Les Pamphlets de Marat/Marat, l’ami du peuple, aux amis de la Patrie (1)

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Texte établi par Charles VellayCharpentier et Fasquelle (p. 309-312).

MARAT, L’AMI DU PEUPLE, AUX AMIS DE LA PATRIE

(30 août 1792)
Mes chers amis,

Vous dire que du choix de vos représentants à la Convention nationale dépendent votre sûreté, votre liberté, votre repos, votre bonheur, la prospérité et le salut de l’Empire, c’est vous remettre sous les yeux une grande vérité, que l’exemple de vos indignes députés à l’Assemblée constituante et à la législature actuelle ne permet plus de révoquer en doute ; une vérité douloureuse que les malheurs, les dangers, les désastres, qui sont depuis si longtemps les fruits amers de leur corruption, transmettra d’âge en âge aux siècles à venir.

Il ne s’agit donc plus de vous engager à n’accorder votre confiance qu’à des hommes éclairés et purs, vous y êtes trop intéressés ; mais à vous indiquer parmi les candidats qu’on vous propose les hommes qui sont dignes de vos suffrages et les hommes qui en sont indignes ; car, songez-y bien, si les travaux de la Convention nationale sont manqués, vous n’avez plus à attendre qu’anarchie, misère et désolation.

Liste des sujets déméritants proposés par l’auteur de La Sentinelle, dans la vue de servir la faction des ennemis de la liberté :

Barrère de Vieuzac, homme nul, sans vertu et sans caractère.

Boutidoux, sableur de champagne, qui a attendu au 13 juin dernier à jouer le patriote en dénonçant Mottier, et en demandant la place toute chaude de Carle qu’il est bien digne d’occuper.

Garat, le jeune, intrigant dangereux et royaliste masqué.

Durand de Maillane, patriote sans vues et sans énergie.

Kervelegan, homme sans caractère, vrai opineur de la culotte.

Lépaux, inconnu dans la Révolution.

Rabaut de Saint-Étienne, faux patriote, l’un des coopérateurs des plus funestes décrets des pères conscrits constituants.

L’abbé Sieyès, auteur du projet de décret contre la liberté de la presse et coopérateur du comité constitutif, anti-révolutionnaire.

Sillery, l’ex-comte de Genlis, plus connu par ses escroqueries au jeu que par son affectation à singer le patriote ; en 1784, un édit du conseil annula un billet d’honneur de 800 mille livres que ses coassociés, les brelandiers du Palais-Royal, avaient arraché à un enfant prodigue du Parlement.

Vadier, bien connu par sa honteuse rétractation du discours énergique qu’il prononça après la fuite des Capets à Montmédy.

Audouin, le journaliste, fameux par la lâche protestation qu’il fit de n’appartenir à aucune société patriotique, le lendemain du massacre du Champ-de-Mars.

L’abbé Audouin, pendant du journaliste.

Boisguyon, apologiste et souteneur du traître Mottier.

Bonneville, flagorneur soudoyé de Bailly et Mottier.

Bourdon, inconnu.

Carra, fanatique ou endormeur selon le vent.

Champfort, secrétaire du traître Condé.

Chépy, vil parasite, flagorneur des Lameth, et puis louangeur Brissotin.

J.-B. Cloots, dit l’Orateur du genre humain, Mouchard Berlinois.

Collin, jeune ; inconnu.

J. Deflers, vil intrigant.

Girey-Dupré, bas-valet de la faction Brissotine.

Gorsas, flagorneur aux gages de Necker, puis de Bailly, puis de Mottier ; depuis la journée du 10, il se dit démocrate.

Lanthenas, intrigant inepte, pantin de la femme Roland, ministre de l’intérieur.

Louvet, auteur de La Sentinelle, intrigant aux gages de la faction Brissotine.

Milscent, aveugle journaliste, flagorneur des Brissot, des Lasource, des Lacroix, etc.

Poullenot, patriote sans vues.

Réal, ancien grippe-sol du palais, antagoniste forcené de Robespierre, et Brissotin pour de l’argent.

Je ne parle ici ni des Brissot, ni des Guadet, Lasource, Condorcet, Lagrévol, Vergniaud, Pastoret, et autres députés infidèles, que leurs suppôts ci-dessus dénommés veulent porter à la Convention. Pour les en exclure, il suffit de ne pas oublier que ce sont eux qui ont fait déclarer la guerre pour servir Mottier, et que ce sont eux qui ont destitué la Commune pour usurper l’autorité suprême.

Liste des hommes qui ont le mieux mérité de la patrie :
I. Robespierre.
Il suffit de les nommer, ce sont là de vrais apôtres de la liberté ; malheur à vous s’ils ne sont pas les premiers objets de vos suffrages.
II. Danton.
III. Panis.
IV. Billaud-Varennes.
V. Fréron.
VI. Vitet, maire de Lyon.
VII. Merlin.
VIII. Chabot.
IX. Paris, greffier.
X. Manuel.
Vrais défenseurs de la liberté ; non seulement ils sont dans les grands principes de la Révolution, mais ils l’ont défendue les armes à la main.
XI. Deforgues.
XII. Jourdeuil.
XIII. P.-J. Duplain.
XIV. Raffron du Trouillet.
XV. Fauchet, homme de lettres.
XVI. Guermeur.
XVII. Boucher de Saint-Sauveur.
Excellents patriotes, qui marcheront toujours avec les intrépides défenseurs de la Patrie.
XVIII. Camille-Desmoulins.
XIX. Guesdon.
XX. Robert, homme de lettres.
XXI. Tallien.
XXII. Brune.
Mes Amis,

Je finirai par vous rappeler l’Ami du Peuple ; vous connaissez ce qu’il a fait pour la patrie, peut-être ignorez-vous ce qu’il fera encore pour votre bonheur ; la gloire d’être le premier martyr de la liberté lui suffit, tant pis pour vous si vous l’oubliez[1].


  1. De l’imprimerie de Feret, rue du Marché-Palu, vis-à-vis celle Notre-Dame.