Les Présences invisibles/25

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Librairie académique Perrin (p. 167-171).

XXV

L’INTERCESSION MUTUELLE DES VIVANTS
ET DES MORTS

L’Église a toujours enseigné que, pendant leur séjour sur cette terre, les âmes qui ont connu l’Évangile, sont appelées à faire leur choix entre le bien et le mal, entre la vie et la mort.

Quel fut ce choix ? Dieu seul le sait. Si nous pouvons, pour beaucoup d’êtres humains, les considérer avec confiance comme sauvés, nous n’avons le droit d’en condamner définitivement aucun, quelque abominable qu’il nous paraisse, car la miséricorde divine est sans limites et l’amour du Christ convie jusqu’à la dernière heure le coupable à la repentance…

Mais la pureté, la perfection que nous sommes loin d’atteindre ni même de soupçonner ici-bas, nous y parviendrons là-haut par une ascensoin plus ou moins lente, plus ou moins difficile…

Certains y sont déjà arrivés, nous affirme l’épitre aux Hébreux, parlant des esprits des justes, mais cette épître aussi nous dit à propos des croyants, des témoins dont la nuée nous environne : « Tous ceux-là, à la foi desquels il a été rendu témoignage, n’ont pas obtenu ce qui leur était promis, Dieu ayant en vue quelque chose de meilleur pour nous afin qu’ils ne parvinssent pas sans nous à la perfection. » (Héb., xi, 40.)

Quoiqu’il s’agisse ici plus particulièrement des confesseurs de l’Ancienne Alliance auxquels il ne fut pas donné de voir sur cette terre le Messie qu’ils attendaient, ce texte établit quand même très fortement la solidarité qui lie les uns aux autres les enfants de Dieu, la dépendance de l’église visible et de l’église invisible, au delà et au-dessus du gouffre de la mort.

Jésus lui-même dans la suprême prière où il parle à son Père comme notre grand prêtre et notre représentant, dit qu’il se sanctifie pour nous… car Il expiait nos péchés. De même et toutes proportions gardées, ceux qui nous ont précédés auprès de lui et qui prient sans doute pour nous, travaillent à se sanctifier pour nous, à se rapprocher de Dieu afin que leur prière soit plus efficace.

Et nous, dans ce pauvre monde, nous prions pour eux. Nous prions pour ceux que nous aimons et qui ne partageaient pas notre foi, sachant que pour eux aussi le Christ est mort et que ces âmes smcères ont pu le rencontrer sur la limite des deux mondes, qu’au moment suprême il s’est peut-être révélé à elles qui le cherchaient sans nous l’avouer, sans espérer le trouver.

Car on juge l’arbre par ses fruits, et ceux qui, sans faire profession de croire à notre Dieu, servent sa cause par leurs actes et leurs sacrifices, sont plus près de lui que les soi-disants croyants dont la conduite déshonore leur religion.

Nous prierons même pour les grands pécheurs, nous souvenant que seul le Tout-Puissant connaît le secret des cœurs et leurs intentions, leur faiblesse, leur misère, que d’après l’Évangile, Il juge tel coupable repentant moins sévèrement que tel juste orgueilleux et que le brigand crucilié arriva plus vite au paradis que le plus irréprochable des Pharisiens.

Suivant une belle parole, nous confierons l’irréparable à la miséricorde infinie. Et avec d’humbles actions de grâces, nous prierons enfin pour les âmes saintes, car il n’est pas défendu à un misérable d’offrir à un riche qu’il aime un modeste présent, et nous pouvons aussi nous sanctifier pour eux, afin d’être moins éloignés d’eux et de leur exprimer notre tendresse, notre reconnaissance, mille choses que nous ne disons qu’à eux.


QUAND LA NUIT TOMBE

Penche-toi vers mon âme alors que la nuit tombe :
Que j’entende l’appel de ton amour tandis
Que les astres errants dans les cieux agrandis
Planent, et que la lune illumine ta tombe.

Tu sais bien que parfois mon courage succombe,
Tu te souviens : console-moi comme jadis ;
Des rivages sereins de ton clair paradis,
Reviens encore à moi, comme au nid la colombe.

Mes pleurs rayonneront sous tes regards charmants ;
Ainsi les gouttes d’eau semblent des diamants,
Lorsqu’un peu de soleil sur elle luit et reste.

Je ne gémirai plus, je ne craindrai plus rien,
Dès que je sentirai la présence céleste
De ton cœur généreux qui réchauffe le mien.