trouva sur la brèche, mais quelques jours après il dut aller rejoindre sa femme, tombée malade aux environs d’Auxerre. Le Consolateur n’en continua pas moins de paraître ; le Cousin Jacques le rédigeait de loin : il attaquait les jacobins et défendait la cause de Louis XVI avec un courage poussé à l’excès. Il avait composé une parodie de l’Hymne des Marseillais :

Allons, enfants de la patrie,
Voici la fin de nos malheurs !

On va punir la tyrannie
De tous ces clubs désolateurs, etc.

Quelques jours après, il s’écriait : « Si, comme cela se voit tous les jours, vous me forcez en passant de baiser le bonnet rouge et de saluer le peuplier, sous peine d’être pendu, en vous mettant vingt contre un, je ferai ce qu’il vous plaira que je fasse, mais vous n’empêcherez pas qu’au fond de mon cœur je ne dise avec amertume : — Voilà le bonnet de la tyrannie ! voilà l’arbre de la servitude ! »

Le Consolateur, que sa véhémence avait placé au premier rang des organes royalistes, cessa naturellement de paraître au 10 août. Le dernier numéro porte la date du 7. Le Cousin Jacques, pour qui il n’eût pas fait bon alors de se montrer à Paris, resta là où il se trouvait, c’est-à-dire chez son beau-frère, curé de Vincelles-la-Rue. Il y resta pendant près d’un an. Mais la retraite pesait à cet homme de mouvement ; les bruits qui venaient de Paris l’effrayaient et l’attiraient à la fois. Dans la prévision d’une comparution prochaine, et selon lui inévitable, devant le tribunal des sans-culottes, il amassait de tous côtés des certificats de patriotisme et de bonnes mœurs, afin de les opposer, le cas échéant, à ses accusateurs et à ses juges. Les municipalités de Vincelles-la-Rue, de Saint-Marien, où il allait quelquefois se promener le dimanche, de Sauve-Genoux, de Joigny et de Coulange-la-Vineuse durent tour à tour, sur sa demande, attester son entière soumission à la constitution.

À côté de ces prudences fort convenables, il avait des imprudences à déconcerter la raison : après avoir employé soins et temps à se forger une cuirasse, on le voyait s’offrir nu au danger. C’est ainsi que, sur la rumeur très-vague d’une dénonciation portée contre lui, il s’empressa d’écrire au comité de sûreté générale, pour l’informer du lieu de sa retraite. Mais le comité de sûreté générale ne voulut pas demeurer en reste d’honnêtes procédés, et voici la réponse qu’il fit au cousin Jacques :

« CONVENTION NATIONALE
« Le comité de sûreté générale et de surveillance de la Convention nationale, au citoyen Beffroy, dit le Cousin Jacques :

« Du 1er mars 1793, l’an deuxième de la république française ;

« Nous avons reçu, citoyen, la lettre que vous nous avez adressée ; nous n’avons aucune connaissance de la dénonciation dont vous nous parlez. Croyez, Citoyen, ce que vous disent vos amis : cédez à leurs vœux, rentrez à Paris, et vous verrez qu’on n’y inquiète que les mauvais citoyens, et que si la liberté domiciliaire y est quelquefois troublée, ce n’est que pour rechercher les émigrés et les assassins, qu’on ne peut poursuivre avec trop d’activité.

« Venez dans Paris, et vous y trouverez encore des gens qui savent estimer le talent partout où ils le trouvent, et qui savent respecter les opinions des autres, pourvu, cependant, qu’elles ne nuisent pas à la chose publique.

« Les membres du comité de sûreté générale,
« Ingrand, président ; Tallien, secrétaire. »

IV

Vers le mois de mai 1793, le Cousin Jacques rentra à Paris, non sans avoir encore recueilli sur la route un bon nombre de certificats attestant que, dans les communes où il avait passé, il n’avait fait de mal à personne. Deux heures avant d’arriver aux barrières, ses yeux furent frappés tout à coup par un spectacle aussi joyeux qu’étrange : sur la route, une table était mise, et le choc des verres se mariait au bruit des chansons. C’étaient douze vieux poëtes, dont le plus jeune avait soixante-neuf ans ; ils avaient parié de faire un pique-nique au beau milieu du chemin. On voyait le feu de Bacchus enluminer leur physionomie ; tous étaient gueux comme des rats d’église ; tous avaient une perruque mise de travers, tous un jabot sale arrosé de tabac, tous de grandes manchettes festonnées, tous des bas troués, tous des souliers ressemelés ; en un mot, si uniformément accoutrés et si complètement pris de vin, que les passants s’écriaient à leur aspect : « Parbleu ! voilà des poëtes de Paris ! » Il fallait que les voitures se détournassent pour ne pas culbuter la table et les convives ; quelques-unes s’arrêtaient et faisaient cercle autour d’eux.

Le Cousin Jacques demeura pétrifié d’étonnement. Il fut reconnu et salué d’une rasade ; mais ce fut peine perdue que de vouloir le retenir. « Où allez-vous ? lui demanda-t-on. — Hélas ! hélas ! » répondit-il en secouant douloureusement la tête. Et il continua son chemin.

À Paris, sa section tout entière l’accueillit avec les plus cordiales démonstrations. Il aurait pu vivre tranquille, à la condition de laisser passer la tourmente ; le besoin de publicité l’emporta. Il publia un volume ayant pour titre : La Constitution de la lune, rêve politique et moral. La lune ! il en revenait toujours là, c’était son thème favori ; pour lui, Phœbé avait remplacé Apollon. La Constitution de la lune est l’exposé d’un régime républicain tout de conciliation et de paix. On y trouve quelques bonnes idées mêlées à beaucoup de folies, ce qui n’empêcha pas la première édition de s’écouler en cinq jours. À la seconde, enhardi, il ajouta cette épigraphe : « Vous proposez la mort à quiconque propose la monarchie… Eh bien, voici une république sans athées, sans factieux, sans tyrans, sans enthousiastes ; où la religion, les mœurs, la justice, la paix et surtout l’horreur du sang font le charme de la vie et l’essence de la liberté. »

On était en pleine Terreur. Le pauvre Cousin Jacques, qui avait sa femme et ses enfants à nourrir, se vit dans l’obligation de faire contre fortune bon cœur : il fit jouer, au milieu des massacres, un opéra-comique, sous ce titre d’un optimisme un peu forcé : Allons, ça va, ou le Quaker en France. Ce fut également en 1793 qu’il composa la ravissante chanson : Petit à petit l’oiseau fait son nid, au bruit des charrettes roulant vers l’échafaud.

Mais il n’en était pas demeuré moins sombre pour cela ; au contraire. C’était un Cazotte amoindri et sanglotant, comme le trait suivant va le montrer. Il dînait un soir chez Lamourette, à l’hôtel de Charost, rue Saint-Honoré, vis-à-vis des Capucins. Parmi les convives, se trouvaient Hérault de Séchelles et Anacharsis Clootz. Ces messieurs étaient d’une gaieté charmante ; seul le Cousin Jacques se faisait remarquer par sa tristesse. « Allons donc ! cher Cousin, lui dit Hérault de Séchelles, vous perdez votre bonne humeur ; voyez, ne sommes-nous pas toujours des Roger-Bontemps ? » À ces paroles, le Cousin Jacques fondit en larmes. « Qu’avez-vous ? s’écria tout le monde avec intérêt ; pourquoi pleurez-vous ? — Hélas ! répondit-il, je pleure de ce que de braves gens comme vous seront victimes de leurs erreurs ; l’enthousiasme vous égare : vous serez tous guillotinés ! » Les convives froncèrent le sourcil. Lamourette se hâta de verser double rasade au prophète inopportun, et le dîner continua après s’être remis de cette secousse.

Disons aussi que plusieurs personnes se faisaient un jeu de sa crédulité en lui rapportant des bruits fabriqués à plaisir. Tantôt c’était Camille Desmoulins qui avait mis sa tête à prix dans un groupe du jardin des Tuileries ; tantôt c’était Robespierre, qui avait dit à un membre de la Convention : « Je ne suis pas étonné que le Cousin Jacques fasse de jolis opéras ; le cygne ne chante jamais mieux qu’à la veille de sa mort ! » Tous ces propos répétés achevèrent d’assombrir son imagination.

Un matin, il écrit au représentant André Dumont, et il lui demande les motifs de sa haine : « Je sais, dit-il, que vous avez parlé de m’arrêter : alors il faudra bien qu’on me rende justice ou qu’on m’égorge ; c’est tout ce que je demande. Tout mon crime est d’avoir sacrifié les trois quarts de ma vie à obliger mes semblables, sans une obole de rétribution, sans autre fruit que de l’ingratitude et des dangers. » La lettre avait deux pages sur ce ton. Le représentant se contenta d’écrire en marge : Répondre qu’on en a imposé au Cousin Jacques[7].

Nous n’avons pas besoin de dire qu’il est loin de notre pensée de tourner en ridicule cet honnête homme. Nous insistons, c’est vrai, sur ce mélange de témérité et de sensibilité qui faisait le fond de son caractère, mais nous ne nous étonnons que dans une certaine mesure. Les événements d’alors ont exalté bien d’autres cerveaux que le sien.

Quoi qu’il en soit, un homme d’esprit ne se perd jamais entièrement. Il arrivait encore au Cousin Jacques de laisser échapper, de çà de là, quelque saillie ; c’est ainsi que, dans un temps où tout était provisoire, à ceux qui lui disaient : « Bonjour ; comment vous portez-vous ? » il ne manquait jamais de répondre : « Assez bien, provisoirement. »

Cependant, à force d’appeler la foudre, la foudre arriva. Ce même Comité de sûreté générale qui l’avait engagé à revenir à Paris lança contre lui un mandat d’arrêt, comme pour donner raison à sa lugubre humeur et satisfaction à ses tristes pressentiments. Le Cousin Jacques put heureusement s’échapper dans la rue, à demi habillé. On fouilla toute la maison, et les scellés furent apposés sur les meubles. L’influence active de son frère, Beffroy de Beauvoir, député de l’Aisne à la Convention, arrêta les poursuites. On me permettra, à ce sujet, de citer en entier la lettre suivante, si honorable pour les deux frères :

« Paris, le 17 frimaire, l’an ii de la République française indivisible.

« L. E. Beffroy, représentant du peuple,

« À ses collègues composant le Comité de sûreté générale.

« Porteur, citoyens collègues, de votre arrêté pour la levée des scellés chez le Cousin Jacques, je me suis rendu au Comité révolutionnaire de la section de Guillaume Tell, auquel je l’ai présenté. Après l’avoir lu, il m’a demandé si c’était comme représentant du peuple que je me présentais, et si j’assisterais à la levée des scellés ; j’ai répondu que je ne me présentais que comme simple citoyen ; mais qu’étant frère du Cousin Jacques, je devais prendre à lui un intérêt légitime jusqu’à ce que la visite de ses papiers m’eût ôté l’opinion que j’avais de lui ; qu’il m’importait d’en connaître bientôt le résultat, parce que mes principes, d’accord avec mon devoir, m’interdisaient de solliciter la levée du mandat d’arrêt s’il était coupable ; mais que, si le contraire arrivait, je ferais tous mes efforts pour obtenir sa liberté ; que si le Comité n’y voyait aucun inconvénient, je serais volontiers présent à l’opération. L’opinion du Comité a été que je pouvais remplacer mon frère à cet égard, attendu que ma présence ne tirait à aucune conséquence, puisqu’il ne s’agissait que de les voir opérer. Il me donna rendez-vous pour hier, sextidi, à dix heures du matin, au Comité ; je m’y rendis et j’y trouvai des commissaires qui me conduisirent chez le Cousin Jacques, dont je n’avais pas encore vu le logement. Le Comité me parut estimer le Cousin Jacques et désirer qu’il ne fût point coupable. Il m’a paru lui croire simplement trop de sensibilité.

« Le procès-verbal vous donnera le résultat de cette opération, qui a duré trois heures, à trois personnes, dont chacune lisait de son côté des papiers en grand nombre, ramassés dans toutes ses armoires au moment de l’apposition des scellés et jetés sans ordre dans des tiroirs.

« Cet examen, citoyens collègues, me donne le droit de vous demander la levée du mandat d’arrêt. Il y a un mois et deux jours que le Cousin Jacques est sans ses livres et qu’il ne peut travailler pour la subsistance de sa famille. Je vous répète qu’il n’a que son talent pour élever ses enfants. Il y a plusieurs pièces très-républicaines, de lui, qui restent en souffrance parce qu’il n’est pas là pour les faire répéter. Vous voulez être sévères et vous avez raison, vous le devez ; mais vous voulez être justes. Tout prouve que les principes du Cousin Jacques et sa conduite sont ceux d’un véritable ami de la liberté et de l’égalité ; il s’est montré au grand jour dans toutes les notes, lettres et manuscrits trouvés chez lui ; on y a reconnu un vrai républicain. On y a trouvé une pièce en trois actes, dont la musique des deux premiers est faite et dont le commencement remonte en 1792, intitulée : Les Prêtres de Dodone, qui a prouvé que son amour pour la religion ne lui donne pas de confiance aux prêtres, et que, s’il croit en Dieu, il ne croit pas et ne veut pas qu’on croie en ceux qui se disent ses anges et ses ministres. Enfin, on s’est convaincu que, s’il a pu errer sur la politique, il l’a fait avec toute la droiture d’un républicain loyal et probe ; il a renoncé à politiquer pour éviter l’erreur, et il s’est voué à travailler pour les théâtres, de manière à soutenir l’énergie et à fortifier les âmes républicaines. J’espère que ces considérations vous détermineront à m’accorder la levée du mandat d’arrêt lancé contre lui il y a plus d’un mois.

« Salut et fraternité,
« L. E. Beffroy[8]. »

Le 9 thermidor rendit au cousin Jacques un peu de tranquillité, que le 13 vendémiaire lui enleva. Dès les premiers coups de canon, il courut se réfugier dans une masure du faubourg Saint-Marceau ; mais, ne s’y trouvant pas parfaitement en sûreté, il traversa Paris vers onze heures du soir, et monta dans le haut du faubourg du Temple. Une dame, qui était alors à la campagne, lui avait confié, quelques jours auparavant, la clef d’une mansarde de huit pieds carrés où étaient renfermés des meubles. Laissons le Cousin Jacques raconter lui-même ses impressions dans ce taudis :

« J’arrivai là le soir, sans lumière, avec un ami que j’avais mis dans ma confidence ; je me couchai sur un matelas ; je n’avais pas deux pieds de terrain pour me retourner, à cause des meubles. Une mauvaise lucarne, fabriquée à plat sur le toit, m’envoyait la pluie avec prodigalité. Cette chambre n’étant occupée par personne depuis six mois, il fallait, pour tromper les voisins, que mon ami m’enfermât à double tour. Il me laissa du pain et du vin, mais point d’eau, il me quitta avec promesse de revenir le lendemain au soir. Qu’on se figure la nuit que je passai dans ce séjour inconnu, comblé de meubles jusqu’au plancher, et où je dus renoncer à tousser, à cracher, à me moucher et même à dormir, de peur qu’on ne m’entendît par hasard ronfler dans cette chambre, où les gens de la maison ne soupçonnaient aucun être vivant.

« Par malheur, l’ami chargé de pourvoir à ma subsistance, étant revenu le lendemain au soir, ne reconnut pas bien la porte : il n’y voyait pas clair et il prit celle d’un voisin pour la mienne. Celui-ci, entendant une clef s’agiter dans sa serrure, sort brusquement de chez lui en criant : « Qui va là ? » Et l’ami de s’esquiver dans les commodités avec toute la provision qu’il m’apportait. Le voisin descend avenir les locataires qu’il y a des voleurs dans la maison ; voilà tout le monde en alerte. De cette manière, je passai quarante-huit heures sans eau et sans lumière ; à la fin, cependant, je fus arraché de ce réduit incommode, et j’eus la douce satisfaction d’apprendre, en rentrant chez moi, qu’une trentaine d’amis, parmi lesquels étaient quelques députés montagnards, étaient venus m’offrir leur bourse et leur maison. »

V

En l’an iv, le Cousin Jacques, dont l’ardeur de protestation n’était pas encore calmée, fit paraître le Testament d’un Électeur de Paris, un volume in-8o, avec une tête de mort pour fleuron.

« Pourquoi appelai-je cet ouvrage mon Testament ? dit-il. Eh ! qui vous répond que je ne serai pas la victime de mon zèle ? Qui vous assure que cet ouvrage même, quelque pur que soit le motif qui l’a dicté, ne me coûtera pas la vie ? » Un peu plus loin il ajoute : « Ce livre est l’enfant du chaos. Depuis près d’un mois que j’y travaille, si l’on peut appeler travail la simple action d’écrire au hasard tout ce qui m’a passé par la tête, j’erre d’asile en asile ; j’ai le cœur navré, la tête perdue ; je ne vois plus que des batailles et du sang… C’est une fièvre chaude qui me consume, je ne sais trop pourquoi, ni comment… »

Viennent ensuite des legs divers, les uns sérieux et les autres plaisants, — legs de reconnaissance, legs d’amitié, legs d’amourette même :

« Je lègue à la famille Lesage, du théâtre de la rue Feydeau, un petit miroir de dix pouces de hauteur sur huit de largeur, pour qu’en s’y regardant ils aient toujours devant les yeux le plus parfait modèle de toutes les vertus sociales.

« Je lègue à plusieurs auteurs de ma connaissance une girouette qui était autrefois sur la maison de mon père et qui tournait à tout vent, — emblème fidèle de beaucoup d’hommes de lettres depuis la Révolution.

« Je lègue à mademoiselle Louise-Sophie d’A… toutes les lettres d’un certain genre qui ont animé mon cœur et fécondé mon imagination dans le temps heureux des péchés de ma jeunesse, à l’exception de celles qui sont signées. Je lui lègue aussi mon portrait en miniature et une lorgnette de nacre de perle garnie en argent.

« Je lègue à la ci-devant comtesse d’H… le petit portrait de moi que je lui envoyai en 1786, et qu’elle avait promis de me rendre.

« Je lègue à Joséphine de B… des larmes inutiles et un souvenir plus inutile encore ; c’est un cadeau qu’on m’a fait.

« Je lègue à mademoiselle de P… l’abandon de la rente viagère qu’elle m’a faite lorsqu’elle était abonnée à mes Lunes, sans que j’aie jamais eu le plaisir de la voir ni de la connaître. Je n’ai rien touché de cette rente, et j’abandonne mes droits à ses héritiers légitimes, si elle n’existe plus…

« Je lègue à l’incomparable famille des S…, habitants du faubourg Saint-Antoine, qui m’ont fourni du pain gratuitement tout l’hiver, la promesse solennelle, au nom des miens, de ne jamais les abandonner dans les moments critiques où ils pourraient se trouver.

« Je lègue à Catherine-Anne, servante, qui m’a rendu de grands services dans les premières années que j’étais à Paris, un crucifix de bronze doré sur une croix doublée d’écaille.

« Je lègue enfin à mon frère des Cinq-cents[9] le sort de mes enfants et de leur mère. »

La Terreur avait ruiné le Cousin Jacques : « Je suis tout aussi pauvre que je l’étais avant d’entrer dans la carrière des lettres, et je serais maintenant réduit à une honorable mendicité, sans mon courage, mon frère et des amis. »

À part les deux ou trois saillies que nous avons indiquées, le Testament d’un Électeur n’est qu’un long gémissement. Il se termine ainsi : « Avoué et signé par moi, Louis-Abel Beffroy de Reigny, etc., âgé de trente-sept ans, onze mois et vingt-deux jours ; ami zélé de tous les braves gens ; ennemi juré des factions, du brigandage, du blasphème, des larmes et du sang, et de toutes les gentilleries à la mode ; et décidé à tout. »

Heureusement que la politique n’absorbait pas d’une façon absolue les moments du Cousin Jacques. Improvisateur sans cesse en éveil, il inondait littéralement de ses productions tous les théâtres : la Petite Nanette, les Deux Charbonniers, Magdelon, le Grand Genre, l’Habit de noces, Turlututu empereur de l’Ile Verte, etc. Cette dernière pièce n’est pour ainsi dire qu’une seconde édition de Nicodème dans la Lune, et je la trouve préférable ; j’engage les amateurs à se la procurer. Lorsqu’il fut question de l’établissement du théâtre du Vaudeville, les fondateurs, dans leur prospectus, ne nommèrent que quatre auteurs parmi ceux dont le talent prévenait le mieux le public : Piis, Radet, Desfontaines et le Cousin Jacques.

Un de ses grands désespoirs a été de n’avoir jamais pu faire rien recevoir à la Comédie française. Régulièrement il envoyait au comité une pièce tous les ans, et tous les ans le comité refusait sa pièce à l’unanimité. Sur les derniers temps, le Cousin Jacques accompagna l’une d’elles d’une épître un peu caustique ; en voici quelques vers :

Je me suis armé de courage,
Car vous allez, suivant l’usage,
Employer dix ans à savoir
Si vous en ferez la lecture.
Pendant dix autres l’on assure
Qu’au premier jour il faudra voir
Dix ans après, quelqu’un peut-être
En me voyant se souviendra
(S’il peut alors me reconnaître)

De ma pièce, et puis se dira :

Il faut s’occuper de cela.
 
Dix ans encore plus de délais :

Vous y songerez, ou jamais.
Autre siècle, autre caractère,
Les goûts changent avec le temps.
Mais priez bien vos descendants
D’avertir alors le parterre
Que depuis trente ou quarante ans
L’auteur est mort sexagénaire.

Pourquoi fallut-il que le Cousin Jacques s’avisât une dernière fois de rentrer dans la politique par cet incohérent Dictionnaire néologique des hommes et des choses, dont les premiers numéros parurent en l’an viii ? Quel démon le poussait à recommencer ses doléances sur le régime de la Terreur, alors que la Terreur n’existait plus ? La police, qui faisait tout son possible pour étouffer de douloureux souvenirs, arrêta la publication de ce livre à la lettre C, après l’article Côtes-du-Nord.

La collection de ce Dictionnaire, qui paraissait par livraisons, forme trois gros volumes de plus de 500 pages chacun, imprimés sur deux colonnes. Les deux derniers surtout sont d’une extrême rareté ; Fouché les fit mettre au pilon. Au milieu de détails oiseux, on y saisit quelques particularités intéressantes ; c’est une cohue au moins bizarre : Boïeldieu, Beaumarchais, Chateaubriand, Carrier, Cambacérès, Cambon, etc.

Le Dictionnaire des hommes et des choses promettait encore plus de révélations piquantes qu’il n’en a donné. C’est ainsi qu’à la lettre A, nous trouvons cet article : « Amours (les) du chevalier de Faublas. Charmant roman, qui a paru au commencement de la Révolution, qui a obtenu un succès constant et mérité, et dont Jean-Baptiste Louvet a toujours passé pour être l’auteur. Mais nous étonnerons bien nos lecteurs quand nous leur prouverons que les Amours de Faublas ne sont pas de Louvet. Sans doute que ce défunt législateur a laissé sur la terre des amis et des partisans qui prendront sa défense comme ils le doivent. Nous les prions d’attendre les articles Faublas, Hombert, Louvet, Vaudoyer. »

Nous avons parlé de la galanterie du Cousin Jacques, galanterie qui, du reste, appartient au siècle tout entier. En voici un exemple qui se présente dès les premières pages du Dictionnaire : « Sophie Arnould a choisi sa retraite à la campagne, et, partagée entre ses souvenirs et les jouissances que lui assure son amour pour les arts, elle se livre entièrement à l’agriculture. C’est ainsi qu’elle s’est assuré le bonheur de trouver toujours des fleurs sur la route qu’elle avait à parcourir. » Tout le Cousin Jacques est là-dedans.

Un nom, appelé naturellement par l’ordre alphabétique, celui de Bonaparte, se dresse soudain dans le Dictionnaire néologique des hommes et des choses. Il est amusant de voir en quels termes le Cousin Jacques parle du jeune général et de sa rencontre avec lui chez Carnot :

« Bonaparte, après l’installation du Directoire, se trouvant général de la force armée de Paris, vint faire sa visite à chacun des cinq directeurs. Carnot, nommé le dernier au refus de Sieyès, habitait une mansarde dans les combles du Luxembourg, son appartement n’étant pas prêt. C’était un lundi (dies lunæ), jour qu’un auteur avait choisi chaque semaine pour aller chez Carnot. Au moment où Bonaparte entra, cet auteur chantait un nouvel air qu’il avait prié une demoiselle d’essayer en l’accompagnant sur le piano. L’arrivée de Bonaparte interrompit l’ariette, comme bien l’on pense ; on vit paraître cinq ou six jeunes gens, ses aides de camp, de la plus haute stature, et après eux, un petit homme, très-bien pris dans sa taille, s’annonçant et s’énonçant avec beaucoup de dignité, et saluant tout le monde avec cet air d’aisance et de politesse qui faisait contraste, il faut l’avouer, avec les manières et le ton de la plupart des généraux qu’on avait vus jusqu’alors.

« L’auteur demanda tout bas à Carnot quel était ce monsieur-là. — C’est le général de la force armée de Paris. — Comment s’appelle-t-il ? — Bonaparte. — Est-ce un homme d’esprit ? — Je n’en sais rien. — A-t-il des talents militaires ? — On le dit. — Qu’a-t-il fait de remarquable ? — C’est lui qui commandait les troupes de la Convention le 13 vendémiaire… — Cela suffit.

« Et la figure de l’auteur de se rembrunir aussitôt ; et lui, électeur de vendémiaire, très-entiché de son opinion parisienne, de se retirer dans un coin, et de garder un profond silence, tout en considérant ce monsieur-là, dont la physionomie ouverte et pleine de jeu lui eût beaucoup plu, sans ce que lui avait dit Carnot.

« Bonaparte, voyant qu’une demoiselle était encore au piano et qu’on ne s’occupait plus que de faire cercle autour de lui, dit avec beaucoup de douceur : — Mais je m’aperçois que j’ai troublé les plaisirs de la société ; on chantait ici ; que ce ne soit pas moi, je vous en supplie, qui interrompe la fête, etc. — Le directeur s’excusait, le général insista ; enfin la demoiselle joua et chanta des couplets patriotiques, dont les refrains furent répétés par tout le monde, excepté par l’auteur en question ; le 13 vendémiaire lui avait coupé la parole, et il ne soufflait pas le mot.

« Au reste, si sa bouche était muette, ses yeux ne l’étaient pas ; car, du petit coin obscur dont il s’était emparé, il décomposait tous les traits de Bonaparte et il apprenait par cœur sa figure. Après la chanson, le général resta encore quelques minutes, se leva et partit. Il avait parlé peu, mais le peu qu’il avait dit était plein de justesse ; il se taisait plus qu’il ne parlait, mais tout à coup il rompait le silence et prononçait avec une extrême vivacité quelques paroles pleines de sens et toujours à propos. Quand il fut parti, la conversation ne roula plus que sur lui, et Carnot augura dès lors qu’il n’en resterait pas là.

« En revenant chez lui, l’auteur disait à sa famille, d’un air rêveur et abstrait : — Hum ! c’est un singulier nom que Bonaparte… Hum ! c’est dommage ; il me plairait assez… Je ne sais, mais ce général-là n’est pas un général comme les autres… Hum ! je suis bien trompé s’il n’a pas d’esprit… — Et la famille de répondre : Hum ! en effet, il est singulier. »

Il paraît que la suspension de cet ouvrage dérouta complètement le Cousin Jacques, car sa fécondité en fut dès lors sensiblement diminuée. Quelques années encore, et on le perdit tout à fait de vue.

Il avait annoncé des Mémoires[10] et un recueil de contes : de tout cela on n’eut aucune nouvelle.

En 1805 seulement, il fit imprimer, sous le titre de Soirées chantantes ou le Chansonnier bourgeois, le recueil de ses romances, rondes et chansons, avec des airs notés. Une grande naïveté, un vif sentiment de la mélodie sont les principaux caractères de sa musique. Rien de plus chantant que les couplets et les rondeaux qui terminent presque toutes ses pièces ; Méhul, Boïeldieu, Chérubini les ont souvent et hautement loués. Ce recueil fut son dernier adieu à la génération naissante.

Les biographes le font mourir le 19 décembre 1811, à Charenton. C’est pure invention de la part des biographes. Le Cousin Jacques est mort tout raisonnablement dans son domicile de la rue de Sèvres, no 2 ; il y est mort, non pas le 19, mais le 17 décembre, ainsi que le témoigne l’acte de décès que nous avons tenu à faire relever.

Il nous semble qu’après tout le Cousin Jacques dut s’en aller de ce monde sans trop de tristesse ; il fut pendant quinze ans un auteur à la mode ; ses pièces firent ce qu’on appelle fureur. Que pouvait-il exiger de plus ? Il eut toutes les satisfactions d’amour-propre que l’on peut désirer : longtemps on fit des bonnets et des poufs aux Ailes de l’Amour ; un faïencier s’enrichit en vendant des gobelets au Cousin Jacques, en cristal, très-joliment sculptés, ornés d’un croissant avec des étoiles parsemées alentour. Enfin il existait encore, il y a quelques années, dans la rue du Four-Saint-Germain, un vieux magasin à l’enseigne de la Petite Nanette. En faut-il davantage pour constituer une célébrité évidente ?

Son buste, haut de dix-huit pouces, se voit à la bibliothèque de Laon. De son vivant, il l’expédiait lui-même à quiconque lui en faisait la demande. — Prix : 12 livres tout emballé. Ainsi comprenait-il la gloire.

C’est par de semblables côtés qu’il se détache des écrivains ordinaires, et qu’il acquiert une individualité réelle et amusante.

Esprit véritablement français, mais français dans l’acception du mot la plus frivole, nature abondante, ruisselante, débordante même, imagination bigarrée comme pas une, tête pleine de fusées, le Cousin Jacques est le dernier et le seul représentant de la tradition macaronique au dix-huitième siècle. Sans avoir la rouerie profonde de ses devanciers, il en a tout le joyeux, tout le bruyant ; il pousse le burlesque jusqu’aux dernières extrémités. Toutefois, il sait accommoder ses plus étonnantes inventions au goût de ses lecteurs et demeurer l’homme de son époque : dès qu’il le veut, il est plus Dorat que Dorat, plus Florian que Florian ; ses madrigaux affadissent le cœur, ses bouquets à Chloris donnent des nausées. Il y a du troubadour et de l’Arlequin en lui ; le luth et la batte se partagent ses prédilections.

En ce qui concerne ses pièces de théâtre, — j’entends celles où la politique n’entre pour rien, — je ne crois pas me hasarder trop en plaçant le Cousin Jacques immédiatement après Sedaine. Il a bien la touche plus molle, le dialogue plus étendu et plus bavard, mais au fond c’est le même sentiment, ce sont les mêmes préceptes d’honnêteté et de franchise. Il sait transporter la poésie au théâtre, même dans les plus petits détails et dans les indications de scène ; en voici un exemple tiré du Club des bonnes gens : « Le théâtre représente deux jardins contigus, séparés par un mur mitoyen. Dans le jardin, à gauche, côté de la reine, est un berceau de feuillage sous lequel est assis le curé, d’un air rêveur, tenant des journaux ; vis-à-vis de ce berceau, contre le mur, Nigaudinet est monté sur une double échelle et taille des arbres : — au fond, devant la porte de la maison du curé, Nanette file au rouet. Dans l’autre jardin, sous un berceau de fleurs, Élise brode un gilet. Au fond de ce jardin est un moulin à eau, dont la roue baigne dans un étang ; — à la fenêtre du moulin, qui est très-élevée, on voit le meunier Thomas, avec une veste blanche, un bonnet blanc et une figure bourgeonnée, vider seul une bouteille de vin et regarder sa fille de temps en temps. »

Ne voilà-t-il pas tout un tableau, gai, bien éclairé et de bonne couleur ?

Ses écrits conservèrent jusqu’à la fin leur cachet individuel, car il n’eut et ne voulut jamais de collaborateurs. Lorsque le Vaudeville, dont il avait été un des parrains, commença à entrer dans une voie de spéculation, et que onze auteurs se furent mis ensemble pour composer un petit acte sur Monsieur de Bièvre, lui seul ne céda pas à l’impulsion générale ; il travailla à l’écart, ce dont il convient de le louer. Aussi les jeunes gens d’alors ne manquèrent-ils pas de le traiter de radoteur et de le rayer de toutes les coteries.

Il fut, de son vivant, et même après sa mort, l’objet de critiques sévères et peu raisonnées. Devait-on gourmander avec tant d’amertume un littérateur de coin de feu, bonhomme comme pas un ? Songez donc, puisqu’il faut une excuse à son enjouement, que, deux fois dans sa jeunesse, il avait remporté le grand prix de l’Université ; qu’il avait occupé une chaire d’éloquence à Douai ; enfin, qu’il ne tenait qu’à lui d’être grave et pesant comme le premier venu, et que c’est uniquement par bonté d’âme et par compassion pour nous qu’il n’a pas voulu être un homme sérieux. — Douce et gaie figure ! honnête Cousin Jacques, cousin de tout le monde ! que tu mérites bien le nom d’Abel que tu reçus à ta naissance !

NOTES

Dans le tome Ier de ses Miettes (Paris, Ledoyen, 1853), M. François Grille a émietté quelques renseignements sur le Cousin Jacques :

« Viens, bonhomme, que je dise un mot de toi. Je n’ai plus que peu de temps à vivre. Mes forces déclinent, je tombe, je m’en vas… Viens, Beffroy, mon ami ; viens, Cousin, me consoler. Rabelais de fraîche date, moins érudit, moins habile, mais moins cynique aussi, plus naïf, et pourtant ne manquant ni de goût, ni de tact, ni de finesse, ni même au besoin d’élévation et de cœur.

« Beffroy de Regny (sic) était singulier, original, fantasque ; il était de bric et de brac, facile et têtu, plein de verve et d’une abondance qui ne tarissait pas. Il avait dans l’esprit une indépendance qui ne cédait à rien. Il avait du jugement, de la raison, de la rondeur, de l’abandon, de la dignité, tout cela mêlé, confondu, visible, et se trouvant par bonds, par éclairs, par saccades. Il aimait sa femme et la trompait, il adorait ses filles et ne leur faisait pas de dot……

« Il écrivit cinquante volumes, gazettes, romans, histoires, vers, prose. Il fit des comédies, des opéras, paroles et musique ; il y en eut qui allèrent jusqu’à près de quatre cents représentations de suite. On le portait en triomphe. Il était le héros du boulevard et aussi des grands théâtres, car on le jouait partout. Il avait des maîtresses, les plus jolies ; il en prenait de toutes mains, on en a compté trois cents. Il ne rentrait tous les jours qu’après minuit ; il prenait un lavement pour se rafraîchir ; une de ses filles l’attendait, Justine ; elle lui faisait une omelette qu’il mangeait pendant qu’elle lui lisait le journal, le livre à la mode ou les lettres qui, de toutes parts, pleuvaient.

« À deux heures du matin il se couchait, dormait peu et mal, se levait avec le soleil et recommençait une vie d’activité qui n’a, certes, par aucun autre, été égalée.

« Sa femme et ses deux filles étaient tenues par lui avec beaucoup d’amour, mais de sévérité ; pas d’hommes dans la maison ; une morale austère, des principes sûrs, qui faisaient de ses femmes des saintes, tandis que lui, sans scrupule, faisait le diable à quatre.

« Il allait, rimait, chantait toujours. Le cerveau usé, il mourut prématurément, soigné par sa famille.

« Ses filles se marièrent fort bien, l’une à un financier, l’autre à un chef de bureau de la guerre. Toutes deux sont veuves. L’aînée est à Évreux, et voit beaucoup l’abbé Ollivier, évêque. La cadette, celle qui avait pour mari le chef de la circonscription Desjardins, a trois enfants : une fille et deux fils, Abel et Ernest. La fille a épousé un médecin ; les fils sont dans l’enseignement des facultés et des collèges pour l’histoire, bien élevés, savants, honorés.

« Madame Desjardins sait la plupart des chansons du Cousin et les chante fort bien. »

Complétons ces renseignements :

La veuve du Cousin Jacques, Marguerite Justine Virlez, est morte à 94 ans, le 5 décembre 1845, à la Magdeleine, petit village attenant à Évreux (Eure), dans une propriété de M. Morel, son gendre.

La fille aînée du Cousin Jacques, Marie-Jeanne-Rose de Beffroy de Reigny, née à Chevregny près Laon, le 1er décembre 1782, est morte à Passy, près Paris, Grande-Rue, no 63, le 6 mars 1857, veuve de M. Morel, chevalier de Saint-Louis, directeur des contributions directes du département de l’Eure.

La seconde fille du Cousin Jacques, Catherine-Abel-Justine de Beffroy de Reigny, née à Chevregny, le 4 juillet 1784, vit encore[11]. Elle est veuve de M. Desjardins, ancien chef de bureau au ministère de la guerre.

Elle habite Douai avec son fils aîné, M. Abel Desjardins, docteur ès lettres de la faculté de Paris, professeur d’histoire et doyen de la faculté des lettres de Douai, qui a publié plusieurs ouvrages : une Vie de Jeanne d’Arc, une Vie de saint Bernard, etc. ; et, dans la Collection des documents inédits sur l’histoire de France, les négociations diplomatiques de la France avec la Toscane ; in-4o. Imprimerie impériale, 1860-1861.

Son second fils, M. Ernest Desjardins, également docteur ès lettres de la faculté de Paris, a fait paraître plusieurs ouvrages sur l’administration du temps des empereurs romains, sur les arts, l’archéologie, le Pérou, etc. ; il est professeur d’histoire au lycée Bonaparte[12].

Le même M. Grille a cité dans son ouvrage intitulé : Lettres sur le 1er bataillon des volontaires de Maine-et-Loire, au 3e vol., une très-longue lettre de Beffroy de Reigny à Carnot, datée de Surennes, le 27 décembre 1792, et traitant de la situation des théâtres. Mais nous avons tout lieu de croire cette lettre fabriquée, car, du mois d’août 1792 au mois de mai 1793, le Cousin Jacques ne cessa pas d’habiter la Bourgogne. Et puis, elle n’est pas du tout dans son ton habituel.

En voici une autre authentique, et relative à ses répugnances pour la collaboration. Elle est datée de Paris, le 25 juin 1786, et adressée à M. Favart fils, acteur du Théâtre-Italien, rue Neuve-Grange-Batelière, no  38, faubourg Montmartre :

« Votre amitié pour moi, mon cher Favart, et les preuves que vous m’en avez données, m’enhardissent à vous parler franchement. La pièce de la Maison en lotterie aurait eu beaucoup de succès dans le tems qu’on l’a tirée, cette lotterie ; mais aujourd’hui que la chose est oubliée, le public, qui n’est pas toujours juste, ferait attention au sujet et perdrait peut-être de vue les accessoires. Votre réputation est faite, mais la mienne ne l’est pas encore ; et comme je n’existe que par la littérature, j’ai besoin du public jusqu’au dernier jour de ma vie. Pour capter de plus en plus sa bienveillance, il faut éviter toute démarche qui pourrait faire parler de moi moins favorablement que d’ordinaire. Si votre pièce tombe cela ne vous nuira pas, à vous, qui avez réussi dans plusieurs pièces ; mais que dirait-on de moi ! n’est-ce pas me casser le cou à l’entrée de ma carrière ? Si elle réussit, on dira : Bon, ils ont eu besoin d’être trois pour une bagatelle en un acte qui paraît encore deux mois trop tard ! et cela ferait tort, non-seulement à mes ouvrages de théâtre, mais à mes Lunes. Je vous en conjure, mon cher Favart, ne m’obligez pas à paraître dans cette affaire, qui, réellement, est trop reculée pour avoir tout le succès que nous en attendions.

« Si vous augurez bien du succès, paraissez-y seul. Qu’est-ce que cela fait ? Je comptais, en acceptant ma part de l’ouvrage, qu’il paraîtrait sous quinzaine ; je ne sais pas si M. Trial est du même avis que moi, mais, vous et lui, vous n’avez rien à risquer, puisque tout Paris connaît vos talens depuis longtemps ; et moi, qui suis novice dans la carrière des théâtres, comment pourrais-je supporter l’opinion publique qui, si nous réussissons, vous attribuera tout le mérite de l’ouvrage, et, si nous tombons, en rejettera la faute sur moi ? Mettez-vous à ma place et jugez-moi sans préventions.

« Je me purge et prends des bains tous les jours. Mes Lunes prennent maintenant tout mon tems et j’ai à peine le loisir de travailler assez pour regagner le tems perdu. Pour moi, je renonce au théâtre jusqu’à nouvel ordre. Vous voyez bien quels désagréments j’éprouve, seulement pour mes Ailes de l’Amour ; on les a jouées sans relâche par un tems superbe et par les plus grandes chaleurs, les mauvais jours et les jours de première représentation aux autres théâtres, et maintenant que le tems est rafraîchi et qu’il pleut, on les laisse là. Ne vaut-il pas mieux faire mes Lunes que de travailler en pure perte pour le théâtre ?

« Je parle à un ami, et je suis certain qu’il appréciera mes réflexions. Je suis à votre service en tout et partout. Les Lunes vous sont ouvertes, et vous y placerez ce que vous voudrez ; mais pour aller subir des mortifications au théâtre et m’échauffer la bile sur un succès incertain, néant.

« Votre Mariage singulier vous dédommagera sans doute de cette petite privation. On dit que le sujet et l’intrigue en sont parfaits, et que c’est ce que vous avez de mieux. Que ne le donnez-vous ?

« Pardonnez, mon cher Favart, ma franchise à mon amitié. Je connais tous vos talens, qui n’ont pas besoin des miens, et ils sont aujourd’hui une raison de plus par qui j’espère un succès de ma démarche.

« Je suis, avec l’amitié sincère que je vous ai vouée,

« Votre serviteur et ami,
« Beffroy de Reigny. »

BIBLIOGRAPHIE

On chercherait vainement ailleurs qu’ici un catalogue exact et complet de l’œuvre du Cousin Jacques. C’est pourquoi nous croyons faire une chose utile en créant pour lui une exception. Le lecteur verra par là, sans que nous essayons de nous faire un mérite de ce qui n’est chez nous qu’une aptitude, ce qu’il faut remuer de poussière et de pages mortes pour retrouver l’ensemble de quelques-unes de ces physionomies.

LIVRES, BROCHURES ET ÉCRITS PÉRIODIQUES

Quelques pièces fugitives, entre autres un compliment à M. de la Rochefoucault, évêque de Beauvais, à l’occasion du vent de la nuit du 31 décembre 1777 au 1er janvier 1778. In-8o de 18 pages, imprimé chez la veuve Dujarditi, à Beauvais.

C’est drôle, ou le Petit Essai d’une jeune plume, par l’abbé Beffroy de Reigny. Amsterdam, 1779 ; prix : 8 sous. In-12 de 26 pages, imprimé chez la veuve Dujardin, à Beauvais.

Hurluberlu ou le Célibataire, poëme demi-burlesque, avec des airs nouveaux, en vers et en trois chants, par le Cousin Jacques, avec des notes de M. de Kerkorkur Keyladeck. Prix, quarante-huit sols, broché. — À Londres, et se trouve à Paris, chez les libraires qui vendent les nouveautés, mdcclxxxiii. — In-8o de 92 pages, suivi de 13 pages des airs des chansons où le nom est écrit Uluberlu (sans H).

Hurluberlu ou le Célibataire, poëme comique et moral d’un genre nouveau, par M. Beffroy de Reigny, en vers et en trois chants, avec des notes du Cousin Jacques, traduites du grec par messire Udalislas Frédéric Zeerpzaheing-Pzaëheuëk T’hir T’har, etc., etc., etc., baron allemand. A Bouillon, de l’imprimerie de la Société typographique, mdcclxxxiv. In-12 de 85 pages, y compris les airs.

Les éditions ont quelques légères différences dans le texte.

Turlututu ou la Science du bonheur, poëme en vers, par le Cousin Jacques. Londres, 1783, in-8o de 60 pages. — Le même, Société typographique de Bouillon, 1783, in-12 de 45 pages, par M. Beffroy de Reigny.

Les petites Maisons du Parnasse, ouvrage comico-littéraire d’un genre nouveau, en vers et en prose, par le Cousin Jacques ; traduit de l’arabe, etc. A Bouillon, de l’imprimerie de la Société typographique, années 1783-1784. Grand in-8o de 234 pages. Le titre varie dans quelques exemplaires.

Marlborough, poëme comique en prose rimée, par le Cousin Jacques, avec des notes, etc. Londres, 1783, in-8o de 94 page.

Les Lunes du Cousin Jacques. Paris, Lesclapart. In-12 ; recueil paraissant par livraisons. Le 1er numéro commence au mois de juin 1785, le dernier numéro finit avec le mois de mai 1787. La collection représente la valeur de douze volumes. — Les premiers numéros des Lunes ont été traduits en allemand par J.-F. Junger, Leipsick, 1786, in-8o de 156 pages.

Le Courrier des Planètes ou Correspondance du Cousin Jacques avec le firmament. Paris, Belin, in-12 ; recueil publié par livraisons, du 1er janvier 1788 au 30 septembre 1790. Onze volumes environ. — Les premiers numéros, en 24 pages, paraissaient toutes les semaines et partaient du no 1 ; plus tard ils n’ont paru que par quinzaines, de 48 et de 72 pages. L’ordre des numéros a été également changé et a pris la suite des numéros des Lunes, en sorte que le dernier cahier porte le no 130.

Le Lendemain ou Esprit des feuilles de la Veille. Je n’ai jamais vu ce journal, qui est désigné dans la description historique et bibliographique de la collection de M. le comte Henri de la Bédoyère (in-8o, Paris, France, 1862, page 514, no 2185) dans les termes suivants : Lendemain (le) ou Esprit des feuilles de la Veille, par le Cousin Jacques (Beffroy de Reigny), du 10 octobre 1790 au 19 juin 1791. — 1re série, 83 numéros. — 2e série, 170 numéros, de 16 pages in-8o ; formant 3 vol. in-8o brochés (complet). Ce spirituel journal quotidien a pour épigraphe : Je cours toute la journée, je lis toute la soirée ; j’écris toute la nuit pour le lendemain.

Les Nouvelles Lunes du Cousin Jacques ; trente numéros in-8o, du 1er janvier au 25 juillet 1791. Le 30e numéro est excessivement rare ; le catalogue de Peignot (1854) n’en énonce que 29.

Le Consolateur ou Journal des honnêtes gens. Paris, Froullé, 1792 ; 63 numéros grand in-12, du 3 janvier au 7 août 1792. La pagination indique trois volumes.

Impromptu du Cousin Jacques à l’occasion de la naissance de Mgr le duc de Normandie, deuxième fils du roi Louis XVI, le jour de Pâques, 1785. Paris, Lesclapart ; in-8o de 12 pages.

Délassements du Cousin Jacques ou Étreintes lunatiques, dédiées à madame Dugazon, recueil de romances gravées, 1787 ; in-12 de 80 pages, gravées par madame Borelly, rue Saint-Jacques, prix : 3 liv. 12 sols. — Quérard et la biographie Michaud prétendent que le Cousin Jacques a désavoué cet ouvrage, ce qui n’est guère probable, puisqu’il l’annonce lui-même dans les Lunes de février 1787, no 30, page 54.

Le Cousin Jacques hors du Salon, folie sans conséquence, à l’occasion des tableaux exposés au Louvre en 1787 ; Lunéville, et se trouve à Paris chez Royer, quai des Augustins ; in-12, sans nom d’imprimeur. — La France littéraire signale en outre : Critique sur le salon de peinture, par le Cousin Jacques. Paris, 1787, in-12. Est-ce un autre ouvrage ? N’est-ce qu’une autre édition ?

Précis exact sur la prise de la Bastille. Paris, Beaudouin, 1789 ; in-8o de 8 pages. — Le même, Beaudouin, 1789 ; in-8o de 10 pages. — Le même, sans nom d’éditeur, 1789, in-12 de 22 pages, augmenté. Je ne cite que les éditions que j’ai eues sous les yeux.

L’Histoire de France pendant trois mois, depuis le 15 mai jusqu’au 15 août 1789. Paris, Belin, 1789 ; in-8o de 184 pages.

Complainte de la France en 1789. Saint-Quentin (annoncé par le Cousin Jacques).

La Constitution de la Lune, rêve politique et moral, par le Cousin Jacques. Paris, Froullé, imprimeur-libraire, quai des Augustins, no 39, 1793 ; grand in-12 de 302 pages. — Le même, deuxième édition. Froullé, 1793. (Ce Froullé périt sur l’échafaud.)

Testament d’un Électeur de Paris, par Louis-Abel Beffroy-Reigny, dit le Cousin Jacques. Paris, chez Mayeur, libraire, rue Mandar, no 9 : De Senne, au jardin Égalité ; Belin, rue Saint-Jacques ; Muradan, rue du Cimetière-Saint-André-des-Arts ; au bureau du Courrier de la Librairie, coin des rues du Marché-Neuf et du Marché-Palu, et maison Braslier et Cie, quai Voltaire no 9 ; an iv, in-8 de 192 papes, avec un portrait de l’auteur, gravé par N. Bureau, d’après P. Violet.

Ah ! sauvons la France puisqu’on le peut encore ! ou plan de finances, simple, facile, etc. Paris, Moutardier, sans date ; in-8 de 27 papes, imprimerie de Guellier, rue Gît-le-Cœur, no 16.

Discours prononcé le 2 fructidor an III (dimanche 13 septembre 1795), à la section du Mail. Paris, Desbois, 29 pages.

Discours prononcé le 23 fructidor an III (dimanche 6 octobre 1795). Paris, imprimerie de la citoyenne Desbois, rue Jacques, 18 pages.

Nouveau Te Deum 'en vers saphiques, avec des notes sur le pape, etc., in-8. Paris, Moutardier, 1802 (an x de la République ) ; 17 pages.

Dictionnaire néologique des hommes et des choses, ou Notice alphabétique des hommes de la Révolution qui ont paru à l’auteur les plus dignes d’attention dans l’ordre militaire, administratif et judiciaire ; des savants, des gens de lettres, des acteurs, musiciens et artistes de tout genre ; des banquiers, commerçants, armateurs, les plus intéressants pour l’État ; des monuments, découvertes, institutions les plus remarquables ; des ouvrages politiques, littéraires et dramatiques ; enfin des événements, époques et anecdotes les plus propres à donner aux lecteurs une juste idée des hommes et des choses, par le Cousin Jacques. Paris, Moutardier, an viii, 3 forts volumes grand in-8 à deux colonnes, finissant par le mot : Côtes-du-Nord (département, etc.).

Les Soirées chantantes ou le Chansonnier bourgeois, Paris, Moutardier, an xii, 3 vol. in-12 ; le premier de 296 pages, le second de 284, et le troisième de 290.

THÉÂTRE

Les Ailes de l’Amour, représenté le 23 mai 1786 par les comédiens italiens ordinaires du roi. Première édition, Lesclapart, sans date, avec une dédicace à Grétry, et douze airs gravés ; 31 pages. — Deuxième édition, 72 pages.

Coriolinet ou Rome sauvée, folie héroï-comique en vaudeville et en 3 actes, dédiée à MM. du parterre par le Cousin Jacques, auteur des Lunes. In-8, Clousier, imprimeur du roi, 1786.

Les Clefs du Jardin ou les Pots de fleurs, divertissement en vers et en vaudevilles, par l’auteur des Lunes, représenté à Paris le samedi 24 mars 1787, par les comédiens italiens ordinaires du roi, pour la clôture de leur théâtre. In-8, Vente, 1787. (La pièce fut jouée par Chenard, Solier, madame Saint-Aubin, etc.)

Compliment en vers et en vaudevilles, représenté à Paris, le lundi 16 août 1787, par les comédiens italiens ordinaires du roi, pour la rentrée de leur théâtre, par le Cousin Jacques. In-8, Vente, 1787. (Acteurs : Trial, madame Saint-Aubin.)

La Fin du bail ou le Repas des fermiers, divertissement en prose et en vaudevilles, représenté à Paris, le 8 mars 1788, par les comédiens italiens ordinaires du roi, pour la clôture de leur théâtre, par le Cousin Jacques. In-8, Belin, 1788. (Acteurs : Favart, Rozières, Trial, madame Saint-Aubin.)

Sans adieux, joué pour la clôture du Théâtre-Italien, le samedi 24 mars 1789. (Le Cousin Jacques a donné de cette pièce quelques extraits dans le Courrier des Planètes, mais il ne paraît pas qu’elle ait été imprimée.)

La Couronne de fleurs, compliment en un acte et en vaudevilles représentée par les comédiens italiens ordinaires du roi, à l’ouverture de leur théâtre, le lundi 20 avril 1789. In-8, sans noms d’auteur ni d’imprimeur.

Compliment d’ouverture, prononcé au théâtre Montansier, 1790 ; non imprimé.

Compliment d’ouverture, prononcé au théâtre des Beaujolais ; 1790. Non imprimé.

Apollon directeur, petite pièce en un acte pour l’inauguration du théâtre des Beaujolais dans une nouvelle salle, boulevard du Temple. (Le Cousin Jacques a donné de cette pièce quelques extraits dans le Courrier des Planètes de mai 1790, mais il ne dit pas si elle a été imprimée.)

Jean-Bête, folie en trois actes, du Cousin Jacques, avec une ouverture nouvelle du même auteur, une ronde et un vaudeville à la fin, par le même ; représentée au théâtre des Grands-Danseurs du Roi (théâtre Nicolet), le 12 juillet 1790. J’ignore si la pièce a été imprimée.

La Confédération du Parnasse, opéra-vaudeville en un acte, représenté au théâtre des Beaujolais en juillet 1790. La pièce n’a pas été imprimée, mais les airs ont été gravés.

Le Retour du Champ de Mars, opéra-vaudeville en un acte, représenté au théâtre des Beaujolais en juillet 1790. (Cette pièce se jouait dans la même soirée avec la Confédération du Parnasse dont elle est la suite ; le buste de Louis XVI était apporté sur la scène et transporté au Temple de Mémoire.) Le Retour du Champ de Mars ne paraît pas avoir été imprimé.

Les Folies dansantes, opéra-comique en deux actes, représenté au théâtre des Délassements-Comiques en 1790. (Voir le Courrier des Planètes.)

Nicodème dans la Lune ou la Révolution pacifique, féerie en trois actes, en prose, mêlée d’ariettes et de vaudevilles, représenté, pour la première fois, au Théâtre-Français, Comique et Lyrique, le 7 novembre 1790, in-8. Paris, chez l’auteur, rue Phélypeaux, 1791 ; sans nom d’imprimeur, 162 pages d’impression. — Le même, in-8. Paris, Froullé, 1791, avec Quelques Réflexions de l’auteur ; 104 pages. — Le même, in-8. Paris, Moutardier, 1797 : avec additions, corrections et variantes ; 99 pages. — Le même, in-8. Avignon, Bonnet frères, 1792 ; 56 pages.

Les airs ont été gravés.

L’Histoire universelle, comédie en vers et en deux actes, mêlée de vaudevilles et d’airs nouveaux, représentée sur le théâtre de Monsieur, en septembre 1790. Première édition, in-8. Paris, Froullé, 1791, 68 pages ; 2e édition, in-8. Paris, Froullé, 1792, 32 pages. (Acteurs : Gavaux, Lesage, Vallière, mademoiselle Parisot, madame Verteuil.)

Le Club des bonnes gens ou le Curé français, en vers et en deux actes, mêlé de vaudevilles et d’airs nouveaux, représenté pour la première fois sur le théâtre de Monsieur, le 24 septembre 1791. (L’ouverture et plusieurs airs sont de Gavaux ; seize airs du Cousin Jacques.)

In-8. Paris, Froullé, 1791 ; 61 pages.

In-8. Paris, Froullé, 1791 ; 62 pages.

In-8. Paris, Froullé, 1791, dédicace à Gavaux ; vii et 82 pages.

In-8. Paris, Cailleau, 1792 ; 48 pages.

In-8. Paris, Moutardier, an III, avec ce titre ainsi modifié : le Club des Bonnes gens ou la Réconciliation ; 62 pages, précédées de xii pages de variantes exigées.

In-8. Marseille, an v de la République : le Club des bonnes gens ou la Réconciliation.

Les Capucins ou Faisons la paix, comédie en prose et en deux actes, mêlée de quelques morceaux de chant, jouée au théâtre de Monsieur, le 18 mars 1791. Non imprimée. Il y a eu seulement quelques ariettes gravées. — « Tous les bons acteurs de la comédie et de l’opéra français, raconte le Cousin Jacques, jouaient dans cette pièce, qui fit un tapage effroyable, au point que l’auteur descendit sur la scène et fit baisser la toile au milieu du second acte. Cette pièce, vide d’action et d’intrigue, n’avait pour tout mérite que des tableaux neufs à la scène, des acteurs parfaits, beaucoup d’ensemble et des tirades de la plus grande force contre les partis extrêmes, ce qui les anima tous deux à tel point qu’il y eut des loges déclouées, dont les clous dorés furent jetés par poignées à la tête des gens du parterre, qui ripostèrent par l’envoi d’un sac de pommes de terre aux femmes des premières loges. Néanmoins, on fit une chose jusque-là, dit-on, sans exemple au théâtre : Vallière débita une tirade de deux pages et demie en prose en faveur du Roi, qu’on voulut avoir bis, et qu’il fut obligé de répéter tout entière au milieu des applaudissements universels. » (Dictionnaire des hommes et des choses, tome III, article Capucins.)

Les Deux Nicodèmes ou les Français dans la planète de Jupiter, comédie-folie en deux actes, représentée sur le théâtre de Monsieur, rue de Feydeau, le lundi 21 novembre 1791. La pièce n’a pu été imprimée ; c’est par erreur que M. Quérard l’indique dans la France littéraire. Il n’a été imprimé qu’un Historique de la pièce des Deux Nicodèmes, adressé aux spectateurs du théâtre de la rue Feydeau, in-8 de 14 pages, Paris. Froullé, sans date.

Nicodème aux enfers, en cinq actes, représenté en 1792, sur le théâtre… (Dans une note du Chansonnier bourgeois, t. III, p. 85, le Cousin Jacques parle de cette pièce qui, écrit-il, a eu vingt-deux représentations ; mais il oublie de désigner le théâtre. J’ai dit que je ne croyais pas que Nicodème aux enfers eût été imprimé.

Toute la Grèce ou ce que peut la liberté, tableau patriotique en un acte, représenté, pour la première fois, sur le théâtre de l’Opéra, le 5 janvier 1794 (16 nivôse an ii). — Acteurs : Lays, Chéron, Lainez, mademoiselle Maillard.

Première édition : « Toute la Grèce ou ce que peut la liberté, épisode civique en deux actes, fait exprès pour l’Opéra, reçu avec acclamation le 24 septembre dernier, pour y être représenté au plus tôt ; ouvrage dédié à la Convention nationale, à la commune de Paris et aux sections de Guillaume Tell et de Bonne-Nouvelle, d’où sont les deux auteurs ; paroles du Cousin Jacques, musique de Lemoyne ; in-8. Paris, Froullé, an ii. »

Deuxième édition : « Toute la Grèce ou ce que peut la liberté, tableau patriotique en un acte, représenté, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de l’Opéra national, le 16 nivôse, an ii ; paroles du Cousin Jacques, musique de Lemoyne ; in-8. Paris, Huet, an ii. »

Ariette de toute la Grèce est le titre d’un morceau de musique gravé et publié chez Frère, passage du Saumon ; ce morceau se compose de six couplets ayant pour refrain : « Mourir pour la patrie, c’est le sort le plus beau, le plus digne d’envie…… »

Démosthènes, tableau patriotique en un acte, en vers, par le Cousin Jacques, représenté pour la première fois, le 2 germinal an ii, sur le théâtre de l’Opéra-Comique national. (Acteurs : Granger, Solié, Michu, madame Saint-Aubin.) — Ne paraît pas avoir été imprimé.

Allons, ça va, ou le Quaker en France, tableau patriotique en vers et un acte, mêlé de vaudevilles, représenté pour la première fois, sur le théâtre Feydeau, le septième jour du deuxième mois de l’an second de la République. — Acteurs : Lesage, Juliet, Martin, etc. — In-8. Paris, Huet, 1793 ; 47 pages. Dédié à la nation et aux armées françaises.

Sylvius Nerva ou l’École des familles, drame lyrique en trois actes, paroles du Cousin Jacques, musique de Lemoyne. In-8. Paris. Moutardier, an iii. (Cette pièce a été reçue et répétée à l’Opéra, mais elle n’a pas été jouée.)

La Petite Nanette, opéra-comique en deux actes, paroles et musique du Cousin Jacques, représenté pour la première fois, sur le théâtre Feydeau, le 19 frimaire an v (vendredi 9 décembre 1796). In-8. Paris, Moutardier, an v, 56 pages d’impression. Trois autres éditions dans la même année : une de 62 pages, une de 77 et la dernière de 72.

Turlututu, empereur de l’isle Verte. « Folie, bêtise, farce ou parade, comme on voudra, en prose et en trois actes, avec une ouverture, des entr’actes, des chœurs, des marches, des ballets, des cérémonies, du tapage, le diable, etc., etc., paroles et musique du Cousin Jacques, représentée à moitié le lundi 3 juillet 1797 (15 messidor an v), et ensuite tout à fait le surlendemain mercredi, 17 messidor, sur le théâtre de la Cité. » In-8. Paris, Moutardier, an v ; 96 pages. — Acteurs principaux ; Brunet, Raffile, Tiercelin, Duval, Baroteau, madame Brunet, madame Lacaille.

Jean-Baptiste, opéra-comique en un acte et en prose, paroles et musique du Cousin Jacques, représenté au théâtre Feydeau, pour la première fois, le 13 prairial an vi. Première édition, In-8. Paris, Moutardier, an vi, 36 pages. Deuxième édition. Paris, Moutardier, an vi, 48 pages avec une préface. — Acteurs : Juliet, Lesage, Planterre fils, Rosette et Aglaé Gavaudan.

Un rien ou l’Habit de noces, folie épisodique en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles et d’airs nouveaux, paroles et musique du Cousin Jacques, représenté pour la première fois le 19 prairial an vi, sur le théâtre de l’Ambigu-Comique. In-8. Paris, Vente, an vi, imprimerie de Mignerel, vii et 36 pages.

Magdelon, comédie épisodique en prose et en un acte, mêlée d’ariettes, paroles et musique du Cousin Jacques, représentée pour la première fois, le 16 prairial an vi, au théâtre du Palais-Égalité, dit théâtre Montansier. In-8. Paris, Moutardier, an viii, 35 pages. — Acteurs : Raffile, Brunet, madame Barroyer, madame Quésin.

Émilie, ou les Caprices, comédie en vers et en trois actes, représentée pour la première fois, le 21 messidor an vii, sur le théâtre des Jeunes-Artistes, rue de Bondy. In-8. Paris. Moutardier, an viii ; iv et 80 pages, — Acteurs : Thénard, Grevin, Lepeintre, Monrose.

Les Deux Charbonniers ou les Contrastes, comédie en prose et en deux actes, mêlée d’ariettes, paroles et musique du Cousin Jacques, représentée pour la première fois, sur le théâtre Montansier, le 7 fructidor an vii. In-8. Paris. Moutardier, an viii ; 74 pages. — Acteurs : Amiel, Brunet, madame Mengozzi, madame Barroyer.

Le Grand Genre, opéra-comique en un acte, représenté sur le théâtre de l’Ambigu-Comique, le… (Voir le Chansonnier bourgeois, tome II, pages 54, où le Cousin Jacques dit que le Grand Genre, joué malgré lui et estropié par les acteurs, n’a pas été imprimé.)

L’Ivrogne vertueux, opéra comique en deux actes, paroles du Cousin Jacques, musique de Lemoyne. (Je ne sais à quelle date précise ranger cette pièce, reçue au théâtre de Monsieur, d’après une note de Toute la Grèce, et qui, selon plusieurs renseignements, aurait été jouée, mais n’aurait pas réussi. L’Annuaire dramatique, in-32, année 1843, la porte comme ayant été représentée en 1793.)

Les Trois Nicodèmes. Même indécision. Une note placée à la fin de l’Histoire universelle annonce que les Trois Nicodèmes « appartiennent » au théâtre de Monsieur et non au théâtre Lyrique.

Le Cousin Jacques a composé encore une douzaine de pièces qui n’ont été ni jouées ni imprimées, bien que la plupart aient été reçues, répétées et annoncées sur divers théâtres. Quelques-uns de ses manuscrits autographes ont été vendus à la vente Soleinne. — L’écriture du Cousin Jacques, quoique rapide, était lisible et ponctuée avec soin.

Ses autographes ne sont pas très-rares, et se tiennent pourtant à un prix élevé. Ainsi, un de ceux qui se sont produits en vente, le 9 février 1863 (lettre signée, adressée à Chaumette ; 2 pages et demie ; cachet), a été adjugé à M. Charavay, moyennant 26 francs.

Il existe plusieurs portraits du Cousin Jacques ; un entre autres, à l’huile, par Ducreux, peintre de Marie-Antoinette, et qui a figuré à l’exposition de l’an ix (1801), no 111 du livret. — Un second, à l’huile aussi, mais d’un peintre inconnu, représente le Cousin très-jeune, tenant à la main un volume ouvert des fables de La Fontaine.

Parmi les portraits gravés, in-8o :

1o Ovale, buste à droite, Muller sculpsit, 1796.

2o Ovale, buste à gauche, sans nom de graveur.

3o Octogone, buste à droite, dessiné par Violet, gravé par Jonxis.

4o Carré, buste habillé, à droite, P. Violet delin. N. Bureau sculptit.

5o Trois quarts, in-12, par madame Moitte.

  1. Ces noms leur venaient des fiefs appartenant à leur père.
  2. Depuis lors, certains de ces élèves ont réalisé, et même au delà, les espérances qu’ils donnaient dans leur jeunesse. Après la Révolution, il leur vint l’idée de se compter et de se réunir dans un banquet, chez le restaurateur Vénua, aux Champs-Élysées. En conséquence, tous les anciens élèves du collège Louis-le-Grand furent convoqués, soit par des invitations particulières, soit par la voie des journaux. Il s’en trouva cent vingt, sous la présidence du ci-devant chevalier de Boufflers, ce doux et spirituel anacréon en perruque à frimas. C’était un spectacle bizarre, touchant et philosophique, que celui de tous ces hommes qui s’étaient conduits et signalés de tant de manières diverses dans le cours de la Révolution. Le remuant et doré Fréron coudoyait le législateur Goffaulx ; Piis fredonnait ses plus jolis couplets à l’oreille du grave de La Place ; l’abbé Noël causait comédie avec Picard, qui lui répondait sermon. Les absents, ceux dont on se répétait les noms à voix basse, c’étaient Maximilien Robespierre, Camille Desmoulins, Duport-Dutertre. Une indisposition empêcha le Cousin Jacques de paraître à ce banquet, qui eut lieu le 15 thermidor an VIII (3 août 1800).
  3. Plancher Valcour, Mes Caravanes, 1816. 4 vol. in-12.
  4. Il y eut un grand nombre de parodies de Nicodème dans la Lune, parmi lesquelles Nicodème dans le Soleil, représenté au café Yon, boulevard du Temple.
  5. Voir le Moniteur des 20 novembre et 2 décembre 1791. La pièce n’a pas été imprimée ; c’est par erreur que M. Quérard l’a mentionnée dans la France littéraire.
  6. Cette haine contre Condorcet allait jusqu’au transport ; en voici un second trait : « Condorcet, dans la séance du lundi, a dit qu’il répondait de Chabot. Lâches pieds plats ! les deux font la paire. Ces deux hommes sont bien dignes l’un de l’autre ; c’est Cartouche qui répond de Mandrin ! » (Consolateur, no 53.) Plus tard, dans son Dictionnaire, le Cousin Jacques s’est exprimé avec moins de passion sur Condorcet.
  7. Bibliothèque dramatique de M. de Soleinne, appendice au tome troisième : autographes, page 13.
  8. Cette lettre a figuré tour à tour dans la collection Charavay (no 2150), et dans la collection Fossé d’Arcosse (no 124). Elle est aujourd’hui entre les mains des descendants de M. L. E. Beffroy, auxquels j’en dois l’obligeante communication.

    Quant aux Prêtres de Dodone, ils sont restés en portefeuille.

  9. Beffroy de Beauvoir, successivement premier suppléant à l’Assemblée législative, député de L’Aisne à la Convention nationale, et membre du premier conseil des Cinq-cents, homme de finances et d’administration. Il avait voté la mort de Louis XVI, mais avec appel au peuple et sursis à l’exécution. Les deux frères avaient épousé les deux sœurs, les demoiselles Viriez, en 1780.
  10. « Mes Mémoires ne sauraient paraître à présent, malgré l’annonce qui a été faite dans quelques journaux. D’ailleurs, ils ne sont pas chez moi ; ils sont disséminés chez différentes personnes, parce que, s’il s’en perd un volume d’un côté, on ne perdra pas tout. Il y en a une partie en province et une partie à Paris ; et si je meurs avant que l’ouvrage puisse paraître, on trouvera chez ma veuve et mes deux orphelines, — Justine et Rose, — la note des personnes qui en sont dépositaires. Quant aux sommes qui m’ont été envoyées pour souscrire en tout ou en partie à ces Mémoires, j’avertis mes fidèles lecteurs, qui sont mes créanciers, que le prix des denrées et de toutes les marchandises augmentant d’heure en heure, ce qui valait, il y a quatre mois, 150 livres en assignats, ne vaudrait plus aujourd’hui, pour l’impression de ces Mémoires, que 30 ou 40 livres, mais que cependant ils sont inscrits en tête pour la livraison des premiers volumes, et que je supporterai seul toute perte. S’ils aiment mieux ravoir leurs assignats, je les leur remettrai franc de port. » Testament d’un Électeur, page 127.
  11. Ces lignes et celles qui suivent ont été écrites en 1863.
  12. Voir la note précédente.