Les Petits poèmes grecs/Alcée/Vie d’Alcé
VIE D’ALCÉE.
Alcée, inventeur du vers alcaïque vécut dans
la quarante-quatrième olympiade, l’an 604
avant Jésus-Christ : il était contemporain de
Sappho et habitait l’île de Lesbos. Ses poésies
pleines d’invectives contre Pillacus, l’un des
principaux habitans de Mitylène mis par l’histoire
au nombre des sept sages de la Grèce, lui
firent un ennemi redoutable et une persécution
méritée. Il porta la peine de ses satyres, sa
verve pleine d’âcreté et son orgueil turbulent le
firent exiler. Alors il s’arma contre Mitylène ;
mais sur le champ de bataille il prit la fuite.
Tombé entre les mains de Pitlacus, il en obtint
un pardon généreux. Une seconde circonstance
nous donne un nouvel exemple de sa pusillanimité.
Combattant contre les Athéniens, il jeta
son épée et son bouclier qui gênaient, sa fuite."
Les Athéniens victorieux les suspendirent en
trophée dans le temple de Minerve. Pendant
son exil Alcée avait voyagé, il avait visité l’Egypte ;
il avait continué à s’abandonner aux
charmes de la poésie. Il avait composé des
odes, des hymnes, des épigrammes. Tour à
tour il menaçait les tyrans et les frappait de
tout le poids de sa colère :
- Alcei minaces camœnœ. (Horace.)
Tantôt il célébrait les doux jeux de Vénus et
de Cupidon, et la puissance aimable de Bacchus.
Il était poëte par les idées et par l’expression.
L’abondance et la simplicité splendide de
son vers lui faisaient souvent égaler Homère ;
Horace nous en a tracé un éloge magnifique
d’un coup de crayon :
- Et te sonantem plenius aureo
- Alcee plectro…
Ce qu’on peut traduire ainsi :
Et loi Alcée qui lires de si beaux sons de ton archet d’or.
Le dithyrambe, tantôt enthousiaste et exalté comme l’ode, tantôt amer et menaçant comme la satyre, fut le genre où il excella. Aussi le grand critique latin Quintilien a-t-il écrit sur lui les lignes suivantes :
« Dans la partie de ses œuvres où Alcée attaque les tyrans, c’est avec raison qu’il mérite qu’on lui attribue un archet d’or. Il a une grande importance comme peintre de mœurs ; son style est serré, riche et rapide. Il a de la ressemblance avec Homère, mais il a tort d’abaisser à célébrer les jeux et les amours un talent créé pour un plus noble emploi. »
Il ne nous reste d’Alcée que quelques fragmens conservés par Athénée et Suidas, et recueillis par Henry Estienne à la suite de son Pindare.