Les Poètes du terroir T I/Bourgogne, Chants populaires

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Bourgogne, chants populairesLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 239-243).
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CHANTS POPULAIRES



CHANSON DE VENDANGES

Quand j’étais chez mon père
La vendange,
Garçon à marier
Vendangé.

Je n’avais rien à faire
Qu’un’ maîtresse à chercher.
 
A présent qu’j’en ai une,
All’ me fait enrager.

Aile m’envoie aux vignes,
Sans boire ni manger.

Quand je reviens des vignes
Après soleil couché,

Moi, je reste à la porte,
Je n’oserais entrer.

« — Entreras-tu, gross’ bête,
Entreras-tu souper ?

« Allons, tiens, soupe, soupe,
Moi, j’ai très bien soupe,

« J’ai mangé un’bonne poule.
Un chapon bien lardé.

« Les os sont sur la table,
Si tu veux les ronger. »

Je me mets sur mon lit,
Je me mets à pleurer.

Ell’me dit : « Pleure, pleure,
Tu pleur’ras ben d’aut’ fois.

« Tandiment qu’je suis jeune,
Moi, je veux m’amuser !

« Et quand je serai vieille
J’irai chez les curés<ref name="p.261">Cette chanson, populaire en Bourgognne, est extraite de l’<ref>. »

LES FILLES DE MONTREVEL

Ce sont les filles de Morvé[1]
Qui s’en vont s’y promener ;
Elles s’en vont s’y promener,
Tout le long du bois feuillage,
Avec trois jolis dragons
Le long d’un hermitage.

Y a son père, aussi sa mère
Qui la vont partout cherchant,
L’ont tant cherchée, qu’ils l’ont trouvée
Tout le long de ces feuillages
Avec trois jolis dragons,
Le long d’un hermitage.

Ils lui ont dit:« Petite sotte,
Veux-tu te renvenir ?
— Oh ! non, papa; oh ! non, maman,
Je suis fille décidée.
Avec trois jolis dragons
J’en veux finir ma vie. »

Si vous savez, ma bonne mère,
Comme j’en suis bien là.
L’un coupe mon pain,
L’autre tire mon vin,
L’autre qui me verse à boire,
Tout en prenant le verre en main.
Mie, voulez-vous boire ?

Quand c’est la dimanche matin.
Si vous voyez comme j’en suis bien !
L’un fait mon lit, l’autre m’habille,
L’autre chauffe ma chemise,
Et puis frise mes blonds cheveux,
À la mode jolie.

LE PETIT ROI DE SARDAIGNE

Le petit roi de Sardaigne
Est un fort bon garouillon[2] ;
Il rassembla une armée
De quatre-vingts paysans.

Ventredienne,
Gare, gare, gare,
Ran tan plan.
Gare de devant.
 
Il rassembla une armée
De quatre-vingts paysans,
Leur donna pour capitaine
Christophe de Carignan.
Ventredienne, etc.

Leur donna pour capitaine
Christophe de Carignan,
Et pour toute artillerie
Quatre canons de fer-blanc.
Ventredienne, etc.

Et pour toute artillerie,
Quatre canons de fer-blanc.
Quand ils furent sur la montagne :
— Oh ! oh ! que le monde est grand !
Ventredienne, etc.

Quand ils furent sur la montagne,
Grand Dieu ! que le monde est grand !
Faisons vite une décharge,
Et puis retournons-nous-en.
Ventredienne, etc.

Faisons vite une décharge.
Et puis retournons-nous-en.
Ils tirèrent sur la France
Tous leurs canons de fer-blanc.
Ventredienne, etc.

Ils tirèrent sur la France
Tous leurs canons de fer-blanc.

Ils s’en vinrent dans une chambre
Tapissée de matafans[3].
Ventredienne, etc.

Ils s’en vinrent dans une chambre
Tapissée de matafans ;
Ils en mangèrent chacun trente,
Et de graffes[4] tout autant.
Ventredienne, etc.

Ils en mangèrent chacun trente,
Et de graffes tout autant.
Ils dirent au roi de Sardaigne :
— Donnez-nous la clef des champs
Ventredienne, etc.

Ils dirent au roi de Sardaigne :
— Donnez-nous la clef des champs,
Nous avons mangé des graffes
Qui nous ont fait mal aux dents.
Ventredienne, etc.[5].


L’AXE DE LA LIAUDA
chanson bressane tiré d’un manuscrit
du dernier siècle
[6]

Quand la Liauda (la Claudine) va au moulin, — Elle ne va pas à pied sur le chemin. — Elle monte sur son âne, — Martin rlin tin tin, — Elle monte sur son âne, — Pour aller au moulin.

Quand le meunier l’a vue venir, — De rire il ne put se tenir. — Euh ! voilà bien ma Liauda, — Martin rlin tin tin, — Euh ! voilà bien ma Liauda — Qui amène (du blé) au moulin.

— Meunier faites moudre mon blé ; — Allez sur la pierre engrener. — Moi j’irai attacher l’âne, — Martin rlin tin tin, — Moi j’irai attacher l’âne — À l’ombre du moulin.

Du temps qu’en l’embrassant trois fois, — Le meunier fait moudre le blé, — Le loup a mangé l’âne, — Martin rlin tin tin, — Le loup a mangé l’âne — À l’ombre du moulin.

— Jai trois écus dans mon bissac ; — Prenez-en deux (laissez-m’en un) — Pour acheter un autre âne, — Martin rlin tin tin, — Pour acheter un autre âne — Qui vous mène au moulin.

Quand son mari l’a vue venir, — De pleurer il ne put se tenir. — Ce n’est pas notre âne, — Martin rlin lin tin. — Ce n’est pas notre âne — Que tu as mené au moulin.

— Ami, voici le mois d’avril, — Que les ânes noirs deviennent gris ; — Le nôtre a fait de même, — Martin rlin tin tin, — Le nôtre a fait de même — En allant au moulin.


Quau la Liaucia va u mulin,
Lie ne va n’a pié n’a cemin.
Le monte su se-n ôno,
Martin rlin lin tin.
Le monte su se-n ôno,
Per allu u mulin.

Qan lo mon-ni la vio veni.
De rire ne s’an pu leni.
— Eu ! vetià bien ma Liauda,
Martin rlin tin tin,
Eu ! vetià bin ma Liauda
Qu’amin-no un mulin.

— Mon-ni, fate modre mon blô ;
Allô so la piarr’ engrono.
Ma, z’ir attacé l’ôno,
Martin rlin tin tin.
Ma, z’ir’ attacé l’ôno
A l’ombra du mulin.

Du tan qu’an la maman tra co
Lo mon-ni fa modre lo blô
Lo le a meza l’ôno,
Martin rlin tin tin,
Lo leu a meza l’ôno,
A l’ombra du mulin.

— Z’ai tras écu dans mon bessou
D’ov’an preni (laicho-m’anyon)
Par aceto’n autr’ôno,
Martin rlin tin tin,
Per aceto’n autr’ôno.
Que vo min-n’u mulin. —

Quan se-n hômo l’a vio veni.
De ploro ne s’an pu teni.
— Çan n’è po neutro-n ôno,
Martin rlin tin tin,
Çan ne po notro-n ôno
Qu’a meno u mulin.

— Ami, vetià lo ma d’avri,
Que leus ôuo nay venion gri ;
Lo neutr’ a fait de mémo,
Martin rlin tin tin,
Lo neutr’a fait de mémo
An allan u mulin.


    ouvrage de Gabriel Vicaire, Études sur la poésie populaire, etc. ; Paris, H. Leclere, 1902.

  1. Montrevel.
  2. Guerroyeur. On prononce garouillan.
  3. Mate faim, en patois bressan.
  4. Gauffres.
  5. Les deux pièces publiées ci-dessus sont extraites des Chansons populaires de l’Ain, de Ch. Guillon (Paris, E. Monnier, 1883, in-8o.)
  6. Cf. Aimé Vingtrinier, Essai d’un Folklore lyonnais, La Bresse, Revue du Siècle, aoùt-sept. 1899.