Les Poètes du terroir T I/L. Al-Cartero

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Les Poètes du terroir du XVe au XXe siècleLibrairie Ch. Delagrave Tome premier (p. 167-169).

L. AL-CARTERO

(1861)


Marie-Louis-Léouce Lacoarret est né lors d’un séjour de sa famille à Brou (Eure-et-Loir), le 8 mars 1861. Son père, originaire d’Accous (Basses-Pyrénées), était receveur de l’enregistrement ; sa mère, née Molia, appartenait à une vieille famille salisienne de Part-Prenants (propriétaires primitifs des sources de Salies-de-Béarn). À la mort de son père, survenue six mois après sa naissance, il vint habiter la maison maternelle, à Salies-de-Bearn. C’est là qu’il passa son enfance et sa jeunesse. Par la suite, il fit ses études de médecine, prit le titre de docteur et, après un séjour à Salies en 1888, se fixa à Toulouse, dès 1892. Membre de l’Escole Gastou Febus et de diverses sociétés félibréennes, le docteur Lacoarret publia sous le pseudonyme anagrammatique de L. Al-Cartero, en avril 1901, un premier recueil de poésies actuellement épuisé : Au Peis berd, Biarn (Au Pays vert, Béarn), Toulouse, Ed. Privat, in-8o. Les pièces de cet ouvrage célèbrent les beautés du Béarn, de sa langue, de ses sites et de ses villes, et en particulier les charmes de Salies. En 1906, Al-Cartero a fait paraître un second volume, P’ou Biladye, I, Paysas (Toulouse, Ed. Privat, in-8o), sorte de « chanson des gueux, où, en un style violent et pittoresque, se trouvent exposées les plaintes, les revendications et les espérances des paysans de sa province. L’auteur nous montre dans ce livre ses compatriotes dans leur intérieur, dans leurs mœurs et leurs occupations, et conclut en les engageant à conserver leurs vertus traditionnelles et à demeurer fidèles au terroir. P’ou Biladye a obtenu une fleur aux Jeux Floraux de Clémence Isaure. Un volume en préparation, P’ou Biladye, II, Campestre, décrira les divers aspects et les travaux de la terre béarnaise : les semailles, le blé, la vigne, la fenaison, etc. Al-Cartero a collaboré aux « Reclams », bulletin de l’Escole Gastou Febus, et à Salies-Journal. On lui doit en outre la musique de plusieurs de ses poésies. L’une d’elles, Piquetalos, est très populaire en Béarn.



ORTHEZ LA FLEURIE


Orthez, comme un clairon ton nom résonne — À travers notre Béarn ! Fière de ton Passé. — Certes tu peux l’être, forte et noble Cité, — Toi qui de droit portes une double couronne, — Couronne de lauriers et couronne de fleurs !

Devant tes fossés, de ton pont orgueilleux, — Et du haut des tours du château de Moncade, — Tes hommes de guerre, adroits à l’estocade, — Virent fuir des capitaines fameux, — Qui n’osèrent pas toucher à tes murs !

Mais si tu grandis au milieu des bruits de bataille, — Debout si tu méprisas la rage des canons — Et si du Béarn tu sauvas plus de cent fois l’honneur, — Si tu récoltais de la gloire comme fruit de tes semailles, — Tu sus te faire choisir par le roi Gaston Phébus.

Sur les rives fleuries du Gave et sous tes cieux bleus — Des troubadours chantèrent doucement leurs chansons, — Chansons d’or et de soleil, chansons d’amour charmantes, — Pendant que dans les bosquets, enlacés deux à deux, — De gentils amoureux recherchaient l’obscurité.

Les portes grandes ouvertes, enguirlandée de fleurs, — Tu fis courir de loin, grâce à ta renommée — Tous ceux qui pouvaient porter le nom de savant : — Rois, évêques, seigneurs, au château de Moncade — Attirés par Gaston, en admirèrent l’éclat !

Fière tu peux l’être de ton Passé, — Tu as le droit de porter une double couronne, — Toi dont le nom, Orthez, comme un clairon résonne. — Lève toujours le front, belle et noble Cité.

(Au Peis berd [Au pays vert].)

ORTÈS LA FLOURIDA


<poem> Ortès, coum û clarou lou toù noum que resoune Capbath lou nouste Biarn ! Fière dou toù Passad Que pods esta-n aumen, horte é nouble Ciutad, Tu qui portes de dret de double couroune, Couroune de laurès e couroune de flous !

Dabant aus toùs barads, dou toù Pount ourgulhous E dou bèc de las tous dou casteth de Mouncade, Lous toùs homis de goerre, adréts à l’estoucade, Que bin hoéye espourids capitànis famous, Qui touqua-y n’ausan pas à las toues muralhes !

Mes se-t haussas au miey dou brut de las batalhes, Dréte se mespresas la rauye dou canou E se saubas dou Biarn méy de cent cops l’haunou, Glori s’en amassas coum frut de tas semialhes, Que sabous ha-t causi p’ou rey Gastou Febus !

S’ous glès flourids dou Gabe e debath touns céus blus, Troubadous que cantan tout dous las loues cantes, Cautes d’aur e de sou, cautes d’amou gay mantes, Entertant qui p’ous bosqs, o ménads dus par dus, Lous amourous béroys cerquaben l’escurade !

Lous pourtaus graus uberts, de flous engarlandade, Que hés courre de loenh, gràcis au toà renoum, Tout so qui de sabents poudè pourta lou noum : Rèys, abesques, senhous, ta-n casteth de Mouncade, Aperads per Gastou qu’en remiran l’esclat !

Fière que pods esta-n aumeu dou toù Passat ! De pourta qu’has lou dret de double couroune, Tu doun lou noum Ortès coum ù clarou resoune, Lou cap lhébé-u toustem, bère e nouble Ciutad !