Les Pleurs/Une Fleur

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Les PleursMadame Goullet, libraire (p. 173-176).
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UNE FLEUR.

L’odeur d’une simple violette suffit pour rappeler le souvenir des jouissances de plusieurs printemps.
— RAMOND. —
Que ne parlais-tu, quand il était temps de me sauver ?
— CLÉMENT XIV ET CARLO. —

XXXIV.

Elle était belle encor ! tu me l’avais donnée ;
Tu m’avais dit : « Tiens-la, cette nuit, sur ton cœur ! »
Et puis le soir, ta main, railleuse à l’humble fleur,
Dispersa dans les airs sa cendre infortunée.

Et tu me regardais à travers le flambeau
Qui vacillait du poids de ce doux incendie ;

Et tu la suspendais sur le brûlant tombeau,
Symbole de l’ardente et folle maladie !

Je te trouvai cruel. Le rire de tes yeux
Fit rouler dans les miens des pleurs silencieux :
Car j’aimais cette fleur qui m’avait dit : « Il t’aime ! »
Et j’ai vu tout un sort dans ce rapide emblème.

Ne m’offre plus de fleur. Le faible doit prévoir.
Faible, sans la sauver, j’épouse son offense ;
Une femme, une fleur, s’effeuillent sans défense :
Tu riais d’elle… et moi je ne veux plus te voir !