Les Polonais et la commune de Paris/Chapitre 9

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IX


le 18 mars 1871. — réponse à deux articles du Journal de Posen.



Le 18 mars 1871, le Comité central fit un appel à un grand nombre de réfugiés étrangers, et se transfigura ainsi en centre de révolution européenne.

La classe des réfugiés polonais forma la pépinière des chefs d’anarchie. Sous leurs ordres étaient des hommes égarés par des sentiments ultra-républicains ou poussés par de viles passions. Beaucoup de communards étaient dignes de pitié. On les avait enrégimentés dans la garde nationale en leur accordant trente sous par jour : c’était les arracher à leur travail pour en faire des fainéants, des ivrognes et des habitués de maisons centrales. Les autres l’étaient naturellement : ils cherchaient dans une révolution le moyen de satisfaire leurs habitudes de débauche et de paresse, comme leurs chefs y cherchaient des raffinements de luxe et de jouissances.

Nous ne ferons pas l’histoire de la Commune de Paris, avec ses socialistes, ses déserteurs de l’armée, ses malandrins, ses repris de justice, ses assassins et ses faussaires de tous pays ; nous nous occuperons uniquement des Polonais qui ont pris une si large part à l’orgie démagogique du 18 mars au 26 mai 1871, et qui adhérèrent au mouvement insurrectionnel dès le 18 mars.

Nous répondrons ainsi à la fameuse lettre du comte Plater, qui a déclaré les Polonais étrangers au mouvement insurrectionnel de Paris, et aussi aux articles suivants, qui ont paru sous forme de lettres de Paris dans les colonnes du Journal de Posen, no 148, du 2 juillet 1871, et dans le no 150, du 5 juillet, du même journal.

Voici en quels termes est conçu le premier article :

« Le gouvernement réactionnaire de la France persécute les émigrés polonais pour plaire aux Moscovites. C’est pourquoi il nous incombe d’ouvrir des souscriptions publiques pour leur venir en aide. Nous devons créer des comités de protection nationale pour leur trouver des moyens d’existence. Ils veulent rentrer dans leur pays et se disposent à quitter des places avantageuses pour eux à l’étranger. Nous devons bien les recevoir, et exercer une pression sur le gouvernement pour l’obliger à accueillir en Galicie l’émigration polonaise. »

Le deuxième article va plus loin encore, et apprécie les choses de la manière suivante :

« Quelques journaux ont dit qu’il y avait 100,000 Polonais au service de la Commune ; aujourd’hui on peut reconnaître que toute la responsabilité de la guerre civile est assumée par les Parisiens. M. d’Anethan, président du ministère belge, vient de demander au gouvernement français d’instruire immédiatement l’affaire des 165 Belges arrêtés. M. Nigra a réclamé la même chose pour 60 Italiens. M. Kern pour cent et quelques Suisses, enfin l’ambassadeur de Russie exige qu’on juge 50 Russes. Les Polonais seuls sont abandonnés, on ne les réclame pas. Même les journaux polonais, au lien d’exercer une pression sur l’opinion, le pays, la Diète, pour édicter quelque loi en faveur de l’émigration polonaise et nous appeler tous en Galicie, se taisent. Ils préfèrent parler des courses, des concerts, des promenades, et ils paraissent nous renier : l’émigré blesse les yeux et les oreilles des patriotes galiciens, qui trouvent mieux de penser à leurs plaisirs qu’à l’honneur polonais souffrant innocemment à l’étranger, tandis que l’émigré soupire après le pays auquel il veut apporter, outre son cœur, ses bras pour travailler. La presse française a d’abord annoncé l’arrestation de 10,000 Polonais, elle est descendue à 700, puis à 300, — et qui sait ? — Sur ce nombre, cent seront condamnés, et les autres, détenus arbitrairement jusqu’à aujourd’hui, seront mis en liberté. Les Polonais n’ont commis d’autre mal que celui de s’être battus courageusement et inutilement pour la Commune de Paris. »

Peut-on pousser la perfidie et le cynisme aussi loin ? Eh quoi ! le gouvernement français punit les meneurs étrangers qui ont brûlé Paris et versé le sang français, et les journaux polonais disent qu’on persécute leurs compatriotes pour plaire à la Russie !

Faites vos souscriptions publiques, il n’est que temps, car la France n’aura plus l’envie de recommencer ses prodigalités en votre faveur.

Créez vos comités de protection nationale. La France, après vos sinistres équipées de 1871, se rappelle qu’elle a dépensé pour vous, pendant quarante ans, près de cent millions pour vous donner des secours. Vous, en échange de tous ces dons, des places dont on vous comblait, vous n’avez jamais cessé, comme le disait naguère M. Katkow dans la Gazette de Moscou, « d’être nuisibles à la France par vos intrigues ». Vous avez toujours abusé de l’hospitalité française. Tout en fomentant des troubles dans votre patrie lointaine, « vous n’êtes jamais restés étrangers à aucun des mouvements révolutionnaires en général et aux mouvements qui ont eu lieu en France en particulier ».

M. Thiers vous persécute ! Quelle perfidie ! Alors M. Guizot, qui a expulsé de France soixante-huit des vôtres sous le règne de Louis-Philippe, vous a également persécutés. Qu’avaient fait vos soixante-huit compatriotes ? Ils avaient pris part à l’émeute babouviste. M. Lamartine vous a aussi persécutés en faisant arrêter une cinquantaine des vôtres pour la manifestation du 15 mai. L’Empire vous persécuta, parce qu’il expulsa du territoire français les Worcell, les Wroblewski, les Victor Heltmann, les Darasz, qu’on trouva mêlés à tous les complots de l’époque ! Le régicide Berezowski est sans doute aussi un persécuté !

Faites, faites des souscriptions dans votre pays . La France se rappelle de Lamartine, qui disait de vous en 1848 : « Les Polonais se servaient des subsides de la France pour l’agiter et l’entrainer à des émeutes et à des anarchies. » Elle se souvient que le pistolet trouvé sur Berezowski avait été acheté par lui avec les trente francs que venait de lui donner la préfecture de police. (Gazette de Moscou.)

La France a vaincu la Commune, dont vous avez été les zélés collaborateurs ; elle n’a pas oublié qu’en pleine floraison de vos compères Félix Pyat, Delescluze et compagnie, il s’est trouvé des journaux français qui ont publié l’avis suivant :

« Les subsides aux Polonais, pour le mois de mars, n’ont pas été payés le 1er avril . Ceux d’entre eux qui n’ont pas combattu pendant le siège n’en ont pas moins souffert. Nous recommandons cette affaire aux citoyens Vaillant et A. Dupont. C’est là une cause digne de leur sympathie. Le bureau des réfugiés sera, dit-on, ouvert dans cinq ou six jours, et nous espérons que les fonds assignés à cet emploi leur seront loyalement affectés. »

Les citoyens Vaillant et A. Dupont ont pillé la Banque pour servir vos subsides, pour payer 100,000 fr. le concours de votre Dombrowski et 1,000 fr. par mois celui de vos petits grands hommes.

On vous persécute, et le gouvernement que vous traitez de réactionnaire a la générosité d’accorder cent bourses à l’école des Batignolles avec un secours extraordinaire de 60,000 fr. par an : vous formez avec cela des chefs d’émeutes.

Personne ne réclame vos frères, dites-vous. Ils n’ont fait de bien à personne, et c’est pourquoi on ne s’en soucie pas. La justice française, à qui est dévolue la tâche de punir les incendiaires de Paris, n’a pas besoin qu’on suspecte son esprit d’équité.

Vous déclarez que vos frères sont détenus arbitrairement, c’est ce que la justice appréciera.

En attendant, nous donnerons les noms des Polonais ayant pris la plus large part dans l’insurrection de 1871. Cette longue liste explique suffisamment pourquoi les sympathies de la France sont retirées aux Polonais. La nationalité polonaise est bien morte, et elle ne se relèvera jamais après la tache sanglante que ses indignes enfants lui ont faite.