Les Petits bougres au manège (Enfer-746)/01

La bibliothèque libre.
Pierre Pousse-Fort (p. 3-22).


LES
PETITS BOUGRES
AU MANÈGE,
OU
RÉPONSE DE M. ***.

Grand maître des enculeurs, et de ses adhérents, défendeurs, à la requête des fouteuses, des macquerelles et branleuses, demanderesses.

Je ne sais point faire des vers ; je ne sais pas même faire de la bonne prose, et à peine sais-je mettre mes idées au jour d’une manière claire et intelligible ; mais je m’en fous. Je ne prétens point à la chimérique réputation d’auteur ; je n’ai point l’ambition de monter le fougueux Pégase ; et pourvu que j’enfourche un jeune blondin aux fesses rebondies ; pourvu que je lui lave délicieusement l’anus d’un déluge de foutre, mes vœux sont remplis, et mon ambition satisfaite. Au sur-plus, si je visais à la célébrité, la réputation de sodomiste indomptable en vaut bien un autre ; et peu m’importe de qu’elle manière on me cite. La gloire n’est qu’une chimère, le plaisir est un être réel : m’en procurer le plus que je puis, est ma seule étude. En un mot, enculer le matin, enculer à midi, enculer le soir, c’est tout ce que je cherche et que je trouve sans peine. Au fait.

Pendant que toute la france est infectée du virus que les portugais nous ont apporté de l’autre émisphère ; pendant que nos fédérés, cette partie la plus précieuse de la nation, font circuler dans toutes les provinces, le poison destructeur qu’ils ont puisé dans les cons infernaux de nos modernes messalines ; tandis que d’honnêtes mères de famille maudissent la fédération, qui les plonge dans un gouffre de maux, et les prive du plaisir délicieux de foutre, et de se reproduire ; les fouteuses de paris, ces vraies boëtes de Pandore, dont le con, réceptacle de toutes les infirmités, devrait être cousu à double couture ; des branleuses dont la main couverte de gale devrait sécher à l’approche d’un vit ; des macquerelles dont le con et le cul ne faisant plus qu’une seule ouverture, représentent les bouches de l’averne et du flégeton, et exhalalent au loin le poison et la mort ; enfin, toute la gent fouteuse ose réclamer contre les bougres et les bardaches ; demande à grand cris qu’on nous flétrisse publiquement ; qu’un signe de réprobation nous fasse reconnaître et montrer au doigt : l’assemblée nationale, ce sénat prétendu, auguste, ce foyer des lumières de la nation, a osé, pourrai-je-le-dire ! oui ; elle a osé, malgré son incompétence, rendre sur cette requête, un décret en faveur de l’engeance la plus vile, dont le ciel, dans un moment de fureur, ait pu empoisonner la terre. O nefandum scelus ! et nous garderions le silence ! et nous nous laisserions indignement flétrir sans nous défendre ! non ; plutôt renoncer à enculer ! plutôt hâcher nos pines, et les faire manger aux juges iniques qui nous ont condamnés ! plutôt abattre la salle de l’assemblée à coup de couilles, et en ensevelir les membres sous un tas de décombres !

Les fouteuses et compagnie doivent être déclarées non-recevables, si elles ne sont point fondées en droit ; si la fouterie fait plus de mal que de bien ; si la liberté individuelle n’est point une chimère.

Le décret rendu en faveur des plaignantes, doit être nul et illusoire, si ceux qui l’ont rendu sont incompétens et suspects.

A dater de la création, à compter de madame Eve, qui, s’il faut en croire la chronique scandaleuse, se laissa foutre par le serpent ; tout individu, tout ce qui porte couilles ou con, a eu, et a encore le droit de foutre, de se branler, d’enculer ; les eunuques seuls, victimes infortunées de la jalousie effrénée des asiastiques, sont privés du plaisir de l’éjaculation du sperme : mais dans aucun tems, dans aucune circonstance, nul n’a eu le droit exclusif de prendre ou de donner le plaisir des couilles. Lisez toutes les histoires ; parcourez toutes les époques ; visitez toutes les archives des bordels établis sur la surface du globe ; nulle part vous ne trouverez une charte qui accorde à telle ou telle classe de créatures, le privilège du foutre, ou de faire décharger de telle manière que ce soit, à l’exclusion des autres classes, à qui la bienfaisante nature a accordé des sens pour en faire l’usage le plus conforme à leurs goûts et à leurs inclinations. Quand même une charte de cette nature pourrait exister, ce qui est de toute impossibilité, si elle n’est scellée du grand vit de Priape, et paraphé de foutre à toutes les pages ; si elle ne porte l’empreinte des couilles monstrueuses du vigoureux Hercule, elle n’a pas plus de valeur, elle ne mérite pas plus de crédit que le papier monnoie de l’assemblée nationale ; La gent fouteuse m’objectera sans doute sa prétendue possession : mais je lui répondrai que cette possession n’est qu’idéale, puisque ce qu’on appelle si communément et si improprement honnêtes femmes, ne se passe pas plus de foutre que de pain : ce qui suffit pour prouver que cette possession n’est qu’un mot vuide de sens. Et quand même elle existerait, peut-il y avoir prescription où il y a abus ? Et un usage peut-il avoir force de loi, quand il est diamétralement opposé à la nature ? Sans doute, l’usage que font les fouteuses de leurs détestables engins n’est rien moins que naturel, puisque ce n’est point pour le plaisir de se reproduire, mais bien pour satisfaire leur insatiable avidité, ou leur goût effréné pour la fouterie, qu’elle foutent à tort et à travers. Il est donc incontestable que les fouteuses n’ont point le droit exclusif de faire décharger ; et je défie la putain la plus dévergondée, d’oser me soutenir le contraire.

La faculté de bander, de foutre, de décharger, est sans doute le présent le plus précieux que la nature ait pu nous faire : sans parler du penchant que tout être ressent pour la propagation de son espèce quelles expressions peuvent rendre le plaisir qu’il y a à patiner deux jolis tetons, deux cuises potelées et blanches ? Qui pourroit exprimer les délices que goûte un brave fouteur, au moment qu’il inonde d’un déluge de foutre un con couronné d’une motte aussi velue que ferme ! mais aussi, qui pourrait nombrer les maux qu’a fait, et que fait encore la fouterie ? Si je veux fouiller dans les anciennes chroniques, j’y trouve une Hélène, putain aussi insatiable </nowiki> qu’une louve, qui, mécontente des forces de son bénet de mari, se fait enlever par le beau Pâris, qui était aussi vigoureux qu’Hercule, qui la foutoit, dit-on, trois fois toutes les heures : aussi-tôt, tous les rois de la Grèce, aussi tremblans pour leurs fronts, que jaloux de venger un roi cornard, s’arment de toutes pièces, vont mettre le siège devant Troye, le prennent d’assaut, foutent femmes et filles, massacrent jeunes et vieux, font de cette malheureuse ville un monceau de cendres et de décombres ; et cela, par la faute du con de madame Hélène, qui auroit englouti plus de foutre que les vengeurs de son mari ne firent couler de sang. Veux-je jeter un coup d’œil sur le siècle actuel, je vois une maladie affreuse, la vérole, puisqu’il faut l’appeler par son nom, se manifester sous milles formes différentes ; ronger impitoyablement les individus les plus forts ; mettre sur les dens les meilleurs athlettes de la fouterie ; rider dans la fleur de l’âge, tous ceux qui ont le malheur d’en être attaqués, et détruire sans pitié, jusques aux principes de la génération. Enfin, qu’on mette dans la balance les biens et les maux qui résultent de la jonction des cons et des vits, et si la somme des maux ne l’emporte pas sur celle des biens, je me coupe vit et couilles, et j’en fais une omelette pour la vicomtesse de Con-Fendu.

La liberté individuelle, décrétée par nos très-augustes et très-respectables représentans, n’est assurément pas un être de raison ; et, d’après ce principe, je puis disposer de ma propriété, telle qu’elle soit, selon mon goût et mes fantaisies : or, mon vit et mes couilles m’appartiennent ; et, soit que je les mette en civet, soit que je les mette au court-bouillon, ou, pour parler clairement, que je les mette dans un con ou dans un cul, personne n’a droit de réclamer contre l’usage que j’en fais, et moins encore les garces que qui que ce soit : car ces viles putains, qui ont l’audace de clabauder contre nous, ne sont, à proprement parler, que des gouïnes qui se prêtent sans difficulté à toutes les fantaisies lubriques qu’un paillard usé et riche peut avoir envie de satisfaire. Gamaücher, se laisser enculer, foutre en tetons, entre cuisses, sous les aisselles, tout leur est égal, pourvu qu’on fasse briller l’or à leurs yeux ; pourvû qu’on ne leur présente pas des assignats : ce papier monnoie n’a pas cours parmi nos princesses du sang corrompu ; et les branleuses de la place Louis XV., elles-mêmes, ne donneraient pas une douce pour un assignat de cent livres ; elles n’oseraient pas même le toucher, parce qu’elles prétendent que leurs mains deviendraient paralytiques.

Je ne suis pas grand dialecticien ; mais, quand je viens d’enculer, j’ai la judiciaire excellente, et l’esprit presque aussi éclairé qu’un député à l’assemblée nationale. Je puis donc conclure de tout ce que je viens de prouver, que nos dames les fouteuses, macquerelles, branleuses et compagnie, doivent être déclarées non recevables.

Le décret intervenu en leur faveur est nul et illusoire, si les juges sont incompétens et suspects ; je le prouve.

Un tribunal est compétent, lorsque la connaissance d’une affaire lui a été attribuée par le pouvoir souverain : alors, lui disputer le droit d’en connaître et de prononcer selon ses lumières, serait le comble de l’extravagance et de la folie. Mais toutes les fois qu’il s’arroge ce droit-là lui-même, ses décrets sont nuls, de toute nullité ; et c’est le cas où se trouve l’assemblée nationale, à moins qu’on ne dise que la requête des putains portant principalement sur les mœurs publiques, les législateurs de la nation ont le droit de s’en occuper. Dans cette hypothèse je me permettrai de demander si ceux qui sont chargés de régler les mœurs publiques, sont dispensés de régler les leurs ; je demanderai si le coriphée de l’aristocratie a prouvé la pureté des siennes, en se rendant coupable de viols et d’enlevemens, en forçant une femme, le pistolet sur la gorge, à lui accorder ses faveurs : je demanderai si l’orateur de la démocratie a fait preuve de vie et mœurs en enlevant une femme à son mari, en cornifiant publiquement l’imbécille libraire de la rue ....... ect., etc, etc. D’ailleurs aurait-on cru régler les mœurs, en flétrissant les bougres et les bardaches ? Non, l’erreur serait trop grossière, et le succès plus qu’incertain : cette vérité n’a pas besoin de preuves ; elle est à la portée de tout le monde. Je me contenterai de dire que, flétrir les bougres, c’est vouloir donner aux putains le droit de cangrener toute la terre.

Tout juge est suspect, lorsqu’il vit de connivence avec une des parties : ce principe étant incontestable, et conséquemment admissible, la preuve de suspection est aisée à faire. Dans leur requête aux législateurs de la nation, les fouteuses et compagnie avouent qu’elles ont foutu avec les députés, plus de coups qu’elles n’ont de poils au cul, et que très-souvent elles ont eu leur part des dix-huit livres que le gouvernement leur accorde. Quand tout est commun entre deux individus, on ne peut pas révoquer leur connivence en doute ; et quand l’un des deux est le juge de l’autre, on ne peut s’empêcher de convenir que le juge est suspect. Il est donc vrai que l’assemblée étant incompétente et suspecte, le décret qu’elle a rendu en faveur de la fouterie, est nul et illusoire.

Toutes vos raisons, me dira-t-on, peut-être, ne justifient point le penchant abominable que vous et vos semblables avez toujours eu pour la pêche des étrons à la ligne ; et la fouterie étant, comme vous le dites, un très-grand mal, lorsqu’elle ne remplit pas le but de la nature, la sodomie, qui l’outrage dans tous les sens, est le comble de la dépravation.

L’exemple de tous les siècles pourrait justifier le goût qu’on nous reproche. Je pourrais citer l’exemple de Socrate qui enculait Alcibiade au vû et sû de tout le monde, et cependant les femmes Grecques étaient, et sont encore aujourd’hui assez belles pour inspirer des desirs aux hommes, et les faire bander. Plusieurs Empereurs Romains ont eu des bardaches à titre, quoiqu’ils pussent jouir sans peine des plus belles femmes de Rome. Tous les peuples du Levant ont la fureur de foutre en cul, quoique leurs sérails renferment des prodiges de grâce et de beauté. Les habitans de Sodome, eux mêmes, avaient des femmes qui auraient fait bander des vits en peinture, et ne s’enculaient mutuellement qu’avec plus de plaisir. Qu’on ne me vienne pas dire qu’une pluie de souffre enflammé les consuma, en punition de leur crime ; c’est une vieille fable sortie du cerveau de quelque rêve-creux, que nos calotins ont eu la finesse d’accréditer pour leur intérêt particulier. Voici le fait, tel qu’il est consigné dans les fastes de la fouterie en cul. Le grand prêtre, l’un des plus fiers bougres que la terre ait produits, voulut célébrer des lupercales, et ordonna à son cuisinier, grand amateur, de préparer un dîner somptueux, auquel il avait invité tous ses mignons, fin marmiton, jeune blondin de quinze ans, beau comme l’Amour, ayant les fesses de Ganimède, était dans un coin de la cuisine, occupé à laver la vaisselle. Le cuisinier, enflammé de luxure, bandait, comme un carme, dévorait sa proie des yeux, et se hâtait de finir son ouvrage, pour satisfaire ses brûlans desirs. Enfin, la besogne est finie ; la broche tourne à force devant un feu de verrerie allumé dans la cheminée. L’impatient bougre enfourche son Ganimède, et fait des efforts dignes d’un Hercule, pour introduire sa monstrueuse pine dans l’anus étroit du jeune homme : pendant ce temps, le feu prend au tuyau de la cheminée ; le bougre, livré sans réserve au plaisir, ne s’en apperçoit pas ; l’incendie fait des progrès rapides, et consume en peu d’heures la ville de Sodome. Qu’on me pardonne cette digression, elle était indispensable. Les exemples que j’ai déjà cités, suffiraient pour nous justifier, puisque, sans autre motif que celui de satisfaire un goût bizarre, la plupart des peuples anciens et modernes ont eu la fureur d’enculer, et que chez nous, c’est moins le goût que la nécessité qui nous y porte.

Les belles femmes sont rares à Paris, les grands cons très-nombreux, et les véroles plus nombreuses encore. Fout-on une femme d’une figure commune, le dégoût se met de la partie, et le plaisir est fort peu de chose ; trouve-t-on un con vaste, on lime une heure, on s’erreinte, et l’on finit par débander, sans décharger. Si le hasard fait rencontrer une belle femme, ce qui est très-rare, c’est, à coup sûr, une putain, et alors, la crainte de la vérole empoisonne tout le plaisir qu’on pourrait goûter à la foutre. Aucun de ces inconvéniens ne se présente chez les hommes ; passage étroit, fesses dures et blanches, complaisance infinie, tout invite à se satisfaire. On peut, il est vrai, gagner la cristalline ; mais, comme cette maladie n’est pas fort commune, le péril n’est pas effrayant.

Au reste, nous sommes de bon compte, mes confrères et moi, et je déclare, tant en leur nom qu’au mien, que nous sommes prêts à renoncer à notre inclination pour le cul, aux conditions suivantes.

Il sera fait une visite générale à toutes les putains publiques de Paris ; on enfermera à Bicêtre, jusqu’à entière guérison, toutes celles qui seront convaincues ou suspectes de vérole ; on réduira à deux pouces de diamêtre, par le moyen d’une double couture, tous les cons dont l’ouverture excédera la mesure ordinaire ; et l’on déclarera invalides, toute celles dont les deux fentes n’en faisant plus qu’une, ne sont plus bonnes à faire décharger les fouteurs. Si elles se refusent à ces moyens de conciliation, puissent-elles ne plus faire de michés ! et si le hasard leur en procure encore, puissent-elles n’être payées qu’avec des assignats.

Signé le M..... de V…,
Procureur fondé de la
Société Sodomique.